C. LES CONSÉQUENCES DE CE NOUVEAU PARTAGE ET LES QUESTIONS QUI EN RÉSULTENT

La mise à contribution des organismes complémentaires à hauteur d'un milliard d'euros n'est pas neutre - et ce d'autant moins que le dispositif proposé est « pérenne ».

Votre rapporteur pour avis s'interroge, à cet égard, sur les conséquences de ce transfert sur les cotisations demandées aux adhérents et, plus largement, quant à l'évolution du système de protection sociale.

1. Sur la capacité des organismes complémentaires à absorber ce transfert sans en répercuter le coût sur l'assuré

Il convient de s'interroger quant à la répercussion éventuelle de cette charge nouvelle sur les adhérents.

A l'occasion de son discours devant la commission des comptes de la sécurité sociale en septembre 2008, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, avait motivé cette mise à contribution des organismes complémentaires par « le déport mécanique [chaque année] , à législation constante, de l'ordre de 600 millions d'euros, des dépenses prises en charge par les assurances complémentaires vers l'assurance maladie. Cet accroissement systématique, toutes choses égales par ailleurs, des dépenses d'assurance maladie, s'explique par l'effet combiné du vieillissement de la population et du régime de prise en charge intégrale des patients en affection de longue durée ».

En se fondant sur des données de l'ACAM et sur l'enquête de la Cour des comptes remise à la commission des affaires sociales du Sénat 15 ( * ) , notre collègue député Yves Bur, rapporteur du présent projet de loi pour les recettes et l'équilibre général au nom de la commission des affaires culturelles, mettait de son côté en avant les réserves des organismes complémentaires - à savoir leurs provisions . Il note que l'évolution des primes perçues par les organismes complémentaires au titre de la santé est dynamique (28,42 milliards d'euros en 2007, contre 27,08 milliard d'euros en 2006 et 24,95 milliards d'euros en 2005). Il souligne également que le chiffre d'affaires « santé » des organismes complémentaires (27,37 milliard d'euros en 2007, contre 26,04 milliards d'euros en 2006) a crû plus rapidement que les prestations versées , les sinistres en frais de santé étant évalués par l'ACAM à 22,18 milliards d'euros en 2007 (21,88 milliards d'euros en 2006).

Selon les données du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie dans son rapport de juillet 2008, au cours des quatre années qui viennent de s'écouler, « la profitabilité des organismes complémentaires n'a cessé de s'améliorer », le taux de marge des organismes complémentaires étant passé de 13 % à 27 % selon les familles d'organismes. Dans ces conditions, la mise à contribution de ces organismes n'apparaît pas illégitime.

Votre rapporteur pour avis observe que la lettre du 28 juillet 2008 cosignée par Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et M. Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française, semble garantir une stabilité des cotisations demandées par les mutuelles au titre de l'année 2009 : « les mutuelles feront les meilleurs efforts, dans le contexte européen actuel, pour ne pas répercuter cette contribution dans les cotisations de leurs adhérents , dès lors qu'elles seront associées plus étroitement à la gestion du risque santé et que les règles du système de soins évolueront ».

Cet engagement ne concerne toutefois que les mutuelles, et non les sociétés d'assurance ni les institutions de prévoyance. Celles-ci pourraient donc répercuter cette hausse, même si la concurrence entre acteurs jouera très probablement un rôle de frein en ce domaine. Par ailleurs, d'après l'analyse de la Mutualité française, la situation des mutuelles devrait être appréciée au cas par cas.

Votre rapporteur pour avis relève, à cet égard, l'absence de données permettant d'apprécier concrètement les effets de cette hausse sur les organismes complémentaires. Notre collègue Alain Vasselle l'avait déjà souligné, dans son rapport précité sur les transferts de charge entre l'assurance maladie, les complémentaires et les ménages.

Il se félicite donc de l' amendement adopté par l'Assemblée nationale , à l'initiative de notre collègue député Yves Bur, et avec l'avis favorable du gouvernement, tendant à demander à l'ACAM et au fonds CMU d'établir chaque année un rapport , remis au Parlement et au gouvernement avant le 15 septembre de chaque année, sur les comptes des organismes complémentaires , faisant apparaître :

- l'évolution des primes ou cotisations afférentes à la protection complémentaire en matière de frais de soins de santé

- celle du montant des prestations afférentes à la protection complémentaire en matière de frais de soins de santé versées par ces organismes ;

- l'évolution du prix et du contenu des contrats ayant ouvert droit à l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé ;

- celle du montant des impôts, taxes et contributions acquittées par ces organismes ;

- la variation de leur rapport de solvabilité ainsi que de leurs fonds propres et provisions techniques.

Dans l'intervalle, votre rapporteur pour avis souhaite que l'examen du présent projet de loi de financement permette de faire toute la lumière sur l'impact de cette mesure au titre de l'année 2009, et qu'il soit également l'occasion d'adopter une vision plus prospective de la répartition des rôles entre l'assurance maladie de base et l'assurance maladie complémentaire.

2. Sur le changement plus profond du partage des rôles entre l'assurance maladie de base et l'assurance maladie complémentaire

Votre rapporteur pour avis avait déjà abordé ce thème dans son rapport sur la taxation de l'industrie du médicament 16 ( * ) , en notant que l'évolution globale du système de prise en charge des médicaments ne pouvait être envisagée qu'en prenant en compte la situation des organismes complémentaires, analysée par notre collègue Alain Vasselle, dans son rapport d'information précité.

Celui-ci a, sur la base d'une enquête de la Cour des comptes, mis en évidence l'importance des coûts de gestion des organismes complémentaires par rapport à ceux de l'assurance maladie obligatoire (24,4 % contre 5,4 %) . L'UNOCAM a, depuis lors, adressé une réponse à la Cour des comptes, dans le cadre de son rapport public annuel, dans laquelle elle conteste certaines analyses.

L'idée d'un basculement de certaines dépenses de l'assurance maladie obligatoire vers les assurances complémentaires a également été analysée dans le cadre des travaux menés sur la révision générale des politiques publiques (RGPP) et constitue le coeur du rapport précité du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

Ce dernier indique qu' un basculement de 3 à 4 milliards d'euros de dépenses sur les organismes complémentaires pourrait conduire à une augmentation des cotisations versées à ces organismes comprise entre 130 et 185 euros par an et par ménage, soit l'équivalent de 0,45 à 0,6 % du revenu disponible . Il note toutefois qu'une politique volontariste de la gestion du risque et des efforts de productivité permettraient que l'augmentation des charges ne soit pas répercutée sur les cotisations « ni de façon immédiate, ni pour sa totalité ».

Par ailleurs, il souligne qu' une intervention accrue des organismes complémentaires « ne peut se concevoir en dehors de garanties liées à la nature de la dépense et au souci de donner aux opérateurs les moyens nécessaires à leur gestion ». Cette problématique de la gestion du risque touche notamment à la possibilité, pour ces organismes, d'avoir accès à des certaines données, d'être en situation de « co-piloter » le risque - ce qui est renforcé par la place accrue accordée à l'UNOCAM - et d'être libre de contracter avec les offreurs de soins.

Votre rapporteur pour avis note, par ailleurs, que la mise en place du cinquième risque pourrait passer par l'instauration d'un partenariat entre la couverture obligatoire de base et les organismes complémentaires, comme l'a mis en évidence la mission commune d'information du Sénat présidée par notre collègue Philippe Marini 17 ( * ) .

C'est donc toute l'architecture du système de protection sociale qui est ici en jeu. Il est, dès lors, essentiel d'adopter en la matière une vision de moyen-long terme.

* 15 Se reporter au rapport d'information n° 385 (2007-2008) de notre collègue Alain Vasselle, « Santé : qui doit payer ? Une contribution au débat sur les transferts de charges entre l'assurance maladie, les complémentaires et les ménages ».

* 16 « Taxation de l'industrie du médicament : mettre la fiscalité en perspective », rapport d'information n° 427 (2007-2008)

* 17 Philippe Marini (président), Alain Vasselle (rapporteur), « Construire le cinquième risque : le rapport d'étape », rapport d'information n° 447 (2007-2008).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page