ANNEXE I : AUDITION DE M. PHILIPPE DOUSTE-BLAZY, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Lors de sa réunion du 8 novembre 2006, la commission a procédé à l'audition de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2007.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a tout d'abord indiqué que les crédits du ministère, détaillés en cinq programmes répartis sur trois missions, s'établissaient pour 2007 à 4,5 milliards d'euros, soit une hausse globale de 3,8 %.

Les crédits du programme « Action extérieure de la France » augmentent de plus de 7,5 %, hors masse salariale. 50 millions supplémentaires sont affectés aux seize opérations de maintien de la paix des Nations unies et 10 millions aux autres contributions internationales. Le ministre a précisé que cette augmentation était conforme au contrat de modernisation conclu par le ministère, qui prévoyait un rebasage de ces contributions sur trois ans. Il a cependant considéré que la résolution des crises échappait à un cadre planifié et que la budgétisation de dépenses nouvelles n'était pas achevée. Un appel à contribution des Nations unies au début de l'année 2007 devrait ainsi être supérieur à 50 millions d'euros.

Rappelant la séquence budgétaire de la mise en place de la FINUL, il a précisé que le ministère de la défense avait engagé des crédits d'opérations extérieures en 2006, que le ministère des affaires étrangères financerait un appel de fonds au titre des opérations de maintien de la paix en 2007 et que les Nations unies procéderaient à des remboursements au cours de l'année 2008.

Le ministre a noté que les contributions multilatérales mobiliseraient en 2007 plus de 40 % des crédits du ministère des affaires étrangères, aide au développement incluse.

Le ministre a ensuite évoqué l'action consulaire, indiquant que, dans le cadre de l'action du Gouvernement en faveur de la maîtrise des flux migratoires, les crédits dévolus à cette action augmentaient. Il a précisé que l'introduction de la biométrie dans les visas, expérimentée au départ dans 5 consulats, serait étendue à 20 consulats supplémentaires en 2007, avant d'être généralisée en 2008. 16 millions d'euros supplémentaires étaient affectés à ce dispositif en 2007, conformément aux stipulations du contrat de modernisation. Il a rappelé que les frais de visas Schengen seraient portés de 35 à 60 euros au 1er janvier 2007.

Evoquant la politique d'asile, le ministre a souligné que les délais de traitement des demandes d'asile avaient été réduits et qu'une diminution des demandes en instance permettait une légère décrue des moyens consacrés à leur traitement.

M. Philippe Douste-Blazy a ensuite abordé les crédits du programme « rayonnement culturel et scientifique » qui s'inscrivent en hausse de 9 millions d'euros, dont 8 pour le réseau scolaire à l'étranger, avec l'objectif de donner à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger les moyens d'améliorer son offre de bourses scolaires. Il a précisé que les crédits de l'Agence mis en réserve au titre de l'année 2006 avaient été en grande partie dégelés. A partir de 2007, la subvention serait versée à un rythme mensuel, la mise en réserve légale étant ramenée de 5 % à 0,15 % du fait de la forte composante de crédits de personnels du budget de l'Agence. Il a rappelé que l'Agence poursuivait un important programme de rénovation et de construction de lycées, dont plusieurs projets en partenariat public-privé.

Le ministre a ensuite indiqué que des redéploiements avaient été opérés au profit de la francophonie et, notamment, d'un plan de relance du français en direction des nouveaux Etats membres de l'Union européenne.

Il a observé que la modernisation du réseau des établissements culturels se poursuivait en privilégiant quatre missions : l'attractivité de la France, le débat d'idées, l'ingénierie culturelle et l'enseignement. La suppression de doublons avec le réseau des Alliances françaises rendait possible des redéploiements vers la Russie et la Chine, tandis que la fusion de deux opérateurs en matière culturelle avait été réalisée au sein du nouvel opérateur CulturesFrance. De même, une clarification des missions des différents opérateurs intervenant dans l'accueil et la gestion des bourses des étudiants étrangers, dont la France est devenue le troisième pays d'accueil, est recherchée par la création de l'opérateur CampusFrance.

M. Philippe Douste-Blazy a ensuite abordé les crédits du programme « Audiovisuel extérieur », intégrés dans la mission « Médias », placée sous l'autorité du Premier ministre. Afin de favoriser le pilotage des crédits de ce programme, le Conseil audiovisuel extérieur de la France a été réactivé avec trois objectifs : l'amélioration de la capacité d'analyse et de décision stratégique, la réalisation d'arbitrages budgétaires et la promotion de la visibilité de l'action de l'Etat, notamment par l'élaboration d'un rapport annuel. Les crédits du programme sont stables, mais opèrent un rééquilibrage en faveur de TV5 pour le financement de la politique de sous-titrage de la chaîne, tandis que les économies réalisées par RFI ont permis de réduire les moyens budgétaires accordés à cet opérateur.

Abordant les crédits du programme « Solidarité avec les pays en développement », le ministre a indiqué que l'objectif de 0,5 % du produit intérieur brut consacré à l'aide publique au développement serait atteint en 2007, les crédits du programme y contribuant par une augmentation de 72 millions d'euros et par des ressources extrabudgétaires en provenance de l'Agence française de développement. Cet effort porte sur la lutte contre les grandes pandémies, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme bénéficiant en particulier d'une dotation portée à 300 millions d'euros en 2007, complétée par le produit de la contribution de solidarité sur les billets d'avion, affectée à Unitaid qui est une facilité internationale d'achat de médicaments. Les premières actions d'UNITAID ont été lancées avec l'objectif de placer 250.000 enfants sous traitement avant la fin de l'année 2007.

Le ministre a indiqué que l'aide-projet bilatérale augmenterait globalement de 50 millions d'euros en 2007, grâce à la mobilisation des ressources propres de l'Agence française de développement.

M. Philippe Douste-Blazy a enfin abordé son action de modernisation du ministère. Il a évoqué la réunion, le 25 juillet 2006, du Comité interministériel sur les moyens de l'Etat à l'étranger, dont la dernière réunion s'était tenue en 1996. Le CIMEE a approuvé une directive nationale d'orientation des ambassades et a donné des orientations pour favoriser le redéploiement progressif du réseau vers les pays émergents et la mutualisation de la gestion des moyens à l'étranger.

En conclusion, M. Philippe Douste-Blazy a estimé que les efforts consentis et négociés dans le cadre du contrat de modernisation reposaient sur un cadrage politique clair, la hausse des moyens d'intervention du ministère s'accompagnant d'une contribution légitime à la baisse des effectifs de la fonction publique de l'Etat. Il a indiqué que la masse salariale diminuait de 1, 4 %, avec la suppression de 141 postes et le transfert de 129 autres à l'Agence française de développement, mais que le ministère était assuré de conserver le fruit de ses efforts de productivité, gage essentiel de la poursuite de sa modernisation.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat », a souhaité obtenir des précisions sur les conclusions de la dernière réunion du Comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger (CIMEE). Il a souligné qu'en dépit de l'apport de 50 millions d'euros en 2007, le rebasage des opérations de maintien de la paix restait insuffisant et que cette situation risquait de nuire aux actions bilatérales du ministère.

M. Philippe Douste-Blazy a apporté les éléments de réponse suivants :

- le CIMEE a adopté le principe d'un plan d'action unique par pays et appuyé l'installation de « campus diplomatiques », regroupements de services qui sera effectif dans un premier temps à Madrid et à Djakarta. La cohérence de l'action extérieure de la France sera renforcée par la relance de l'enquête annuelle sur les moyens de l'État à l'étranger qui devrait favoriser la prise de décision sur les choix de gestion. La mise en place de services administratifs et financiers uniques (SAFU) interministériels devrait conforter le rôle de l'ambassadeur comme ordonnateur secondaire unique. Dix postes seront dotés de SAFU en 2007. La rationalisation de l'action extérieure sera poursuivie par le redéploiement de personnel des pays de l'Union européenne à quinze vers les pays émergents, selon un mouvement comparable à celui effectué par les services diplomatiques américains. Un redéploiement devrait également s'opérer pour les ministères de l'économie et des finances, de l'intérieur et de la défense. 1.500 emplois du ministère des affaires étrangères devraient ainsi être redéployés sur trois ans au profit, notamment, des effectifs consulaires en Chine. Enfin, le CIMEE a prévu la généralisation des contrats d'objectifs et de moyens avec les opérateurs de l'Etat à l'étranger ;

- le rebasage progressif des contributions aux opérations de maintien de la paix s'accompagne d'efforts pour en encadrer le montant. En dix ans, les effectifs des opérations de maintien de la paix (OMP) sont passés de 20.000 à 80.000 personnes et leur coût d'1,25 à 5 milliards de dollars. L'opération décidée par l'ONU au Soudan devrait ainsi mobiliser quelque 20.000 hommes. La croissance des effectifs va de pair avec une complexité et une diversité croissantes des missions. La contribution de la France, membre permanent du Conseil de sécurité, s'élève à 7,32 % et occupe le cinquième rang des contributeurs. Les crédits des OMP, provisionnels sous le régime de l'ordonnance de 1959, sont devenus limitatifs sous l'empire de la LOLF. Depuis 2004, des apports ont été nécessaires en loi de finances rectificative et les 50 millions d'euros supplémentaires que comporte le projet de loi de finances pour 2007 ne seront vraisemblablement pas suffisants, compte tenu du renforcement de la FINUL et de l'opération prévue au Soudan. Le rebasage devra donc être poursuivi. Parallèlement, la France s'efforce de mieux contrôler les OMP, selon deux axes : le renforcement du dialogue préalable au niveau interministériel et au niveau international et la participation d'inspecteurs français au corps d'inspection de l'ONU. Des contrôles a posteriori et des audits des opérations de maintien de la paix sont régulièrement réalisés.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis des crédits de l'action culturelle extérieure, a souligné la difficulté qui s'attache à l'étude de l'action culturelle, dont les crédits sont répartis sur deux missions, selon que le pays destinataire est considéré comme développé ou non par la classification de l'OCDE. Elle a souhaité savoir si l'homogénéité de cette politique publique pourrait un jour être retrouvée.

Elle a relevé que la totalité de l'augmentation des crédits du programme 185 était absorbée par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui restait cependant une structure fragile. Elle s'est interrogée sur la proportion des crédits de l'Agence mis en réserve ayant bénéficié d'un dégel, et sur la position du ministère des affaires étrangères quant au transfert, par l'Assemblée nationale, des crédits destinés aux bourses des élèves français du programme 185 au programme 151.

Elle a considéré qu'un jugement sur la mise en place de l'opérateur CulturesFrance était prématuré, mais que la mise en place de CampusFrance, annoncée en juin 2006, nécessitait le règlement de la question du statut juridique de cet opérateur. L'intégration dans cette structure des services internationaux du CNOUS était indispensable à sa cohérence.

Evoquant l'accueil des étudiants étrangers, elle a souligné la baisse du nombre de visas, singulièrement pour les régions du Maghreb et du Proche et Moyen-Orient, qui fournissent actuellement le tiers de l'effectif des doctorants en sciences physiques et en mathématiques. Cette baisse se conjugue à celle des crédits consacrés à l'enseignement supérieur et de la recherche au service du développement, qui ont diminué de 30 % en deux ans.

Elle a douté de la possibilité de réels arbitrages budgétaires au sein de la mission « Médias », s'étonnant de ce que le contrat de France 24 prévoie une augmentation de 4 % par an, pendant quatre ans, de ces crédits, semblant s'affranchir ainsi de l'autorisation parlementaire. Elle a noté que l'augmentation des crédits de TV5 ne permettrait pas de réaliser le plan d'orientation stratégique de la chaîne, et que RFI, ayant retrouvé des marges de manoeuvre budgétaires grâce à une négociation réussie, s'était vue privée des fruits de cet économie, ce qui ne soutient pas l'opérateur dans son effort de modernisation.

Abordant les crédits du programme « Français à l'étranger », elle a observé que la diminution du nombre d'agents coïncidait avec l'accroissement des charges que représente la mise en place des visas biométriques et du contrôle de la validité des mariages. Elle a évoqué les postes supplémentaires annoncés par le garde des sceaux pour cette dernière mission, lors du récent examen en séance publique du projet de loi sur la validité des mariages. Elle s'est interrogée sur le point de savoir si le remplacement de recrutés locaux, dans les consulats, par des personnels détachés du ministère de l'intérieur avait été évalué sur le plan budgétaire et social.

Evoquant l'augmentation du prix des visas Schengen, elle a indiqué que la dotation prévue dans le fonds de concours ne semblait pas refléter cette évolution.

Les crédits destinés aux services publics à l'étranger s'inscrivant en baisse, elle a considéré que la fonction de contrôle des migrations prenait le pas sur l'action en direction des communautés françaises.

En réponse à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, le ministre a apporté les éléments d'information suivants :

- 8 millions d'euros sur 16 millions ont bénéficié d'un dégel au profit de l'AEFE. Des fonds additionnels provenant de partenaires privés peuvent également être trouvés comme dans le cadre du mécénat pour CulturesFrance. Cela explique que la différenciation entre pays développés et pays en développement dont les problématiques sont spécifiques en termes de soutien financier, de types d'action, de capacités de financement ;

- s'agissant des bourses pour les élèves français à l'étranger, le Gouvernement a donné son accord à leur transfert, opéré par l'Assemblée nationale, vers le programme 151 ;

- l'architecture budgétaire de l'action culturelle extérieure ne pose pas de problème de « pilotage » au ministère, les objectifs de cette politique étant très divers, selon les niveaux de développement des pays destinataires. Rien n'empêcherait cependant, pour le projet de budget pour 2008, d'y apporter des modifications ;

- le nombre de visas accordés aux étudiants étrangers désireux de poursuivre leurs études en France est passé de 46.360 en 2000 à 66.200 en 2005. Certes, un point haut a été atteint en 2002, et le nombre de ces bourses a, depuis cette date, légèrement diminué ; il convient d'améliorer l'attractivité des universités françaises grâce à CampusFrance qui devrait être érigé en EPIC (établissement public industriel et commercial) si possible d'ici aux élections présidentielles. Outre EduFrance et EGIDE, CampusFrance pourrait également, dans une logique de cohérence, rassembler les services internationaux du CNOUS, sous réserve de l'accord du ministère de l'éducation nationale ;

- le budget de la chaîne d'information française internationale France 24 est voté par le Parlement, qui exerce donc son contrôle sur son montant. Cette chaîne ne constitue pas une concurrence à TV5. Celle-ci est la chaîne de la francophonie alors que France 24 a pour objet de promouvoir la place de la France dans le monde, y compris en recourant aux langues étrangères. BBC World vient, pour sa part, d'instaurer une diffusion de certains de ses programmes en arabe, et la chaîne du Qatar, Al Jezira, prévoit une prochaine diffusion en anglais. Ces éléments soulignent la nécessité de la création de France 24 et de son extension rapide, après l'anglais, à des diffusions en arabe et en espagnol ;

- la mission interministérielle « Medias » est, en effet, hétérogène ; il conviendra donc d'améliorer la rationalité de son architecture budgétaire pour dégager une cohérence recouvrant spécifiquement l'audiovisuel extérieur ;

- la publication récente du rapport du député Jérôme Chartier sur les réseaux consulaires et les agents des services des visas a conduit à la création d'une mission, confiée à un ambassadeur et à un préfet, chargée d'étudier en particulier les possibilités d'échanges de personnel avec le ministère de l'intérieur ;

- les crédits d'investissement du projet de budget pour 2007 permettront d'engager des travaux de rénovation dans plusieurs consulats, liés à la mise en place des visas biométriques. En revanche, aucun emploi d'agent consulaire dédié aux Français établis à l'étranger (programme 151) ne sera transféré aux services de visas, ceux-ci bénéficiant de redéploiements d'agents issus de consulats implantés dans des pays de l'Union européenne.

M. Robert Del Picchia a relevé que les problèmes posés par certains agents consulaires des services de visas recrutés localement provenaient moins de tentatives de corruption que de pressions exercées sur eux par leurs proches désireux d'obtenir des visas, ce qui justifiait une « rotation » plus rapide de ces personnels. Il a regretté que le fonds de roulement de l'AEFE fasse systématiquement l'objet de prélèvement de la part du ministère des finances. A cet égard, la nouvelle modalité de versement de la subvention mise en place par le ministère au profit de l'agence constituait un progrès. Il a estimé que la création de France 24 était une excellente initiative, qui justifiait d'ailleurs que des crédits substantiels lui soient accordés. Il s'est ensuite enquis du projet de nouveau lycée français de Pékin, auquel les parents d'élèves étaient très attentifs. Il a enfin souligné les échos positifs recueillis à l'étranger à propos de la création d'UNITAID.

M. Jacques Pelletier a salué le respect du « tableau de bord » fixé par le Président de la République pour ce qui est de la croissance des crédits destinés à l'aide publique au développement. Evoquant l'importante part prise par les annulations de dettes dans l'ensemble de cette aide, il s'est inquiété de la capacité de notre pays à relayer ces annulations, à l'avenir, par des aides bilatérales. Il s'est ensuite enquis du contrôle exercé sur la gestion du Fonds mondial pour le sida auquel la France est le premier contributeur.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a apporté les éléments de réponse suivants :

- une réflexion est en cours, dans le cadre de l'audit de modernisation du ministère des affaires étrangères, sur l'organisation et le fonctionnement des services de visas, qui porte notamment sur l'identification des fonctions qui leur sont confiées. L'objectif est de rééquilibrer les effectifs au profit d'agents titulaires dans la limite des moyens budgétaires disponibles ;

- des discussions sont en cours avec les autorités chinoises sur la nouvelle construction du lycée français à Pékin qui est une nécessité. Il s'agit d'une concertation plus générale qui porte également sur l'emplacement de la nouvelle chancellerie française ;

- les crédits accordés au Fonds mondial pour le sida font l'objet d'un contrôle sérieux par les pays donateurs et leur utilisation est conforme à l'objectif de cet organisme. Cependant, on assiste de plus en plus, dans le cadre de ces organismes multilatéraux, à l'émergence d'une solidarité entre pays du Sud, au demeurant tout à fait légitime, mais qui doit conduire à une réflexion sur les actions à venir au sein de ces organismes.

M. Jean François-Poncet, président, a souhaité recueillir les premières réactions du ministre sur le changement politique qui vient d'intervenir aux Etats-Unis, avec l'émergence d'une majorité démocrate à la Chambre des représentants et, peut-être, au Sénat. Il est patent que la politique étrangère, et particulièrement la situation en Irak, a constitué un sujet central de la récente campagne. Quels changements pourraient en résulter ? Doit-on redouter une paralysie de la politique étrangère américaine ? Quels sont les attentes de la diplomatie française en ce domaine ?

Le ministre a apporté les précisions suivantes :

- la nette victoire des démocrates leur assure le contrôle de la Chambre des Représentants et, peut-être aussi, du Sénat. Deux thèmes principaux auront été au centre de la campagne : la déception des classes moyennes touchées par les inégalités sociales et, pour la première fois avec une telle ampleur, la politique étrangère et, singulièrement, l'Irak. Autant les démocrates n'avaient pu faire la différence sur ce sujet, lors des dernières élections présidentielles en 2004, autant cette campagne les a amenés à dénoncer les erreurs de l'exécutif dans la conduite de la guerre en Irak. Sur cette question, désormais, seul un tiers de l'opinion publique soutient le président américain ;

- l'Irak est en guerre civile et quatre luttes de pouvoir s'y livrent désormais : celle, « traditionnelle », qui oppose des « occupants » à des « occupés », celle entre communautés chiite et sunnite, celle entre Kurdes et Arabes, enfin celle qui sévit à l'intérieur même des communautés notamment chiites. Le départ rapide des troupes américaines, comme leur maintien sans calendrier de retrait, devrait poser de graves problèmes. C'est pourquoi le Président de la République, M. Jacques Chirac, a préconisé l'établissement d'un calendrier de retrait permettant, en particulier, de transférer progressivement au gouvernement irakien la souveraineté en matière de sécurité, de justice et de police.

M. Jean-Pierre Plancade a souligné que l'intervention légitime de la communauté internationale en Afghanistan était pénalisée par l'engagement militaire des Etats-Unis et du Royaume-Uni en Irak, et a souhaité connaître la position du ministre sur la situation de plus en plus difficile de ce pays. Il s'est ensuite inquiété de la situation dramatique au Darfour.

M. Jacques Pelletier a souhaité connaître l'appréciation du ministre sur la situation en Côte d'Ivoire. Il a rappelé que le mandat du Président Laurent Gbagbo vient d'être prolongé d'un an et s'est interrogé sur les réelles capacités du premier ministre à engager le processus électoral.

M. Charles Pasqua a évoqué les tensions croissantes entre les communautés chrétienne et chiite du Liban. Il a estimé que le remaniement gouvernemental envisagé dans ce pays n'était pas de nature à prévenir une éventuelle reprise de la guerre civile.

M. Robert Bret a évoqué des propos récemment tenus par le ministre sur le mur de séparation entre Israël et les Territoires palestiniens, justifiant la construction de cet ouvrage dans la mesure où il avait permis une réduction de 80 % des attentats. Cette déclaration ne serait-elle pas en contradiction avec la décision du 9 juillet 2004 de la Cour internationale de justice réclamant la démolition du mur et l'indemnisation des Palestiniens que sa construction avait lésés. Ne s'agirait-il pas d'un tournant de la politique française ? Puis il a souhaité savoir quelle réponse le gouvernement français entendait apporter au récent appel du président palestinien Mahmoud Abbas en faveur d'une action de la communauté internationale pour arrêter les agressions israéliennes qui font surtout des victimes civiles.

M. André Dulait a souhaité avoir des informations sur le sort des infirmières bulgares, actuellement jugées en Libye pour le rôle que leur imputent les autorités de Tripoli dans l'inoculation du virus du sida à des enfants libyens.

Mme Hélène Luc a souhaité recueillir le sentiment du ministre sur le rôle de la France en Afghanistan.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a apporté les informations suivantes :

- la situation très préoccupante de l'Afghanistan ne peut être résolue uniquement par l'accroissement des effectifs militaires. Les obstacles proviennent notamment du trafic omniprésent de la drogue et de la difficulté à instaurer l'Etat de droit dans ce pays. La France, qui a envoyé 1.100 soldats dans la zone de Kaboul, dans le cadre de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS), prévoit de réduire ses effectifs de 200 hommes dans les mois à venir. Les deux priorités de notre pays concernent la nécessaire formation de l'armée afghane et l'amélioration de l'efficacité du nouvel Etat ;

- le Darfour représente la plus grave des crises africaines, car elle comporte trois risques : le risque humanitaire, le risque politique d'une éventuelle partition du pays qu'entraînerait l'échec de l'accord de paix récemment conclu entre le Nord et le Sud Soudan, le risque régional enfin, puisque cette crise affecte aussi le Tchad et la République centrafricaine. La résolution 1706 du Conseil de sécurité des Nations unies, prévoyant le déploiement d'une force de l'ONU en relais de la force africaine, a été rejetée par le Président soudanais. Dans cette perspective, le ministre va entreprendre, à partir du 11 novembre, un déplacement en Egypte, puis à Khartoum et au Darfour. Des propositions seront faites pour, d'une part, renforcer la force africaine (AMIS) en lui procurant les équipements et le soutien dont elle a besoin et, d'autre part, prévoir le déploiement de forces à la frontière du Soudan et du Tchad et à celle du Soudan et de la République centrafricaine, ce qui suppose l'accord du Président soudanais Omar El Bechir. Il importe enfin de relancer les négociations politiques pour compléter l'accord d'Abuja qu'un seul groupe rebelle a signé à ce jour ;

- le Conseil de sécurité des Nations unies a récemment voté la résolution 1721 sur la Côte d'Ivoire qui accorde au Premier ministre Charle Konan Banny les moyens nécessaires à la conduite du processus électoral. Aucune disposition juridique nationale ne saurait faire obstacle à la démarche engagée par le Premier ministre qui pourra recourir aux décrets-lois ou aux ordonnances, soit en conseil des ministres, soit en conseil de gouvernement. La résolution permet de donner toutes ses chances au processus qui implique le désarmement des milices et l'établissement de listes électorales. L'objectif est de retrouver l'unité de la Côte d'Ivoire et de permettre à l'administration nationale de se déployer sur l'ensemble du pays ;

- au Liban, la première phase de mise en oeuvre de la FINUL s'est bien passée : l'armée libanaise et la FINUL ont pu se déployer dans le Sud du pays de même que la composante navale de la FINUL est désormais opérationnelle, sous commandement allemand. En revanche, les survols israéliens du Liban Sud sont source de grave préoccupation. Ainsi, lorsque des appareils israéliens ont récemment « piqué » sur des soldats français de la FINUL, c'est un miracle que rien de grave ne se soit produit, car cela aurait pu entraîner une riposte de la part des éléments français. Un avertissement doit être adressé aux Israéliens afin que de tels agissements ne se reproduisent pas. Enfin, la surveillance de l'embargo sur les armes, à la frontière syro-libanaise, doit être renforcée ;

- à l'initiative du Président du parlement libanais, M. Nabih Berri, des concertations sont engagées entre toutes les forces politiques libanaises en vue de la constitution d'un gouvernement d'union nationale, où l'opposition réclame une minorité de blocage, ce qui conduirait à une impasse. La communauté internationale doit soutenir le gouvernement de M. Fouad Siniora, d'autant plus que le futur tribunal international pour le Liban, actuellement à l'étude au sein du Conseil de sécurité de l'ONU et destiné à juger les auteurs des assassinats de nombreuses personnalités libanaises, dont l'ancien premier ministre Rafic Hariri, ne pourra être instauré qu'avec l'accord du gouvernement libanais ;

- la France a été et reste hostile à l'édification du mur de séparation en Israël, parce que son tracé divise de nombreuses communautés palestiniennes et préempte les résultats d'un éventuel accord de paix. Il faut cependant prendre acte que cette construction a permis de réduire le nombre des attentats commis en Israël, élément qui doit être pris en compte dans toute réflexion sur le droit légitime d'Israël à la sécurité.

La France n'en condamne pas moins la récente offensive israélienne dans la Bande de Gaza. Le droit d'Israël à la sécurité doit s'inscrire dans le cadre du droit international humanitaire. Or l'action militaire israélienne a fait plus de 80 victimes civiles. La France condamne tout autant les tirs de roquettes visant le territoire israélien et les récents appels à la reprise des attentats suicides. L'appel du président Abbas à une réunion rapide du Conseil de sécurité de l'ONU est soutenu par la France et la Conférence internationale souhaitée par le président Chirac apparaît plus que jamais comme une nécessité ;

- le sort des infirmières bulgares et du médecin palestinien jugés par les tribunaux libyens sera fixé le 19 décembre prochain. Chacun ne peut qu'espérer leur prochain retour dans leur pays.

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