2. Actualiser la loi Toubon

Une proposition de loi d'origine sénatoriale vise à compléter la loi du 4 août 1994 dite loi Toubon, relative à l'emploi de la langue française.

La loi Toubon a jusqu'ici fait preuve de son efficacité dans plusieurs domaines.

S'agissant des obligations d'information en français du consommateur, votre rapporteur pour avis souligne le rôle actif de direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). En 2006, les services de DGCCRF ont ainsi transmis aux parquets 131 actes de procédures constatant des infractions à la loi du 4 août 1994, avec une priorité accordée à la vérification des produits ayant une incidence sur la sécurité et la santé des consommateurs.

Les contrôles font l'objet, depuis quelques années, d'un débat entre les autorités françaises et les autorités européennes qui porte sur la conciliation entre la libre circulation des marchandises au sein de l'Union, et les atteintes qui porteraient à ce sacro-saint principe, le droit des consommateurs à être informés dans leur langue.

Votre rapporteur pour avis avait estimé acceptable à titre transitoire la solution de compromis qui consistait à ne pas remettre en cause l'article 2 de la loi Toubon, et à n'en suspendre l'effet que dans les cas où il contreviendrait aux directives européennes. Il invite cependant le Gouvernement français à se rapprocher des autres États membres et en particulier des nouveaux États, qui partagent souvent notre façon de voir, pour faire évoluer dans un sens positif les instances européennes, tout en rappelant notre attachement au caractère intangible du principe posé par la loi. Il rappelle que le récent drame de l'hôpital d'Épinal, dans lequel plus de 4900 patients traités par radiothérapie dans cet établissement ont reçu des surdoses, serait notamment dû à l'absence de traduction directe des notices de l'appareillage 3 ( * ) . Il est clair que la défense de la langue française est ici une simple application d'une mesure de précaution qui doit imposer que les notices d'utilisation des appareils soient claires et complètes, et au minimum traduites dans la langue de ses utilisateurs.

Dans le domaine du droit du travail, l'article 9-II de la loi du 4 août 1994, qui a modifié l'article L. 122-39-1 du code du travail, pose un principe général en énonçant que « tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissances est nécessaire à celui-ci pour l'exécution de son travail doit être rédigé en français ». Ainsi le 27 avril 2007, le tribunal de grande instance de Nanterre a-t-il condamné la société « Europ Assistance France » à mettre à la disposition de ses salariés une version française de deux logiciels et d'une base de données, sous astreinte de 5 000 euros par document et par jour de retard.

La jurisprudence a eu tendance à interpréter les dispositions de la loi en faveur de la protection du français et des salariés. Toutefois, l'exception selon laquelle les dispositions de l'article 9 « ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger ou destinés à des personnes de nationalité étrangère, en particulier les documents liés à l'activité internationale d'une entreprise » peut être source d'ambigüité. C'est la raison pour laquelle votre rapporteur pour avis estime urgente l'adoption par l'Assemblée nationale de la proposition de loi de M. Philippe Marini qui tend notamment à restreindre le champ de l'exception en prévoyant que « les dispositions [de l'article 9] ne sont pas applicables aux documents destinés à des étrangers ni aux documents reçus de l'étranger destinés à des salariés dont l'emploi nécessite une parfaite connaissance de la langue étrangère utilisée ».

Les compléments apportés par la proposition de loi tendant à compléter le dispositif de la loi du 4 août 1994 précitée sont les suivants :

- est imposée la traduction, ou l'explicitation (la notion est nouvelle) des termes étrangers utilisés dans la formulation d'une enseigne dès lors qu'elle est susceptible de contribuer à l'information du consommateur ;

- est également imposée la traduction ou l'explicitation des vocables étrangers utilisés dans la formulation d'une dénomination sociale, dès lors qu'elle est de nature à indiquer l'activité de la société concernée ;

- et l'usage du français est rendu obligatoire dans les annonces faites dans les transports internationaux en provenance ou à destination du territoire national.

Par ailleurs quelques retouches ponctuelles sont proposées dans le domaine social afin :

- d'ériger les pratiques linguistiques des entreprises en élément du dialogue social, à travers la présentation, devant le comité d'entreprise, d'un rapport sur l'emploi de la langue française ;

- de rendre obligatoire l'emploi du français dans la rédaction de l'ordre du jour sur lesquels sont convoqués les comités d'entreprises, les comités de groupe et les comités d'établissement, ainsi que dans celle de procès verbaux dans lesquels sont consignées leurs déclarations ;

- et de ne dispenser de l'obligation d'une rédaction en français que les documents destinés à des salariés étrangers ou à des salariés dont l'emploi nécessite une parfaite connaissance de la langue utilisée (voir supra).

Votre rapporteur pour avis se réjouit que cette proposition de loi ait été adoptée en première lecture par le Sénat à l'unanimité , témoignant du fait que la défense de notre langue en France est bien considérée comme une grande cause nationale qui transcende les clivages partisans.

Il invite maintenant le Gouvernement à inscrire ce texte, transmis à nouveau le 4 juillet 2007 à l'Assemblée nationale, à l'ordre du jour de cette assemblée.

* 3 Selon un rapport publié en février 2007 par l'inspection générale des affaires sociales, qui évoque l'absence de guide d'utilisation en français du nouveau logiciel de dosimétrie.

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