C. QUELS GARDE-FOUS POUR ÉVITER L'OPTIMISATION BUDGÉTAIRE ?

Face aux risques de rigidification de la dépense publique que pourrait représenter un volume de PPP mal maîtrisé - ce qui n'est pas la situation actuelle marquée par une relative modestie des contrats signés - il convient de veiller à l'indispensable transparence des contrats signés, conformément à la LOLF, afin que les engagements financiers de l'Etat soient limités à ce qui est soutenable budgétairement sur longue période.

1. Des collectivités territoriales moins exposées que l'Etat ?

Du point de vue de votre rapporteur pour avis, les collectivités territoriales paraissent moins exposées au risque de déconsolidation abusive des contrats de partenariat. Premièrement, leur structure financière fait l'objet d'un examen attentif des banques lors de la présentation de leurs dossiers de financement. Deuxièmement, et surtout, les collectivités territoriales sont soumises à l'obligation d'équilibrer leur section de fonctionnement, ce qui a eu pour effet, globalement, de limiter leur endettement, et de le consacrer par ailleurs seulement à l'investissement 27 ( * ) . Troisièmement, les collectivités territoriales soumettent leurs investissements à une surveillance constante de leurs conseils, et des populations concernées. Dans le cas de l'Etat, l'investissement est dilué dans une masse de dépenses beaucoup plus importante pour faire l'objet de débats ex ante approfondis.

Pour autant, les règles budgétaires de l'Etat ont eu tendance à se renforcer sur moyenne période afin de mieux prendre en compte les enjeux de soutenabilité de long terme . La norme de dépense de l'Etat a prévu une croissance des crédits strictement limitée à l'inflation depuis 2002. Au cours des cinq derniers exercices, le gouvernement a tenu cette norme de dépense. Elle a été élargie pour 2008 aux prélèvements sur recettes. Mais cette norme de dépense, formulée en crédits de paiement, ne prend justement pas en cause les comportements visant, par exemple s'agissant des investissements, à reporter à plus tard le paiement d'une dépense engagée, et d'en lisser la charge en prolongeant sur des périodes pouvant allers jusqu'à 30 ans les échéanciers de paiement.

Ainsi, dans la prise en compte de la soutenabilité à moyen terme des choix budgétaires opérés en matière de PPP, c'est l'autorisation d'engagement qui devient déterminante.

2. Quelle portée pour les autorisations d'engagement ?

En 2005, à l'occasion des débats sur le projet de loi organique modifiant la LOLF, la commission des finances du Sénat a souhaité compléter l'article 8 de la loi organique du 1 er août 2001, lequel dispose que les crédits ouverts sont constitués d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement.

Il lui paraissait indispensable de prévoir que le lancement d'opérations en PPP et le recours à de tels financements « innovants », soit soumis obligatoirement à une inscription, dans le projet de loi de finances, des autorisations d'engagement. Si, dans l'esprit de notre collègue Jean Arthuis, rapporteur du projet de loi de loi au nom de la commission des finances, « il s'agissait, en la circonstance, de viser aussi bien l'investissement que les dépenses de maintenance ainsi que, éventuellement, les dépenses de gestion » , la rédaction retenue de l'article 8 de la LOLF prévoit que l'autorisation d'engagement afférente aux opérations menées en partenariat pour lesquelles l'Etat confie à un tiers une mission globale relative au financement d'investissements ainsi qu'à leur réalisation, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion, couvre dès l'année où le contrat est conclu la totalité de l'engagement juridique 28 ( * ) . Ce garde-fou est important et donne au Parlement une responsabilité majeure dans l'autorisation des PPP au regard des exigences de soutenabilité des finances publiques.

Ce garde-fou a nécessité des précisions afin de confronter le critère juridique , qui lie l'autorisation d'engagement de l'Etat, conformément à l'article 8 de la LOLF, et le critère économique , invite à comparer la budgétisation d'un PPP à ce que l'Etat aurait été amené à le faire s'il avait réalisé lui-même l'opération, en créant donc des autorisations d'engagement sur la seule partie investissement.

Une circulaire de la direction du budget du 14 septembre 2005 invite ainsi en cas de partenariat public-privé à retenir les règles ci-dessous.

Règles appliquées à la consommation des autorisations d'engagement
et des crédits de paiement pour les PPP

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

La première année

Chaque année suivante

Chaque année

Investissement (titre 5)

Coût complet

Néant

Chaque année

Fonctionnement (titre 3)

Quote-part de l'annuité lié au fonctionnement

Montant de l'annuité

Financement (titre 3)

Quote-part de l'annuité lié au financement

Dédit (titre 5)

Montant contractuel du dédit

Néant

Montant du dédit
(le cas échéant)

Source : circulaire de la direction du budget du 14 septembre 2005 et rapport de l'inspection générale des finances relatif à la pluriannualité des finances publique

Un rapport de l'Inspection générale des finances sur la gestion pluriannuelle des finances publiques (avril 2007) souligne que « la portée juridique de cette circulaire pose question, dans la mesure où elle revient sur les principes posés par la LOLF à l'article 8 et à réintroduire artificiellement une distinction entre les dépenses de fonctionnement et celles d'investissement, pourtant liées dans le contrat de partenariat, au motif qu'une charge de fonctionnement courante est « relativement peu engageante à terme ». Par ailleurs, elle préempte des règles de budgétisation en cours de définition pour le titre 3 et conduit à sous-estimer dans l'engagement initial le montant total des crédits de paiement à budgéter par la suite ».

Comme le reconnaissait M. Philippe Josse, directeur du budget, en répondant aux questions de votre rapporteur pour avis dans le cadre de la table-ronde du 19 mars 2008 relative aux enjeux budgétaires et comptables des PPP, « l'autorisation d'engagement n'est pas aujourd'hui un « juge de paix budgétaire » aussi efficace que les crédits de paiement ». Il a néanmoins signalé des progrès dans ce domaine, qui seraient encore plus significatifs en 2010, dès que l'application informatique Chorus permettrait une véritable tenue de la comptabilité d'engagement, notamment des dépenses déconcentrées. Sa direction dispose déjà d'évaluation des restes à payer, qui fait l'objet d'un suivi, et fournit au gouvernement et aux gestionnaires une vision précise des flux financiers liés aux contrats de partenariat. Il a rappelé, en outre, les gains attendus du projet de budget pluriannuel.

C'est au moment de l'examen du projet de loi de finances qu'un examen approfondi des « reste à payer » liés aux PPP devra avoir lieu.

* 27 Par rapport au niveau de 50 points de PIB constatés en 2006 pour la dette de l'Etat, le respect de la règle d'or lui aurait permis de limiter sa dette à seulement 25 points du PIB. Dans ce cas, la dette publique globale ne serait que de 39,2 % du PIB...

* 28 Et non l'engagement financier, comme le proposait notre collègue rapporteur Jean Arthuis.

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