c) La majoration des petites retraites agricoles (article 53)

L'article 53 du présent projet de loi de financement de la sécurité social tend, d'une part, à modifier l'actuel mode de calcul des revalorisations des pensions agricoles en fixant un montant minimum de retraite de référence , et, d'autre part, à améliorer les droits des conjoints participant aux travaux de l'exploitation.

(1) Deux mesures qui s'inscrivent dans le cadre du plan pluriannuel de revalorisation des retraites agricoles initié en 1994

Les retraites agricoles se décomposent en une retraite de base, elle-même décomposée en une retraite forfaitaire et une retraite proportionnelle, et une retraite complémentaire obligatoire introduite par la loi n° 2002-308 du 4 mars 2002 tendant à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles.

A partir de 1994, plusieurs dispositifs ont été mis en place pour revaloriser les retraites des non-salariés agricoles . Elles ont permis, selon l'exposé des motifs du présent article, de porter la pension des retraités agricoles ayant effectué une carrière complète au niveau du minimum vieillesse (486,83 euros par mois pour une personne seule en 1994).

Bilan des mesures de revalorisation des retraites agricoles depuis 1994

( en millions d'euros )

Dispositif

Nombre de bénéficiaires

Effet de la mesure de revalorisation

Coût

1994-2002

Mesures portant sur les retraites de base des exploitants, de leurs conjoints et des aides familiaux.

875.000

(en 2002)

Pour une carrière complète les pensions de base ont été revalorisées de 43 % pour les chefs d'exploitation, 80 % pour les personnes veuves, 93 % pour les conjoints et aides familiaux.

1.700

2003

Création de la retraite complémentaire obligatoire (RCO).

450.000

Cette mesure apporte en moyenne 1.000 euros par an aux bénéficiaires.

145*

2006

Prise en compte, pour l'accès au droit à revalorisation, des périodes d'affiliation à l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF).

20.000

Ce dispositif a permis d'augmenter de 1.300 euros par an en moyenne les retraites des personnes concernées.

20

2007-2008

Abaissement à 22,5 ans de la durée minimale d'activité nécessaire pour bénéficier des revalorisations (2007).

Abaissement à 4 % par an de la minoration de pension de retraite par année manquante par rapport à la durée minimale d'assurance vieillesse requise.

300.000

162 (en 2007)

205 (à partir de 2008)

* Le nouveau régime est à la fois financé par les cotisations et par une participation financière de l'Etat, en raison du déséquilibre de la démographie agricole.

Source : d'après les données du ministère de l'agriculture et de la pêche

Cependant, ces mesures ont exclu certaines catégories de retraités , en particulier, les veuves, les conjoints d'agriculteurs et les retraités à carrière incomplète. Ainsi selon les données de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), 91 % des veuves d'agriculteurs sans droits propres perçoivent une pension de moins de 400 euros par mois.

Les deux mesures proposées par le présent article tendent à répondre à ce constant, conformément à l'objectif fixé par le Président de la République , le 23 février 2008, à l'occasion de l'inauguration du 45 e salon international de l'agriculture, de réduire les « poches de pauvreté » où se trouvent certains retraités agricoles .

(2) Une simplification du mode de calcul des revalorisations de retraites agricoles

Le I de l'article 53 introduit un nouveau mode de revalorisation des retraites agricoles.

(a) Le champ d'application de la nouvelle majoration de pension

Les personnes pouvant bénéficier de la revalorisation doivent remplir deux conditions cumulatives :

- d'une part, avoir liquidé l'ensemble de leurs avantages vieillesse , dans tous les régimes auxquels ils ont été affiliés ;

- d'autre part, remplir des conditions particulières, différentes en fonction de la date d'effet de la pension :

* Pour les pensions ayant pris effet avant le 1 er janvier 2002 , les personnes concernées doivent justifier d'une durée minimale d'assurance fixée par décret (actuellement 22,5 ans) ; pour apprécier cette durée, sont pris en compte les périodes accomplies à titre exclusif ou principal dans le régime vieillesse des non-salariés agricoles, ainsi que, pour les personnes rattachées au régime général pour certains risques et charges (définis à l'article L. 381-1 du code de la sécurité sociale), les périodes d'affiliation obligatoire au régime général ;

* Pour les pensions ayant pris effet après le 1 er janvier 2002 , les personnes concernées doivent, d'une part, justifier des conditions nécessaires à l'ouverture d'une retraite à taux plein (soit un âge minimum - 60 ans et plus - et une durée minimale d'assurance tous régimes confondus - 150 à 164 trimestres en fonction de l'année de naissance) et, d'autre part, justifier d'une durée minimale d'assurance accomplie à titre exclusif ou principal dans le régime des non-salariés agricoles - durée fixée par décret. Cette durée est aujourd'hui fixée à 22,5 ans. L'exposé des motifs du présent article indique que le gouvernement s'engage à abaisser ce seuil à 17,5 ans en 2010.

(b) Le principe de calcul de la majoration de retraite

Le nouveau dispositif de calcul de la revalorisation repose sur l'instauration d'un montant minimum de retraite qui servira de référence pour le calcul de la majoration de pension . Ce montant minimum sera déterminé en fonction des périodes d'assurance accomplies dans le régime des non-salariés agricole - il sera proportionnel à la durée de cotisation pour les carrières incomplètes - et diffèrera en fonction de la qualité de l'assuré (chef d'exploitation, veufs ou veuves, conjoint ou aide familial). Fixé par décret, ce montant minimum de retraite devrait être porté, selon le ministère de l'agriculture et de la pêche, à 633 euros par mois pour les chefs d'exploitation et pour les veuves, et à 503 euros par mois pour les conjoints, s'agissant des carrières complètes.

La majoration de pension sera ensuite attribuée après une double comparaison :

- le montant de la retraite servi par le régime d'assurance vieillesse de base des non-salariés agricoles sera, d'abord, comparé au montant minimum de retraite fixé par la présente mesure - soit 633 euros pour les chefs d'exploitation et pour les veuves et 503 euros pour les conjoints, s'agissant des carrières complètes. Si le montant de la retraite perçue est inférieur à ce montant minimum, le droit à majoration est ouvert ;

- le montant de cette majoration est, ensuite, comparé à celui de la totalité des pensions perçues par le retraité tous régimes confondus. Si le montant total de celles-ci - majoration augmentée de la totalité des pensions - est inférieur à un plafond fixé par décret - 750 euros par mois selon l'exposé des motifs du présent article - la majoration est attribuée. S'il est supérieur à ce plafond, la majoration est réduite à due concurrence.

Les modalités d'application du dispositif - en particulier, le mode de calcul de la majoration, les conditions suivant lesquelles les durées d'assurance nécessaires à l'ouverture du droit à revalorisation sont déterminées et les modalités d'appréciation du plafond fixées - sont renvoyées à un décret.

Pour le service de la majoration de pension, l'administration fiscale transmet à la CCMSA, les données nécessaires au contrôle de la majoration de pension.

Le II de l'article 53 précise que ce dispositif sera applicable aux pensions dues à compter du 1 er janvier 2009 .

Outre de nombreux amendements de précision, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de notre collègue Denis Jacquat, rapporteur pour la vieillesse, trois amendements tendant à prévoir l'indexation sur l'évolution constatée des prix à la consommation du montant minimum et du plafond pris en compte dans le calcul de la majoration de retraite. Ils précisent, par ailleurs, que, le cas échéant, le montant de la majoration est recalculé en fonction de ces deux réévaluations.

(c) Le coût de la mesure

Selon les données recueillies par votre rapporteur spécial auprès du ministère de l'agriculture et de la pêche, cette mesure concernera 196.000 personnes dès 2009, pour un coût global estimé à 116 millions d'euros . L'abaissement à 17,5 ans de la durée minimum d'assurance dans le régime des non-salariés agricoles requise pour l'ouverture du droit à revalorisation, prévue à partir de 2010 , étendra le dispositif à 35.000 personnes supplémentaires , pour un coût annuel total de 155 millions d'euros en 2010 .

(3) L'amélioration des droits des conjoints participant aux travaux de l'exploitation

Les conjoints d'exploitants agricoles , dont la situation était régie au 31 décembre 1998 par les dispositions de l'article L.732-34 du code rural, étaient présumés, sauf preuve contraire, participer à la mise en valeur de l'exploitation. En leur qualité de « conjoint participant », ils pouvaient bénéficier de la retraite forfaitaire agricole.

La loi d'orientation agricole n° 99-574 du 9 juillet 1999 a introduit la possibilité d'opter pour un nouveau statut de collaborateur qui permet aux assurés ayant fait ce choix de recevoir, en plus de la retraite forfaitaire, la retraite proportionnelle, ainsi que de bénéficier d'un dispositif spécifique de revalorisation.

Depuis 1999, la qualité de « conjoint participant » ne peut plus être acquise. Les personnes qui ont conservé cette qualité et n'ont pas opté entre 1999 et 2001 pour le statut de collaborateur - au nombre de 8.020 au 1 er janvier 2006 - ne peuvent bénéficier du mécanisme de revalorisation spécifique à ce statut.

C'est pourquoi, le III de l'article 53 propose que ces « conjoints participants » ne puisent plus conserver leur qualité à titre dérogatoire, mais optent pour l'un des trois statuts prévus à l'alinéa 7 de l'article L.321-5 du code rural : collaborateur du chef d'exploitation ou d'entreprise agricole ; salarié de l'exploitation ou de l'entreprise agricole, chef d'exploitation ou d'entreprise agricole.

(4) L'avis de votre rapporteur pour avis

Votre rapporteur pour avis accueille favorablement ces mesures destinées à revaloriser les pensions des retraités agricoles n'ayant pu bénéficier des mesures de revalorisation mises en place depuis 1994 et permettant ainsi de rapprocher la situation de ces derniers de celle des retraités du régime général.

Il tient à souligner que ces mesures viendront néanmoins dégrader le déficit de la branche retraite du régime social agricole pour laquelle aucune mesure de redressement n'est prévue dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale 52 ( * ) .

* 52 Se reporter sur ce point sur les développements consacrés au FFIPSA dans le présent rapport.

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