B. LA RÉVISION DE LA PROCÉDURE DES PÉNALITÉS FINANCIÈRES (ARTICLE 77)

1. Les limites du dispositif actuel

L'article 13 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a procédé à la réforme de la procédure des pénalités financières en cas d'abus ou de fraude des professionnels, des établissements de santé et des assurés.

Ce dispositif a néanmoins encore montré des limites , dont témoignent les données chiffrées recueillies par votre rapporteur pour avis auprès du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique : en 2006, 48 pénalités ont été prononcées pour un montant total de 66.000 euros, alors que, pour la même année, 4.661 cas de fraude ont été détectés sur le terrain. En 2007, le nombre de pénalités prononcées s'élève à 207, pour un montant total de 307.000 euros.

D'après les propos recueillis par votre rapporteur pour avis auprès du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, les causes de dysfonctionnement sont à rechercher dans plusieurs éléments :

- la procédure actuelle ne permet pas de poursuivre un nombre important de comportements pourtant répréhensibles - comme les actes fictifs ou les obstacles aux contrôles ;

- elle prévoit un plafond et un barème fixe applicables, sans distinction, à tous les auteurs d'infraction - assuré ou établissement de santé - et quel que soit le type d'infraction . Ce plafond est fixé à deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale - soit 5.546 euros au 1 er janvier 2008. Ce montant trop réduit par rapport à la gravité de certains actes dissuade souvent le directeur de l'organisme local d'assurance maladie de poursuivre la procédure ;

- le dispositif actuel ne permet pas d'interrompre la procédure pour des cas fautifs ne nécessitant pas forcément de sanction . Une procédure de mise en garde a été introduite par voie réglementaire mais s'est avérée inadaptée ;

- la réunion de commissions spécifiques au sein de l'organisme local d'assurance maladie est une procédure lourde. Les coûts de gestion et d'organisation de cette procédure seraient plus importants que les pénalités prononcées ;

- la procédure s'avère enfin inadaptée en cas de dossiers concernant plusieurs organismes locaux d'assurance maladie et longue en cas de fraude lourde.

2. Le dispositif proposé

L'article 77 tend à répondre à chacune de ces limites :

Le I définit les personnes ou organismes susceptibles d'être sanctionnées - assuré, employeur, professionnel et établissement de santé.

Deux éléments sont à souligner :

- le présent article élargit le champ d'application des pénalités à des cas de fraude qui, en l'état actuel du droit, ne peuvent être poursuivies : il s'agit notamment des abus en matière de couverture maladie universelle complémentaire, d'aide médicale de l'Etat et d'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé ;

- il introduit la notion de « fraude en bande organisée »

Le II énumère les cas d'infractions ou omissions susceptibles d'être sanctionnés, de façon extensive et plus précise qu'en l'état actuel du droit :

- l'inobservation des règles du code de la sécurité sociale, du code de la santé publique ou du code de l'action sociale et des familles ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation ;

- l'obstacle aux contrôles ou à la bonne gestion de l'organisme ;

- le défaut de déclaration en cas de changement de situation ;

- l'agissement visant à obtenir, par une fausse déclaration, la protection complémentaire ou le bénéfice du crédit d'impôt pour bénéficier de cette assurance, ou encore l'aide médicale de l'Etat ;

- le refus de transmission de certaines informations ;

- les récidives sous certaines conditions ;

- les abus constatés en matière de soins et de prescriptions d'arrêt de travail ;

- le refus par un professionnel de santé de reporter dans le dossier médical personnel les éléments issus de chaque acte ou consultation ;

- le non respect par les employeurs des obligations de déclaration des accidents du travail ;

- le fait d'organiser ou de participer au fonctionnement d'une fraude en bande organisée.

Le III définit les différents types de pénalités pouvant être prononcées : une pénalité forfaitaire, dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale (soit 5.546 euros au 1 er janvier 2008), pour les abus dont le montant n'est pas déterminé ou difficilement déterminable ; une pénalité proportionnelle , dans les autres cas, dans la limite de 50 % du montant de l'abus constaté. Il est également tenu compte des prestations servies au titre de la protection complémentaire en matière de santé et de l'aide médicale de l'Etat. En cas de récidive, le montant de la pénalité est doublé.

Le IV définit la procédure contradictoire de notification des faits reprochés à la personne mise en cause et précise les droits de la défense. Dans le cadre de cette nouvelle procédure, est ouverte la possibilité pour le directeur de l'organisme local d'assurance maladie, avant la saisine de la commission, de ne pas poursuivre la procédure et de prononcer, dans certains cas, un avertissement à l'intéressé.

Le V définit la composition et les attributions de la commission constituée au sein de l'organisme local d'assurance maladie. Celles-ci ne changent pas par rapport à la procédure actuelle.

Le VI vise les cas de fraude concernant plusieurs organismes locaux d'assurance maladie et instaure une possibilité de délégation de compétences entre organismes.

Le VII prévoit des pénalités financières renforcées en cas de fraude grave, définie par voie réglementaire :

- la sanction peut être prononcée par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie sans sollicitation de la commission ;

- les plafonds de pénalités sont majorés - respectivement à 200 % et quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. Pour la fraude en bande organisée, le plafond est porté à 300 % des sommes indûment présentées au remboursement ;

- un plancher de pénalité est instauré et modulé en fonction des personnes poursuivies.

Le VIII précise qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du dispositif qui entre en vigueur à la date de publication de ce décret.

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de notre collègue député Dominique Tian, avec un avis de sagesse du gouvernement, un amendement visant à tenir informés les organismes d'assurance complémentaire de la pénalité prononcée.

Votre rapporteur pour avis accueille favorablement ces mesures qui assouplissent et permettent une meilleure graduation des pénalités financières prononcées en fonction de la gravité de l'infraction .

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