B. L'AUGMENTATION GLOBALE DES PLACES D'HÉBERGEMENT CACHE UNE BAISSE PRÉOCCUPANTE DES PLACES D'HÉBERGEMENT D'URGENCE

Le poids des crédits dédiés à l'hébergement dans l'ensemble du programme justifie le choix de votre commission de concentrer son étude sur leur utilisation.

1. Le développement général des structures d'hébergement

Les places d'hébergement sont réparties entre trois grands types de structures : les centres d'hébergement d'urgence, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et les maisons-relais. Il faut y ajouter les hôtels, auxquels recourent principalement les centres d'hébergement d'urgence lorsqu'ils ne disposent pas d'un nombre suffisant de places.


Les trois grandes structures d'hébergement

Les centres d'hébergement d'urgence appartiennent à la catégorie des établissements médicaux et médico-sociaux définis à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. Ils ont vocation à répondre aux situations d'urgence en apportant les premiers soins et en orientant rapidement les personnes vers d'autres structures ou services.

Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) sont définis au chapitre V du titre IV du livre troisième du code de l'action sociale et des familles. Un cadre juridique très souple permet aux CHRS d'offrir une palette de services très large qui va de l'accueil des personnes en situation d'urgence à la prise en charge longue accompagnant l'insertion.

Les caractéristiques des maisons-relais ont été précisées par la circulaire 2002-595 qui leur est relative. Elles accueillent sans limitation de durée des personnes ayant un faible niveau de ressources dans une situation d'isolement ou d'exclusion et dont l'accès à un logement autonome est difficilement envisageable. Elles font souvent office de sas entre les CHRS et le logement traditionnel.

Entre 2004 et 2008, hors places dédiées aux demandeurs d'asile, le nombre de places d'hébergement est passé de 51 103 à 69 736, soit une hausse de 36,5 % .

Evolution du nombre total de places d'hébergement,
hors places réservées aux demandes d'asile

2004

2005

2006

2007

30 septembre 2008

2009
prévisions

51 103

53 703

56 908

63 870

69 736

71 789

Source : DGAS

L'Ile-de-France, qui concentre, avec 24 449 places en 2008, 35 % de l'effectif national, a vu ses places d'hébergement croître de 44 % sur la période 2004-2008, soit 7,5 points de plus que la moyenne.

2. La diminution inquiétante du nombre de places d'hébergement d'urgence

Si le nombre global de places d'hébergement a augmenté, l'effectif des places d'hébergement d'urgence, en revanche, a nettement diminué . Il est passé de 13 138 unités en 2006 à 11 714 en 2008.

Cette évolution s'explique par l'inflexion donnée à la politique d'hébergement après l'hiver 2006-2007 et le mouvement du canal Saint-Martin. L'émotion suscitée par le sort des personnes dormant dehors dans des tentes a conduit les pouvoirs publics à donner la priorité à l'accueil de moyen et long terme : il a été demandé à toutes les structures d'hébergement, quelle que soit leur fonction particulière, de mettre en oeuvre le principe selon lequel « plus personne ne doit dormir dehors ».

Pour incontestable et légitime que soit ce principe, son application a concrètement consisté, notamment, à diminuer le nombre de places d'hébergement d'urgence en les transformant en places de stabilisation et de CHRS, dont la vocation est d'accueillir les personnes pour une durée plus longue. Le plan d'action renforcé pour les sans-abri (Parsa), décidé par le Gouvernement le 8 janvier 2007, a ainsi prévu le passage sous statut CHRS de 4 000 places d'hébergement d'urgence.

Evolution des capacités d'hébergement,
hors structures réservées aux demandeurs d'asile
et aux personnes sans papiers

Source : direction générale de l'action sociale (DGAS)

Or, la baisse du nombre de ces places a affecté la capacité des centres d'hébergement d'urgence à répondre aux demandes spécifiques qui leur sont adressées. En effet, ces centres n'ont pas pour mission d'héberger longuement les personnes pour les accompagner dans un parcours d'insertion, mais de traiter les situations d'urgence grâce à un diagnostic médical et social qui permet d'apporter les premiers soins et qui débouche sur une orientation rapide vers une autre structure. Sont par exemple recueillis par les centres d'hébergement d'urgence, pour une ou quelques nuits au plus, des femmes victimes de violences conjugales ou des individus en bonne santé médicale et psychique qui sont tout à coup confrontés à un événement traumatisant, mais dont la situation n'appelle pas une prise en charge institutionnelle. La diminution des capacités des centres d'hébergement d'urgence pénalise donc directement ces publics.

Cette évolution est d'autant plus préoccupante que la baisse s'est concentrée sur l'Ile-de-France , alors même que, de l'aveu unanime des acteurs du secteur de l'urgence sociale, cette région cristallise les besoins les plus importants.

Evolution des capacités d'hébergement d'urgence
en Ile-de-France

2004

2005

2006

2007

2008

2009

4 296

4 790

4 826

3 375

3 163

nc

Source : DGAS

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, le Samu social de Paris ne dispose plus cette année, avant même le début de l'hiver, de places libres après 22 heures. Il est donc contraint de faire davantage appel aux hôtels .

3. Le recours croissant aux places d'hôtels

Le nombre de places d'hôtel mobilisées par la politique d'hébergement d'urgence a augmenté de près de 50 % entre 2004 et 2008, passant de 6 953 à 10 377 unités .

Avec une hausse de 2 810 places sur la période, l'Ile-de-France concentre 82 % de cette augmentation.

Evolution des places d'hôtel réservées à l'année
en Ile-de-France et en France

Source : direction générale de l'action sociale (DGAS)

Pour 2009, le projet de loi de finances table sur un financement de 9 152 places, soit une baisse de 12 % par rapport à 2008. Même si on peut lire dans ce chiffrage la volonté de diminuer le recours aux places d'hôtel, on peut s'interroger sur son caractère réaliste. Certes, le Gouvernement a prévu de développer l'année prochaine l'intermédiation locative, qui permet d'aider des associations ou des organismes de logement social à prendre à bail des logements du parc privé pour les sous-louer à un tarif social à des ménages défavorisés. Cependant, seuls trois cents logements devraient être concernés par ce dispositif, qui ne pourra donc pas compenser les 1 225 places d'hôtel manquantes par rapport au budget 2008 .

4. Les propositions de votre commission

Votre commission propose d'orienter la politique de l'hébergement dans deux directions : focaliser les efforts sur l'Ile-de-France et donner un statut spécifique à l'hébergement d'urgence .

Il est d'abord impératif de reconnaître la particularité de la situation francilienne. Paris et sa région exercent un fort pouvoir d'attraction, drainant des publics diversifiés et nombreux qui nécessitent de développer plus qu'ailleurs les dispositifs d'accueil et d'insertion. Au lieu de créer des normes uniformes sur l'ensemble du territoire, comme le font par exemple la loi Dalo ou le projet de loi de mobilisation pour le logement en cours d'examen, il serait plus opportun de prévoir des obligations spécifiques à l'Ile-de-France, plus élevées que dans les autres régions . Une telle démarche permettrait de mieux faire face au défi francilien sans contraindre inutilement d'autres régions et d'autres villes à des règles inadaptées à leur situation.

Ceci étant, l'augmentation des places d'hébergement doit être accompagnée d'un meilleur contrôle sur le fonctionnement des structures. En effet, des informations provenant de différentes sources laissent à penser que certaines d'entre elles, et avant tout les CHRS, accueillent de plus en plus des publics étrangers à leur cible : il s'agit par exemple de personnes bénéficiant d'un salaire modique ou d'une faible pension de retraite, pouvant se loger normalement par leurs propres moyens mais qui préfèrent économiser sur la dépense « logement » de leur budget. Ces personnes pourraient représenter 15 % du public actuellement accueilli en CHRS.

Tout en ayant conscience des difficultés financières qui conduisent à ces situations, votre commission tient à rappeler que les CHRS doivent être réservés, surtout lorsque le nombre de places est insuffisant, aux personnes qui n'ont pas d'alternative. Si ce principe n'est pas appliqué et que l'éventail du public accueilli s'élargit de fait, le développement des places d'hébergement sera toujours insuffisant et constituera un puits sans fond pour les finances publiques.

Votre commission demande donc au Gouvernement d'introduire dès l'année prochaine un indicateur de performance mesurant la proportion du public cible accueilli dans les CHRS .

Elle souhaite également que le mode de calcul de l'indicateur 2.1, censé mesurer la « part des personnes sortant de CHRS bénéficiant d'une insertion en matière de logement ou d'emploi » , soit modifié . L'élaboration actuelle de l'indicateur aboutit en effet à des chiffres, selon l'avis même de plusieurs services, qui sont dépourvus de sens. Il est pourtant impératif que le Parlement puisse apprécier l'effort entrepris par les CHRS pour favoriser l'insertion des personnes accueillies et les difficultés qu'ils rencontrent dans la mise en oeuvre de cette tâche.

Enfin, votre commission estime nécessaire de définir juridiquement le statut de l'hébergement d'urgence , ce que ni la loi ni le règlement ne font actuellement. L'avantage serait de clarifier le rôle des structures concernées et de reconnaître leur fonction spécifique afin de mettre un terme à leur diminution préoccupante.

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