3. Un contrôle parlementaire limité

S'il n'est pas inexistant, le contrôle exercé par le Parlement sur les modalités d'exécution du « grand emprunt » semble relativement succinct.

Certes, le Parlement est naturellement saisi du présent projet de loi portant affectation des crédits du « grand emprunt » et est appelé à les voter après en avoir examiné l'opportunité.

De plus, les parlementaires seront directement représentés par quatre d'entre eux - deux députés et deux sénateurs, désignés par le président de leur assemblée respective - au sein du comité de surveillance des investissements, qui sera chargé du suivi et de l'évaluation de la mise en oeuvre du « grand emprunt ».

Enfin, le texte lui-même prévoit, dans son article 4, l'information régulière du Parlement au moyens de documents - les « jaunes » budgétaires - annexés chaque année au projet de loi de finances et retraçant la mise en oeuvre des mesures du « grand emprunt ». En outre, les 14 programmes nouvellement créés feront l'objet, au printemps 2011, de rapports annuels de performances (RAP) annexés au projet de loi de règlement de l'année 2010.

Cependant, les principes d'unité et d'annualité budgétaire sont l'objet d'un respect tout relatif. Ainsi que cela a déjà été exposé, les crédits seront ouverts, au sein du budget de l'État, sur des programmes sui generis et consommés en une seule fois d'un point de vue budgétaire. L'autorisation par le Parlement de dépenser 35 milliards d'euros est en effet délivrée immédiatement et définitivement par le seul vote du présent projet de loi . Leur consommation sera en revanche progressive, les organismes gestionnaires devant l'étaler sur les trois à cinq prochaines années, selon la répartition dans le temps des besoins.

Ce transfert de crédits en-dehors du budget de l'État, à des opérateurs qui les utiliseront sur plusieurs années, permet de sécuriser les enveloppes correspondantes, qui ne feront plus l'objet d'examens annuels les soumettant à un risque d'annulation ou de réaffectation lors de la conception ou du vote du budget. Il répond à la dérive qui avait consisté à réduire progressivement l'effort d'investissement de l'État, afin de limiter la dégradation des finances publiques. Il contredit, en revanche, les principes d'unité et d'annualité budgétaire, dans la double mesure où les mouvements de fonds correspondants ne seront plus retracés dans le budget de l'État et ne feront plus l'objet d'un contrôle chaque année par la représentation nationale.

Le rapporteur général du budget pour l'Assemblée nationale, M. Gilles Carrez, a largement relevé et commenté les faiblesses du contrôle parlementaire accompagnant ce projet de loi 11 ( * ) . Il a d'ailleurs fait adopter par les députés deux amendements. Le premier prévoit la transmission aux commissions des finances des deux assemblées de l'ensemble des conventions liant l'État aux organismes gestionnaires des fonds avant leur signature. Le second demande au Gouvernement de présenter, en annexe générale au projet de loi de finances de l'année, un rapport décrivant, pour les années précédentes, l'année en cours et les années à venir, les conséquences sur les finances publiques des investissements financés par les crédits ouverts sur les programmes créés par le présent texte. Il est précisé que ce rapport détaille leurs conséquences sur le montant des dépenses publiques, des recettes publiques, du déficit public et de la dette publique, en précisant les administrations publiques concernées.

Votre rapporteur pour avis approuve ces modifications apportées au projet de loi. Il considère qu'il revient également aux commissions dont les domaines de compétences sont concernés par les ouvertures de crédit proposées dans le présent projet de loi - et plus spécifiquement votre commission ainsi que la commission des affaires culturelles - d'exercer un contrôle régulier sur l'emploi de ces fonds. Celui-ci peut prendre diverses formes, dont l'audition des ministres ou des responsables administratifs concernés, la publication de rapports de suivi et d'évaluation, l'organisation de débats en séance publique...

C'est dans cet esprit qu'il a fait adopter par votre commission un amendement prévoyant la transmission des conventions signées entre l'État et les organismes destinataires des fonds du « grand emprunt », non seulement à la commission des finances de chaque assemblée, mais également à leurs commissions en charge de l'économie, ainsi que de la recherche et de l'enseignement supérieur.

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis considère que le « grand emprunt » pourrait s'inspirer de l'exemple du « plan de relance » de l'économie. Le reporting trimestriel effectué par le ministère de la relance auprès des assemblées parlementaires et le fonctionnement de son portail internet ont en effet permis de suivre, quasiment en temps réel, le déroulement du plan de relance. Cet effort de transparence, qu'il convient de saluer, pourrait également être mis en oeuvre par le futur CGI.

* 11 Collectif budgétaire pour 2010, rapport de M. Gilles Carrez, rapporteur général pour la commission des finances de l'Assemblée nationale, n° 2268, voir notamment pp. 23 à 25 et 42 et 43.

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