B. L'AVIS DE VOTRE COMMISSION SUR LE TITRE IV DU PROJET DE LOI
1. Le maintien d'une compétence partagée pour la culture et le sport
La commission des lois du Sénat a adopté l'article 35 sans modification. Le texte dont votre commission s'est saisie réaffirme ainsi le principe de spécialisation des compétences des régions et des départements, ainsi que le principe d'une compétence partagée entre les différents échelons territoriaux pour le tourisme, la culture et le sport.
a) Une décision que la commission de la culture appelait de ses voeux
Votre commission se félicite du maintien, par l'Assemblée nationale, de la culture et du sport comme compétences partagées entre les communes, les départements et les régions. En effet, elle n'estime pas opportun de fractionner fonctionnellement les compétences culturelle et sportive entre les différents échelons territoriaux.
La culture et le sport constituent des éléments indissociables non seulement des politiques d'action sociale et de solidarité (pour lesquelles le rôle de chef de file des départements a été constamment consacré par le législateur), mais aussi des politiques de formation professionnelle et de développement économique et touristique (pour lesquelles les régions détiennent une compétence de principe) . L'Assemblée des départements de France rappelle, en particulier, qu'en matière d' inclusion de la culture et du sport dans les politiques de proximité , le couple « naturel » est celui composé des départements et du secteur communal .
Le maintien d'une compétence partagée en matière culturelle et sportive est indispensable à la préservation des concours financiers de la part de l'ensemble des catégories de collectivités territoriales ainsi qu'à la mise en oeuvre de synergies entre les différents niveaux territoriaux, dont les interventions sont, par nature, complémentaires dans ces domaines. À cet égard, la notion de chef de file et de coordonnateur de l'action territoriale dans l'exercice d'une compétence partagée , possibilité garantie par le cinquième alinéa de l'article 72 de la Constitution mais encore inopérante en l'absence d'intervention du législateur, doit être exploitée pour permettre l'articulation par voie conventionnelle des interventions des différents échelons territoriaux .
b) Une position qui devrait être élargie à la vie associative
Votre commission estime que le financement des aides aux associations pourrait également relever d'une compétence partagée et elle a adopté un amendement en ce sens . Forme d'expression et acteur à part entière dans les domaines du sport et de la culture, mais aussi dans le secteur social, la vie associative constitue en effet un levier indispensable pour l'action des collectivités. Ainsi, en 2007, la part de l'aide aux associations sportives représentait-elle 30 % des dépenses consacrées au sport par les départements , soit près de 200 millions d'euros 18 ( * ) . Le secteur culturel est bien évidemment concerné avec 160 000 associations oeuvrant dans ce domaine, ainsi que le recensait un rapport de l'Assemblée nationale 19 ( * ) précisant leur « rôle majeur dans l'enseignement artistique, la promotion et la sauvegarde du patrimoine, l'organisation de festivals, l'animation de centres culturels ».
Aussi l'affirmation d'une compétence partagée dans ce domaine apparaît-elle indispensable pour tenir compte de l'intervention de tous les échelons territoriaux en la matière, dont la multiplicité a d'ailleurs été décrite par les acteurs du monde associatif à l'occasion de la deuxième conférence de la vie associative organisée le 17 décembre 2009.
2. Une clarification des rôles à réaliser dans le cadre d'un accord local
a) Le texte adopté par la commission des lois : une consécration de la voie conventionnelle encourageant la coordination entre collectivités
Le projet de loi, dans sa version issue des travaux de l'Assemblée nationale, s'emploie à donner une substance juridique à la faculté pour les collectivités territoriales d'organiser les modalités de leur action commune par voie conventionnelle.
(1) La convention de délégation de compétence
En effet, nos collègues députés ont introduit un nouvel article L. 1111-8 dans le CGCT prévoyant la possibilité, pour une collectivité territoriale, de déléguer à une collectivité relevant d'une autre catégorie ou à un EPCI à fiscalité propre une compétence dont elle est attributaire, qu'il s'agisse d'une compétence exclusive ou d'une compétence partagée . Cette délégation, qui s'exerce pour une durée limitée, sera régie par une convention qui en précisera les objectifs et les modalités du contrôle de l'autorité délégante sur l'autorité délégataire.
(2) Le schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services
En outre, il est clairement précisé que le schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services entre une région et ses départements , prévu par le nouvel article L. 1111-9 du CGCT et qui peut concerner toute compétence partagée de la région et des départements, devra « organise [r] en conséquence leurs interventions financières respectives » et « fixe [r] les conditions d'organisation et de mutualisation des services ». Notre commission des lois a précisé que ce schéma fixe, d'une part, les délégations éventuelles de compétences entre région et départements et, d'autre part, l'organisation de leurs interventions financières.
Il s'agit ainsi de coordonner leurs actions dans différents secteurs, certains étant visés expressément par l'article 35 bis, d'autres étant facultatifs. Ainsi, la culture et le sport ne devront pas obligatoirement faire l'objet d'un tel schéma 20 ( * ) . Pour autant, votre commission estime que régions et départements auraient tout intérêt à les intégrer dans leur schéma, dans le respect des situations locales .
La souplesse, souhaitée par tous, ne doit pas empêcher la coordination, ce qui d'ailleurs se rapproche précisément de l'objectif des EPCC (établissements publics de coopération culturelle). Dans ce cas, il s'agit bien d'encourager la participation de différentes collectivités territoriales, et si possible de l'État, pour porter un projet culturel commun.
b) Une réflexion sur la répartition des rôles qui doit devenir systématique
(1) Un schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services qui devrait être rendu obligatoire dans les secteurs visés par le texte...
L'article 35 bis du présent projet de loi prévoit que le président du conseil régional et les présidents des conseils généraux des départements de la région le composant pourront élaborer conjointement, dans les six mois qui suivent l'élection des conseillers territoriaux, un schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services.
Votre commission approuve la philosophie de cet article ; ce dernier incitera à une coordination et une rationalisation des compétences des régions et des départements, qui apparaît aujourd'hui incontournable.
Cependant, elle juge nécessaire de rendre l'élaboration de ce schéma obligatoire et elle a adopté un amendement en ce sens . Précisons que ni la culture ni le sport ne font partie des domaines que ce schéma facultatif devra obligatoirement couvrir.
(2) ...et qui pourrait favoriser l'accord local dans les domaines de la culture et du sport
L'enchevêtrement des compétences peut entraîner un manque de cohérence entre les interventions. C'est pourquoi, selon les secteurs et selon les territoires, il paraît souhaitable à votre commission que les collectivités s'accordent soit pour construire des politiques publiques communes, soit pour se répartir les rôles, dans le dialogue et le respect mutuel. Un tel travail de réflexion sur la définition des rôles de la région et des départements le composant paraît tout à fait compatible avec la notion de compétences partagées, dans les secteurs de la culture et du sport. En outre, il ne constituera en aucun cas une contrainte nouvelle pour des collectivités qui auraient fait jusqu'alors le choix de ne pas exercer ces compétences non obligatoires. Cet outil permettra donc de concilier les objectifs de souplesse et de clarification, toutes deux nécessaires à une meilleure efficacité de l'action publique des régions et des départements.
L'accord local , avec une éventuelle spécialisation de certains niveaux de collectivités dans certains domaines, si les élus l'estiment pertinent, est donc un outil de coordination au service d'une rationalisation de l'action et de la dépense publiques que votre commission juge indispensable .
En effet, la loi vise à encourager la clarification des responsabilités entre les uns et les autres. L'élection de conseillers territoriaux devrait être de nature à faciliter une bonne organisation des compétences et des financements sur le territoire, puisqu'ils seront élus, et du département et de la région. La structuration des réseaux culturels n'étant pas nécessairement la même dans toute la France, ils pourront prendre en compte les spécificités de leurs territoires.
C'est pourquoi le schéma d'organisation des compétences, qui ne s'imposerait pas aux domaines de la culture et du sport, pourrait néanmoins constituer un cadre facilitant l'organisation d'accords locaux.
3. Un encadrement raisonnable des financements croisés
Le titre IV encadre désormais le recours aux financements croisés entre différents niveaux de collectivités territoriales. Votre commission approuve la suppression , par la commission des lois du Sénat, de l'article 35 quater adopté par l'Assemblée nationale, qui aurait eu pour effet de limiter, voire de supprimer la possibilité de cumuler les subventions départementales et régionales en faveur d'un projet local soutenu par une commune ou un groupement. Cette interdiction de cumul aurait pu sembler contradictoire avec le maintien de certaines compétences partagées entre les communes, les départements et les régions.
* 18 Source : rapport d'étape du CNOSF sur le sport et la réforme des collectivités territoriales.
* 19 Rapport n° 1134 de la mission d'information sur la gouvernance et le financement des structures associatives, présenté par M. Pierre Morange.
* 20 L'article 35 bis précise que le schéma porte au moins sur les compétences relatives au développement économique, à la formation professionnelle, à la construction, à l'équipement et à l'entretien des collèges et lycées, aux transports, aux infrastructures, voiries et réseaux, à l'aménagement des territoires ruraux et aux actions environnementales.