B. LA COMPÉTENCE « SPORT » DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
1. Le rôle des collectivités territoriales dans le domaine du sport
L'article L. 100-2 du code du sport, hérité de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, dispose :
« L'État, les collectivités territoriales et leurs groupements, les associations, les fédérations sportives, les entreprises et leurs institutions sociales contribuent à la promotion et au développement des activités physiques et sportives.
L'État et les associations et fédérations sportives assurent le développement du sport de haut niveau, avec le concours des collectivités territoriales, de leurs groupements et des entreprises intéressées. »
a) Les concours financiers consentis par les collectivités territoriales aux projets sportifs sont considérables
Dans son rapport public thématique du 9 décembre 2009, intitulé « Les collectivités territoriales et les clubs sportifs professionnels » , la Cour des comptes souligne que « les collectivités territoriales, au premier rang desquelles se trouvent les communes, assurent la plus grande partie des efforts financiers publics pour l'organisation de la pratique du sport ».
Elle établit, pour 2007, à 8,95 milliards d'euros le montant total consenti par les communes au financement de projets sportifs, soit près des deux tiers de l'ensemble des dépenses publiques (13,45 milliards d'euros) dans ce domaine, et à 0,8 milliard d'euros et 0,5 milliard d'euros les dépenses sportives assumées respectivement par les départements et les régions. Pour la même année, la Cour précise que la dépense sportive en France s'est élevée à 33 milliards d'euros, soit 1,8 % du produit intérieur brut, selon les estimations du compte du sport au ministère de la santé et des sports. Structurellement, 48 % des montants engagés par les collectivités territoriales sont des dépenses d'investissement et 52 % sont des dépenses de fonctionnement.
À l'heure actuelle, le sport fait l'objet d'une compétence partagée entre les différentes catégories de collectivités territoriales et l'État, partage que le rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par notre collègue député, M. Édouard Balladur, illustre de la façon suivante :
LA NATURE DES INTERVENTIONS
DES DIFFÉRENTES
COLLECTIVITÉS PUBLIQUES
DANS LE DOMAINE DU SPORT
Régions |
Départements |
Secteur communal |
État |
|
Compétence en matière de sport |
Sport (subventions) |
Sport (équipements et subventions) |
Sport (équipements et subventions) |
Sport (formation et subventions) |
Source : Rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales, 5 mars 2009.
b) Les voies d'intervention des collectivités territoriales dans le secteur du sport
Les collectivités territoriales interviennent en matière de sport au travers de la construction et l' entretien d'équipements sportifs et de l' octroi de subventions aux associations et sociétés sportives .
Il ressort des dispositions du CGCT (articles L. 2121-29, L. 3211-1 et L. 4221-1 fondant la clause de compétence générale respectivement des communes, des départements et des régions), ainsi que de la jurisprudence administrative, que les collectivités territoriales peuvent apporter des concours financiers aux organismes à but non lucratif lorsque leur activité présente un intérêt local , c'est à dire lorsque ces organismes poursuivent un but d'intérêt public au bénéfice direct des administrés de la collectivité.
S'agissant des associations sportives, la loi précitée du 16 juillet 1984 n'a pas prévu de dispositions spécifiques et n'a donc pas organisé d'encadrement pour les aides qu'elles sont susceptibles de recevoir des collectivités territoriales. En conséquence, les associations sportives sont bien soumises au régime de droit commun applicable aux organismes à but non lucratif.
Dans un arrêt Ville de Dunkerque du 31 mai 2000, le Conseil d'État a admis que les associations sportives sont chargées d'une mission éducative et sociale qui légitime, à ce titre, un soutien financier des collectivités territoriales.
Dans son rapport d'étape de mai 2010 sur l'impact de la réforme des collectivités territoriales sur le financement du mouvement sportif, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) souligne que les dépenses consacrées par les régions au sport s'élevaient, en 2007, à 442 millions d'euros, et celles des départements à 660,2 millions d'euros :
LES DÉPENSES SPORTIVES DES RÉGIONS ET DES DÉPARTEMENTS EN 2007
I. Dépenses consacrées au sport, en 2007, par les régions |
|
(France métropolitaine) |
442 045 270 € |
- dont investissement (55 %) |
243 986 579 € |
- dont fonctionnement (45 %) |
198 058 691 € |
Nature des engagements financiers consentis par les régions : |
|
a) Investissements en faveur des équipements sportifs : |
|
- Équipements territoriaux (40,6 %) |
99 M€ |
- Équipements sportifs des lycées (30 %) |
73,3 M€ |
- Équipements d'intérêt régional (16,4 %) |
40 M€ |
(accueil de grandes manifestations nationales et internationales) |
|
- Itinéraires sportifs (sports de nature) (3,7 %) |
9 M€ |
- Autres (9,3 %) |
22,7 M€ |
b) Dépenses sportives de fonctionnement : |
|
- Aides aux clubs amateurs (10,5 %) |
20,7 M€ |
- Aides aux clubs professionnels (10,5 %) |
20,8 M€ |
- Aides aux manifestations sportives (15,8 %) |
31,3 M€ |
- Aides à la filière de haut niveau (5,4 %) |
10,6 M€ |
- Aides aux ligues et comités régionaux (10,9 %) |
21,6 M€ |
- Aides à la pratique sportive de masse (5,6 %) |
11,2 M€ |
- Aides à l'emploi (14,4 %) |
28,5 M€ |
- Aides à la formation (7,9 %) |
15,8 M€ |
- Aides EPS des lycées (12,5 %) |
24,7 M€ |
- Autres (6,5 %) |
12,8 M€ |
II. Dépenses consacrées au sport, en 2007, par les départements |
660 215 676 € |
a) Investissements en faveur des équipements sportifs : |
|
- Équipements communaux de proximité |
35 % |
- Équipements sportifs des collèges |
1 % |
- Équipements départementaux associatifs |
5 % |
b) Dépenses sportives de fonctionnement : |
|
- Aide aux associations sportives |
30 % |
- Conventions avec les comités départementaux |
8 % |
- Manifestations et événements sportifs |
4 % |
- Soutien aux grands clubs amateurs et professionnels |
4 % |
- Sport de haut niveau amateur |
7 % |
- Soutien à l'emploi sportif |
2 % |
- Aide au sport scolaire |
2 % |
- Divers |
2 % |
Source : Rapport d'étape du CNOSF sur le sport et la réforme des collectivités territoriales.
LE SOUTIEN DES COLLECTIVITÉS
TERRITORIALES
Sur le fondement de l'article L. 113-2 du code du sport, les collectivités territoriales peuvent octroyer aux clubs sportifs professionnels des subventions pour missions d'intérêt général qui ne peuvent excéder, toutes collectivités confondues, 2,3 millions d'euros 10 ( * ) par saison sportive. Ces subventions sont par exemple destinées à la formation de jeunes sportifs, ou plus largement, à l'éducation et à la cohésion sociale. Les collectivités peuvent également, en vertu de l'article L. 113-3 du code du sport, acheter des prestations de services, plafonnées à 1,6 million d'euros 11 ( * ) par saison sportive. Cela recouvre habituellement l'achat de places dans les enceintes ou d'espaces publicitaires lors des manifestations sportives. Elles interviennent par ailleurs comme propriétaires des équipements sportifs, en mettant ces derniers à disposition des clubs. Dans le même temps, elles doivent faire face aux travaux d'entretien ou de rénovation, voire de construction de nouveaux équipements. Les associations sportives situées en deçà des seuils règlementaires (associations disposant d'une section professionnelle mais dont les recettes ou le montant des rémunérations versées aux sportifs demeurent en deçà respectivement de 1,2 million d'euros et de 0,8 million d'euros et qui ont choisi de ne pas créer de société sportive), ainsi que les associations sportives qui ont créé une société commerciale, peuvent recevoir, par ailleurs, comme toute autre association, des subventions de la part des collectivités territoriales, permettant de financer des activités n'entrant pas dans le cadre des missions d'intérêt général mentionnées supra. |
Source : Synthèse du rapport public thématique de la Cour des comptes du 9 décembre 2009.
Outre le versement de subventions aux associations et sociétés sportives, les collectivités territoriales interviennent en matière de sport par la mise à disposition, l'entretien et l'amélioration d'équipements sportifs. Dans son rapport public thématique précité, la Cour des comptes souligne qu'un recensement réalisé en 2006 par le ministère de la santé et des sports a dénombré 144 000 installations comprenant plus de 311 000 équipements sportifs , les collectivités territoriales étant propriétaires de 83,1 % de ces équipements et en gérant 73,1 % :
Entité |
Propriétaire |
Gestionnaire |
Commune |
75,95 % |
67,55 % |
Établissement privé commercial |
6,98 % |
7,85 % |
Groupement de communes |
3,44 % |
3,58 % |
Association (s) |
3,09 % |
11,15 % |
Privé non commercial |
2,35 % |
0,97 % |
Département |
2,13 % |
1,07 % |
État |
1,89 % |
1,28 % |
Région |
1,78 % |
0,90 % |
Établissement d'enseignement privé |
1,31 % |
2,00 % |
Établissement public |
0,75 % |
2,51 % |
Source : Ministère de la santé et des sports pour 2006, cité dans le rapport public thématique de la Cour des comptes de décembre 2009.
Il apparaît ainsi que les équipements sportifs sont, en très grande majorité, la propriété des communes et de leurs groupements. Ces installations sportives appartenant au domaine public, elles sont destinées à l'usage du public ou au fonctionnement des services publics. Leur mise à disposition au profit d'une personne privée, le cas échéant via une procédure de délégation de service public, doit prévoir le paiement à la collectivité publique propriétaire d'une redevance .
2. L'adaptation du mouvement sportif à la nouvelle organisation des territoires : le défi de l'intercommunalité
Le développement de l'intercommunalité a été placé au coeur du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Dans ce contexte, les représentants des différentes catégories de collectivités territoriales et le CNOSF semblent prendre la mesure du défi que constitue la nécessaire structuration au niveau intercommunal du mouvement sportif . En effet, dans la mesure où il sera possible d'envisager une gestion en réseau des équipements sportifs communaux, le CNOSF est conscient que les lieux de décision, d'élaboration et de mise en oeuvre des politiques sportives publiques auront vocation à relever, de plus en plus, de l'échelon intercommunal.
Dès lors, le CNOSF a confirmé sa volonté d'adapter l'organisation olympique aux nouveaux découpages territoriaux induits par le développement de l'intercommunalité et le regroupement de collectivités territoriales en envisageant un maillage intercommunal consolidé du mouvement sportif, soit via la création de comités intercommunaux olympiques et sportifs (CIOS), soit via l'intégration aux comités départementaux de commissions intercommunales.
3. L'engagement du Gouvernement en faveur du maintien d'une compétence partagée des collectivités territoriales en matière de sport
Dans une lettre adressée au président du CNOSF en date du 10 septembre 2009, le ministre de l'intérieur et des collectivités territoriales a déclaré que « le projet de loi [de réforme des collectivités territoriales] n'affectera pas la répartition des compétences en matière sportive entre les collectivités territoriales et ne comportera pas de dispositions sur les financements croisés qui empêcheraient le développement du mouvement sportif ».
Dans sa réponse à une question posée par notre collègue député, M. François Sauvadet, le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales a insisté sur le fait que « la remise en ordre de la répartition des compétences n'a évidemment pas pour objet de conduire les collectivités territoriales à se désengager du soutien, essentiel, qu'elles apportent aux clubs sportifs et au mouvement sportif ». Il a ajouté que « des compétences pourront être partagées entre plusieurs collectivités territoriales. Mais, dans ce cas, une collectivité chef de file pourra être désignée pour coordonner l'exercice de cette compétence, et sont spécialement concernés les domaines sportif et culturel ». Le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales a également pris soin de préciser, devant nos collègues députés, que « la loi prévoit aussi de doter régions et départements de capacités d'initiative pour répondre à des demandes non prévues par les textes, mais justifiées par l'existence d'un intérêt public local, dont le soutien au sport et au mouvement sportif ».
Enfin, M. Alain Marleix, en réponse le 18 février 2010 à une question posée par notre collègue député, M. Régis Juanico, a réaffirmé solennellement que « le sport et la culture feraient l'objet d'exceptions et seraient des compétences partagées » et a précisé que « les départements et les régions pourront intervenir dans les financements croisés, y compris dans les compétences qui ne seront plus les leurs ».
* 10 Article R. 113-1 du code du sport.
* 11 Article R. 113-6 du code du sport.