III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. CULTURE ET SPORT : LA NÉCESSITÉ DE PARTAGER MAIS AUSSI DE CLARIFIER LES COMPÉTENCES

Votre commission se réjouit du maintien de la clause de compétence partagée dans les domaines culturel et sportif, tout en soutenant la nécessité d'une meilleure coordination.

1. Une diversité des situations et des niveaux d'intervention qui rendrait illusoire tout objectif de compétence exclusive

Votre commission souhaite réaffirmer la nécessité de tenir compte de la multiplicité des acteurs publics et des niveaux d'intervention qui caractérisent les domaines du sport et de la culture.

a) Le corollaire de la décentralisation culturelle et de la démocratisation de l'accès à la culture

De par la décentralisation culturelle progressive, levier essentiel de la démocratisation de l'accès à la culture, les collectivités participent à la diffusion de l'action culturelle sur l'ensemble du territoire, à travers le soutien à un réseau de structures très dense. Par ailleurs, leur intervention est de plus en plus sollicitée, notamment dans les domaines du patrimoine et du spectacle vivant, afin de compléter les crédits engagés par l'État.

C'est une réalité complexe dont votre commission rappelle l'importance pour souligner le caractère délicat de tout exercice consistant à clarifier les compétences des collectivités dans le domaine culturel. Elle rappelle, à ce titre, le rapport d'étape sur l'organisation territoriale présenté par nos collègues Yves Krattinger et Jacqueline Gourault 13 ( * ) qui ne manque pas de souligner le « caractère arbitraire » que pourrait revêtir la logique d'une compétence exclusive, étant donnée la diversité des missions et des situations locales. L'attribution d'une compétence exclusive pourrait, en outre, nuire à la réalisation de projets importants pour lesquels le partenariat entre plusieurs acteurs, publics ou privés, apparaît indispensable. Ainsi, le foisonnement d'initiatives et des financements, en matière culturelle, est bien souvent vital. Il peut aussi être clairement organisé dans le cadre notamment des établissements publics de coopération culturelle (EPCC) 14 ( * ) .

Au delà, il convient de rappeler le légitime attachement des élus territoriaux à maintenir une marge d'autonomie et d'initiative dans un domaine facteur de cohésion sociale, d'attractivité, de développement économique et touristique des territoires.

Il convient de rappeler à cet égard le rapport du Comité pour la réforme des collectivités territoriales présidé par M. Édouard Balladur, qui soulignait la nécessité d'une clarification des compétences, avait rappelé, pour ce qui concerne la culture, que la diversité des missions en cause rendait l'attribution de la compétence culturelle à un seul niveau d'administration particulièrement délicate.

b) Une condition de la vitalité du domaine sportif

Votre commission défend le même pragmatisme dans le domaine sportif, dont le dynamisme semble intimement lié à un très fort engagement des différents niveaux de collectivités.

Elle souligne en outre que, s'il est vrai que les communes et leurs groupements assument une part clairement prédominante des dépenses sportives au niveau territorial ( via la construction et l'entretien d'équipements sportifs), ils ne peuvent, pour l'heure, faire l'économie des apports financiers substantiels consentis par les départements et les régions , évalués à 1,3 milliard d'euros en 2009 (fonctionnement et investissement réunis).

À cela, s'ajoute le fait que les dépenses sportives des régions et des départements sont extrêmement diversifiées, comme l'illustrent les données budgétaires pour 2009, et semblent réparties de façon plus ou moins équilibrée entre engagements d'investissement et engagements de fonctionnement.

Pour toutes ces raisons, il apparaît difficile et peu souhaitable de chercher à segmenter par voie législative la compétence sportive entre les différents échelons territoriaux , sans prendre le risque de fragiliser l'action territoriale dans ce domaine.

Votre commission rappelle enfin la position du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) qui, en mai 2010, a exhorté les pouvoirs publics à reconnaître, dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales, une compétence partagée en matière sportive entre tous les niveaux territoriaux, en complément à la politique nationale et en tenant compte des intercommunalités et des futures métropoles. Il a ainsi appelé de ses voeux le maintien, au profit du département et de la région, d'une compétence générale de plein exercice dans le domaine du sport.

2. La nécessité d'une réflexion afin d'assurer une meilleure coordination entres les collectivités publiques

Votre commission estime cependant nécessaire, dans un cadre de compétences partagées, que soit menée une réflexion visant à améliorer la coordination des interventions .

a) La confusion du paysage institutionnel de l'action culturelle

Force est de constater que le paysage institutionnel de l'action culturelle, partagé entre les différents niveaux d'administration, peut apparaître quelque peu « confus » et « désordonné », tel que le souligne le rapport précité présenté par M. Yves Krattinger et Mme Jacqueline Gourault.

Votre commission estime que des voies de clarification sont donc à rechercher, ne serait-ce que pour assurer une meilleure coordination entre les collectivités publiques et pour améliorer la lisibilité de leurs interventions . En effet, d'après l'étude précitée sur les dépenses culturelles des collectivités locales, les subventions versées entre collectivités représentent 231 millions d'euros en 2006, soit 3,4 % des dépenses culturelles nettes locales.

Par ailleurs, la Cour des comptes relevait, dans un rapport de 2003 établi à la demande du Sénat 15 ( * ) , un manque de cohérence entre les interventions et un empilement de dispositifs contractuels complexes , consommateurs de temps et de moyens. Ce constat a notamment été confirmé pour le spectacle vivant. Ainsi, les « Entretiens de Valois », lancés le 11 février 2009 par le ministère de la culture et de la communication, après avoir relevé la multiplicité des guichets auxquels les acteurs culturels doivent s'adresser pour faire vivre leur institution ou monter leurs projets, ont préconisé qu'une « redéfinition des modalités d'intervention de l'État en faveur du spectacle vivant [soit] recherchée en concertation avec les collectivités territoriales, qui assurent aujourd'hui une part prépondérante du financement des structures en région ». L'ensemble de ces orientations sont, au demeurant, reprises par la directive nationale d'orientation (DNO) adressée aux préfets de région et aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) le 20 octobre 2009. La traduction concrète de ces orientations consiste en un travail d'identification des structures qu'il serait possible de mutualiser ou rapprocher.

En outre, comme le souligne le rapport d'étape précité sur l'organisation territoriale présenté par M. Yves Krattinger et Mme Jacqueline Gourault, les collectivités locales ont bien souvent, en dépit de leur rôle incontournable pour le dynamisme culturel des territoires, « le sentiment de n'être que des guichets possibles, le dialogue et le partenariat avec l'État restant perçu comme déséquilibré voire déresponsabilisant » .

Par ailleurs, le rapport d'information du 28 juin 2000, fait au nom de la mission commune d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales sur le bilan de la décentralisation 16 ( * ) , a pointé du doigt une certaine « instrumentalisation » des participations croisées par l'État, celui-ci prenant, de fait, le pilotage de projets bien qu'étant minoritaire dans leur financement.

Dans cette optique, le rapport d'étape précité sur l'organisation territoriale de mars 2009 a préconisé une meilleure coordination entre les interventions des collectivités publiques par la voie de la contractualisation et les structures de partenariat entre les différents acteurs territoriaux, y compris, la cas échéant, les acteurs privés et professionnels. En effet, il a semblé à la mission précitée que la généralisation de la contractualisation via des outils ou lieux de concertation entre les acteurs territoriaux était de nature à offrir un cadre souple, tout en prenant en compte la diversité des situations locales, à assurer un partage d'expériences par la clarification des responsabilités, une simplification de certaines modalités financières et la définition d'objectifs partagés.

En ce sens, et à titre d'exemple, Mme Catherine Morin-Desailly a préconisé, dans son récent rapport sur la décentralisation des enseignements artistiques de la musique, de la danse et du théâtre 17 ( * ) , la mise en place d'une commission de coordination à l'échelle régionale, afin de pallier les difficultés d'articulation des interventions des différents échelons territoriaux : l'enseignement initial pour les communes et leurs groupements, l'équité d'accès via l'élaboration d'un « schéma départemental » pour les départements et l'organisation des « cycles d'enseignement préprofessionnel initial » pour les régions. En outre, dans le cadre des « Entretiens de Valois » sur la clarification du rôle des acteurs publics, une première piste de travail avancée en février 2009 a porté sur l'institution de conférences au niveau régional réunissant l'État, les collectivités territoriales et les professionnels.

En outre, une proposition de loi relative à la décentralisation des enseignements artistiques, déposée par Mme Catherine Morin-Desailly au Sénat le 24 juillet 2009, invite à la poursuite de la concertation entre l'État et les différents niveaux de collectivités afin de tirer toutes les conséquences de la loi du 13 août 2004 sur la clarification des compétences des collectivités publiques et les financements dans le domaine des enseignements artistiques. Cette proposition de loi vise notamment à reconnaître le rôle de l'échelon régional en matière d'aménagement du territoire et de planification, à préciser la participation des régions au financement des formations à vocation professionnelle et souligne la nécessité de maintenir le transfert des crédits en direction de la région, à charge pour elle d'abonder au moins à due concurrence les établissements concernés.

Par ailleurs, dans sa réponse à la question orale posée par Mme Catherine Morin-Desailly le 22 octobre 2009, faisant suite à la remise du rapport précité, le ministre de la Culture et de la Communication a précisé que le « message [avait] été entendu », notamment en ce qui concerne la question des crédits de fonctionnement versés par l'État aux communes.

b) Un besoin similaire de clarification dans le domaine du sport

Votre commission souhaite qu'un effort semblable de réflexion soit réalisé en vue d'une meilleure coordination des collectivités dans le domaine du sport. Elle note que la commission des lois de l'Assemblée nationale, dans son rapport d'information d'octobre 2008 sur la clarification des compétences des collectivités territoriales, a préconisé de « réserver aux communes et aux groupements de communes la construction des équipements sportifs, tandis que les autres échelons de collectivités pourraient intervenir pour subventionner les associations et sociétés sportives ».

Dans le même ordre d'idées, le Comité pour la réforme des collectivités locales a estimé que, dans le cadre d'une clarification des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales, « les équipements sportifs devraient [...] relever de la compétence exclusive des communes et de leurs EPCI, qui sont déjà propriétaires de près de 80 % d'entre eux, et non plus des départements. Toutes les collectivités locales conserveraient, en revanche, la faculté de subventionner les clubs et associations sportives, à l'exclusion de la région ».


* 13 « Rapport d'étape sur l'organisation territoriale », rapport d'information fait au nom de la mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales présentant ses premières orientations sur la réorganisation territoriale présenté par M. Yves Krattinger et Mme Jacqueline Gourault, Sénat, n° 264 (2008-2009).

* 14 Voir le rapport n° 265 (2005-2006) du 21 mars 2006 présenté par M. Ivan Renar sur la proposition de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et la loi n° 2002-6 du 4 janvier 2002 relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle.

* 15 « Décentralisation et déconcentration culturelles : des questions de cohérence », rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur le rapport de la Cour des comptes par M. Yann Gaillard, Sénat, n° 393 (2002-2003).

* 16 Rapport d'information fait au nom de la mission commune d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales par M. Michel Mercier, Sénat, n° 447, 28 juin 2000.

* 17 « Décentralisation des enseignements artistiques : des préconisations pour orchestrer la sortie de crise », Rapport d'information fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication par Mme Catherine Morin-Desailly, Sénat, n° 458, (2007-2008).

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