II. MAÎTRISER LA « PRESSION PUBLICITAIRE » : UN ENJEU POUR LA QUALITÉ DES PAYSAGES ET DU CADRE DE VIE


• Lors de la réinstallation, le 20 novembre 2008, du Conseil national du paysage, dont votre rapporteur pour avis est membre, il a été notamment question de conduire une réflexion approfondie sur l'affichage publicitaire extérieur .

Dans une lettre en date du 13 janvier 2009, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet et M. Hubert Falco, alors secrétaires d'État chargés, respectivement, de l'écologie et de l'aménagement du territoire, ont confié une mission en ce sens à votre rapporteur pour avis : dans la perspective d'éventuelles améliorations législatives, ils lui ont demandé d'établir « une évaluation de la mise en oeuvre des textes qui régissent l'affichage extérieur » - la loi du 29 décembre 1979 2 ( * ) , modifiée en 1985 et 1995, et ses décrets d'application - pour tenir compte des évolutions intervenues depuis trente ans, à savoir notamment : la « nouvelle sensibilité des citoyens pour la qualité du cadre de vie » , la décentralisation, l'accroissement des demandes de concertation et de participation des citoyens, la simplification des démarches administratives, le développement de nouveaux procédés ou dispositifs utilisant par exemple les technologies modernes, etc.

Les conclusions de cette mission ont été présentées en juin 2009 dans un rapport sur la publicité extérieure, les enseignes et préenseignes , remis à Mme Chantal Jouanno et M. Hubert Falco.

Ce rapport formule des propositions qui s'inscrivent dans la lignée des grands objectifs de la loi de 1979, et répondent à la volonté de franchir une nouvelle étape dans son application.

Certes, nul ne conteste que cette loi, qui a répondu à un objectif de « protection esthétique » de l'architecture urbaine, du patrimoine naturel, des paysages et plus généralement du cadre de vie, a été utile et a eu un impact globalement positif , en favorisant une diminution du nombre de dispositifs et leur meilleure insertion paysagère, dans les centres-villes notamment et dans les zones ou sites protégés.

Toutefois, nul ne conteste non plus - tant les professionnels concernés que les associations - que cette loi est insuffisamment appliquée .

Elle est tout d'abord relativement complexe et mal connue des maires . Pourtant, son application repose en grande partie sur eux, puisqu'ils sont responsables, avec le préfet et les agents de l'État, en matière de police de l'affichage. Afin de faciliter le contrôle des dispositifs illégaux, la « loi Barnier » de 1995 3 ( * ) a instauré un système de déclaration préalable. Toutefois, les moyens humains sont insuffisants pour traiter ces déclarations et ensuite « faire la chasse » aux panneaux qui n'ont pas lieu d'être là.

Par ailleurs, la « pression » publicitaire à laquelle nous sommes exposés à tout instant, quel qu'en soient le media, est de plus en plus perçue comme une nuisance par nombre de nos concitoyens, voire comme une forme d'agression ou de « pollution » visuelle. Son impact sur les paysages est d'autant plus sensible en milieu rural et au niveau des « entrées de ville », ou encore le long de grands axes routiers comme ceux de la banlieue parisienne, où se multiplient, de façon quelque peu « anarchique », des affiches publicitaires, enseignes ou autres préenseignes.

Définitions

La loi de 1979 distingue trois catégories de dispositifs d'affichage publicitaire extérieur, qui sont définis à l'article L. 581-3 du code de l'environnement dans les termes suivants :

- constitue une publicité , à l'exclusion des enseignes et des préenseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images étant assimilées à des publicités ;

- constitue une enseigne toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s'y exerce ;

- constitue une préenseigne toute inscription, forme ou image indiquant la proximité d'un immeuble où s'exerce une activité déterminée.


• Comme le démontrent les initiatives prises par un nombre de plus en plus important de villes - dont récemment Paris -, les élus comme les citoyens prennent conscience qu' une meilleure maîtrise de la publicité extérieure contribue à l'amélioration du cadre de vie .

Toutefois, la loi de 1979 est fondée sur un équilibre qu'il est fondamental de préserver et que votre rapporteur pour avis n'a nullement entendu compromettre : l'objectif de protection du cadre de vie doit en effet être concilié avec le droit, pour chacun, « d'exprimer et de diffuser informations et idées » par le moyen de la publicité, des enseignes et des préenseignes, réaffirmé dès l'article 1 er de la loi.

Les enjeux économiques et commerciaux sont importants : sans pour autant transiger sur nos grands objectifs, il nous faut tenir compte de cette réalité et ne pas imposer des évolutions trop brutales qui seraient de nature à fragiliser les professionnels du secteur, a fortiori dans une période de crise qui les affecte déjà. D'ailleurs, ces derniers, que votre rapporteur pour avis a largement entendus au cours de sa mission et pour la préparation du présent rapport pour avis, ont également conscience des nécessaires évolutions de leur métier. Ils ont déjà engagé des efforts significatifs, ces dernières années, pour améliorer la qualité des dispositifs et veiller à leur meilleure intégration dans l'environnement. Mais ils savent aussi qu'ils peuvent encore faire mieux avec moins de dispositifs ; un autre défi pour eux est de s'adapter aux supports numériques et modes de communication émergents qui leur ouvrent de nouvelles opportunités.


• Dans cette approche équilibrée, les amendements adoptés par votre commission, sur proposition de son rapporteur pour avis, s'articulent autour des principaux objectifs suivants :

- Un objectif de simplification : il s'agit d'abord de clarifier la loi pour qu'elle soit mieux appliquée.

En ce sens, votre rapporteur pour avis a jugé utile d' aligner la procédure d'élaboration des règlements locaux de publicité (RLP) sur celle applicable en matière de plan local d'urbanisme .

En effet, les modalités prévues pour l'élaboration de ces RLP, qui permettent aux maires d'adapter la réglementation nationale au contexte local, sont complexes et suscitent un important contentieux, sur la base, notamment, de vices de formes qui entachent la composition des groupes de travail chargés de préparer ces projets de règlementations.

L'alignement sur les procédures de droit commun applicables en matière d'urbanisme contribuera à renforcer le caractère démocratique de la démarche : d'une part, toutes les personnes intéressées - en particulier les professionnels de l'affichage, mais aussi les associations d'usagers, les associations de protection des paysages et de l'environnement - pourront être consultées ; d'autre part, le projet sera ensuite soumis à enquête publique . Cela permettra, en outre, de faire prendre conscience aux élus des enjeux liés à la publicité extérieure et d'attirer leur attention sur les connexions avec les préoccupations en matière d'urbanisme local et de paysages.

Dans un souci de clarification et d'adaptation des textes à la décentralisation, dès lors qu'un règlement local de publicité aura été élaboré, le maire sera chargé d'en assurer l'application en ayant la pleine responsabilité de la police de l'affichage.

- Un objectif de maîtrise renforcée de l'impact de la publicité sur les paysages et le cadre de vie : les propositions de votre commission doivent se traduire par un impact tangible pour nos concitoyens.

En ce sens, des prescriptions devront être définies pour limiter la densité des dispositifs publicitaires et pour encadrer la publicité lumineuse, dans un souci de réduction des nuisances visuelles et d'économie d'énergie.

Par ailleurs, les règlements locaux ne pourront fixer que des règles plus restrictives que la réglementation nationale (en termes de formats, de densité...), alors qu'ils peuvent actuellement prévoir des dispositions moins restrictives dans le cadre de zones de publicité élargie ou autorisée. Ils pourront aussi instituer des « zones de tranquillité » où toute publicité sera interdite, aux abords des écoles et des ronds-points.

En outre, les enjeux liés à l'affichage publicitaire devront être pris en compte au niveau des « entrées de ville » ; cela tend à consolider les dispositions spécifiques prévues, à l'initiative de votre rapporteur pour avis, dans le cadre de la « loi Barnier » de 1995, en vue de favoriser la « requalification » de ces espaces périurbains parfois dénaturés.

Enfin, les « préenseignes dérogatoires » , ces panneaux de petit format qui se multiplient parfois de façon désordonnée le long des routes, à l'entrée des villes ou au milieu des champs, pour signaler stations-services, hôtels, restaurants et toutes indications « utiles aux voyageurs », sont sans doute la forme d'affichage dont l'impact sur les paysages est le plus visible et, ce faisant, perçu comme le plus nuisible. Votre commission propose qu'elles soient supprimées dans un délai de cinq ans pour être remplacées par des modalités de signalisation - comme la signalisation d'information locale (SIL) notamment - permettant de concilier la protection des paysages, l'information des usagers et la valorisation des activités locales.

L'interdiction de publicité hors agglomération trouvera comme seule exception les aéroports , qui sont des zones de passage où la présence de la publicité peut ne pas être aberrante.


• Parallèlement à ces modifications d'ordre législatif, le changement viendra aussi d'autres évolutions.

Une adaptation des textes réglementaires sera d'abord nécessaire : dans son rapport de mission, votre rapporteur pour avis a ainsi suggéré une réduction des formats, avec la suppression des dispositifs de 16 mètres carrés.

En outre, la réforme des procédures d'élaboration des RLP et la clarification des responsabilités devraient conduire un nombre plus grand de communes ou d'intercommunalités à engager une réflexion sur l'insertion des dispositifs publicitaires dans la ville et dans les paysages. La réforme de la taxation locale sur la publicité extérieure, engagée à l'initiative de notre collègue Philippe Marini, rapporteur général, devrait également favoriser les efforts de rationalisation du parc d'affiches et d'enseignes publicitaires ; elle pourrait aussi inciter les maires à en effectuer un contrôle renforcé.

Enfin, votre rapporteur pour avis insiste sur la nécessité, pour le ministère en charge de l'écologie, d' accompagner les élus locaux pour qu'ils aient une bonne connaissance de la loi et qu'ils en assurent une bonne application : il serait fort utile de leur diffuser un « vademecum » des dispositions législatives et réglementaires ; par ailleurs, les conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (CAUE) présents au niveau de chaque département pourraient également jouer un rôle utile en ce sens.

* 2 Loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes.

* 3 Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.

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