2. L'application du dispositif

S'il a été d'une remarquable efficacité contre le « phénomène pit-bull », le dispositif de lutte contre les chiens dangereux n'a, en revanche, pas réussi à réduire le nombre de ces animaux et a, par ailleurs, produit un certain nombre d'effets pervers.

a) La lutte contre le « phénomène pit-bull »

L'application de la loi du 6 janvier 1999 a très rapidement fait régresser les nouvelles formes de délinquance fondées sur l'utilisation de chiens pour exercer des violences ou des activités de trafic ou de racket.

Ce résultat a été la conséquence, comme le met en évidence le rapport précité de la mission d'enquête administrative de 2001, de la mise en oeuvre des contrôles autorisés par la nouvelle loi.

En effet, comme le relève la mission, l'intervention de la loi du 6 janvier 1999 « a présenté d'incontestables avantages pour les forces de police et de gendarmerie » en leur ouvrant de nouvelles possibilités de contrôle.

« La détention d'un chien semblant appartenir à l'une ou l'autre des catégories a pu servir de « points d'entrée » aux contrôles et donc, servir la lutte contre la délinquance. La superposition entre zones de détention des chiens dangereux les zones de délinquance est avérée ; la détention d'un chien dangereux accompagne souvent d'autres activités délinquantes allant de l'incivilité aux violences en passant par le trafic de stupéfiants. La nouvelle loi confère une base légale aux contrôles opérés par les policiers et leur permet de constater un large éventail d'infractions cumulables . »

Il semble que cet avantage ait été aussi très rapidement perçu par les contrôlés, qui en ont tiré les conséquences en évitant de donner trop facilement prise à ces contrôles, ce qui a conduit à une diminution radicale de la « présence » des pit-bulls sur la voie publique.

Le rapport de décembre 2006 du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et du ministère de l'agriculture et de la pêche sur la portée de la loi concernant les chiens dangereux fait également état d'une baisse importante des infractions imputables aux chiens dangereux.

Cependant, comme le rapport indique également que le dispositif de recueil statistique mis en place au début de l'année 2000 n'a pas été maintenu à la fin de l'année 2002, en raison de la nette décrue du phénomène des chiens dangereux constatée au terme des deux premières années d'application de la loi, on peut avoir quelque scepticisme à l'égard de la fiabilité des chiffres avancés (plus de 23.000 infractions en 2000, 3.500 en 2004).

Il reste, et c'est le plus important, que tous les élus ont pu constater sur le terrain la quasi-disparition de cette forme de délinquance et du sentiment accru d'insécurité qui en résultait dans certains quartiers.

b) L'introuvable réduction du nombre de chiens dangereux

En dehors même de l'extinction des chiens de première catégorie, l'un des objectifs de la loi de 1999 était de contenir le développement de la population de chiens présumés dangereux. Sur ce point, cependant, bien que l'incertitude des chiffres doive inciter à la plus grande prudence, certains indices laissent au contraire à penser que la réalité de la situation évolue plutôt dans le sens d'une augmentation du nombre des chiens « dangereux ».

Au moment de la discussion de la loi de 1999, les estimations relatives au nombre de chiens susceptibles d'être dangereux variaient, comme le relève le rapport de la mission d'enquête, dans une fourchette de 1 à 100, de 4.000 à 400.000.

Le rapport de décembre 2006 fait état quant à lui d'une évaluation des services du ministère de l'agriculture de l'ordre de 600.000 chiens de première et deuxième catégories.

Les statistiques 2006/2007, provenant de la même source, qui ont été communiquées à votre rapporteur pour avis, décomposent quant à elles de la façon suivante la population canine, estimée au total à 8.080.000 animaux :

- 270.000 chiens de première catégorie,

- 410.000 chiens de deuxième catégorie ;

- 7.400.000 chiens hors catégories.

Pour autant que l'on puisse ajouter foi à ces différentes estimations, elles ne semblent donc pas permettre de conclure à une baisse de la population de chiens « dangereux ».

En ce qui concerne les chiens de première catégorie, elles corroboreraient plutôt le jugement lapidaire, et que pour sa part votre rapporteur pour avis estime fondé, de la mission d'enquête, qui relevait que l'on pouvait considérer que « l'éradication des pit-bulls dans un délai de 10 ans risque de demeurer utopique (parce que la population ne peut être ni évaluée ni suivie et parce que d'autres chiens ou animaux actuellement non « classés » peuvent apparaître ) ».

Pour les chiens de deuxième catégorie, le rapport de décembre 2006 relève que le niveau annuel des déclarations se maintient à un seuil élevé depuis 2001 (plus de 1.000 déclarations par an en moyenne) et fait état par ailleurs des observations de la Société Centrale Canine, qui a noté une forte augmentation de l'effectif des chiots pour certaines races concernées par la loi.

c) Les difficultés d'application de la loi

Les difficultés constatées dans l'application de la loi, que celles-ci tiennent aux imperfections techniques du dispositif ou à l'insuffisante coordination des intervenants, conduisent aussi à s'interroger sur l'efficacité du dispositif.

* Le nombre des déclarations reste faible : elles auraient représenté au premier octobre 2006, selon des chiffres qui n'ont apparemment pas été mis à jour depuis, des effectifs totaux de l'ordre de 16.800 (16.758) pour la première catégorie et 116.600 (116.583) pour la deuxième. Il semble donc que la responsabilisation des propriétaires soit restée limitée et que la très grande majorité des chiens de première et deuxième catégories ne soient ni recensés ni contrôlés.

* La loi a également échoué à assurer de manière fiable le classement des animaux , qui est pourtant l'élément central du dispositif : la détermination du type ou de la race du chien est en effet impossible au moment de sa déclaration en mairie, le classement étant alors effectué sur le fondement de la déclaration du détenteur ou des indications portées sur la carte d'identification, ce qui est une source d'erreurs importante -que ces erreurs procèdent ou non d'une intention frauduleuse. La détermination du type du chien n'est pour des raisons évidentes pas plus facile lors des contrôles sur la voie publique : comme le relève le rapport de décembre 2006, « même avec une formation adaptée, il est inconcevable de faire de chaque policier un spécialiste de l'identification des races ».

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