2. Les modalités de refinancement de la dette sociale, un point de désaccord majeur pour votre rapporteur pour avis (article 9)

Le débat ne porte pas tant sur le montant des déficits transférés à la CADES, que sur les modalités de refinancement de ces derniers par la Caisse. Cette question, déjà longuement abordée dans le cadre de l'examen de la loi de financement pour 2010, a été à nouveau particulièrement discutée au sein de la commission de la dette sociale, dont votre rapporteur pour avis était membre, et plus récemment lors de l'examen par le Parlement du projet de loi organique relatif à la dette sociale.

Ce débat a notamment conduit à accepter, dans le cadre du projet de loi organique, l'utilisation anticipée du Fonds de réserve des retraites et la prolongation de quatre années de la durée de la vie de la CADES ; deux éléments qui remettent en question des engagements pris à l'égard des générations futures.

En effet, comme le soulignait votre rapporteur pour avis dans son avis sur ce projet de loi, le montant des déficits et la faiblesse de la reprise économique, qui s'est notamment traduite cet été par la révision à la baisse de l'hypothèse de croissance économique prévue pour 2011, ne permettent pas d'envisager le refinancement de la dette sociale née de la crise par la seule augmentation des recettes fiscales de la Caisse.

Compte tenu du contexte actuel, il est ainsi nécessaire de privilégier une solution pragmatique reposant sur la combinaison de plusieurs leviers. Le pragmatisme ne peut toutefois pas tout justifier, notamment lorsque l'on vient de s'exonérer d'une des règles les plus contraignantes en matière de gestion de dette sociale, à savoir la préservation des générations futures.

a) L'adossement du FRR à la CADES permettra d'augmenter les recettes de la Caisse de 3,6 milliards d'euros par an

Afin de refinancer la dette transférée à la CADES entre 2012 et 2018 au titre des futurs déficits « Vieillesse » constitués pendant cette période, le Gouvernement a fait le choix d'utiliser de manière anticipée le Fonds de réserve des retraites. Cette option a pu soulever de vives réactions car celui-ci devait techniquement participer au financement du système de retraites entre 2020 et 2040. Votre rapporteur pour avis souligne que si la date d'entrée en jeu du FRR a été modifiée, sa finalité n'est pas a priori détournée puisqu'il contribuera à soutenir à double titre le système de retraites entre 2012 et 2024 :

- la liquidation progressive de ses actifs, ainsi que l'affectation de sa principale ressource fiscale à la CADES, permettront de refinancer les déficits du régime général et du FSV entre 2012 et 2018 ;

- ce faisant, ce mécanisme permettra d'alléger la contrainte financière pesant sur la CNAV durant la montée en charge de la réforme des retraites.

L'adossement du FRR à la CADES, prévu au II de l'article 9 du présent projet de loi, comporte deux volets :

- d'une part, l'attribution de la principale ressource permanente du FRR à la CADES , les autres ressources du Fonds, d'un montant nettement plus faible, étant affectées au Fonds de solidarité vieillesse ( du II de l'article 9 du projet de loi).

Cette proposition n'appelle pas de remarques particulières, dans la mesure où, comme l'a souligné Patrice Ract-Madoux, président du conseil d'administration de la CADES, devant votre commission lors de son audition du 7 septembre 2010, le prélèvement social sur le capital possède des caractéristiques proches de la CRDS et de la CSG en termes de pérennité et de dynamisme. Aux termes du du II de l'article 9 du projet de loi, la CADES percevrait, dès 2011 une part correspondant à 1,3 % du taux de prélèvement social sur les revenus du capital, dont le taux global a été relevé à 2,2 % afin de financer une partie de la réforme des retraites ;

- d'autre part, la liquidation progressive des actifs du FRR . Le du II de l'article 9 du projet de loi de financement, qui modifie l'article L. 135-6 relatif au FRR, propose ainsi que ce dernier verse à la CADES, entre 2011 et 2024, une somme de 2,1 milliards d'euros avant le 31 octobre de chaque année , afin de contribuer au financement des déficits de la CNAV et du FSV, nouveau bénéficiaire du FRR. Afin de prendre en compte cette nouvelle obligation de versement, la mission du conseil de surveillance du FRR a été modifiée.

Au total, les recettes de la CADES devraient augmenter de 3,6 milliards d'euros par an à compter de 2011 au titre de l'adossement du FRR à celle-ci.

b) Le refinancement des déficits des exercices 2009 à 2011 nécessite d'augmenter de 3,2 milliards d'euros les recettes de la Caisse
(1) Les modalités de refinancement proposées par l'Assemblée nationale

Dans le cadre du projet de loi de financement présenté par le Gouvernement, le choix avait été fait, afin de ne pas augmenter nominalement le taux de la CRDS, d'affecter à la CADES les trois mesures de recettes alternatives suivantes :

- l'assujettissement des contrats santé « solidaires » et « responsables », aujourd'hui exonérés, à la taxe spécifique sur les conventions d'assurance (TSCA) ;

- l'application des prélèvements sociaux au compartiment euros des contrats d'assurance vie multisupports 5 ( * ) ;

- la taxe de sortie sur les sommes de la réserve de capitalisation des sociétés d'assurance.

Le rendement associé à ces trois dispositifs, inscrits dans le projet de loi de finances pour 2011 6 ( * ) , est, selon l'étude d'impact associé à ce projet, de 3,55 milliards d'euros en 2011, 3,35 milliards d'euros en 2012 et... 2,3 milliards d'euros en 2013 . La rupture s'explique par le fait que la taxation de la réserve de capitalisation constitue « une mesure à un coup » qui ne peut être prolongée au-delà de 2012. La principale conséquence de cette mesure est de faire du panier de recettes proposé par le Gouvernement « un panier percé » difficilement acceptable pour une entité comme la CADES.

Pour remplir de manière satisfaisante sa mission et garder sa crédibilité auprès des différents investisseurs, la CADES doit en effet pouvoir bénéficier de recettes pérennes et dynamiques, à l'image de la CRDS et de la CSG, dont une fraction lui est, depuis 2009, affectée.

Soucieuse de garantir la qualité des ressources, l'Assemblée nationale a refusé, lors de l'examen du PLF pour 2011, l'affectation à la CADES des trois mesures précitées, qu'elle a fléchées sur la Caisse nationale d'allocations familiales. En conséquence, lors de la discussion du projet de loi de financement, elle a supprimé au sein de l'article 9 du projet de loi de financement toute référence, directe et indirecte, aux mesures initialement proposées par le Gouvernement et a procédé à un transfert de 0,28 point de CSG de la CNAF vers la CADES (4° bis (nouveau) et 5° bis (nouveau) du II de l'article 9). Cette fraction de CSG correspond en 2011 à 3,2 milliards d'euros, soit le montant nécessaire au refinancement de la dette sociale 2009-2011, ce montant, qui a été déterminé selon les nouveaux tarifs de la CADES et au regard de la nouvelle durée d'amortissement de la dette portée par cette dernière.

Ce vote est conforme aux positions que l'Assemblée nationale a exprimées lors du débat sur le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale. En effet, à l'initiative de sa commission des finances, elle a précisé dans ce texte que « l'assiette des impositions de toute nature affectées à la Caisse d'amortissement de la dette sociale porte sur l'ensemble des revenus perçus par les contribuables personnes physiques. » Cette mention signifie expressément que le refinancement de la dette sociale ne peut s'opérer que par l'affectation de CRDS ou de CSG à la Caisse. Afin de permettre l'adossement du FRR à la CADES, il est néanmoins prévu, à titre dérogatoire, que le PLFSS pour 2011 puisse assortir les transferts qu'il prévoit d'une augmentation des recettes assises sur les revenus du patrimoine et les produits de placements.

(2) La position de votre rapporteur pour avis

Votre rapporteur pour avis estime ainsi que ni la proposition initiale du Gouvernement, ni la proposition retenue par l'Assemblée nationale ne sont satisfaisantes : en effet, la première, en affectant à la CADES « un panier percé » ne garantit pas à cette dernière des ressources suffisamment pérennes et dynamiques ; la seconde, en privilégiant la qualité des ressources de la Caisse, fragilise le financement de la CNAF qui dès 2013 enregistrera une diminution sensible de ses recettes, sans qu'aucune clause de garantie ne soit actuellement prévue.

A cet égard, votre rapporteur pour avis estime que l'équilibre du projet de loi organique relatif à la dette sociale n'est pas satisfaisant . En effet, il signifie que les éventuels nouveaux transferts de dette pourront encore être financés, grâce à la modification de la clé de répartition de la CSG, et donc par des « jeux de bonneteau » régulièrement dénoncés mais jamais supprimés. Il souligne que la clause de garantie initialement proposée par le Gouvernement dans le cadre du présent projet de loi, combinée à la clause de garantie votée à l'initiative du Sénat dans le cadre du projet de loi organique, était plus vertueuse : en effet, en cas d'insuffisance du panier de recettes affecté à la CADES, le taux de la CRDS était mécaniquement relevé.

L'affectation du panier de recettes à la CNAF, en lieu et place de la CADES, ne recueille pas l'avis favorable de votre rapporteur pour avis.

En effet, le panier proposé étant « percé », il constitue une fragilisation du financement de son destinataire quel qu'il soit . La remise en cause du financement de la CNAF est ainsi tout aussi irrecevable que celle de la CADES . Par ailleurs, le procédé consistant à affecter à la CNAF des recettes fiscales diverses et non pérennes, afin de permettre un reversement de la CSG à la CADES, constitue une complexification supplémentaire qui s'éloigne des principes définis en 1996 par le législateur pour financer la dette sociale.

Dans la continuité de son amendement proposé au PLFSS pour 2010, et de son avis sur le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, votre rapporteur pour avis vous propose un amendement augmentant de 0,26 point la CRDS, afin de permettre, avec l'allongement de la durée de vie de la CADES de quatre années, le refinancement des 68 milliards d'euros de déficits transférés en 2011. L'augmentation proposée reste raisonnable puisque, par exemple, cela représenterait un effort de 3,4 euros par mois, soit 40,8 euros par an, pour une personne rémunérée au niveau du Smic.

Il conteste en effet le refus du Gouvernement de ne pas augmenter la CRDS afin de stabiliser le niveau des prélèvements obligatoires. Cette position de principe, contredite au demeurant par l'augmentation d'autres impôts, conduit à fragiliser le financement des régimes obligatoires de base par la mise en place de schémas financiers acrobatiques qui ne font en outre, que renforcer la nécessité d'une approche consolidée des projets de loi de finance et de financement.

Le transfert proposé de CSG n'est en outre pas satisfaisant car cette contribution n'a pas la même signification que la CRDS qui, bien qu'elle soit considérée comme une imposition de toute nature, revêt une dimension particulière : elle ne finance pas des dépenses de fonctionnement actuelles, encore moins des dépenses d'avenir, elle constitue le REMBOURSEMENT de dépenses de protection sociales passées. A l'heure où le Parlement revient sur des engagements pris à l'endroit des générations futures, votre rapporteur pour avis estime que, l'augmentation de la CRDS est à l'égard de ces dernières l'unique moyen de leur prouver que les générations actuelles ne se départissent, ni de leurs responsabilités morales, ni de leurs responsabilités financières. Afin que l'effort soit effectivement supporté par tous, cette augmentation ne serait pas prise en compte dans le calcul du « bouclier fiscal ». Le caractère équitable de l'effort conduit également votre rapporteur pour avis à vous proposer un élargissement de l'assiette de la CRDS aux plus-values immobilières quelles qu'elles soient 7 ( * ) .

Cet amendement, s'il était adopté, pose la question, dans le cadre de l'examen du PLF, de l'affectation du panier de recettes initialement proposée par le Gouvernement. Si les deux premières taxes peuvent être laissées au budget de l'Etat, qui aura à supporter une partie du coût du financement de la réforme des retraites, la dernière mesure relève, par nature du champ de la sécurité sociale puisqu'il s'agit de prélèvements sociaux. Votre rapporteur pour avis vous propose d'affecter le rendement de cette mesure au FSV dont le financement a été structurellement déséquilibré en 2009. Cette affectation permettrait, en 2011, de réduire le déficit prévisionnel du FSV de 40 %, puisqu'il passerait d'un peu plus de 4 milliards d'euros à 2,4 milliards d'euros.


* 5 Il convient de rappeler que ce type de contrat est garanti par l'assureur du contrat. L'épargne accumulée est disponible à tout moment, sans risque de perte de capital et avec un rendement minimum garanti.

* 6 Articles 7, 8 et 9 du projet de loi de finances.

* 7 L'Assemblée nationale a assujetti aux prélèvements sociaux, et donc à la CRDS, les plus-values immobilières résultant de la cession d'une résidence secondaire et sans que la condition d'abattement pour durée de détention puisse s'appliquer (article 3 du PLF pour 2011).

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