B. VERS UN DÉSENGAGEMENT PROGRESSIF DE L'ETAT ?
1. Une enveloppe budgétaire resserrée sur les actions prioritaires
Le présent projet de budget procède à une modification du périmètre du programme « offre de soins et qualité du système de soins ». L'action « accessibilité de l'offre de soins » est en effet supprimée, faute de crédits pour financer la conférence nationale des réseaux (CNR) et les actions de développement de la télémédecine en régions.
Cette action disposait, en 2007, de moyens budgétaires extrêmement réduits, à hauteur d'1,35 million d'euros. L'essentiel de ces crédits était versé, dans le cadre des contrats de plan entre l'Etat et les conseils régionaux, aux neuf régions - Bourgogne, Champagne-Ardenne, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Basse-Normandie, Haute-Normandie, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire et Poitou-Charentes - qui mènent des actions de développement de la télémédecine .
L'essor des réseaux de télésanté nécessite, en effet, de financer des études de faisabilité, d'aider à leur implantation technique, de former les personnels à leur utilisation et d'en évaluer l'efficacité. Des conventions ont été établies chaque année à cet effet entre l'Etat et les directeurs d'établissements de santé concernés. Plus d'un millier d'établissements télétransmettent aujourd'hui des informations multimédias dans des domaines aussi variés que la cancérologie, la périnatalité ou la psychiatrie.
Toutefois, les contrats de plan Etat-régions étant arrivés à échéance et les réseaux de télémédecine désormais implantés, le financement de leur fonctionnement revient à l'assurance maladie , ce qui explique l'extinction des crédits du ministère de la santé sur ce poste.
En outre, une subvention de 50 000 euros était versée à la CNR, chargée de soutenir les promoteurs de réseaux et de promouvoir ces dispositifs auprès des professionnels de santé. La participation de l'Etat à cette instance était symbolique au regard de celle de l'assurance maladie, qui s'élève à 300 millions d'euros par le biais de la dotation nationale de développement des réseaux (DNDR) et du fonds d'aide à la qualité des soins de ville (Faqsv). Elle est désormais nulle.
Cette évolution du périmètre du programme traduit le recentrage de l'action du ministère sur ses missions prioritaires : la formation des médecins et le pilotage de l'offre de soins. De fait, l'essentiel de l'offre de soins est financé par l'assurance maladie et les dépenses fiscales, la dotation du programme « offre de soins et qualité du système de soins » ne représentent que 1 % du total des moyens affectés à cette politique.
Ainsi, l'assurance maladie prend en charge la quasi-totalité du coût des politiques conduites dans ce domaine via l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam). En outre, plusieurs dépenses fiscales y sont affectées : 1,1 milliard d'euros pour le taux de 2,1 % applicable aux médicaments remboursables ou soumis à autorisation temporaire d'utilisation et aux produits sanguins ; 50 millions d'euros pour le taux de 5,5 % accordé aux prestations de soins dispensées par les établissements thermaux autorisés ; 20 millions d'euros pour la déduction forfaitaire au titre du groupe III pour les médecins conventionnés et 2 millions d'euros pour l'exonération d'impôt sur le revenu de la rémunération perçue au titre de la permanence des soins par les médecins installés dans certaines zones.
Enfin, il convient de rappeler que les dépenses de personnels sont affectées au programme « conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » de la mission « Solidarité et intégration », pour un total de 195,3 millions d'euros.
2. La régionalisation de l'organisation des soins se poursuit
L'action « modernisation du système de soins » représente, pour sa part, près de 40 % des crédits du programme, soit 40,7 millions d'euros de crédits de paiement en 2008 . Elle recouvre, pour 28,9 millions, les subventions aux différents opérateurs .
Outre ce poste, très largement majoritaire, 7 millions de dépenses de fonctionnement courant seront affectés à l'organisation des élections de l'ordre national des infirmiers (1,5 million), à des actions de formation des personnels des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) (1,5 million) et aux charges de frais de justice et de réparations civiles (4 millions). Il s'agit essentiellement de contentieux liés aux autorisations d'ouverture de pharmacies et de laboratoires, ainsi qu'à la sectorisation psychiatrique. Cette enveloppe est toutefois régulièrement inférieure aux besoins s'agissant des contentieux psychiatriques : la dette cumulée de l'Etat aux établissements de santé à ce titre est ainsi estimée à 37,2 millions.
Enfin, l'action comprend 4,7 millions d'euros de crédits d'intervention , en augmentation, pour la réhabilitation d'établissements de santé et l'édification de nouveaux bâtiments dans les collectivités d'outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna), dans le cadre de contrats de développement.
a) Le développement des agences régionales
La quasi-totalité de la subvention de l'Etat aux opérateurs est versée aux vingt-six ARH, qui se partageront 22,1 millions d'euros en 2008 , soit une dotation équivalente à celle de 2007.
Les ARH sont des GIP constitués en 1997 entre l'Etat et l'assurance maladie . Elles ont la charge de définir et de mettre en oeuvre la politique régionale d'offre de soins hospitaliers, de coordonner l'activité des établissements de santé, de contrôler leur fonctionnement et de déterminer leurs ressources.
Depuis leur mise en place, elles ont permis, sur la base des besoins de la population, d'engager une action concertée de recomposition de l'offre de soins. Conformément aux directives nationales, elles ont procédé à une politique différenciée de subvention des établissements allant dans le sens d'une réduction des inégalités, en cohérence avec les objectifs définis par chaque schéma régional d'organisation sanitaire (Sros).
Elles veillent désormais à ce que les établissements publics et privés s'engagent activement dans la mise en oeuvre de la réforme de la tarification à l'activité, permettant une meilleure prise en compte de l'activité médicale et du service rendu au patient.
Elles disposent, pour mener à bien l'ensemble de leurs missions, de 408 emplois équivalents temps plein (ETP) , dont 58 mis à disposition par l'assurance maladie, soit entre 50 et 130 emplois par agence.
L'objectif n° 1 du projet annuel de performances évalue d'ailleurs leur action en matière de pilotage de l'offre de soins. L'indicateur qui lui est associé est le taux d'atteinte des objectifs nationaux quantifiés qui figurent dans les contrats triennaux passés entre l'Etat et les ARH. Ce taux doit atteindre 50 % en 2008, soit une progression importante par rapport à 2007 (25 %), et passe par le respect de plusieurs sous-indicateurs : assurer la régulation régionale de l'offre de soins, veiller aux équilibres financiers des établissements de santé, optimiser l'organisation et la gestion interne des établissements, favoriser l'efficience des pratiques hospitalières et développer le dialogue social en région.
Si, grâce aux ARH, de réels progrès ont été accomplis en matière d'organisation régionale de l'offre de soins, la coordination avec les soins de ville et les actions de prévention demeure encore insuffisante . Deux initiatives lancées en 2004 dans ce domaine se sont soldées par un échec : les missions régionales de santé (MRS), regroupant les ARH et les unions régionales des caisses d'assurance maladie (Urcam), et les groupements régionaux de santé publique (GRSP), chargés de mettre en oeuvre les plans régionaux de santé publique (PRSP).
En effet, si l'élaboration des PRSP a permis de mobiliser les acteurs régionaux autour d'un diagnostic partagé de l'état de santé de la population et des moyens de l'améliorer, les spécificités sanitaires régionales n'ont pas suffisamment été prises en compte dans l'application effective des plans. En outre, les GRSP, mis en place tardivement (en juin 2007 pour celui de Bretagne), n'ont pas réussi à fédérer les actions des différents partenaires.
C'est pourquoi votre commission souhaite que la politique de santé publique entre dans le champ de compétence des futures agences régionales de santé (ARS). En effet, la même structure piloterait l'offre de soins et les objectifs régionaux de santé publique.
Votre commission sera donc attentive aux résultats de l'expérimentation des ARS, dont elle attend le lancement, afin que ces agences puissent être créées aussi rapidement que possible en vue de consolider le dispositif régional de santé.
b) Des opérateurs nationaux de moindre envergure
Outre les ARH, trois opérateurs participent à la mise en oeuvre de ce programme : l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), le GIP « carte de professionnel de santé » (GIP-CPS) et le nouveau centre national de gestion.
• L'
ATIH
est un établissement
public à caractère administratif créé en 2000 pour
traiter les informations issues du programme de médicalisation des
systèmes d'information (PMSI). Son champ de compétences s'est
progressivement étendu avec la mise en oeuvre de la tarification
à l'activité (T2A) et le développement du recueil de
données dans d'autres activités (l'hospitalisation à
domicile, les soins de suite et de réadaptation, par exemple).
L'agence contribue à la modernisation des établissements de santé et à l'évaluation de leurs performances en organisant la collecte de leurs données d'activité et de coût, mais aussi en concevant et en produisant des systèmes d'information utiles à la gestion du système de soins. Elle participe en outre à la détermination des moyens financiers des établissements en fonction de leur activité et à la réforme de la T2A.
La subvention de l'Etat à l'ATIH s'élèvera, en 2008, à 2,4 millions d'euros , soit 600 000 euros de plus qu'en 2007. Conformément à l'article 4 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, l'assurance maladie versera le double de cette somme à l'opérateur. Enfin, ses ressources propres - essentiellement le produit de la vente de logiciels aux établissements de santé - devraient s'élever à un million d'euros et son fonds de concours sera prélevé à hauteur de 640 000 euros.
Cette augmentation des moyens de l'ATIH permettra le recrutement de dix-huit emplois équivalent temps plein (ETP), portant les effectifs à soixante-dix-huit ETP en 2008. Ces emplois supplémentaires sont destinés à répondre au développement des activités de l'agence, en application du contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2007-2010.
• Le
GIP-CPS
a été
créé en 1993 pour une durée de quinze ans. Il
rassemble l'Etat, l'assurance maladie, les ordres professionnels, ainsi que des
représentants des mutuelles et des syndicats professionnels. Il est
chargé de mettre au point et de diffuser la carte individuelle de
professionnel de santé SESAM-Vitale, qui permet la
télétransmission sécurisée des documents
liés à des actes ou des prestations remboursables par l'assurance
maladie. En outre, il a pour mission, depuis 2004, de mettre en oeuvre le
répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS).
Il s'agit d'une carte électronique individuelle protégée par un code confidentiel, qui contient des informations portant sur l'identité du professionnel, sa qualification, ses différents modes d'exercice, ainsi que des données de facturation pour l'établissement des feuilles de soins électroniques.
Au 1
er
août 2006,
585 000 cartes étaient en circulation, dont 85 %
auprès des professionnels de santé du secteur privé. Chez
les libéraux, 88 % des médecins, 100 % des pharmaciens
titulaires d'officines, 94 % des orthophonistes, 88 % des
masseurs-kinésithérapeutes, 87 % des chirurgiens-dentistes
et 79 % des infirmiers sont aujourd'hui détenteurs d'une carte.
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Comme les années précédentes, le GIP-CSP recevra, en 2008, une subvention de 768 500 euros . L'assurance maladie participera au financement de l'opérateur à hauteur d'un million d'euros, l'essentiel du budget du GIP étant constitué par les abonnements des professionnels.
Votre commission observe que 2008 constitue normalement la dernière année d'existence du GIP, année qu'il convient de mettre à profit pour accroître encore le nombre de cartes en circulation , en application des recommandations de la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2007. Un décret du 15 mai 2007 rend d'ailleurs cette carte obligatoire pour accéder aux données individuelles de santé au sein des établissements, ce qui devrait en développer l'usage en milieu hospitalier.
• Enfin, le
centre national de
gestion
(CNG), dont la création était prévue par
l'ordonnance du 1
er
septembre 2005 portant diverses
dispositions relatives aux établissements de santé et à
certains personnels de la fonction publique hospitalière, sera mis en
place à la fin de l'année 2007.
Il sera l'opérateur de la DHOS en matière de gestion du personnel hospitalier (directeur d'hôpital, d'établissement sanitaire et social, d'établissement social et médicosocial, directeur de soins, praticien hospitalier, attaché d'administration hospitalière, etc.), soit 40 000 personnes dont 35 000 praticiens, et d'organisation des concours d'entrée dans ces professions, hormis celui de l'internat et l'examen classant national.
L'Etat lui versera, à cet effet, une subvention de 3,7 millions d'euros en 2008 , dont 2 millions d'euros destinés aux concours, qui constituaient auparavant des dépenses de fonctionnement courant de la DHOS. Il bénéficiera également d'une dotation de l'assurance maladie et d'une contribution des établissements de santé d'environ 15 millions chacune.
Votre commission s'était légitimement étonnée, l'année passée, de l'absence de crédits destinés au financement du GIP « institut des données de santé » (GIP-IDS), au motif que cette structure annoncée depuis 2005 n'était toujours pas créée. Elle observe donc avec satisfaction que l'arrêté du 30 avril 2007 a permis la mise en place effective du GIP, constitué entre l'Etat, l'assurance maladie, l'union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire (Unocam) et l'union nationale des professionnels de santé, pour assurer la cohérence et veiller à la qualité des systèmes d'information utilisés pour la gestion du risque maladie.
En revanche, la subvention de 180 000 euros qui lui sera versée par l'Etat en 2008 ne figure curieusement pas dans l'action « Santé » mais au programme « conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » de l'action « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Enfin, votre commission déplore que, l'an prochain encore, l'Etat ne participera pas au financement du GIP « dossier médical personnel » (GIP-DMP), constitué en 2006 par le ministère de la santé, l'assurance maladie et la Caisse des dépôts et consignations. L'assurance maladie en assure la quasi-totalité par le biais du Faqsv.
Cet opérateur a pour mission de préparer les dispositions juridiques, organisationnelles, financières et logistiques du DMP et d'en assurer la réalisation. Il a notamment la charge d'informer les représentants des professions de santé et les associations de patients, de définir les données de santé à caractère personnel relatives à la prévention, au diagnostic ou aux soins qui pourront figurer dans le DMP, d'encadrer les conditions d'hébergement, d'accès et de transmission de ces données et de piloter la généralisation du projet.
Le DMP doit rassembler, pour les assurés sociaux de plus de seize ans, l'ensemble des éléments diagnostiques et thérapeutiques reportés par les professionnels de santé en ville et à l'hôpital.
Un premier appel d'offre a été lancé en septembre 2004 pour tester le DMP sur dix-sept sites pilotes au premier semestre 2005. Il a ensuite été progressivement étendu en 2006. Toutefois, sa mise en place définitive, annoncée pour le 1 er janvier 2007, ne pourra vraisemblablement intervenir avant 2010, voire 2012 . C'est la conclusion du rapport très critique de l'Igas et du conseil général des technologies de l'information (CGTI) sur le DMP.
Pour les auteurs du rapport, la mise en place de ce projet, dont ils estiment le coût à 1,1 milliard d'euros sur cinq ans, est « un antimodèle de gestion publique, le parfait exemple de tout ce qu'il faut faire pour conduire à l'échec d'un projet de portée nationale ». En effet, « la création d'un DMP pour tous les Français est une démarche d'au moins une dizaine d'années dont le coût dépassera largement celui annoncé aujourd'hui » , alors que « le projet DMP s'est vu attribuer dès l'origine une série d'objectifs à l'évidence hors d'atteinte ».
Sans remettre en cause ce constat, votre commission appelle de ses voeux la poursuite du projet de mise en place du DMP , dans un délai plus réaliste. A cet égard, elle souhaite que l'Etat s'investisse dans le financement du GIP, tant pour lui donner les moyens de sa mission que pour prouver l'engagement des pouvoirs publics sur cette question.