III. COUP DE PROJECTEUR SUR LA RÉFORME DES RÉGIMES SPÉCIAUX

A. UN BREF RAPPEL DU CONTENU DE LA RÉFORME

1. Les principales mesures d'harmonisation

Déjà évoquée en filigrane dans la loi du 21 août 2003, la réforme des régimes spéciaux de retraite a été engagée en 2007 par les pouvoirs publics pour une mise en oeuvre au 1 er juillet 2008 3 ( * ) .

L'objectif de la réforme est d' harmoniser les principaux paramètres de droit et de calculs appliqués par les régimes spéciaux avec ceux mis en oeuvre dans la fonction publique :

- suppression de la mise à la retraite d'office à l'initiative de l'entreprise ;

- suppression des clauses discriminatoires hommes/femmes : possibilité d'attribution (sous certaines conditions) d'une pension aux parents de trois enfants (et non plus aux seules mères de famille) ; alignement des modalités d'attribution des pensions de veufs sur celles des veuves ;

- la pension devient quérable : il appartient à l'agent de demander à la caisse la liquidation de sa pension en précisant la date d'entrée en jouissance (cela signifie que la date de liquidation de la pension peut être distincte de la date de cessation de fonctions à la SNCF) ;

- possibilité de bénéficier d'une pension proportionnelle servie par le régime général dès lors que l'on compte un an de service (au lieu de quinze ans de service auparavant) ;

- décompte des services valables pour la retraite en trimestres (et non plus en années, mois, jours) ;

- passage progressif, suivant un critère générationnel, de 150 trimestres (37,5 ans) à 164 trimestres (41 ans) au 1 er juillet 2016 pour bénéficier du taux plein (75 %) ;

- instauration d'une décote (entraînant une minoration de pension) et d'une surcote (entraînant une majoration de pension) ;

- possibilité de validation gratuite de périodes non travaillées (disponibilité, temps partiel) pour élever un enfant ;

- possibilité de rachat d'années d'étude (dans la limite de douze trimestres) ;

- possibilité de départ anticipé pour les agents handicapés (incapacité permanente d'au moins 80 % ou présentant un handicap lourd) ou présentant un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) supérieur ou égal à 66 % à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ;

- création d'une pension d'orphelin (attribuée en sus de la pension de réversion) de 10 % par enfant dans la limite de 100 % de la rémunération de base ;

- indexation des pensions sur les prix à compter du 1 er avril 2009.

2. Les contreparties salariales accordées

L'adoption de la réforme des régimes spéciaux a été subordonnée à l'instauration de mesures salariales de compensation actées dans le cadre des négociations d'entreprises.

A la SNCF et à la RATP

- les périodes d'études supérieures peuvent être rachetées dans la limite de douze trimestres ;

- la condition d'âge minimum (dix-huit ans) pour l'affiliation au régime spécial est supprimée, notamment pour permettre l'affiliation des apprentis et des salariés en contrat de professionnalisation ;

- les agents handicapés remplissant certaines conditions peuvent partir de manière anticipée en retraite avec une majoration de pension.

A la SNCF

- un échelon d'ancienneté supplémentaire est créé ;

- la prime de travail est intégrée dans la prime de fin d'année ;

- l'assiette du salaire liquidable est élargie : les gratifications de vacances et d'exploitation sont intégrées dans le salaire liquidable ;

- les périodes d'interruption ou de réduction d'activité liées à l' éducation des enfants sont prises en compte pour le calcul de la retraite , dans la limite d'un an par enfant pour les enfants nés ou adoptés avant le 1 er juillet 2008 et de trois ans pour ceux nés ou adoptés après cette date. Pour la détermination de la durée d'assurance, des majorations sont accordées aux femmes au titre de l' accouchement et aux parents élevant un enfant handicapé ;

- la possibilité pour l'employeur de mettre à la retraite d'office les salariés justifiant de vingt-cinq ans de service et de l'âge d'ouverture du droit à pension est supprimée ;

- le droit à retraite anticipée pour trois enfants , qui était jusqu'alors réservé aux femmes, est étendu aux hommes , ce droit étant désormais soumis à une condition de cessation d'activité d'au moins deux mois ;

- en matière de pension de réversion , les droits des hommes sont alignés sur ceux des femmes et le taux des pensions de réversion, lorsque le conjoint décédé bénéficiait du minimum de pension, est porté progressivement à 54 % en trois ans. Par ailleurs, une pension d'orphelin est créée.

A la RATP

- la situation des personnes entrées tardivement dans le régime est améliorée : la condition d'âge de stage de quinze ans nécessaire pour avoir droit à une pension du régime spécial est ramenée à un an ; l'écrêtement à vingt-cinq ans de la pension proportionnelle est supprimé ; le droit à pension d'ancienneté est systématiquement acquis dès l'âge de soixante ans ;

- les périodes de temps partiel peuvent faire l'objet d'une validation sur la base d'un temps plein dans la limite de quatre trimestres (huit trimestres pour les personnes handicapées) en contrepartie d'une cotisation ;

- deux échelons d'ancienneté supplémentaires sont créés ;

- des « points retraite » sont attribués. Associés au bénéfice des deux échelons supplémentaires, cette mesure conduit à une majoration du taux de remplacement de 3,75 %.

3. L'incidence financière des mesures d'accompagnement

Comme l'année dernière, votre rapporteur a demandé aux représentants des régimes spéciaux de chiffrer les dépenses occasionnées par l'ensemble des contreparties sociales issues des négociations d'entreprises.

La RATP considère que la progressivité de la mise en oeuvre des contreparties salariales entre 2008 et 2015 conduira à un étalement des coûts pour atteindre 19 millions d'euros par an à compter de 2015 .

La SNCF , qui a fourni des données chiffrées plus précises, a revu à la hausse ses estimations réalisées en mai 2008 :

- prévu initialement à 109 millions pour 2009 , le coût des mesures d'accompagnement serait finalement de 125 millions cette année ;

- estimé à 116 millions pour 2010 , il s'élèverait à 146 millions selon les nouvelles projections ;

- évalué à 121 millions pour 2011 , il s'établirait à 162 millions ;

- enfin, il atteindrait 171 millions en 2012 au lieu des 120 millions envisagés l'année dernière.

Chiffrage des contreparties sociales à l'horizon 2012 pour la SNCF

(en millions d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

Retraite

Echelon 10

21

27

36

43

53

Déblocage de la grille des salaires

1

1

2

2

2

15 % niveaux supplémentaires sur 2 ans

2

3

3

3

1

0,5 % à partir de 55 ans sur sept semestres si prolongation de 6 mois

1

1

1

2

2

Elargissement de la prime de fin d'année à la prime de travail

23

41

41

41

42

Intégration des gratifications de juin dans le liquidable

5

10

15

20

20

Fin de la mise à la retraite d'office

1

2

2

2

1

Pénibilité

Majoration de la prime de travail (entre 15 et 25 euros) pour les métiers pénibles

4

10

10

10

11

Temps partiel

0

0

0

0

0

Autres

Cessation progressive d'activité

1

4

8

8

8

Compte épargne-temps (hors mesure nouveaux conducteurs)

25

25

25

25

Compte épargne-temps nouveaux conducteurs

1

3

4

5

Régime supplémentaire de retraite

0

1

1

2

Coût de l'ensemble des mesures

58

125

146

162

171

Source : SNCF, mai 2009

La crainte exprimée par votre rapporteur l'année dernière quant au fort potentiel de dépenses supplémentaires que représentent ces contreparties salariales semble donc se confirmer .

* 3 Décret n° 2008-47 pour la SNCF et décret n° 2008-48 pour la RATP, du 15 janvier 2008.

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