N° 95

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 2007

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2008 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME II

OUTRE-MER

Par Mme Anne-Marie PAYET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mme Claire-Lise Campion, MM. Bernard Seillier, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Annie David, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Pierre Bernard-Reymond, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Alain Vasselle, François Vendasi.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 189 , 276 à 281 et T.A. 49

Sénat : 90 et 91 (annexe n° 18 ) (2007-2008)

Les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2008

Programmes

Crédits de paiement (en euros)

Variation 2008/2007 (en %)

Emploi outre-mer

1 008 662 000

- 12,4

Abaissement du coût du travail

867 000 000

+ 3,8

Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle

141 662 000

- 55,2

Conditions de vie outre-mer

721 413 173

+ 2,2

Logement

200 000 000

+ 13,8

Aménagement du territoire 1 ( * )

110 000 000

+ 10,0

Continuité territoriale

54 232 603

+ 0,4

Sanitaire et social

35 229 515

- 38,1

Culture, jeunesse et sports 1

3 000 000

- 20,2

Collectivités territoriales 1

315 951 055

+ 1,1

Insertion économique et coopération régionales 1

3 000 000

+ 0,7

Total mission « Outre-mer »

1 730 075 173

- 6,8

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

A travers des changements de périmètre qui ne facilitent pas l'analyse de l'évolution des crédits, le projet de budget de la mission « Outre-mer » se rapproche plus que jamais de ce que nombre d'audits et de rapport désignent depuis deux ans au moins comme le « coeur de métier » de l'administration de l'outre-mer : la coordination et l'évaluation permanentes des politiques menées par l'Etat pour faciliter le dépassement des handicaps des collectivités ultramarines, tant sur le plan économique que sur le plan social.

A l'appui de cet effort qui trouvera sans doute son plein développement dans le cadre de la révision générale en cours des politiques publiques, une nouvelle loi de programme devrait bientôt raffermir les dispositifs en place, notamment ceux que la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 a institués, et amplifier la dynamique actuelle de développement de l'activité productive.

Sur cette ambitieuse toile de fond, le projet de budget procure aux actions comprises dans son périmètre une augmentation des moyens plus que raisonnable puisque les crédits de paiement sont en augmentation de 3 %, alors que la dépense globale de l'Etat en faveur de l'outre-mer augmente de son côté de 3,5 % par rapport à 2007.

Ainsi se trouve à nouveau amplement confirmé l'engagement de l'Etat au côté des populations et des collectivités de l'outre-mer.

I. LA QUÊTE DE L'EFFICACITÉ

Il appartient au secrétariat d'Etat chargé de l'outre-mer de maximiser l'efficacité des politiques mises en oeuvre pour répondre à la spécificité des problèmes économiques et sociaux de la France ultramarine. Un certain nombre d'audits et de rapports récents ont analysé de façon critique la façon dont cette tâche est assurée et ont proposé des pistes d'amélioration. Cette démarche est fondamentale pour le succès de politiques parfois aussi soucieuses, si l'on en croit la Cour des comptes, de décrire l'ampleur des transferts que d'assurer la qualité des résultats.

Le Parlement doit manifester son appui à cette démarche à l'occasion de la discussion budgétaire.

D'autant plus que des opportunités se présentent. Certains ajustements ont été d'ores et déjà esquissés, le rattachement de l'outre-mer au ministère de l'intérieur et des collectivités territoriales, et ses implications en termes d'organisation administrative, en est un. Mais surtout, la rationalisation de l'action gouvernementale et administrative devrait être approfondie à l'occasion de la révision générale des politiques publiques lancée le 10 juillet dernier, dont les premiers résultats sont attendus pour la fin du mois de mars 2008.

Il est utile de rappeler le riche arrière-plan de cette nouvelle étape de la modernisation de l'administration de l'outre-mer.

A. DES CONSTATS CONVERGENTS

Le fonctionnement du ministère de l'outre-mer a été récemment l'objet de deux rapports dont il convient de rappeler les analyses et les propositions, applicables mutatis mutandis au secrétariat d'Etat.

1. Le rapport public annuel 2006 de la Cour des comptes

En préambule aux développements consacrés au ministère de l'outre-mer, le rapport de la Cour des comptes prend clairement position en faveur de l'existence d'une structure gouvernementale dédiée à l'outre-mer. Une telle structure est en effet la seule, indique le rapport, à pouvoir exercer correctement la mission de coordination de l'ensemble des politiques publiques consacrées à cette partie du territoire national. Ce qui rend la fonction de coordination indispensable est le fait que les crédits inscrits au budget du ministère de l'outre-mer ne constituent qu'une part modeste des fonds mobilisés par l'Etat en faveur de l'ensemble des collectivités, la plupart des grands ministères disposant, pour leurs interventions hors de la France métropolitaine, de structures ou d'opérateurs dotés de crédits propres.

Le rapport note que les textes ayant fixé les attributions du ministère ont toujours insisté sur cette mission essentielle. Notons à ce propos que le décret du 23 juillet 2007 relatif aux attributions du secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer étend sa compétence à :

- la coordination de l'action du Gouvernement dans les départements d'outre-mer, l'élaboration et la mise en oeuvre des règles qui y sont applicables ;

- l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique du Gouvernement à Mayotte, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises ; la préparation et la mise en oeuvre des règles applicables à ces collectivités dans le respect de leurs compétences propres.

La coordination reste donc le maître mot en ce qui concerne les Dom, la spécificité institutionnelle des autres collectivités d'outre-mer appelant l'exercice de responsabilités différentes.

Le rapport de la Cour des comptes note que l'exercice de pareilles attributions exige une forte autorité administrative fondée sur la connaissance des besoins de chacune des collectivités et sur celle des actions engagées par les différents intervenants au sein de l'appareil de l'Etat. De l'avis de la Cour, ces conditions préalables ne sont guère assurées « les contrôles successifs menés sur les investissements dans les territoires puis les départements d'outre-mer, enfin sur la politique de l'emploi et les actions en faveur du logement social, ont conduit la Cour à constater que cette évaluation des actions n'est effectuée par aucune autorité dans l'Etat ».

De fait, estime la Cour, la mission de coordination est mal assurée. Plusieurs facteurs sont identifiés.

Ainsi, le ministère est resté pour une bonne part confiné dans des tâches d'assistanat tout en assurant la promotion des initiatives les plus spectaculaires prises en leur faveur. Le rapport interprète en fonction de cette logique de communication l'extension progressive du budget de l'outre-mer. Pendant longtemps, indique-t-il, seuls deux fonds d'investissements destinés aux départements et aux territoires d'outre-mer, le Fidom et le Fides, ont regroupé la presque totalité des crédits d'intervention du ministère. Or une évolution récente a eu pour effet d'agréger au budget de l'outre-mer des crédits précédemment inscrits au budget des affaires sociales. C'est ainsi qu'en 1995 a été créé un troisième fonds, le Fedom en faveur de l'emploi dans les départements d'outre-mer, et que l'année suivante a été inscrite à ce même budget la « ligne budgétaire unique » (LBU) destinée au logement social. Dans ces deux cas, estime la Cour, « il s'est agi de mieux afficher l'effort consenti sur crédits publics dans des domaines sensibles : le chômage et le logement social ». A peine votés, « les crédits ont été restitués aux opérateurs qui en disposaient déjà précédemment, de sorte que leur inscription au budget de l'outre-mer ne traduit pas une augmentation nette des dotations de l'Etat ».

Par ailleurs, la Cour des comptes met en exergue l'incapacité des services de l'administration centrale de l'outre-mer à maîtriser la fonction juridique. Le ministère, indique-t-elle, partage l'exercice de cette fonction juridique avec les autres départements ministériels, en outre, lorsqu'il parvient à préserver une part de compétence face à des intervenants extérieurs, « il ne profite pas de cette situation, laissant celle-ci se diluer au sein d'une pluralité de services et de bureaux, en dehors même des deux directions du ministère qui ont chacune un pôle juridique ».

La Cour estime aussi que le ministère ne dispose pas des moyens administratifs et humains lui permettant d'appliquer la politique définie. Elle identifie en particulier un problème de cohabitation entre deux directions dont les compétences paraissent concurrentes dans un ministère aux dimensions administratives modestes, la direction des affaires politiques, administratives et financières, et la direction des affaires économiques, sociales et culturelles : la concurrence entre les deux directions suscite « l'éparpillement dans la gestion des crédits, l'éclatement dans le traitement des dossiers, la confusion dans l'exercice des responsabilités, conséquences inévitables d'une situation de double commande ».

Enfin, la Cour « ne peut qu'émettre des doutes sur la capacité du ministère à exercer une fonction efficace de contrôle et d'évaluation. La décision originelle d'engager la dépense lui échappe ; la décision ultérieure de veiller au suivi de la politique arrêtée ne lui appartient pas davantage ; la décision ultime d'en apprécier la validité lui est en définitive déniée puisqu'il ne dispose d'aucun service adapté pour y procéder ».

Ce dernier point est singulièrement important au regard de la nécessité cruciale d'évaluer la pertinence des dispositifs dérogatoires instituées en faveur de l'outre-mer, comme y invite d'ailleurs la loi de programme du 21 juillet 2003, dont l'article 5 institue une évaluation triennale de l'impact des exonérations de cotisations de sécurité sociale, et dont l'article 38 de la loi de programme a prévu l'évaluation, triennale aussi, des exonérations fiscales. C'est sans doute pour cette raison que le rapport de la Cour des comptes consacre un développement spécifique à ce qu'il désigne comme « l'absence d'évaluation des politiques outre-mer ». Le rapport précise que la Cour n'a cessé de constater l'insuffisance, voire l'absence, de remontée d'informations au niveau central portant sur les conditions dans lesquelles sont menées les actions sur le terrain. De même, « les travaux les plus récents ont confirmé les défaillances dans le suivi des projets et des programmes et l'incertitude des données éparses collectées ». Ainsi, la mauvaise remontée des informations s'accompagne d'un « défaut récurrent dans la validation des données ainsi communiquées » aux services centraux. Au surplus, lorsqu'elle remonte, l'information porte exclusivement sur les crédits du ministère, mais rien n'est communiqué en ce qui concerne les crédits provenant d'autres administrations. « Une telle situation dénie l'exercice de la fonction interministérielle » conclue le rapport sur ce point.

En conclusion, le rapport de la Cour des comptes recommande de :

- clarifier et simplifier les structures de l'administration centrale en réduisant le nombre des services, bureaux et secrétariats ;

- rassembler l'ensemble de la fonction juridique du ministère sous une autorité unique rattachée au ministre ;

- doter le ministère des moyens administratifs et humains afin de rassembler, analyser et évaluer les résultats obtenus dans la mise en oeuvre des politiques publiques outre-mer ;

- créer au sein du ministère une véritable administration de mission capable d'exercer une coordination interministérielle et d'assurer le suivi de l'ensemble des dépenses de l'Etat outre-mer.

2. Le rapport de la mission d'audit de modernisation sur le dispositif de suivi et de pilotage de la dépense de l'Etat outre-mer

Publié en février 2007 sous l'égide de la direction générale de la modernisation de l'Etat du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, le rapport de la mission d'audit de modernisation sur le dispositif de suivi et de pilotage de la dépense de l'Etat outre-mer visait à conseiller le ministère de l'outre-mer - désormais secrétariat d'Etat - en vue de la mise en place d'un dispositif permanent et exhaustif de suivi et de pilotage des politiques publiques de l'Etat outre-mer, sous l'angle financier comme sous l'angle de la performance. Le rapport estime que les enjeux de ce projet sont politiques et techniques : il s'agit d'une part d'améliorer la faculté du ministère de peser sur les décisions, il s'agit d'autre part d'organiser la collecte et la valorisation de données jusqu'à présent éparses.

Dans la logique des propositions de la Cour des comptes concluant précédemment à la nécessité de mettre en place une « véritable administration de mission capable d'exercer la coordination interministérielle et d'assurer le suivi de l'ensemble des dépenses de l'Etat outre-mer », le rapport d'audit évoque l'évolution récente de l'administration de l'outre-mer vers un rôle d'administration de mission à vocation interministérielle.

Avec le temps, est-il rappelé, le ministère s'est vu confier une activité de gestion de crédits portant essentiellement sur le logement et l'emploi, ce qui évoque le profil d'un ministère technique. Le ministère justifiait la gestion directe de ces politiques par le fait qu'il dispose d'une bonne connaissance des particularités de ces territoires, et au motif que la plupart des départements ministériels répugneraient, compte tenu notamment de l'enjeu financier limité, à consacrer les moyens nécessaires à l'adaptation de leur action outre-mer. Cependant, estime le rapport d'audit à la suite de celui de la Cour des comptes, « le coeur du métier du ministère de l'outre-mer a trait à sa vocation interministérielle, et son organisation devrait plutôt être celle d'une administration de mission ».

En l'occurrence, le fait qu'il soit engagé dans la gestion de crédits de politique publique à l'instar des ministères techniques prête à la critique. Ainsi, en matière d'emploi, certains services locaux rencontrés par la mission d'audit ont estimé que l'intervention de deux ministères dans un même domaine pose des problèmes de cohérence, de coordination, et affecte ainsi l'efficacité des politiques. En ce qui concerne la politique du logement social, le rapport d'audit pointe la coexistence du ministère de l'outre-mer (aide à la pierre), du ministère des finances (dépense fiscale), du ministère du logement (aide à la personne), de l'Anah (réhabilitation) et de l'Anru (rénovation urbaine). C'est ainsi, indique-t-il, que des constructions sur financement social sont retardées du fait de la préférence des promoteurs et des entreprises du bâtiment pour les logements du secteur libre financés grâce à la défiscalisation.

Il est vrai, note cependant le rapport, que le retour des crédits du logement social au ministère de l'équipement, programmé pour 2008, ainsi qu'une initiative similaire en matière de politique de l'emploi, traduisent un mouvement de désengagement de l'activité de gestion de crédits de politique publique. Le ministère souhaite répondre ainsi aux critiques et se concentrer davantage sur la coordination interministérielle : « ainsi seront libérées les ressources humaines, importantes, qu'il consacre aujourd'hui à cette gestion ».

Conjuguée avec les initiatives prises ou à venir en matière d'organisation des services centraux, cette évolution est jugée de nature à faciliter l'exercice interministériel de responsabilités en matière de pilotage. Il s'agit, analyse le rapport d'audit, d'une part d'assurer le suivi de l'action, c'est-à-dire de surveiller les instruments de bord, et d'autre part d'assurer la décision qui en résulte : « actionner le gouvernail ». Dans les deux cas, le ministère de l'outre-mer doit envisager le pilotage comme un exercice collégial associant tous les acteurs de la dépense de l'Etat outre-mer.

Le rapport note que le ministère a tenté au cours des années récentes de mettre en place un suivi de la dépense, mais ces tentatives n'ont pas vraiment abouti ou ont débouché sur des productions d'une qualité discutable, en particulier le document de politique transversale « outre-mer » est-il précisé. Au-delà du manque d'aptitude du ministère dans la gestion de l'information, cette situation s'explique selon les auditeurs par le fait que le suivi de la dépense n'a pas été considéré comme vraiment prioritaire par le ministère.

Autre critique assez aiguë apportée aux modes de fonctionnement du ministère, une seconde explication des lacunes relevées en matière de suivi tient au fait que les services appelés à coopérer à la fonction de pilotage, et notamment les services centraux des autres ministères, « portent un regard méfiant sur un ministère qui préfère les coups politiques, avec le recours marqué aux arbitrages interministériels à la pratique classique, administrative, du travail interministériel ».

Enfin, est-il observé, le ministère de l'outre-mer ne coopère pas suffisamment, au titre du suivi territorial, avec le grand partenaire naturel qu'est le ministère de l'intérieur.

Tout cela fait que la légitimité du ministère à piloter la dépense outre-mer est discutée.

Face à ces difficultés, préconise le rapport d'audit, le ministère doit considérer le dispositif de pilotage comme un « espace partagé », dont les fonctionnellement utile au plan interministériel. Ceci implique un engagement fort du ministère afin de valoriser le « capital » que représentent les données accumulées, par exemple adressant aux services des analyses ou des synthèses destinées à les aider dans leur activité. Compte tenu du fait que le ministère de l'outre-mer n'a pas les moyens d'imposer aux services centraux et locaux de l'Etat son propre système de suivi et de pilotage de la dépense outre-mer le rapport d'audit recommande de construire un outil ouvert, « c'est-à-dire interservices et participatif ». La réussite du dispositif interministériel de pilotage, est-il estimé, se jouera surtout sur le terrain de l'animation d'un réseau des correspondants.

Sur ces fondements, il conviendrait de confier la réalisation du dispositif de suivi de la dépense à une équipe projet dotée d'une feuille de route.

Les bénéfices attendus de la mis en place d'un tel dispositif sont :

- à court terme, la production de données complètes, utiles et fiables sur la dépense de l'Etat outre-mer (notamment pour élaborer le document de politique transversale « outre-mer ») ;

- à moyen terme, la légitimation du ministère comme administration de mission à vocation interministérielle, ouverte et professionnalisée ;

- en fin de compte, l'existence d'un outil de pilotage partagé offrant une vision complète des politiques conduites par l'Etat outre-mer et permettant de mesurer leur efficacité et leur cohérence.

B. LA MONTÉE EN PUISSANCE DE L'ÉVALUATION

A côté de ces réflexions qui tendent à introduire l'évaluation dans la culture, dans l'organisation et dans la pratique quotidienne du secrétariat d'Etat chargé de l'outre-mer, un certain nombre de travaux réalisés dans le sillage de la mise en oeuvre de loi de programme du 21 juillet 2003 fournissent un intéressant corpus d'analyses et de propositions.

1. Les dernières études

Il a été précédemment rappelé que la loi de programme du 21 juillet 2003 a prévu l'évaluation triennale des dispositifs mis en place dans son cadre. Une commission nationale d'évaluation, composée de parlementaires et de représentants de l'Etat, a été réunie à cet effet. Elle a remis un rapport au Premier ministre au mois de décembre 2006. Par ailleurs, le ministère chargé de l'outre-mer a lancé en 2006 plusieurs actions d'évaluation des politiques d'exonérations de cotisations sociales dont le contenu a été publié au cours de 2007.

La première a été réalisée à partir d'une enquête ciblée sur la perception par les chefs d'entreprises du dispositif d'exonération et a été complétée par l'audition de personnes qualifiées (représentants d'institutions locales ou du monde professionnel) pour affiner certaines conclusions.

La seconde étude récente est une analyse des données traitées entre 1999 et 2005 par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), visant à produire des données de cadrage sur les politiques successives d'exonérations de cotisations sur la période 1999-2005, en mesurant l'évolution de l'emploi salarié, des salaires, en masse et en répartition, et des encaissements de cotisations.

Tout en avertissant que les méthodologies utilisées ne permettent pas de déduire de manière certaine l'effet des exonérations de cotisations sociales sur l'emploi, cette étude présente quelques observations et conclusions :

- les dispositifs d'exonération ont atteint leur cible dans la mesure où les établissements éligibles semblent en grande majorité en bénéficier. A la marge, les résultats de l'étude suscitent quelques interrogations en ce qui concerne certains secteurs ou catégories d'entreprises où la part d'établissement ou d'effectifs bénéficiant des exonérations peut sembler suivant les cas soit trop élevé, soit trop faible ;

- la mise en oeuvre de la loi a fait progresser le taux d'exonération de 5,1 points dans les Dom entre 2000 et 2001. Cette augmentation moyenne résulte principalement de l'augmentation du taux d'exonérations des entreprises de moins de onze salariés hors des secteurs exonérés, puis de la hausse du taux d'exonérations sur les entreprises de plus de onze salariés des secteurs exonérés et de la hausse du taux d'exonération dans les entreprises de moins de onze salariés des secteurs exonérés ;

- entre 2002 et 2005, les taux d'exonération ont augmenté plus faiblement, de 14,1 % à 15,3 % ;

- au sein des secteurs exonérés, certains secteurs ont connu de très forts accroissements, supérieur à 10 %, de taux d'exonération. C'est le cas du BTP, du tourisme, des technologies de l'information et de la communication entre 2000 et 2005. Les augmentations des taux d'exonération ont été sensibles, entre 5 % et 10 %, pour les secteurs suivants : hôtellerie-restauration, l'agriculture, l'industrie manufacturière ;

- l'évolution des exonérations n'a pas empêché les encaissements de la sécurité sociale d'augmenter assez nettement : 5,1 % par an au cours de la période, en raison de l'accroissement de la masse salariale, mais aussi du taux de recouvrement ;

- il semble que, globalement, les catégories d'entreprises ayant connu les plus fortes augmentations d'effectifs sont aussi celles qui ont connu les plus fortes augmentations de taux d'exonération.

2. Les audits de modernisation

Par ailleurs et surtout, quatre études approfondies ont été réalisées en 2006 dans le cadre des audits de modernisation pilotés par le ministère de l'économie et des finances, et un rapport d'évaluation a été adopté le 12 juillet 2006 par le Conseil économique et social (CES) sur les exonérations de charges sociales.

Ces études prennent soin de relever les lacunes structurelles de l'évaluation. Le CES a ainsi expliqué que, compte tenu de la brièveté des délais impartis, il ne lui a pas été possible de réaliser une évaluation proprement dite mais plutôt de rendre un avis faisant apparaître le point de vue des partenaires économiques et sociaux. De son côté, la mission d'audit du ministère de l'économie et des finances sur les exonérations de charges sociales a souligné dans son rapport, publié lui aussi en juillet 2006, que, sauf à s'en remettre aux études générales qui concluent à un effet positif sur l'emploi des dispositifs d'exonération, elle n'était pas en mesure d'apporter un jugement global, précis et probant, sur les effets outre-mer de ce mécanisme. De fait, relevait le rapport, très largement confirmé par les études analysées ci-dessus, le pilotage du dispositif d'exonération de charges est insuffisant et l'appareil statistique, fondé sur les cotisations versées aux organismes sociaux ainsi que sur les informations recueillies par ceux-ci, ne tient pas compte des spécificités de la réglementation outre-mer. En outre, les informations relatives aux emplois sont lacunaires et la politique de contrôle est inexistante, était-il observé pour parfaire le tableau des insuffisances administratives freinant l'exercice optimal de l'évaluation.

Ces limites expliquent-elles que l'évaluation continue selon d'autres modalités ? Le secrétariat d'Etat a confié, on l'a vu, à un cabinet spécialisé une nouvelle évaluation du dispositif spécifique d'exonération des charges sociales...

En tout état de cause, les quatre rapports d'audit publiés l'année dernière par le ministère de l'économie et des finances ont apporté sur la mise en oeuvre des politiques de l'Etat outre-mer des éléments d'évaluation précis et intéressants. Ils ont surtout présenté des pistes d'amélioration qu'il est utile de rappeler brièvement, tout d'abord afin de mettre en perspective les initiatives partielles lancées entre-temps pour améliorer l'efficacité de la politique mise en oeuvre, et surtout dans la perspective de la présentation annoncée d'une nouvelle loi de programme destinée à confirmer et à amplifier la logique de développement de l'activité productrice outre-mer. Les analyses et les propositions des audits de modernisation fourniront en effet au Parlement et à l'ensemble des parties prenantes des éléments d'orientation qui seront essentiels lors de la discussion de la prochaine loi de programme.

a) Les exonérations de charges sociales

Le rapport de la mission d'audit proposait de rendre le système plus efficace et plus vertueux en mettant en place un dispositif à deux volets destiné à mieux concentrer les exonérations sur les axes de développement et sur les projets prioritaires :

- le premier étage correspondrait au dispositif en place, amendé dans le but de subordonner l'exonération au respect par l'employeur d'un plan d'apurement de ses dettes de cotisations patronales et au paiement des cotisations salariales courantes. Les caisses générales de sécurité sociale disposeraient ainsi de la possibilité de suspendre les exonérations après avis de la commission des chefs des services financiers du département. L'Acoss serait par ailleurs intéressée à l'amélioration du taux de recouvrement des cotisations sociales dans la mesure où le remboursement à son profit des exonérations de charges tiendrait compte du taux de recouvrement effectif. Il était aussi proposé d'exclure les très hauts salaires du champ de l'exonération. Il s'agirait enfin de mieux corréler le dispositif d'exonération à la croissance de l'emploi en fixant à 1,2 Smic la limite supérieure de la tranche de salaire exonérée, en supprimant pour le secteur du BTP le seuil de cinquante salariés, en sélectionnant les sous-secteurs économiques ne bénéficiant plus de l'exonération, en engageant la réduction du taux de prise en charge des cotisations, qui passerait à 95 % et non plus 100 % ;

- un second étage , financé par les économies dégagées par la rationalisation du premier, serait créé dans le but de maximiser l'effet de levier de l'aide. Il s'agirait d'accorder aux secteurs jugés prioritaires un complément d'exonération s'ajoutant à l'exonération de base. A cette fin, la mission d'audit proposait l'élaboration d'un document d'orientation stratégique (Dos) identifiant dans le département des secteurs stratégiques pour le développement, bénéficiant d'un complément d'exonérations. L'octroi des exonérations complémentaires serait prévu dans des conventions-cadres passées entre les organisations professionnelles et le préfet, le conseil général et le conseil régional.

Ces pistes revêtent manifestement un grand intérêt. A titre d'illustration, votre commission relève que la suppression du seuil de cinquante salariés dans le secteur du BTP, particulièrement dynamique et créateur d'emplois, permettrait aux entreprises de renoncer à une pratique de scission entre unités de moins de cinquante salariés qui obère la représentation du salariat au sein de l'entreprise, déstructure progressivement le secteur et fait obstacle à la constitution d'entités économiques importantes susceptibles d'acquérir un forte visibilité régionale.

b) La défiscalisation

Le rapport de la mission d'audit sur la politique du logement social outre-mer a abordé de ce point de vue le fonctionnement du dispositif de défiscalisation, présentant les préconisations suivantes :

- réserver les taux de défiscalisation les plus élevés de l'impôt sur le revenu au secteur locatif social et très social. Un système de bonus-malus pourrait encourager la construction de grands appartements et favoriser les opérations de mixité sociale ;

- réduire le taux de défiscalisation accordé aux programmes composés exclusivement de logements intermédiaires et supprimer la défiscalisation des opérations non intégrées à un programme mixte dans le secteur locatif libre, ainsi que dans le secteur de l'accession à la propriété ;

- définir des prix de revient au m 2 différents selon les catégories de logement aidés ;

- supprimer les avantages de taux accordés aux équipements d'économie d'énergie et aux opérations en zones urbaines sensibles (Zus) dès lors qu'ils semblent avoir eu peu d'effet et engendrent un surcoût important. En revanche, la qualité environnementale des projets de construction pourrait constituer une condition de l'agrément ;

- inclure les subventions dans le calcul de la base défiscalisable des opérations ;

- la défiscalisation devrait systématiquement être soumise à un agrément permettant d'une part de vérifier l'adéquation du programme envisagé avec la politique de l'habitat et du logement du département, d'autre part de s'assurer de la qualité du montage. Les montages pourraient être normalisés de façon à réduire les coûts de montage et de déconcentrer l'agrément auprès des services locaux des impôts, qui bénéficieraient de l'appui des DDE pour apprécier les prix de revient au m 2 . L'encadrement par l'agrément permettrait pour l'avenir l'évaluation des effets de la défiscalisation ;

- encadrer la répartition de l'aide fiscale issue de la défiscalisation, entre le monteur, le banquier, les investisseurs et l'opérateur de logement social afin que ce dispositif bénéficie essentiellement aux opérateurs. Le partage de l'avantage fiscal devrait être organisé par la loi de manière à ce que sa rétrocession puisse, à hauteur de 70 % à 75 %, bénéficier à l'opérateur devant exploiter le bien au terme de la période légale de détention par les investisseurs ;

- réserver la défiscalisation aux programmes correspondant à la programmation physique établie par la puissance publique et les organismes de logement social. La défiscalisation pourrait notamment être accordée aux opérateurs privés acceptant de livrer sans marge des logements sociaux et très sociaux insérés dans des programmes mixtes.

c) La politique du logement social

L'audit sur la politique du logement social outre-mer publié en avril 2006 présente les principales pistes suivantes :

- créer une agence de l'habitat des Dom pour rassembler et sécuriser les moyens financiers disponibles, animer la mise en oeuvre contractuelle de la politique de l'habitat, fournir un appui opérationnel aux opérateurs, procéder à l'évaluation ;

- encourager l'émergence d'une collectivité territoriale chef de file dans chaque Dom ;

- favoriser la construction de partenariats locaux entre l'agence et, selon les cas, la collectivité locale chef de file, les opérateurs locaux ou les collectivités territoriales ;

- mobiliser la ressource foncière en accentuant la planification de l'espace, la viabilisation des terrains constructibles et en recourant de façon plus active aux mécanismes de maîtrise foncière ;

- modifier les documents d'urbanisme pour favoriser la production de logements à hauteur des besoins reconnus ;

- créer ou adapter dans chaque Dom les outils d'aménagement foncier nécessaires ;

- résoudre le problème de l'indivision ;

- optimiser les moyens de financement grâce à la recherche de financements complémentaires ;

- affecter prioritairement les moyens disponibles au financement de l'action foncière, de l'équipement des terrains et de la surcharge foncière des logements sociaux, locatifs et en accession ;

- apurer les dettes de l'Etat auprès des opérateurs du logement social et réduire en cinq ans l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement ;

- offrir aux opérateurs et aux entreprises du BTP des perspectives pluriannuelles d'activité sous la forme de contrats d'objectifs ;

- poursuivre une stratégie de développement durable en fixant dans chaque Dom les conditions d'élaboration et le contenu des normes de construction, et en recherchant les produits les mieux adaptés aux modes de vie, aux savoir-faire et aux matériaux locaux.

d) La résorption de l'habitat insalubre

Le rapport d'audit, publié en janvier 2006 propose :

- la déconcentration maximale des crédits entre les mains du préfet ;

- le lancement d'une démarche contractuelle pluriannuelle sous la forme de conventions entre l'Etat et les autres acteurs de terrain, notamment les maîtres d'ouvrage et les collectivités locales ;

- l'adossement de ces conventions à une programmation pluriannuelle des crédits, ce qui suppose la pluriannualité des engagements de l'Etat.

La résorption de l'habitat insalubre, observe le rapport, dépend avant tout des financements disponibles. Elle passe sans doute par la mobilisation d'autres ressources, européennes notamment, ou de ressources en provenance d'autres missions budgétaires, telles que les crédits de lutte contre les risques naturels du ministère de l'écologie.

* 1 Actions dont la commission n'est pas saisie pour avis.

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