B. DE NÉCESSAIRES AJUSTEMENTS

1. La rétribution des avocats au titre de l'aide juridictionnelle : une simple indemnisation et non une juste rémunération

La majorité des frais de l'instance pris en charge au titre de l'aide juridictionnelle est prévue par un tarif, à l'exception des enquêtes et des expertises en matière d'autorité parentale. En 2005, la dépense moyenne par mission achevée peut être estimée à 373 euros.

Le montant de la rétribution des missions accomplies au titre de l'aide juridictionnelle par la profession d'avocat constitue un enjeu économique déterminant dans la plupart des barreaux français. En effet, ces missions sont la principale source de revenus de nombreux avocats de barreaux de province, en particulier les moins expérimentés.

Les sommes allouées aux barreaux par l'intermédiaire des CARPA, en progression constante (+ 65 % entre 2000 et 2005) représentent la part la plus substantielle de la dotation budgétaire (80 % en 2005, soit 235 millions d'euros). Pourtant, les modalités de rétribution ne donnent pas satisfaction. Calculée sur la base d'un forfait pour chaque type de procédure obtenu à partir d'un coefficient d'unités de valeurs - une unité de valeur (UV) de référence correspondant à 20,84 euros depuis 2004- la rétribution, fixe, ne prend en compte ni la difficulté des affaires, ni la qualité de la prestation fournie. Les professionnels supportent donc largement la charge de l'aide juridictionnelle sans contrepartie financière, certains étant même réduits à travailler « à perte » .

La revalorisation de la rétribution des avocats constituait un objectif prioritaire de la loi de programmation quinquennale pour la justice de septembre 2002. Depuis lors, le ministère de la justice n'a cessé d'affirmer sa volonté d'améliorer le dispositif existant 115 ( * ) .

Plusieurs initiatives ont été prises en ce sens :

- une réévaluation des barèmes est tout d'abord intervenue en septembre 2003 (décret n° 2003-853 du 5 septembre 2003), permettant une majoration du nombre d'UV pour quinze procédures particulières 116 ( * ) n'ayant pas bénéficié des revalorisations prévues dans le cadre du protocole d'accord du 18 décembre 2000 117 ( * ) . Cette réforme a représenté un coût pour l'Etat de 11,3 millions d'euros en année pleine ;

- un relèvement du montant de l'UV de 2 % est entré en vigueur le 1 er janvier 2004. Cette mesure a représenté un coût pour l'Etat en année pleine de 4,5 millions d'euros ;

- la mise en place de protocoles d'amélioration de la défense des justiciables qui permettent une majoration de la dotation au titre de l'aide juridictionnelle ( 20 % maximum ) versée aux barreaux qui se sont engagés auprès des juridictions à remplir des objectifs assortis de procédures d'évaluation visant à assurer une meilleure organisation de la défense. 39 protocoles ont été conclus pour une durée de trois ans, dont six ont pris effet en 2006. La dépense induite par ce dispositif en 2005 s'est élevée à 5,3 millions d'euros. En 2007, elle devrait atteindre un montant de 6,4 millions d'euros, soit 158.000 euros par protocole.

La profession d'avocat a donc été la principale bénéficiaire de la progression des crédits d'aide juridictionnelle. En effet, comme l'a indiqué le ministère de la justice, « les dotations versées aux CARPA ont cru de 47 % [...] entre 2000 et 2003, tandis que les admissions n'ont progressé que de 8,2 %. Cette augmentation s'est confirmée au cours des années suivantes, les dotations passant de 211 millions d'euros en 2004 à 235 millions d'euros en 2005 alors que le nombre d'admissions n'a progressé que de 6,6 % entre ces deux années. ».

Le I de l'article 49 rattaché du présent projet de budget prévoit une nouvelle avancée en faveur de la profession d'avocat en revalorisant de 6 % le montant de l'UV pour le porter à 22,09 euros (+1,25 euros).

Pour autant, les représentants de la profession d'avocat au cours de leur audition (Conseil national des barreaux, barreau de Paris et conférence des bâtonniers) ont souligné l'insuffisance de l'effort consenti, rappelant que lors de l'assemblée générale extraordinaire du Conseil national des Barreaux tenue à Nice en octobre 2002, le garde des sceaux de l'époque M. Dominique Perben, s'était engagé, sous réserve d'obtenir l'aval du ministère de l'économie et des finances, à revaloriser le montant de l'UV de 5 % par an (soit 15 % entre 2004 et 2007). L'augmentation de l'UV obtenue depuis 2002 (+ 8 %) est donc loin de correspondre à la progression attendue par les professionnels . De nombreux barreaux ont adopté des motions pour protester contre l'écart ainsi constaté.

En outre, s'ajoute à cette déception l'absence d'indemnisation de nombreuses missions au titre de l'aide juridictionnelle (débat sur la prolongation de la détention, assistance devant le délégué du procureur, audience devant la chambre de l'instruction pendant la durée de l'instruction).

Ainsi, la situation des avocats dépendant de l'aide juridictionnelle n'a pas connu d'amélioration significative comme en ont témoigné unanimement auprès de votre rapporteur pour avis les représentants de la profession . Comme l'a reconnu le garde des sceaux au cours de son audition du 21 novembre dernier, le nombre croissant de bénéficiaires a pour conséquence une rémunération insuffisante des avocats.

Il paraît primordial de garantir les droits de la défense quelle que soit la procédure engagée et d'assurer à tous les justiciables une égale qualité du service qui leur sera proposé . Il serait préjudiciable au bon fonctionnement de la justice de décourager une profession qui joue un rôle essentiel dans l'accès des plus démunis à la justice de notre pays. Il convient de redonner aux avocats des raisons légitimes d'adhérer encore au dispositif de l'aide juridictionnelle, à défaut une paralysie du fonctionnement de l'institution judiciaire est à craindre.

Telle est la raison pour laquelle votre commission des lois, vous propose deux amendements pour accentuer l'effort de l'Etat en faveur des avocats qui assurent des missions au titre de l'aide juridictionnelle .

Le montant de l'unité de valeur serait augmenté de 2 points pour atteindre 22,50 euros (article 49 rattaché à la mission Justice) et le budget alloué au programme accès au droit et à la justice serait abondé en conséquence (+ 5,7 millions d'euros) par des transferts de dotations des programmes justice judiciaire (dépenses immobilières à hauteur de 3,7 millions d'euros), d'une part, et conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés (crédits informatiques hors grands projets à hauteur de 2 millions d'euros), d'autre part, (article 34 du présent projet de loi de finances) 118 ( * ) .

* 115 Journal Officiel - Assemblée nationale - Questions écrites - Réponse à une question de M. Jean-Marc Roubaud - page 11125 : « La revalorisation de la rétribution des avocats prêtant leur concours au titre de l'aide juridictionnelle a constitué une priorité de la législature ».

* 116 Instance au fond devant le tribunal de grande instance ou le tribunal de commerce (de 20 à 26 UV), autres juridictions au fond (de 14 à 16 UV), assistance de la partie civile (de 24 à 35 UV), assistance d'un accusé devant la cour d'assises majeurs ou mineurs, tribunal pour enfants statuant en matière criminelle (40 à 50 UV)...

* 117 A la suite d'un vaste mouvement de protestation émanant de l'ensemble de la profession d'avocat, un protocole d'accord avait été conclu qui comprenait notamment une revalorisation du barème des procédures concernant 7 domaines contentieux particulièrement importants (divorce et autres instances devant le juge aux affaires familiales, assistance éducative, reconduite à la frontière, baux d'habitation, difficultés d'exécution devant le juge de l'exécution, contentieux prud'homal, procédure correctionnelle de première instance) (décret du 17 janvier 2001). Ces mesures, à l'époque, ont représenté un coût pour l'Etat de 56 millions d'euros.

* 118 Voir amendements joints en annexe.

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