B. UN TEMPÉRAMENT : LE RÔLE DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE

La déclassification et la communication de secrets de la défense nationale ne sont possibles que dans le cadre d'une procédure juridictionnelle après l'intervention de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN).

Cette commission, créée par la loi n° 98-567 du 8 juillet 1998, est une autorité administrative indépendante composée de cinq membres : trois magistrats (parmi lesquels le président, le vice-président et un autre membre) nommés pour six ans par le Président de la République sur une liste de six membres du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes établie conjointement par les chefs de ces juridictions ; un député désigné par le Président de l'Assemblée nationale pour la durée de la législature ainsi qu'un sénateur désigné par le Président du Sénat après chaque renouvellement partiel du Sénat. Aucun de ces mandats n'est renouvelable. Les membres sont habilités au secret-défense par la loi et, par voie de conséquence, ils sont astreints aux obligations qui découlent du code pénal en la matière, leur responsabilité pouvant être engagée à ce titre 10 ( * ) .

La Commission n'intervient que dans l'hypothèse où, dans le cadre d'une procédure, un juge français 11 ( * ) demande la déclassification et la communication d'une information classifiée au ministre ayant pris cette mesure de protection 12 ( * ) . Cette demande doit être motivée .

Le ministre saisit sans délai la Commission dont le président peut mener toutes investigations utiles, sans que l'administration puisse s'y opposer. Il peut, ainsi que les autres membres de la commission, prendre connaissance de toute information classifiée dans le cadre de sa mission.

Dans les deux mois de sa saisine, la commission formule un avis dont le sens peut être favorable, favorable à une déclassification partielle ou défavorable. Cet avis est transmis au ministre mais ne le lie pas.

Dans le délai de quinze jours francs à compter de la réception de l'avis de la commission, « l'autorité administrative notifie sa décision, assortie du sens de l'avis à la juridiction ayant demandé la déclassification et la communication d'informations classifiées » (article L. 2312-8 du code de la défense). Le sens de cet avis est publié au journal officiel .

Chaque élément classifié est revêtu d'une mention expresse de déclassification précisant la date de la décision du ministre. Comme le rappelle une circulaire du ministre de la justice 13 ( * ) , « la compromission d'un secret protégé non déclassifié expose son auteur à des poursuites sur le fondement des articles 413-10 et 413-11 du code pénal. La compromission est sanctionnable lorsqu'elle est commise par négligence. Le versement au dossier par erreur d'une pièce classifiée peut donc avoir des conséquences pénales ».

Rapport de la commission consultative du secret de la défense nationale (2005-2007)

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Lors de son dernier rapport bisannuel d'activités, la commission consultative du secret de la défense nationale indique un doublement du nombre de saisine. 80 % des avis qu'elle a rendus ont fait droit totalement ou partiellement à la demande de déclassification . Les ministres ont suivi intégralement l'avis de la CCSDN 12 fois sur 14 en 2050, 25 fois sur 26 en 2006, 20 fois sur 22 en 2007 et 16 fois sur 17 en 2008. Les crédits alloués à la commission ont permis son fonctionnement normal, mais la commission évoque la possibilité de mutualiser ses moyens avec ceux d'autres autorités.

Sur la saisine du ministre

La saisine des ministres est pour l'essentiel le fait des autorités judiciaires.

Dans un souci de bonne administration de la justice, la commission a admis à côté de la traditionnelle saisine du juge d'instruction et de celle de la formation de jugement, la saisine du parquet. Mais elle a refusé que le ministre soit saisi par un OPJ agissant par délégation dans le cadre d'une enquête préliminaire.

La commission constate avec satisfaction une amélioration des motivations des demandes et lorsque cela est possible de leur précision quant aux documents recherchés.

Sur la saisine de la commission

La commission rappelle qu'elle ne peut connaître que des informations classifiées en application du décret du 17 juillet 1998 relatif à la protection des secrets de la défense nationale. Elle invite les autorités administratives à utiliser avec discernement leur pouvoir de classification et de déclassification et rappelle que le pouvoir de déclassification des ministres est suspendu lorsqu'elle est saisie d'une demande de déclassification.

La commission a refusé de rendre un avis le 22 juin 2006 (Affaire Clearstream) s'agissant de documents déjà publiés.

La commission relève que les documents sur support informatique posent des difficultés matérielles de traitement.

Les autorités administratives sont invitées à respecter le délai de saisine. La commission admet que la saisine puisse être tardive lorsque des nécessités matérielles ont rendu complexe la recherche des documents mais refuse des retards, au demeurant exceptionnels, résultant de la mauvaise volonté des autorités.

Sur l'instruction et la délibération de la commission

La commission considère que le point de départ du délai de deux mois dans lequel elle doit rendre son avis court à partir du moment où la commission a reçu la demande et les documents.

La commission rappelle que les six critères permettant de statuer sur la demande prévus à l'article L. 2312-7 du code de la défense se partagent entre ceux relevant des finalités juridictionnelles et ceux relevant de la protection des intérêts fondamentaux de la Nation.  Certains critères ont été entendus extensivement ; ainsi les droits de la défense ont été étendus aux droits des parties civiles, la préservation de la sécurité des personnels à toutes personnes concourant à divers titres aux missions de défense et de sécurité.

La commission, qui délibère de façon consensuelle, a décidé de faire parvenir une lettre d'observation à l'autorité de saisine afin de lui faire toutes remarques utiles et ainsi faciliter sa réponse.

2. Le contrôle parlementaire

Le secret de la défense nationale est, en principe, opposable aux parlementaires. Ainsi, l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires prévoit que les commissions d'enquête sont habilitées à se faire communiquer tous documents de service à l'exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat.

Au reste, le Conseil constitutionnel 14 ( * ) a censuré la disposition permettant à la commission de vérification des fonds spéciaux de recevoir des informations sur les dépenses relatives à des opérations militaires en cours et d'envoyer un de ses membres pour les contrôler.

Néanmoins, la loi n° 2007-1443 du 9 octobre 2007 portant création d'une délégation parlementaire au renseignement a ouvert la voie à une information du Parlement dans ce domaine. Ainsi, les membres de cette délégation, constituée de quatre sénateurs et quatre députés, sont habilités es qualités à recevoir communication d'informations classifiées « à l'exclusion des données dont la communication pourrait mettre en péril l'anonymat, la sécurité ou la vie d'une personne relevant ou non des services intéressés, ainsi que les modes opératoires propres à l'acquisition du renseignement ».

* 10 Les membres de la commission demeurent soumis à la seconde condition permettant d'avoir accès à une information -à savoir le besoin d'en connaître.

* 11 La commission ne peut être saisie de demandes émanant d'une juridiction étrangère ou d'un juge français en exécution d'une commission rogatoire internationale.

* 12 En pratique, la demande intervient le plus souvent au stade de l'instruction.

* 13 Circulaire de la DACG n° CRIM 08-01/G1 du 3 janvier 2008 relative au secret de la défense nationale.

* 14 Décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001 (sur la loi de finances pour 2002).

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