2. Une mesure du taux de chômage à améliorer

Pour la première fois dans son histoire, en mars 2007, l'INSEE a reporté de plusieurs mois la publication définitive du taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) pour l'année 2006.

L'estimation du taux de chômage repose sur une double méthodologie. L'ANPE , pour sa part, donne chaque mois des informations sur les évolutions du nombre de demandeurs d'emplois en fin de mois (DEFM) de catégorie 1, 2 et 3 hors activité réduite. Ces données sont recueillies par la Direction de l'animation, des recherches, des études et des statistiques (DARES) et envoyées à l'INSEE, qui utilise ces données pour publier le taux de chômage mensuel.

Ces données sont provisoires et généralement revues en mars chaque année, cette révision prenant en compte les données de l'enquête Emploi effectuée par l'INSEE , qui mesure les niveaux de chômage au sens du BIT. C'est cette révision, ce « calage » de la série mensuelle, dont l'INSEE a annoncé le report dans l'attente d'investigations méthodologiques complémentaires devant aboutir à l'automne 2007.

D'après les informations fournies à votre rapporteur, deux raisons principales expliquent ce report . D'une part, les données de l'ANPE et celles de l'enquête Emploi divergeaient fortement, comme l'illustre le graphique ci-après.

Dans sa note de juin 2007, l'INSEE explique une partie de ce décalage ainsi : « Une source importante d'écart est constituée par les chômeurs non inscrits , qui représentent environ 20 % de l'ensemble des chômeurs au sens du BIT. Les données de l'enquête Emploi permettent de savoir si un chômeur est inscrit à l'ANPE ou non : le taux d'inscription des chômeurs à l'Agence a diminué régulièrement, d'environ 0,75 point par trimestre, depuis la mi-2005 . »

D'autre part, les résultats de l'enquête Emploi 2006 ont été difficiles à interpréter du fait, notamment, du taux de non-réponses , une forte diminution de celui-ci ayant été observée en 2006 dans certaines régions comme l'Ile-de-France.

A la suite de ces difficultés, un groupe de travail du Conseil national de l'information statistique (CNIS), présidé par M. de Foucauld, a commencé à travailler sur les statistiques de l'emploi, du chômage, de la précarité et du sous-emploi. Parallèlement, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, a chargé l'Inspection générale des Finances et l'Inspection générale des Affaires sociales, le 19 juin 2007, d'évaluer les principaux outils de mesure du chômage utilisés en France. Le rapport a été remis le 24 septembre.

Les points suivants ressortent de ce rapport :

- la variation du nombre de DEFM inscrits à l'ANPE en fin de mois donne en général une indication fiable des tendances du marché du travail, mais cet indicateur a également en partie reflété, en 2005 et 2006, les évolutions des pratiques de suivi et d'accompagnement des demandeurs d'emploi par l'Agence ;

- l'Enquête emploi manque de fiabilité pour mesurer les évolutions conjoncturelles précises du taux de chômage en raison notamment de la taille réduite de l'échantillon qui limite la précision des résultats trimestriels ;

- il est recommandé d'arrêter la publication mensuelle d'estimations de chômage au sens du BIT, telles qu'elles sont calculées à l'heure actuelle à partir d'un "calage" sur les données ANPE, et de ne fournir qu'une publication trimestrielle à partir des seules données de l'Enquête emplo i ;

- la taille de l'échantillon de l'Enquête emploi de l'INSEE devrait être augmentée afin d'améliorer la fiabilité de ses résultats ;

- une réflexion devrait être engagée pour simplifier et refondre la typologie des catégories de DEFM inscrits à l'ANPE.

Constatant que la méthode habituelle d'estimation mensuelle du chômage BIT n'était plus adaptée, compte tenu des fortes divergences d'évolution entre les deux sources d'information 6 ( * ) , l'INSEE, en accord avec la DARES, a décidé d'arrêter la publication de la série mensuelle de chômage au sens du BIT. En revanche, la DARES et l'ANPE continueront à publier les statistiques mensuelles de demandeurs d'emploi inscrits en fin de mois à l'ANPE.

En outre, le 12 novembre dernier , l'INSEE a publié le taux de chômage pour 2006, en adoptant les mêmes critères qu'Eurostat : alignement sur l'interprétation communautaire de la définition du chômage BIT (ainsi, l'inscription à l'ANPE était considérée jusqu'à présent comme une « démarche active de recherche d'emploi » par l'INSEE alors qu'elle ne l'est pas par Eurostat) et élargissement aux départements d'outre-mer.

Votre commission pour avis se félicite tout d'abord que les difficultés de mesure exacte du chômage fassent l'objet d'un débat public, par-delà les accusations de manipulation de chiffres. En outre, elle juge nécessaire de réaffirmer l'importance de l'Enquête emploi dans la connaissance du chômage et, pour cela, de suivre les préconisations du rapport précité s'agissant notamment du doublement de l'échantillon interrogé . Ce doublement doit toutefois être accompagné de moyens financiers, dans la mesure où l'augmentation de la taille de l'échantillon ne doit pas s'effectuer au détriment des autres missions de l'INSEE. Une telle réforme devrait donc donner lieu à une hausse des crédits dans le prochain budget .

Votre rapporteur pour avis estime, à titre personnel, regrettable que des solutions aient d'ores et déjà été adoptées alors même que le groupe de travail présidé par M. de Foucauld au sein du CNIS n'a pas achevé ses propres investigations et qu'une réunion de la formation Emploi-Revenus du CNIS était programmée le 30 novembre. Le groupe créé au sein du CNIS, auquel participent des experts et des représentants des partenaires sociaux et des associations, doit pouvoir mener le débat à son terme. Votre rapporteur pour avis regrette notamment que d'importantes modifications du mode de calcul du taux de chômage aient été adoptées pour la publication, le 12 novembre, du chiffre du chômage 2006, minorant d'autant, pour des observateurs non avertis, l'ampleur du décalage entre les données ANPE et celles de l'INSEE pour cette année-là .

Enfin, les améliorations concrètes qui seront apportées à l'Enquête emploi doivent être complétées par la création d'indicateurs du marché du travail, reflétant non seulement le chômage total mais aussi les différentes dimensions du sous-emploi et de la précarité, ce qu'on appelle le « halo » de chômage .

* 6 INSEE, Note de conjoncture de juin et DARES, Premières synthèses n° 34.1 d'août 2007.

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