C. UNE OPTIMISATION DE LA GESTION DES MOYENS D'ENSEIGNEMENT AU SERVICE DU POUVOIR D'ACHAT DES PERSONNELS

1. Un constat largement partagé : le pouvoir d'achat des enseignants baisse, au regard notamment de l'évolution de leurs conditions de travail

Le présent projet de budget traduit un choix politique d'une indiscutable force : faire de l'optimisation de la gestion un outil au service du pouvoir d'achat des personnels.

Le constat d'une dévalorisation latente du métier d'enseignant est largement partagé par l'ensemble des organisations représentatives des professeurs. Il se nourrit notamment du sentiment d'une baisse significative du pouvoir d'achat des enseignants, qui serait en recul alors même que les sujétions du métier iraient croissantes.

a) Des carrières dont la valeur semble avoir stagné ou régressé selon les corps

Une étude menée par trois économistes, Mmes Btissam Bouzidi, Touria Jaaidane et M. Robert Gary-Bobo, publiée en septembre 2006, avant d'être révisée en janvier et mars 2007, montre que la réalité est plus contrastée. Si la valeur des carrières des agrégés du secondaire et des professeurs des universités a baissé d'environ 20 % en 25 ans, de 1981 à 2004, la baisse similaire connue par les professeurs certifiés a été en partie compensée par la mise en place d'une échelle hors classe à partir de 1990. Enfin, la situation des instituteurs est restée stable, grâce à l'intégration progressive dans le corps des professeurs des écoles.

Cette stagnation du pouvoir d'achat mesuré sur l'ensemble de la carrière, voire cette régression pour les agrégés et les professeurs du supérieur, trouve son origine dans l'érosion de la valeur réelle du point d'indice dans la fonction publique qui a reculé de 15 % sur la même période. Comme le soulignent les auteurs de l'étude, cette baisse des rémunérations réelles à un échelon donné n'a été que partiellement compensée par les mesures d'accélération des carrières, comme l'élargissement de l'accès à la hors classe, voire sa création pour le corps des certifiés.

Le sentiment de baisse du niveau réel des traitements des enseignants n'est donc que partiellement confirmé par les travaux scientifiques menés à ce sujet. Toutefois, cette impression s'explique sans doute largement par l'évolution des conditions de travail sur la même période, qui contribue indiscutablement à modifier la perception du niveau des rémunérations.

Bien qu'il ne puisse être directement confirmé par le recours à des outils statistiques fiables, votre rapporteur estime ce sentiment très largement partagé et les auditions qu'il a menées le confortent dans cette conviction.

LA PERCEPTION DÉGRADÉE DU MÉTIER D'ENSEIGNANT

Le Syndicat national des enseignements du second degré (SNES) a adressé le 13 octobre 2007 un questionnaire à tous ses adhérents, afin de recueillir leur sentiment sur le métier de professeur et son évolution.

La deuxième question de ce questionnaire, qui repose pour une large part sur le principe des choix multiples, interroge les enseignants sur les qualificatifs qui leur « paraissent les plus adaptés au métier ».

Trois réponses au maximum pouvaient être cochées par les professeurs :

- Difficile

- Passionnant

- Enrichissant

- Fatigant

- Dévalorisé

- Manque de moyens

- Interventions hiérarchiques excessives

- Ne se prononce pas

Un constat s'impose : un enseignant qui aurait voulu exprimer un sentiment plutôt positif ne disposait que de deux qualificatifs pour cela, alors même que cinq appréciations négatives différentes étaient proposées.

Au-delà de ce déséquilibre, qui constitue un indéniable biais, cet exemple témoigne de la perception extrêmement dégradée du métier qui règne dans les établissements scolaires.

Au demeurant, la démocratisation de l'enseignement secondaire a eu des conséquences indiscutables sur le fonctionnement des établissements scolaires et sur les pratiques pédagogiques des enseignants. Le travail en équipe, qui suppose une concertation régulière en dehors du temps de cours, a ainsi connu un essor significatif.

Ces transformations contribuent sans doute largement à nourrir le sentiment de profonde évolution du métier d'enseignant, qui ne s'est pas reflétée dans les rémunérations qui y sont associées.

b) La baisse du nombre d'heures supplémentaires proposées n'a pas permis de compenser la relative stabilité de la valeur réelle des traitements

La stagnation des traitements des professeurs a été d'autant plus sensible que le volume des heures supplémentaires proposées a diminué de manière significative au cours des dernières années. Selon les chiffres communiqués par le ministère, la part des heures supplémentaires rapportée à l'ensemble du potentiel d'enseignement est ainsi passée de 8,1 % à 6,8 % en 2006.

Or c'est précisément le recours aux heures supplémentaires qui a traditionnellement permis aux enseignants, et en particulier aux plus jeunes d'entre eux, d'augmenter leurs revenus lorsque ceux-ci leur paraissaient insuffisants.

Ce point est d'autant plus essentiel que les études précitées étudient l'évolution de la valeur des traitements, qui ne représentent pourtant qu'une part des rémunérations perçues par les personnels enseignants. Pour identifier pleinement les sources de la baisse de pouvoir d'achat perçue par les professeurs, il faudrait donc s'intéresser également à tous les revenus accessoires qui s'y ajoutent. Des études complètes et approfondies sur ce sujet demeurent donc à réaliser.

2. Le recours aux heures supplémentaires, principal outil de soutien du pouvoir d'achat des enseignants

a) Une très forte croissance du nombre d'heures supplémentaires proposées

Le présent projet de budget prévoit une forte augmentation du nombre d'heures supplémentaires proposées aux enseignants. En particulier, la suppression de 3 500 emplois dans le second degré public et de 700 emplois dans le privé sous contrat se traduira par la création de 75 600 heures supplémentaires années (HSA), soit 34,95 millions euros (27,89 millions dans le public et 7,06 millions dans le privé). Ce choix de convertir des emplois en heures supplémentaires illustre la volonté affichée par le ministère de l'éducation nationale d'accroître la rémunération des enseignants volontaires plutôt que de créer des postes.

De plus, la mise en place de l'accompagnement éducatif dans les collèges de l'éducation prioritaire à compter de la rentrée des vacances de Toussaint en 2007 et sa généralisation à l'ensemble des collèges en septembre 2008 sera rendue possible grâce à l'ouverture de 1,2 million d'heures supplémentaires effectives (HSE), qui sont inscrites, à hauteur de 37,3 millions d'euros, sur le programme « Vie de l'élève » et de 6 millions sur le programme « Enseignement privé du premier et du second degré ».

Enfin, l'abrogation du décret n° 2007-187 du 12 février 2007, qui opérait une substantielle réforme des décharges, se traduit par un besoin supplémentaire de 50 000 heures d'enseignements, qui seront assurées non pas par la création d'emplois, mais par l'ouverture d'une dotation équivalente de HSA, à hauteur de 67,5 millions d'euros.

Au total, ce sont donc 145,75 millions d'euros qui seront consacrés en 2008 à la création de nouvelles heures supplémentaires, permettant ainsi aux enseignants qui le souhaitent d'accroître de manière significative leur rémunération.

Le coût global des heures supplémentaires dans les programmes relevant du ministère de l'éducation nationale s'élevant en 2008 à 1 115 millions d'euros, les heures nouvellement proposées représentent par conséquent 13,07 % de l'ensemble .

HEURES SUPPLÉMENTAIRES ANNÉES
ET HEURES SUPPLÉMENTAIRES EFFECTIVES

Les heures supplémentaires effectuées par les enseignants peuvent appartenir à deux catégories : les heures supplémentaires années (HSA) et les heures supplémentaires effectives (HSE).

Les heures supplémentaires années rémunèrent une augmentation du temps de travail hebdomadaire de l'enseignant, qui assure ainsi chaque semaine une ou plusieurs heures de plus que ne le prévoient ses obligations de service. Elles sont donc rémunérées sur une base annuelle, à hauteur de 36/52 e , l'année scolaire ne durant que 36 semaines.

Une seule HSA représente donc 36 heures supplémentaires dans une année scolaire. En juillet 2007, un professeur certifié de classe normale qui assurait une seule HSA au-delà de son service normal de 18 heures était rémunéré à ce titre 1264,44 euros pour une année.

Les heures supplémentaires effectives sont les heures assurées par les enseignants au-delà de leurs obligations statutaires, sans que ce service supplémentaire ne revête un caractère régulier.

Dès lors, les HSE sont décomptées en fonction des heures de cours effectivement données et une HSE équivaut à une seule heure d'activité réelle. Pour un professeur certifié de classe normale qui assure à l'occasion une seule HSE, ce temps de travail supplémentaire est rémunéré 33,66 € en juillet 2007. Lorsque cette heure est consacrée au remplacement d'un enseignant absent pour une courte durée, ce taux est majoré de 9 % et porté à 36,59 €.

Ce différentiel de mode de calcul conduit à devoir comparer le coût de 36 HSE avec celui de 1 HSA afin d'en évaluer le caractère inégalement rémunérateur.

C'est donc un nombre considérable d'heures supplémentaires qu'il est proposé aux enseignants d'assurer. Les interlocuteurs auditionnés par votre rapporteur ont exprimé leur scepticisme à ce sujet, estimant que les professeurs volontaires ne seraient pas suffisamment nombreux.

Il est vrai que l'exécution de la loi de finances pour 2006 peut faire naître quelques interrogations à ce sujet. Celle-ci prévoyait d'ouvrir 925 millions d'euros d'heures supplémentaires dans le second degré public, qui n'ont été utilisés qu'à hauteur de 787 millions d'euros, soit une sous-consommation de 138 millions d'euros, représentant 14,9 % de l'enveloppe initiale.

Bien qu'il ait interrogé à plusieurs reprises le ministère de l'éducation nationale sur ce point, votre rapporteur n'a pu obtenir à ce jour aucune explication précise à ce sujet, la fongibilité des crédits étant systématiquement mise en avant.

Cependant, le ministre a eu l'occasion d'exprimer sa confiance au sujet de la pleine utilisation des crédits demandés au titre des heures supplémentaires, celles-ci devenant beaucoup plus attractives avec l'application à la fonction publique, et notamment aux enseignants, des dispositifs créés par la loi n° 2007-1223 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat du 21 août 2007.

b) Des heures supplémentaires qui bénéficieront des dispositifs incitatifs fiscaux et sociaux

La parution du décret n° 2007-1430 du 4 octobre 2007 portant application aux agents publics de l'article 1 er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat a permis l'extension aux heures supplémentaires effectuées par les enseignants du dispositif incitatif prévu par la loi précitée .

Celui-ci est double : les rémunérations perçues au titre des heures supplémentaires effectuées à compter du 1 er octobre 2007 seront exonérées d'une part d'impôt sur le revenu et, d'autre part, des charges sociales pesant sur elles, soit 13,76 %.

S'agissant des personnels enseignants, le décret du 4 octobre 2007 précité vise les deux textes de référence en la matière (décret n° 50-1253 du 6 octobre 1950 pour les enseignants du second degré ; décret n° 66-787 du 14 octobre 1966 pour les enseignants du premier degré).

Toutefois, les alinéas 2, 4 et 6 du décret du 4 octobre 2007 apportent deux restrictions au champ d'application de ces exonérations :

- pour les personnels enseignants du second degré, les heures supplémentaires effectuées dans le cadre de leur activité principale seront seules concernées. Cela signifie par exemple que les heures supplémentaires assurées dans des formations de type apprentissage par des professeurs des EPLE du second degré ne relèveront pas du champ du dispositif ;

- pour les personnels enseignants du premier degré, ce sont les seules heures supplémentaires consacrées à des activités de soutien qui bénéficieront de cette mesure.

Par ailleurs, elle concernera tous les types d'heures supplémentaires, qu'elles soient annualisées (HSA) ou effectives (HSE). Au total, 80 à 90 % des heures supplémentaires effectuées par les personnels enseignants pourraient donc être concernés, ce qui représenterait un coût de 140 millions d'euros pour les exonérations fiscales et de 130 millions d'euros pour les charges sociales et patronales.

Lors de son audition par votre commission, M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale, a estimé qu'un professeur certifié qui assurerait deux heures de plus que ne l'exige son service verrait sa rémunération annuelle s'accroître de 600 euros par le jeu de ces exonérations, ces deux heures étant désormais payées 2 600 euros par an au lieu de 2 000 euros jusqu'ici. Les heures supplémentaires seront donc beaucoup plus attractives. Dans ces conditions, votre rapporteur estime qu'il n'y a pas lieu d'avoir d'inquiétude sur la consommation des heures supplémentaires ouvertes en 2008.

En particulier, il convient de rappeler que ces dernières ont traditionnellement permis aux jeunes professeurs de compléter de manière significative leurs revenus et qu'à ce titre, il y a toujours eu une forte demande au sein du corps enseignant. De plus, le recours aux heures supplémentaires permet d'accroître le temps de travail et donc les revenus des agents sur la base du volontariat . Les obligations de service restent donc inchangées, à cette nuance près que les enseignants peuvent être tenus, en vertu des dispositions du décret n° 99-880 du 13 octobre 1999, d'effectuer une HSA dans l'intérêt du service.

Toutefois, ces exonérations fiscales et sociales ne bénéficieront pour l'essentiel qu'aux seuls enseignants . Les personnels ingénieurs, administratifs, ouvriers, techniques et de santé, dits IATOS, ne sont dans leur imminente majorité pas concernés par les indemnités horaires pour travaux supplémentaires, également visées par le décret du 4 octobre 2007, mais relevant du système de la compensation. Comme le précise la circulaire du 16 novembre 2007, adressée aux recteurs et coordonnateurs académiques paye, seuls les heures supplémentaires effectivement accomplies par les conducteurs automobiles et les chefs de garage se verront appliquer ces exonérations.

Enfin, les heures supplémentaires de surveillance qu'effectueraient les maîtres d'internats et les surveillants d'externat (MI-SE), dans la mesure où il s'agit là des missions qu'ils assurent à titre principal, seront éligibles à ces dispositifs. Toutefois, le corps des MI-SE étant en voie d'extinction, cela ne concernera qu'un nombre limité de personnels.

3. D'importantes mesures catégorielles permettent également de soutenir le pouvoir d'achat de l'ensemble des personnels

Le présent projet de budget prévoit également de consacrer 150,4 millions d'euros aux mesures catégorielles , dont 77,8 millions d'euros permettent de couvrir l'effet en année pleine des dispositions prévues en loi de finances initiale pour 2007.

S'agissant des personnels enseignants, l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles se poursuivra en 2008 et devrait s'achever en 2009.

Un effort particulier sera également fait en faveur des personnels de direction. A l'issue de discussions associant leurs représentants et le ministre de l'éducation nationale, le relevé de conclusions du 24 janvier 2007 prévoyait en effet des mesures de revalorisation de carrière, notamment en ouvrant plus largement l'accès à la hors classe et en élargissant le bénéfice de l'indemnité de responsabilité de direction aux proviseurs et principaux adjoints. Ces mesures représentent au total 1,58 million d'euros, dont 0,68 million d'euros en tiers d'année.

Quant aux personnels d'encadrement, ils feront également l'objet de mesures particulières. Les conseillers d'administration scolaire et universitaire (CASU) verront leurs emplois de débouché élargis et l'indice terminal des secrétaires généraux d'administration scolaire et universitaire (SGASU) sera revalorisé, pour un coût total de 1 million d'euros.

Enfin, le plan de requalification de la filière laboratoire sera poursuivi en 2008, à hauteur de 1,4 million d'euros. De même, la réduction des écarts indemnitaires entre les personnels non enseignants de l'éducation nationale et ceux des autres ministères connaîtra une nouvelle étape, avec 8 millions d'euros consacrés à cette fin en 2008, portant ainsi à 137 millions d'euros la somme totale destinée au financement de cette revalorisation des régimes indemnitaires.

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