3. Annualisation du calcul des allègements généraux (article 12)
a) L'annualisation du calcul du coût des allègements généraux

Il est rappelé que le montant des exonérations auxquelles ont droit les entreprises est actuellement calculé sur une base mensuelle, ce qui est facteur de distorsion. Deux salariés bénéficiant de la même rémunération annuelle peuvent, suivant la chronique des versements de ces rémunérations, ne pas bénéficier du même montant d'allégements. Ce constat peut conduire certaines entreprises à adopter des comportements d'optimisation.

Ainsi, une entreprise peut-elle rémunérer ses salariés au niveau du SMIC sur onze mois, et bénéficier à plein de l'exonération de la totalité de ses cotisations sociales salariales obligatoires, puis verser, le douzième mois, une prime représentant un treizième, voire un quatorzième mois. La moindre exonération constatée le douzième mois est significativement inférieure à la perte qu'aurait connue l'entreprise si le calcul était fondé sur le salaire mensuel moyen sur l'année.

L'annualisation, proposée par l'article 12 du projet de loi, permettrait d'éviter certains comportements d'optimisation et de garantir une certaine équité entre entreprises.

Le dispositif technique consiste essentiellement à modifier l'article L. 214-13 du code de la sécurité sociale, afin de supprimer les références « au mois » pour les remplacer par des références « annuelles ». La rédaction proposée pour le III de cet article disposerait notamment que :  « Le montant de la réduction est calculé chaque année civile , pour chaque salarié, selon des modalités fixées par décret. Il est égal au produit de la rémunération annuelle , telle que définie à l'article L. 242-1 par un coefficient. Ce coefficient est déterminé par application d'une formule fixée par décret. Il est fonction du rapport entre la rémunération annuelle du salarié telle que définie à l'article L. 242-1 (...) et le salaire minimum de croissance calculé pour un an sur la base de la durée légale du travail. » Il est prévu qu'un décret fixe les modalités de régularisation du différentiel éventuel entre la somme des montants de la réduction appliquée au cours de l'année et le montant calculé pour l'année.

La mesure devrait entrer en vigueur pour la première fois pour les rémunérations servies au titre du mois de janvier 2011.

Pour ce qui est de la présentation détaillée de la mesure, votre rapporteur pour avis vous renvoie au rapport de la commission des affaires sociales, saisie au fond du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

b) Les autres mesures
(1) La non exonération des cotisations d'accident du travail

Le a du du I de l'article 12 tend à modifier l'article L. 214-13 du code de la sécurité sociale afin d'exclure du champ des allègements les cotisations patronales versées au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Cette modification a pour objectif de rectifier la rédaction de cet article qui ne respecte pas le principe, introduit par la loi de financement pour 2008 , selon lequel « les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles ne peuvent faire l'objet d'une exonération totale, y compris lorsque celle-ci ne porte que sur une partie de la rémunération » (dernier alinéa de l'article L. 214-5 du code de la sécurité sociale).

Votre rapporteur pour approuve cette mise en cohérence qui permet de souligner la nature préventive et assurantielle de la branche des accidents du travail. L'objectif des cotisations AT-MP consiste à responsabiliser les entreprises, en les incitant à renforcer la prévention. Cette disposition n'a pas d'impact sur le coût du panier fiscal alloué aux allègements généraux puisque, dans les faits, le principe est appliqué. Cette suppression est donc financièrement neutre pour la branche AT-MP et pour les employeurs.

(2) La prise en compte de la particularité des entreprises de travail temporaire

Les salariés intérimaires ne peuvent bénéficier pas de leurs congés sous forme de jours de repos inclus dans la durée de leur contrat de mission. Afin de compenser cette situation, la loi prévoit dans tous les cas la majoration d'au moins 10 % de la rémunération globale versée par l'employeur pendant la durée du contrat. A cet égard, les entreprises de travail temporaire se trouvent dans une situation similaire pour leurs salariés à celle des professions ayant mutualisé au profit de caisses de compensation (article L. 3140-30 du code du travail) le paiement des congés des salariés et des charges sur les indemnités de congés. Or ces dernières bénéficient d'une majoration de taux de la réduction au titre des allègements généraux, fixée à 10 % par l'article D. 241-10 du même code.

Le 4° du I propose donc d'aligner les règles applicables aux entreprises de travail temporaire sur les règles de majoration de l'allégement actuellement prévues pour les caisses de compensation. Ainsi, les entreprises de travail temporaire bénéficieront également d'une majoration de l'exonération.

c) La position de votre rapporteur pour avis

Votre rapporteur pour avis estime que cette mesure est pertinente dans son principe : elle permet non seulement de rétablir une certaine équité entre les entreprises, mais aussi de diminuer de manière sensible, à hauteur de 2 milliards d'euros en 2011, le coût de la politique des allègements généraux qui est majeur.

En 2011 , les coûts associés aux dispositifs d'exonération à vocation générale devraient atteindre 24,4 milliards d'euros dont, on l'a vu plus haut, 21,4 milliards d'euros pour le seul dispositif d'allègement unique sur les bas salaires mis en place par la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003. Cette somme serait en augmentation de plus de 10,3 % par rapport à 2007 représentant ainsi une charge croissante pour le budget de l'Etat, qui compense à la sécurité sociale les pertes de cotisations par l'affectation de plusieurs recettes fiscales.

Au vu des montants ci-dessus cités, votre rapporteur pour avis souligne les difficultés de soutenabilité financière posées par ce dispositif. Avons-nous encore les moyens de cette politique ? En effet, l'ampleur des déficits budgétaires pose la question de l'opportunité de cette « subvention généralisée à l'économie française 41 ( * ) ». Cependant, la remise en cause du dispositif est un exercice délicat compte tenu de ses liens étroits avec la politique de l'emploi. La fonction des exonérations de charges sur les bas salaires est de créer des emplois, en réduisant le coût du travail peu qualifié. Dès lors toute révision du dispositif fait peser un risque sur l'emploi qu'il est toutefois difficile d'évaluer.

Votre rapporteur pour avis rappelle à ce titre qu'il a été l'un des trois auteurs des amendements déposés au PLFSS pour 2010 tendant à modifier les modalités de calcul des allègements généraux. Cette modification n'avait pas pu être adoptée compte tenu de l'impact social incertain de cette mesure.

Eric Woerth alors ministre du budget, avait en effet fourni les éléments suivants : « Il est vrai que, si le chiffrage qui a été réalisé est exact, une telle mesure représenterait une économie de 2 à 3 milliards d'euros pour les finances de l'État , et ce n'est pas le ministre des comptes publics qui s'en plaindrait. Il n'en demeure pas moins qu'une charge équivalente serait facturée aux entreprises, au risque de susciter des licenciements qui, eux, coûteront cher (...) Le ministère de l'économie estime à 85 000 le nombre des emplois qui seraient mis en cause par une telle réforme du dispositif . (...) ».

A cet égard, votre rapporteur pour avis regrette que l'étude d'impact associé à l'article 12 du présent projet de loi ne fasse pas davantage mention des conséquences de cette mesure sur le niveau de l'emploi. En effet, il est indiqué laconiquement que « le renchérissement du coût du travail pour les employeurs, dont les pratiques de paye conduisaient à maximiser le montant de la réduction dont ils bénéficiaient, pourrait avoir des conséquences défavorables en termes d'emploi. Cette mesure aura néanmoins un impact global mesuré sur l'emploi. » Il aurait été intéressant de pouvoir disposer des différentes évaluations disponibles. En tout état de cause, il semble raisonnable de penser que l'annualisation constitue une réforme des allègements généraux moins « brutale » qu'un abaissement des seuils d'éligibilité du dispositif, et qu'à ce titre les éventuels ajustements sur le marché du travail seront modérés. Il remarque qu'il sera néanmoins difficile de faire la part des choses dans l'analyse de l'évolution à moyen terme du niveau de l'emploi, celui-ci étant déterminé par un ensemble de facteurs, au premier rang desquels la croissance économique.


* 41 Philippe Marini, Les Echos, 3 mars 2010.

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