Avis n° 114 (2010-2011) de MM. Philippe NACHBAR et Serge LAGAUCHE , fait au nom de la commission de la culture, déposé le 18 novembre 2010

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N° 114

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2010

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2011 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VI

Fascicule 3

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES
LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

Par MM. Philippe NACHBAR et Serge LAGAUCHE,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Legendre , président ; MM. Ambroise Dupont, Serge Lagauche, David Assouline, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Ivan Renar, Mme Colette Mélot, MM. Jean-Pierre Plancade , Jean-Claude Carle vice-présidents ; M. Pierre Martin, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Christian Demuynck, Yannick Bodin, Mme Béatrice Descamps , secrétaires ; MM. Jean-Paul Amoudry, Claude Bérit-Débat, Mme Maryvonne Blondin, M. Pierre Bordier, Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Claude Carle, Mme Françoise Cartron, MM. Jean-Pierre Chauveau, Yves Dauge, Claude Domeizel, Alain Dufaut, Mme Catherine Dumas, MM. Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Mme Françoise Férat, MM. Jean-Luc Fichet, Bernard Fournier, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jean-François Humbert, Soibahadine Ibrahim Ramadani, Mme Marie-Agnès Labarre, M. Philippe Labeyrie, Mmes Françoise Laborde, Françoise Laurent-Perrigot, M. Jean-Pierre Leleux, Mme Claudine Lepage, M. Alain Le Vern, Mme Christiane Longère, M. Jean-Jacques Lozach, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Philippe Nachbar, Mmes Mireille Oudit, Monique Papon, MM. Daniel Percheron, Jean-Jacques Pignard, Roland Povinelli, Jack Ralite, Philippe Richert , René-Pierre Signé, Jean-François Voguet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 2824, 2857, 2859 à 2865 et T.A. 555

Sénat : 110 et 111 (annexe n° 17 ) (2010-2011)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La mission « Médias, livre et industries culturelles » est répartie en trois programmes, dont le programme 180 « Presse, livre et industries culturelles » regroupe désormais les crédits alloués par l'État à sa politique en faveur de ces secteurs.

Vos rapporteurs comprennent la logique ayant conduit à la refonte de la maquette budgétaire du ministère dans ces différents domaines, tous caractérisés par leur entrée, plus ou moins rapide et brutale, dans l'ère numérique. Le fil directeur de ce nouveau programme est de faciliter la coordination de l'action publique dans un environnement à la fois mondialisé et fortement bouleversé par les technologies numériques. Cette maquette a aussi pour but de mettre en adéquation programmes budgétaires et organisation administrative, notamment à la suite de la réorganisation du ministère de la culture et de la communication.

Néanmoins, cette nouvelle organisation budgétaire rend les comparaisons difficiles d'une année sur l'autre , tant le périmètre des actions et sous-actions du budget 2010 ont été « détricotées » pour 2011. C'est pourquoi l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à scinder le programme 180 en 3 programmes consacrés respectivement à la presse, au livre et aux industries culturelles.

Vos rapporteurs ont néanmoins analysé les crédits sur le fondement de la maquette initialement proposée, qui prévoit un transfert des crédits suivants vers le programme 180 :

- la totalité de l'action 5 « patrimoine écrit » du programme 175 « Patrimoines » ;

- la totalité de l'action 6 « patrimoine cinématographique » du programme 175 « Patrimoines » ;

- la totalité de l'action 3 « livre et lecture » du programme 131 « Création » ;

- la majeure partie de l'action 4 « industries culturelles » du programme 131 « Création » ;

- enfin, quelques crédits centraux et déconcentrés consacrés au livre des actions 1 « enseignement supérieur », 2 « éducation artistique et culturelle » et 4 « accès à la culture » du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Les deux premières actions de ce programme concernant la presse, sont traitées par le rapporteur en charge de ce domaine.

Les crédits consacrés au livre, à la lecture et aux industries culturelles font l'objet des nouvelles actions 3 et 4 de ce programme. Vos co-rapporteurs suivaient ces sujets les années précédentes au titre des programmes de la mission « Culture » auxquelles les crédits concernés étaient auparavant rattachés : M. Philippe Nachbar au titre du programme « Patrimoine » et M. Serge Lagauche, au titre du programme « Création ».

Sont inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2011 273,8 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 278,8 millions d'euros en crédits de paiement (CP), dont environ 90,5 % en faveur du livre et de la lecture, et 9,5 % pour les industries culturelles .

I. CONSERVER ET VALORISER LE PATRIMOINE ÉCRIT ET PROMOUVOIR LA LECTURE

Ce chapitre consacré au patrimoine écrit correspondait jusqu'à présent principalement à l'analyse des crédits de l'action n° 5 « patrimoine écrit et documentaire » du programme « Patrimoines » de la mission « Culture ». En transférant l'intégralité de ces crédits vers le programme 180 « Presse, livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles », le Gouvernement affiche le choix d'une conception nouvelle de sa politique culturelle : le livre est vivant, évolue, et l'action politique doit tenir compte à la fois du passé (patrimoine ancien ou contemporain) et du présent (patrimoine en devenir). La nouvelle maquette budgétaire marque donc l'unification de ces deux pans au sein d'un même programme, même si des actions spécifiques sont bien entendu précisées.

A. LE PATRIMOINE ÉCRIT : UNE NOUVELLE COMPOSANTE DE LA POLITIQUE DU LIVRE

1. Une présentation plus cohérente du budget

Dans son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2010, votre rapporteur avait souligné l'importance des crédits accordés l'action n° 5 « patrimoine écrit et documentaire » qui représentaient 25 % des autorisations d'engagement du programme (avec 250,24 millions d'euros) et 17,34 % des crédits de paiement (avec 216,55 millions d'euros).

Cette année l'analyse porte sur les crédits de l'action n° 3 « Livre et lecture » du programme 180 précité. Comme l'indique le tableau ci-après, elle est décomposée en quatre sous-actions :

• sous-action 1 « BnF » ;

• sous-action 2 « Quadrilatère Richelieu » ;

• sous-action 3 « Développement de la lecture et des collections » ;

• sous-action 4 « Édition, librairie et professions du livre ».

AE

CP

Sous-action 1 « BnF »

206 217 648

206 217 648

Sous-action 2 « Quadrilatère Richelieu »

5 000 000

Sous-action 3 « Développement de la lecture et des collections »

19 271 322

19 271 322

Dont Bpi

7 015 812

7 015 812

Sous-action 4 « Édition, librairie et professions du livre »

22 330 000

22 330 000

Dont CNL

2 825 000

2 825 000

Total action « Livre et lecture »

247 818 970

252 818 970

Il est extrêmement difficile de comparer les actions entre elles car les transferts sont multiples .

Ainsi, comme l'indique le projet annuel de performances pour 2011, les crédits concernant la Bibliothèque nationale de France (BnF) sont intégrés au sein de la sous-action 1 « BnF » et proviennent de transferts :

• des crédits de l'action 5 du programme 175 « Patrimoines » pour le fonctionnement et l'investissement ;

• des crédits de l'action 8 « Acquisition et enrichissement des collections publiques » du même programme 175 ;

• d'une partie de l'action 1 « Recherche en faveur des patrimoines » du programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique » pour les crédits de recherche inclus à présent dans les crédits d'investissement.

De même, comme l'indique toujours le projet annuel de performances pour 2011, les crédits concernant la Bibliothèque publique d'information (Bpi), intégrés à la sous-action 3 « Développement de la lecture et des collections », étaient auparavant inscrits sur l'action 3 « Livre et lecture » du programme 131 « Création ». À compter de 2011, ils intègrent dans la subvention d'investissement les crédits recherche issus de l'action 4 « Recherches transversales et pilotage du programme » du programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique ». Un autre transfert lié à la refacturation des charges locatives par le Centre national d'art et de culture (CNAC) Georges Pompidou est également intégré dans les crédits de fonctionnement. Une telle présentation ne facilite pas, de toute évidence, l'analyse des efforts budgétaires consentis sur la durée. Mais si la modification de l'architecture budgétaire ne facilite pas la lecture du budget, elle a en revanche le mérite de prendre en compte les changements intervenus ces dernières années .

Ainsi de nouvelles problématiques communes au patrimoine écrit ancien et au livre, telles que la numérisation, ont émergé. C'est ce qu'a permis de constater, par exemple, le récent examen de la proposition de loi n° 441 relative aux oeuvres visuelles orphelines, c'est-à-dire aux oeuvres dont on ne retrouve pas le ou les ayants droit. En effet, il est apparu nécessaire à votre commission d'appréhender les réformes législatives relatives aux oeuvres orphelines à la fois pour les illustrations mais aussi pour l'écrit dans son ensemble, qu'il s'agisse du livre et des outils au service des éditeurs, mais aussi du patrimoine ancien et des possibilités offertes aux bibliothèques pour numériser et valoriser un pan plus large de ses fonds pour un meilleur accès à la culture.

Votre rapporteur s'attachera à analyser les trois premières sous-actions, notre collègue Serge Lagauche traitant les crédits « Édition, librairie et professions du livre » dans la deuxième partie du présent rapport.

Les crédits accordés à la BnF (sous-action 1) s'élèvent à 206,22 millions d'euros environ en CP=AE, dont 190,361 millions au titre du fonctionnement, et 15,89 millions au titre de l'investissement. Cette subvention d'investissement est censée être complétée par les 5,5 millions d'euros d'excédent dégagés du budget 2010 de l'établissement. Comme le précise le projet annuel de performances, « pour rappel, le budget de la BnF est construit de manière à dégager une capacité d'autofinancement suffisante pour en charge ses investissements, notamment ses acquisitions ». Il est expressément demandé à la BnF de développer ses ressources propres, leur taux étant actuellement assez bas (4 %). Plusieurs mesures sont envisagées pour cela : développement des publics, actualisation des grilles tarifaires, valorisation des activités commerciales, nouvelles activités comme la valorisation des collections numériques, etc. La rationalisation de son parc immobilier va se poursuivre en parallèle.

Les crédits de la sous-action 2 « Quadrilatère Richelieu », destinés au financement de la rénovation et de l'aménagement du site de la Bibliothèque nationale de France, s'élèvent à 5 millions d'euros en crédits de paiement, tandis qu'un apport complémentaire de la BnF à hauteur de 12 millions d'euros est prévu pour la période 2010-2013, le calendrier de versement étant en cours d'élaboration. Les espaces du site seront partagés entre la BnF, l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) et l'École nationale des Chartes (ENC), favorisant ainsi à renforcer ce pôle scientifique et culturel en matière d'histoire de l'art. Le coût total du projet, qui s'élève à 177,6 millions d'euros, fait l'objet d'une financement interministériel, la participation du ministère de la culture s'élevant à 137,44 millions d'euros et celle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche à 40,16 millions d'euros au titre de la tutelle qu'il exerce sur l'ENC et de celle qu'il partage avec le ministère de la culture sur l'INHA.

Enfin les crédits de la sous-action 3 « Développement de la lecture et des collections » s'élèvent à 19,27 millions d'euros en CP=AE , dont un peu plus de 7 millions destinés à la Bibliothèque publique d'information .

Ces crédits doivent permettre la mise en oeuvre des politiques décrites ci-après.

2. La valorisation du patrimoine écrit : une priorité nationale qui s'appuie sur les richesses territoriales

La conservation, l'enrichissement et la valorisation du patrimoine écrit sous toutes ses formes (manuscrite, imprimée, graphique et désormais numérique) constituent un objectif clairement identifié comme prioritaire de la politique culturelle de l'État. La politique du ministère de la culture et de la communication en la matière comprend deux volets principaux : d'une part, l'action de la Bibliothèque nationale de France (BnF, 35 millions de documents conservés), d'autre part, le soutien aux bibliothèques territoriales détenant des fonds patrimoniaux (plus de 30 millions de documents anciens et précieux, soit environ 500 bibliothèques en France dont 54 bibliothèques municipales classées) à travers le plan d'action pour le patrimoine écrit (PAPE).

- La Bibliothèque nationale de France :

Elle reçoit du service du livre et de la lecture (SLL) au sein de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) une subvention spécifique pour les actions de coopération nationale (3 millions d'euros) : l'année 2009 a été marquée par la poursuite du développement des pôles associés régionaux, impliquant services de l'État et collectivités territoriales autour de projets patrimoniaux communs , en particulier en matière de signalement.

Les pôles associés régionaux

Treize régions sont désormais pourvues de ce dispositif ou en passe de l'être : Aquitaine, Auvergne, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Antilles (Martinique et Guadeloupe) et Guyane, Franche-Comté, Languedoc-Roussillon, Limousin, Basse-Normandie, Haute-Normandie, Picardie, Poitou-Charentes, Rhône-Alpes.

- Les bibliothèques territoriales :

Le second volet de la politique patrimoniale est le soutien aux politiques patrimoniales des collectivités territoriales, en particulier des collectivités détenant des fonds d'État provenant principalement des confiscations de la Révolution française. Cette politique s'organise depuis 2004 au sein du plan d'action pour le patrimoine écrit . À travers ce dispositif, le ministère de la culture et de la communication entend encourager des actions concertées entre les collectivités territoriales, dépositaires ou propriétaires d'un très vaste patrimoine écrit, et les grandes bibliothèques de l'État, la Bibliothèque nationale de France mais aussi les bibliothèques universitaires et de recherche.

Deux actions principales ont été mises en place en 2010 :

• la reconduction pour la quatrième année consécutive d'un appel à projets « Patrimoine écrit » destiné à soutenir les projets patrimoniaux remarquables des collectivités territoriales, sur le modèle du dispositif expérimental créé en 2007. Cette mesure bénéficie de crédits d'un montant de 300 000 euros . En trois ans, ce sont 59 projets patrimoniaux dont une quinzaine de projets régionaux ou collectifs qui auront été aidés.

• le site Internet « Patrimoine écrit » , site d'information destiné à présenter l'action de l'État dans le domaine du patrimoine des bibliothèques et à proposer des services en ligne aux citoyens et aux professionnels des bibliothèques, a été modernisé. En complément, l'Observatoire du patrimoine écrit en région (OPER), outil d'évaluation et de prospective des politiques publiques mis en ligne en juin 2008, couvre aujourd'hui toute la France métropolitaine.

Par ailleurs, le dispositif de mise à disposition par l'État d'une centaine de conservateurs généraux et de conservateurs aux collectivités territoriales en charge de bibliothèques municipales classées a été modernisé en 2010. Il prévoit que la valorisation du patrimoine sera parmi les missions dont seront chargés en priorité ces personnels aux termes de conventions spécifiques.

Enfin, dans le domaine de la numérisation patrimoniale, le SLL favorise la concertation entre de grands projets nationaux comme la bibliothèque numérique de la BnF Gallica, les politiques de numérisation définies en région par les collectivités territoriales, et éventuellement les initiatives privées qui peuvent leur être complémentaires et enrichir l'offre publique. C'est l'ambition du projet de schéma numérique des bibliothèques , proposé en 2007 par le rapport « Livre 2010 » et confié en juin 2008 à Bruno Racine, dans le cadre des travaux du Conseil du livre. Le rapport présentant des propositions opérationnelles a été remis le 22 mars 2010 au ministre de la culture et de la communication, à l'occasion du Conseil du Livre . Il propose une collaboration entre les ministères concernés (culture et communication, éducation nationale, enseignement supérieur, affaires étrangères) et les collectivités territoriales pour l'adaptation des bibliothèques publiques aux nouveaux usages numériques. Le ministre de la culture a indiqué vouloir proposer aux collectivités un contrat numérique pour les médiathèques.

Le deuxième axe abordé au cours du Conseil du Livre concerne la numérisation des livres et le dossier Google. Le ministre de la culture et de la communication a proposé un accord aux auteurs et aux éditeurs pour la création d'une véritable offre numérique alternative à Google Livres par l'utilisation d'une partie des crédits du grand emprunt national pour redonner vie aux centaines de milliers d'oeuvres du XX e siècle désormais indisponibles à la vente. Les détails des règles d'utilisation de ces crédits sont précisés en deuxième partie.

Votre rapporteur avait exprimé son inquiétude à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2010 , rappelant que l'enjeu fondamental dans ce domaine était de faire le choix de la numérisation au service de la culture, et non l'inverse . Or le projet présenté par le ministre de la culture et de la communication semble répondre à cette inquiétude. Il s'appuie sur quatre principes fondamentaux :

• la numérisation intégrale du corpus aux frais de l'État via le grand emprunt ;

• un accord global sur un ensemble de titres, dépassant la négociation oeuvre par oeuvre mais avec des mécanismes souples d'entrée ou de sortie ;

• un accord sécurisé du point de vue juridique liant les trois parties ;

• un modèle de diffusion et d'exploitation commerciale des oeuvres avec des mécanismes de répartition des revenus à définir.

Ces orientations reprennent les préconisations du rapport 1 ( * ) remis par M. Marc Tessier qui souligne les bénéfices induits par l'investissement massif du grand emprunt dans la numérisation. D'accords souvent déséquilibrés, puisque financés par la seule partie privée, on passerait à des formules plus équilibrées « d'échanges réciproques », enrichissant les bases documentaires des deux parties, en évitant les doublons dans le processus de numérisation et en favorisant la visibilité du corpus francophone. Les ouvrages français pourraient ainsi être largement référencés dans Google Livres, tandis que la plate-forme nationale (« Gallica » réformée) serait enrichie par l'inclusion d'ouvrages déjà numérisés par Google, notamment ceux disponibles dans les fonds des bibliothèques étrangères partenaires.

Mais alors que ces nouvelles orientations, qui répondent aux inquiétudes initiales de votre commission, préconisent un accord-cadre entre tous les acteurs, votre rapporteur note qu'est très récemment 2 ( * ) intervenue la signature d'un protocole d'accord entre Hachette Livre et Google, établissant un cadre contractuel pour la numérisation des oeuvres françaises indisponibles à la vente (dites « oeuvres épuisées ») dont les droits sont contrôlés par Hachette Livre. Les deux parties estiment que cet accord ouvrira la possibilité de donner une seconde vie à des milliers d'oeuvres épuisées, tant au bénéfice des auteurs que des universitaires, des chercheurs et du grand public en général. D'après les premières informations transmises par les deux sociétés, l'accord envisagé devrait s'appuyer sur les principes suivants :

- Hachette Livre doit déterminer la liste des oeuvres dont la numérisation par Google serait autorisée, en vue d'une exploitation commerciale soit sous forme de livre numérique « ebook » soit sous d'autres formes telles que l'impression à la demande. La numérisation peut être également autorisée pour un usage limité à l'indexation et à la promotion, Hachette Livre recevant alors une copie du fichier pour ses propres usages non commerciaux ;

- l'accès aux oeuvres épuisées doit assurer de nouveaux revenus à leurs auteurs et à leurs éditeurs ;

- le projet doit offrir une visibilité accrue de ses auteurs et de leurs oeuvres dans les bibliothèques numériques. Ainsi la BnF devrait pouvoir bénéficier de la numérisation des oeuvres épuisées et enrichir le patrimoine culturel à disposition des lecteurs.

Interrogé 3 ( * ) sur le sujet, le ministre de la culture a indiqué vouloir rapidement mettre en oeuvre l'idée d'un accord-cadre entre Google et tous les ayants droits français, afin que toute la profession soit placée sur un pied d'égalité . Il souhaite qu'un tel accord-cadre puisse intervenir dans les six mois, c'est-à-dire avant l'intervention de l'accord définitif entre Hachette et Google . Votre commission ne manquera pas d'analyser les éléments de cet accord lorsqu'il sera présenté au premier semestre 2011 et souhaite qu'il puisse effectivement intervenir avant que ne soient définitivement fixés les termes du contrat entre Google et Hachette.

Numérisation du patrimoine écrit : rappel de quelques chiffres

La BnF a développé sa bibliothèque numérique depuis le milieu des années 1990 et Gallica a été inaugurée en 1997 avec une offre de quelques dizaines de milliers de documents, principalement en mode image. Conçue à l'origine comme une bibliothèque numérique sélective à vocation encyclopédique proposant des corpus de documents (les revues des sociétés savantes, les voyages en Italie, ...), elle a profondément changé à compter de 2005, en contrepoint des projets de numérisation de Google.

La BnF a alors développé à son tour une politique de numérisation de masse (marché Jouve dit « des 30 000 », marché Safig dit « des 100 000 » en 2007) et validé un passage au mode texte (marché d'océrisation des contenus déjà présents dans Gallica, dit « des 60 000 »). Afin de mobiliser les ressources nécessaires à cette politique, une taxe para-fiscale sur les appareils de reprographie a été élargie à de nouveaux matériels (les appareils « multifonctions », notamment les scanners-imprimantes-photocopieurs). Ces ressources nouvelles (de l'ordre de près de 8 millions d'euros par an) ont été gérées par une commission spécifique du Centre national du livre.

Une autre évolution importante a été l'ouverture de discussions avec le syndicat national de l'édition (SNE) fin 2007, en vue de permettre un accès à des contenus numériques sous droits via Gallica. Les éditeurs français sont désormais présents sur Gallica à travers le signalement dans ce portail de plus de 25 000 livres contemporains numérisés . Les documents sont consultables, sous conditions, sur le site de distributeurs numériques.

À partir de 2005, Gallica s'est également enrichie de contenus de presse (presse quotidienne du XIX e siècle de grand format) avec un important marché de numérisation spécifique (3,5 millions de pages, une vingtaine de titres concernés) qui a obtenu un soutien financier du Sénat.

En août 2010, Gallica donne accès à plus de 1 200 000 documents dont plus de 400 000 en mode texte . Parmi ces documents : 187 600 livres (monographies), 780 000 fascicules de périodiques, 160 000 images. 1 140 000 documents sont issus des collections de la BnF, les autres provenant soit des éditeurs associés au projet (27 570), soit de bibliothèques partenaires (25 711). La BnF a en effet entrepris de donner accès à des documents numériques d'autres bibliothèques, soit en les hébergeant, soit en les moissonnant par le protocole OAI-PMH. Les documents libres de droits sont également signalés sur Europeana, dont Gallica est l'un des agrégateurs pour la France. De nouveaux marchés de numérisation (documents spécialisés, livres rares et précieux) ont été lancés en 2009 alors que le « marché des 100 000 » a pris fin en septembre 2010, et un nouveau marché de numérisation de masse devrait être lancé à l'automne 2010.

Dans le cadre des financements issus de l'emprunt national pour les investissements d'avenir, la BnF réfléchit avec des partenaires privés non seulement à des projets de numérisation à grande échelle d'imprimés libres de droit (presse ancienne du XIX e siècle et ouvrages patrimoniaux) et de livres sous droits mais aussi à des programmes de recherche et développement dans le domaine de la numérisation.

L'évolution récente des stratégies documentaires, qui consacre la place nouvelle accordée au numérique, a incité la BnF à interroger le modèle de coopération entre la BnF et ses bibliothèques partenaires , les pôles associés, eux-mêmes de plus en plus investis dans des projets de numérisation de leurs collections patrimoniales. La BnF a donc engagé depuis plusieurs années des partenariats avec des établissements extérieurs autour de la numérisation, dans le cadre de son réseau des pôles associés. Elle a décidé, en accord avec sa tutelle, d'intensifier son action en matière de numérisation partagée : elle finance la numérisation à 50 % et apporte à ses partenaires un soutien technique et scientifique dans le cadre de programmes thématiques de numérisation concertée. Le premier de ces programmes, concernant les sciences juridiques (département droit, économie, politique de la BnF) a été lancé en mai 2008 en partenariat étroit avec la bibliothèque Cujas, co-pilote du programme.

Un programme de numérisation concertée en histoire de l'art est en cours d'instruction (département littérature et art de la BnF, mais aussi les départements spécialisés ; co-pilotage de l'Institut national d'histoire de l'art). D'autres programmes seront lancés dans les années à venir, notamment en littérature patrimoniale pour la jeunesse (département langues, littérature et art) et en histoire avec trois sous-programmes : guerre de 14-18, histoire coloniale, histoire sociale et ouvrière (département philosophie, histoire, sciences de l'homme, département droit, économie, politique de la BnF notamment pour la presse et département sciences et techniques de la BnF pour les volets espaces et territoires de l'Empire colonial français, santé et médecine coloniale).

Les collectivités territoriales (régions, départements, communes) participent largement à l'activité de numérisation, souvent en coopération avec les acteurs institutionnels majeurs, au premier rang desquels la BnF. Leur action est largement soutenue par le ministère de la culture et de la communication dans le cadre du plan national de numérisation lancé dès 1996. Doté en 2010 de 3 millions d'euros (programme 224 : « Transmission des savoirs et démocratisation culturelle ») et piloté par le secrétariat général du ministère, le programme national de numérisation du patrimoine culturel est mis en oeuvre sous forme d'appels à projets annuels , afin de favoriser la numérisation par les administrations et les établissements publics du ministère ainsi que par les collectivités territoriales ou d'autres partenaires par un financement à 50 % des projets retenus. Structuré autour de six axes thématiques définis chaque année par un comité de pilotage, en concertation avec les politiques de numérisation menées par l'INA et la BnF, il permet d'augmenter l'offre de contenus numériques culturels, de les diffuser gratuitement et de développer des outils et des services favorisant les usages numériques culturels innovants par les internautes.

Source : ministère de la culture et de la communication

B. ENCOURAGER LA LECTURE PUBLIQUE

Le 30 mars 2010, le ministre de la culture a énoncé 14 propositions pour le développement de la lecture. Selon le ministère de la culture, la question « ne peut être conçue qu'en termes d'échange et de partenariat, d'où le concept de « propositions », et non pas de « plan » ou de « programme ». Ces propositions s'articulent autour de 3 axes :

• l'adaptation des structures aux nouveaux usages ;

• l'accompagnement des projets innovants ;

• la conception d'outils d'aide à la décision.

Les propositions s'adressent aussi bien au monde associatif, qui oeuvre dans le domaine du développement de la lecture publique, qu'aux bibliothèques des collectivités territoriales.

Le soutien au développement de la lecture bénéficie de 1,129 million d'euros en AE=CP en crédits centraux (dont ils représentent 55 %) et de 7,63 millions d'euros en AE=CP en crédits déconcentrés (dont ils représentent près de 77 %). Le budget consacré à cette politique doit permettre de financer les propositions évoquées ci-avant. Votre rapporteur souhaite mettre l'accent sur celles qui concernent principalement les bibliothèques.

1. L'adaptation des structures aux nouveaux usages

Il s'agit du premier axe autour duquel s'articulent les propositions pour le développement de la lecture.

Proposition 1 : « Un nouveau projet pour la Bibliothèque publique d'information (Bpi - Centre Pompidou) pour en faire un établissement pilote et innovant en matière de lecture publique ».

L'objectif annoncé par le ministère de la culture et de la communication est de rendre à la Bpi son rôle d'établissement pilote en matière d'usages dans le secteur de la lecture publique, grâce à la nomination d'un nouveau directeur (Patrick Bazin, précédemment directeur de la bibliothèque municipale de Lyon) et au lancement d'une mission d'appui de l'Inspection générale des affaires culturelles et de l'Inspection générale des bibliothèques.

Par conséquent, l'année 2011 verra la mise en oeuvre du projet d'établissement dont les futures conclusions auront un impact budgétaire, avec une hausse des besoins d'investissement. Comme l'indique le ministère de la culture et de la communication, un double objectif sera poursuivi :

- « redonner à la Bpi le dynamisme et l'exemplarité qui la caractérisait pendant les vingt premières années de son histoire, en tenant compte de l'évolution des pratiques culturelles et éducatives des publics (plus particulièrement des jeunes, qui ont tendance à s'éloigner du livre), de la prégnance croissante de la culture numérique et du rôle de la lecture dans le maintien de la cohésion sociale ;

- définir une stratégie cohérente de partenariats et mettre la Bpi en ordre de marche afin qu'elle puisse aider les bibliothèques publiques françaises dans leur développement et leur coopération mutuelle » . Cette stratégie, basée sur l'expérimentation conjointe de nouveaux services, la diffusion des bonnes pratiques ou la mise en place de réseaux thématiques, devra porter sur des enjeux divers : l'accès le plus large possible aux ressources électroniques payantes, la mise en oeuvre de nouveaux dispositifs de médiation autour du livre, le développement de la lecture chez les adolescents, la lutte contre les diverses fractures culturelles (socio-économique, numérique, multiculturelle, liée au handicap), ou encore la mobilisation concertée des savoir-faire bibliothécaires pour un usage maîtrisé du web.

Pour 2011, la Bpi disposera de 7,015 millions d'euros d'après le projet annuel de performances, dont 6,64 millions d'euros au titre du fonctionnement et 0,375 million au titre de l'investissement. Ce montant destiné à la Bpi représente 36,41 % des crédits totaux de la sous-action 3 « Développement de la lecture et des collections » . Ces crédits sont en légère hausse par rapport à l'année dernière (6,81 millions), ce qui paraît justifié au regard du rôle pilote que la bibliothèque jouera dans le développement de la lecture.

La politique de coopération de la Bpi

La mission nationale de la Bpi couvre au profit des bibliothèques en région de nombreux champs :

- études nationales : la Bpi procède chaque année à des études nationales sur le livre et la lecture sur demande du ministère de la culture et de la communication : enquête sur la librairie (2008-2009), étude sur le lectorat de la bande dessinée (2010-2011) ;

- enquêtes locales et évaluation : la Bpi analyse régulièrement les usages et pratiques de ses publics et a développé des compétences particulières en matière d'évaluation. Elle fait bénéficier la communauté professionnelle de cette expérience (enquête de fréquentation tous les 2 ans, évaluation annuelle de la consultation sur place depuis 2003, analyse de l'usage des ordinateurs personnels en bibliothèque en 2010, usages et attentes des publics du champ social en 2010, etc.) ;

- consortium pour l'acquisition de ressources électroniques (CAREL) : la Bpi négocie des tarifs à l'usage de l'ensemble des bibliothèques publiques avec les éditeurs et fournisseurs de ressources. Un nombre croissant d'établissements en bénéficient (161 en 2008, 214 fin 2009). À ce titre, la Bpi a participé au schéma numérique des bibliothèques en 2009 et fait des propositions relatives à la création de licences nationales et d'une plate-forme de gestion ;

- catalogue national pour l'audiovisuel : la Bpi sélectionne des films documentaires non édités pour en acquérir les droits de représentation et de prêt au bénéfice des bibliothèques publiques : fin 2008, le catalogue comptait 1 443 titres et 554 établissements avaient acquis des supports DVD ou reçu gratuitement des fichiers numériques ; fin 2009, 1 481 titres étaient disponibles et 599 bibliothèques utilisaient le catalogue ;

- autoformation : depuis 2009, dans un contexte où la formation tout au long de la vie fait de plus en plus partie des missions des bibliothèques publiques, la Bpi met à disposition gratuitement pour une durée limitée des logiciels d'autoformation dans des bibliothèques partenaires (en 2010, 10 bibliothèques en région, 8 à Paris). L'objectif est d'encourager le développement de cette offre et de permettre à ces établissements de tester ce service auprès de leur public ;

- réseau « bibliosésame » : la Bpi pilote depuis 2006 le réseau « bibliosésame », service de questions-réponses à distance par courriel dans lequel les bibliothécaires mettent en commun leurs compétences et leurs ressources, en se répartissant les questions selon leurs compétences spécifiques.

Des échanges avec le réseau mondial sont possibles grâce à l'utilisation d'un logiciel commun créé et géré par la Bibliothèque du Congrès (USA). Le réseau fonctionne en 2010 avec les bibliothèques suivantes : Amiens, Brest, Cergy-Pontoise, Lille, Limoges, Marseille, Martigues, Metz, Montpellier, Sainte-Geneviève (Paris), Institut du monde arabe (Paris), Reims, Bibliothèque départementale de Saône-et-Loire, Strasbourg (ville et communauté urbaine), Toulouse, Troyes, Valenciennes. Le nombre de questions traitées dans le réseau a augmenté de 20,20 % en 2008 et de 24,50 % en 2009. La création fin 2009 d'un site national, www.bibliosesame.org, s'est accompagnée en 2010 d'une campagne de communication qui a permis d'accroître sensiblement l'activité du réseau ;

- « Alphabib » : la Bpi anime un travail collaboratif sur l'accueil des personnes handicapées dans les bibliothèques ; environ 50 bibliothèques y participaient en 2009. La nouvelle version de l'outil d'échange (« wiki ») mise en place en 2010 et la journée professionnelle organisée à Rennes sur l'accessibilité numérique ont entraîné la participation de dix nouvelles bibliothèques.

Source : ministère de la culture et de la communication - réponse au questionnaire budgétaire - PLF pour 2011

Proposition 2 : « Développer l'action de la Bibliothèque nationale de France (BnF) en direction des populations éloignées de la lecture ».

Cela devrait se faire en s'appuyant sur le nouveau projet pour le haut-de-jardin du site François-Mitterrand, avec l'objectif d'une diversification sociale de ses publics.

Proposition 3 : « Étendre les horaires d'ouverture pour les 50 bibliothèques municipales les plus importantes ».

Il s'agit d'intensifier les projets d'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques municipales afin de rattraper les standards européens en la matière ; d'où l'idée de passer à 50 heures d'ouverture pour les 50 premières bibliothèques françaises d'ici à 5 ans. La mise en oeuvre s'est concrétisée par un appel à projets annuel lancé le 23 juin 2010. Le soutien de l'État est un soutien financier dégressif sur 3 ans ; les expériences seront à terme modélisées et mises à disposition de tous. L'enveloppe réservée pour les candidats retenus en 2010 est de 200 000 euros. Un nouvel appel à projets est prévu en 2011.

Propositions 4 à 7 : « Proposer aux collectivités territoriales un contrat numérique pour les bibliothèques se déclinant en 4 volets ».

Il s'agit de 4 propositions distinctes mais articulées :

• « moderniser » les crédits du concours particulier « bibliothèques » de la dotation générale de décentralisation (DGD) en l'adaptant aux nouveaux usages numériques en matière de lecture (voir ci-dessus) ;

• pour qu'en conséquence, d'ici à 2015, l'ensemble des bibliothèques et médiathèques des communes de plus de 20 000 habitants soient informatisées, disposent d'un site Internet et offrent des ressources électroniques à leurs lecteurs ainsi qu'un accès à Internet, de préférence gratuit pour l'usager ;

• et que des partenariats avec cinq grandes bibliothèques en région permettent la création de bibliothèques numériques de référence ;

• enfin, moderniser la mise à disposition gratuite des conservateurs d'État au moyen de conventions tournées vers l'expertise numérique. En lien avec le service du livre et de la lecture, la mise en oeuvre des nouvelles conventions qui encadrent désormais les missions de ces personnels d'État sera évaluée, et les différentes actions menées dans ce nouveau cadre seront précisément identifiées.

2. L'accompagnement des projets innovants

Proposition 8 : « Lutter contre les inégalités territoriales d'accès au livre et à la lecture par la création de contrats territoires-lecture ».

Pour lancer ces « contrats-territoires-lecture », 2 millions d'euros seraient réservés en faveur de projets de territoire innovants en matière de lecture publique, plus particulièrement ciblés dans les quartiers périphériques et les zones rurales, et dédiés aux publics éloignés du livre (personnes handicapées, personnes emprisonnées, ...). Il s'agit de contrats de partenariat entre l'État, les collectivités et des représentants du milieu associatif . La participation de l'État représenterait 50 % du coût des projets. La mise en oeuvre, qui vient d'être lancée, va se réaliser jusqu'en 2011 :

• au deuxième semestre 2010, sont prévus :

- une consultation des partenaires potentiels (associations d'élus, milieu associatif, professionnels des bibliothèques) pour affiner la définition et les attentes liées à ces contrats ;

- le soutien financier à quelques « contrats-villes-lecture » susceptibles d'évoluer en contrats-territoires (ces crédits, déconcentrés, sont identifiés sur les crédits du « plan rural » du ministère ; ils représentent moins de 50 000 euros) ;

• en 2011, le lancement à grande échelle des contrats-territoires-lecture aura lieu, avec peut-être une montée en charge financière qui permettrait d'atteindre progressivement 2 millions d'euros. Il s'agira de crédits déconcentrés, suivis par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC).

3. La conception d'outils d'aide à la décision

Proposition 13 : « Rénover les outils de connaissance de l'activité des bibliothèques publiques sur l'ensemble du territoire national pour une meilleure évaluation de leurs activités ».

Il s'agit de mieux connaître et faire connaître les lieux de lecture publique et leurs activités, en modernisant le système d'information national de l'Observatoire de la lecture publique du ministère (élargissement du champ d'observation de 4 000 à 16 000 lieux de lecture publique, adaptation aux échanges internationaux de données, restitution dynamique des résultats grâce à Internet). La mise en oeuvre est en cours :

- un circuit rénové de remontée des statistiques a été expérimenté en 2010 auprès de 7 départements, il sera étendu à 5 régions en 2011 ;

- l'outil de visualisation, porté techniquement et financièrement par les services de la Bibliothèque publique d'information, sera présenté en septembre 2010 (première maquette) et mis en activité progressivement à partir de la fin de l'année.

II. ACCOMPAGNER LES INDUSTRIES CULTURELLES DANS LEUR MUTATION NUMÉRIQUE

A. DES NOUVEAUX OBJETS ET SERVICES CULTURELS AUX NOUVEAUX COMPORTEMENTS

Une étude 4 ( * ) réalisée au premier trimestre 2010 par GfK Médiamétrie montre que 65 % des foyers français disposent d'un accès à Internet (contre 59 % un an plus tôt) et que 62 % bénéficient d'une connexion haut débit (contre 56 % l'an dernier).

Avec Internet, s'est développé un processus de dématérialisation des biens culturels, les objets physiques étant transformés en fichiers numériques. Ce processus a touché successivement la musique, le cinéma, l'audiovisuel, le jeu vidéo, et plus récemment le livre.

On assiste cependant aujourd'hui à la réinvention, d'ailleurs foisonnante, de nouveaux objets donnant accès à la culture, qui s'accompagne de la création de nouveaux services. Ceux-ci modifient les comportements en profondeur, les ordinateurs arrivant désormais directement dans les poches et se connectant au Net via des réseaux sans fil à haut débit.

À l'occasion de sa participation au Forum d'Avignon 5 ( * ) , du 4 au 6 novembre 2010, une délégation de notre commission, dont votre rapporteur, a pu mesurer l'impact de cette nouvelle révolution.

Ces bouleversements concernent la « consommation » 6 ( * ) de biens culturels, mais aussi bien entendu leur mode de création et de diffusion. D'une certaine façon, le « consommateur » de biens culturels peut aussi en devenir le créateur.

Votre rapporteur relève que toutes ces évolutions ont pour double conséquence de :

- créer le besoin d'une nouvelle intermédiation et éditorialisation, l'abondance de biens à disposition ne les rendant pas forcément plus accessibles à tous, dans toute la richesse de leur diversité ;

- rendre indispensable un renforcement des actions éducatives afin de former et d'aiguiser le regard critique des jeunes.

Ces changements de comportements emportent bien entendu des mutations économiques , perceptibles pour tous les secteurs mais à des degrés variables : en France, le taux de « numérisation » a dépassé 50 % pour la musique mais n'est encore que de 1 % pour le livre.

B. LE LIVRE : UNE ENTRÉE EN DOUCEUR DANS LE « NOUVEAU MONDE » NUMÉRIQUE

1. Les crédits pour 2011 : un Centre national du livre à conforter

Au sein de l'action 3 « Livre et lecture » du programme 180, la sous-action 4 concerne l'édition, la librairie et les professions du livre.

Les crédits inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2011 s'établissent à :

- 22,3 millions d'euros de fonctionnement , dont 2,8 millions pour le Centre national du Livre (CNL), en autorisation de programme (AE) et en crédits de paiement (CP) ;

- et à 19,5 millions d'euros de dépenses d'intervention en AE et en CP, dont 84,6 % de crédits centraux.

Ces derniers seront donc de 16,5 millions d'euros, dont 11,4 correspondent au droit de prêt en bibliothèque, afin de rémunérer les auteurs et les éditeurs au titre du prêt de leurs livres en bibliothèque, et 5,1 millions d'euros sont destinés au soutien à divers organismes du secteur de l'édition et des librairies.

Quant aux crédits déconcentrés, de 3 millions d'euros, gérés par les directions régionales d'action culturelle, ils se répartissent ainsi :

- 28,3 % au titre des aides aux maisons d'édition ;

- 36,7 % pour les aides aux librairies, en vue notamment de préserver le maillage du territoire en librairies indépendantes ;

- 35 % d'aides aux salons.

L'opérateur de l'État dans ce secteur est le Centre national du livre (CNL), dont les missions couvrent l'ensemble de la filière, de la création à la diffusion des oeuvres, en passant par leur édition et promotion.

L'essentiel de ses ressources proviennent du produit des deux taxes qui lui sont affectées :

- la taxe sur l'édition des ouvrages de librairie, de nature redistributrice, est due par les éditeurs à raison des ventes d'ouvrages de librairie. Elle est perçue au taux de 0,2 % sur la même assiette et dans les mêmes conditions que la TVA. Les éditeurs dont le chiffre d'affaires de l'année précédente n'excède pas 76 000 euros en sont exonérés ;

- la taxe relative aux appareils de reprographie et, depuis 2007, de reproduction ou d'impression, de nature compensatrice, concerne les ventes de ces appareils. Elle a pour objet d'apporter une réparation partielle au préjudice subi par les éditeurs et auteurs du fait du développement de l'usage de la reprographie. Elle est perçue au taux de 3,25 % (2,25 % jusqu'à fin 2009). Toutefois, cet ajustement ne suffit pas à enrayer la baisse du produit de cette taxe constatée depuis 2008. En effet, en août 2010, les recettes se sont élevées à 15 millions d'euros, au lieu des 18 millions attendus. Au total, sur l'ensemble de l'année 2010, 5 millions d'euros devraient manquer.

Aussi, comme l'an dernier, votre rapporteur demandera au ministre de préciser les intentions du Gouvernement en vue de modifier une nouvelle fois l'assiette de la taxe. On pourrait, en effet, envisager d'y inclure les consommables de ce type de matériels et de ramener parallèlement le taux de la taxe à 1,35 %.

Cette réforme semble nécessaire compte tenu du renforcement des missions du CNL et du caractère prioritaire des actions à engager, notamment en faveur des librairies et du livre numérique.

2. Une politique ambitieuse en faveur de la filière

En effet, le CNL joue un rôle reconnu en faveur du soutien à la création et à la diffusion dans tous les secteurs de l'économie du livre par des mécanismes d'aides ciblées.

Dans la lignée de la mission « Livre 2010 » de 2007, du « Plan livre » présenté ensuite par le Gouvernement et dans l'esprit de la Révision générale des politiques publiques (RGPP), il s'est considérablement modernisé :

- d'une part, en accroissant la sélectivité de ses aides, qui ont baissé en nombre mais augmenté en volume pour être plus efficaces ;

- d'autre part, en créant de nouvelles aides destinées à anticiper la révolution numérique et soutenir la librairie indépendante de référence.

Cependant, si le secteur du livre représente la première industrie culturelle, il demeure le moins subventionné.

a) Soutenir les librairies

Votre rapporteur rappellera toutefois les mesures adoptées ces dernières années, ou envisagées, en vue de soutenir les librairies . En effet, leur rôle culturel de proximité, leurs actions en faveur de la diffusion du livre dans toute sa diversité et leur fragilité économique réelle justifient des dispositifs de soutien spécifiques.

À ce titre, la librairie figurait parmi les trois priorités inscrites dans le « Plan livre » du 14 novembre 2007 , susmentionné. Les principales mesures alors annoncées ont été mises en oeuvre et d'autres mesures complémentaires sont actuellement envisagées par le ministère de la culture et de la communication. Il s'agit des dispositions suivantes :

- le doublement des aides du CNL aux librairies , à hauteur de 3 millions d'euros pour 2010 ;

- le soutien des DRAC aux librairies : elles peuvent accorder des subventions aux librairies installées sur leur territoire, afin de soutenir des travaux d'aménagement, des projets d'équipement mobilier ou d'informatisation, ou encore la mise en place d'animations. En 2009, ces aides se sont élevées à environ 1 million d'euros ;

- le fonds de soutien à la transmission des librairies , créé en 2008 qui, grâce à un système de « portage » d'actions, permet à l'acquéreur d'étaler ses remboursements sur plusieurs années. L'Association pour le développement de la librairie de création (ADELC) assure la gestion et le suivi de ce fonds, doté par l'État de 3 million d'euros ;

- le label de Librairie Indépendante de Référence (LIR), mis en place par le décret du 8 avril 2009, vise à soutenir et valoriser le travail de sélection, de conseil et d'animation culturelle réalisé par des librairies indépendantes, qui jouent un rôle déterminant pour la promotion de la diversité éditoriale. Accordé pour une durée de trois ans, il ouvre la possibilité pour les établissements labellisés de bénéficier, après délibération de la collectivité territoriale compétente, d'une exonération de la contribution économique territoriale (qui a remplacé la taxe professionnelle depuis le 1 er janvier 2010).

464 librairies sont aujourd'hui labellisées ; elles sont réparties sur l'ensemble du territoire, dans des petites et moyennes villes comme dans les grands centres urbains. Le ministère a indiqué à votre rapporteur qu'il établissait actuellement un premier bilan des exonérations de contribution économique territoriale votées par les collectivités territoriales en faveur des librairies labellisées.

Par ailleurs, le label actuel, tout en conservant sa nature, devrait être inséré au coeur d'un dispositif plus large et plus souple, afin de permettre dès 2011 la distinction de certaines librairies qui constituent de toute évidence des librairies de qualité, bien qu'elles ne remplissent pas un ou plusieurs critères actuellement fixés par le décret.

- l'exemption de la filière du livre du plafonnement des délais de paiement inter-entreprises , en application de la loi relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre adoptée le 27 janvier 2010 ;

- la récente étude sur l'accès des librairies aux marchés d'achats de livres des bibliothèques , qui évalue notamment l'impact de la mesure de plafonnement des rabais consentis aux collectivités, instaurée par la loi du 18 juin 2003 relative à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs. Elle démontre que la librairie se trouve aujourd'hui dans une position nettement plus favorable sur ces marchés qu'elle ne l'était avant 2003, même si les réformes successives du code des marchés publics ont conduit certaines collectivités à recourir plus systématiquement aux librairies importantes, plutôt qu'aux librairies de proximité. Un groupe de travail interministériel doit étudier les mesures de formation et de sensibilisation qui pourraient être proposées aux services administratifs des collectivités, afin que ceux-ci puissent mieux prendre en compte le critère d'animation culturelle du territoire dans le cadre de leur politique d'achat et de mise en concurrence ;

- le projet de portail de la librairie indépendante sur Internet : l'ouverture de ce portail commercial, d'abord prévu pour 2008, a été retardé en raison de la nécessité de s'appuyer sur une plate-forme logistique commune de distribution, sur une base bibliographique solide et sur un plan de financement plus important que celui estimé à l'origine du projet, notamment du fait de la prise en compte d'une véritable ambition numérique pour ce portail.

Ce projet favorisant le maintien d'une pluralité d'acteurs sur le marché de la vente en ligne et donc de la diversité de l'offre éditoriale, le ministère de la culture et de la communication a décidé de lui apporter son soutien. Baptisé « 1001libraires.com », il sera lancé fin 2010. Le soutien prendra la forme d'un prêt économique à moyen terme d'environ 500 000 euros, accordé par le CNL ;

- le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, qui concourt , depuis 2003, à la création et au maintien en centres-villes d'une offre importante et diversifiée de biens culturels. Un bilan réalisé en 2010 a montré que ce dispositif a parfaitement rempli son rôle d'aménagement culturel du territoire, de revitalisation des centres-villes et de densification du réseau de librairies. Votre commission soutient la démarche du ministère afin que la convention concernée soit renouvelée ;

- freiner la hausse des loyers en centre-ville : le ministère doit travailler, en lien avec les autres ministères concernés, sur le nouvel indice de révision des loyers des baux commerciaux (ILC), mis en place dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie, et indexé à la fois sur l'indice des prix à la consommation, sur celui de la construction et sur le chiffre d'affaires du commerce de détail. Votre rapporteur forme le voeu que cette démarche aboutisse rapidement , l'obligation d'utiliser cet indice dans les clauses des baux commerciaux de librairie pouvant constituer une mesure d'aide pour les commerces de librairies, particulièrement touchés par l'augmentation des loyers en centre-ville, en limitant très sensiblement la hausse des loyers commerciaux. En effet, l'ILC n'a augmenté que de 4,5 % en 2008 contre 10 % pour l'indice du coût de la construction, qui reste l'indice de référence pour la révision des loyers.

- permettre à l'ensemble des collectivités territoriales d'accorder des aides aux librairies , car aujourd'hui les départements et les communes ne peuvent pas leur octroyer d'aides directes.

b) Réguler le marché du livre numérique
(1) Le numérique comme nouveau moteur de création de valeur

Le livre imprimé bénéficie de l'attachement de ses lecteurs à l'expérience papier, du caractère souvent complémentaire de sa lecture avec celle de la lecture nomade que permettent des technologies désormais mûres, et d'une moindre prévalence du piratage.

Néanmoins, l'industrie du livre s'oriente vers une transformation radicale. Comme l'a confirmé une étude 7 ( * ) présentée à l'occasion du Forum d'Avignon de novembre 2010 : « d'ici 2015, 15 à 20 % de la population disposeront de liseuses, tablettes et autres supports numériques, ce qui pourrait susciter une mutation en profondeur de l'écosystème de l'écrit et une évolution des modes d'écriture eux-mêmes » , ce qui pourrait d'ailleurs aussi faire du numérique un moteur de création de valeur. À l'horizon 2015, le marché du livre numérique s'établirait à 15 à 20 % du marché du livre, contre 1 % aujourd'hui.

Les différents acteurs de cet écosystème seront tous impactés : auteurs, éditeurs, distributeurs et libraires au premier chef.

Ils doivent donc s'adapter rapidement à cette mutation, qui leur ouvre aussi de nouvelles opportunités , la simplification de l'acte d'achat et la portabilité de la bibliothèque représentant des atouts indéniables. L'étude précitée donne d'ailleurs des motifs d'optimisme : 40 % des lecteurs équipés de support numérique déclarent lire plus qu'auparavant. Il est vrai que ces précurseurs sont sans doute déjà ce que l'on appelle de gros ou moyens lecteurs.

Mais l'intérêt à se constituer une « bibliothèque numérique » peut aussi être un puissant moteur de croissance du secteur. Encore faut-il que la lecture soit encouragée, notamment chez les jeunes, ainsi qu'il a été dit dans la première partie du présent rapport.

(2) La proposition de loi sur le prix du livre numérique

Le Sénat a adopté, le 26 octobre 2010, la proposition de loi déposée par nos collègues Catherine Dumas et Jacques Legendre sur le prix du livre numérique.

En effet, il est nécessaire d'accompagner les mutations en cours du marché du livre numérique, non pour les freiner mais pour les réguler. En créant ainsi un cadre législatif sécurisant pour les acteurs de la filière - qui permet aux éditeurs de conserver la maîtrise de la fixation du prix de vente du livre au public tout en l'adaptant à la diversité des offres et des usages -, il s'agit d'inciter les professionnels, notamment les éditeurs et les libraires, à s'adapter aux évolutions et à développer des offres spécifiques au commerce du livre numérique.

C'est pourquoi, votre commission a incité parallèlement les professionnels à développer une offre légale attractive et accessible, dans le respect des droits des auteurs. Ils s'y emploient d'ailleurs activement et, pour votre commission, il s'agit là d'une priorité absolue. La proposition de loi leur donne l'opportunité, dans un contexte de nécessaire solidarité interprofessionnelle, d'occuper toute leur place sur ce nouveau marché. Il s'agit aussi de répondre dès que possible et dans les meilleures conditions aux nouvelles attentes des lecteurs.

Dans cet esprit, la proposition de loi a vocation à s'appliquer au livre numérique dit « homothétique », c'est-à-dire aux « oeuvres de l'esprit » répondant à un principe de réversibilité, à savoir celles soit déjà imprimées soit imprimables sans perte significative d'information.

(3) La nécessité d'une répartition équitable de la valeur

L'étude précitée évoque une « révolution silencieuse », sous l'apparente stabilité du marché, le numérique pouvant représenter 20 à 28 % des profits de l'industrie concernée.

Votre rapporteur s'interroge sur la répartition de cette valeur. Étant par ailleurs rapporteur pour le secteur du cinéma, il établit un parallèle avec la situation de ce dernier : le « dividende numérique » réalisé par les distributeurs de films à l'occasion du passage à la projection numérique dans les salles donne lieu à un partage de l'économie ainsi réalisée entre distributeurs de films et exploitants de salles, par le biais du versement d'une « contribution numérique » destinée à financer l'équipement numérique des salles. Tel est l'objet de la loi 8 ( * ) n° 2010-1149 du 30 septembre 2010 relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques.

Dans le secteur du livre, le modèle de partage de ce « dividende numérique » reste à définir. Face aux plateformes internationales de distribution via Internet, les acteurs français s'organisent, et il y a urgence à le faire.

Ceci est vital pour les librairies , dont le réseau qui maille notre territoire est essentiel à sa vitalité culturelle et à la diffusion du livre sous toutes ses formes et dans toute sa diversité.

Par ailleurs, comme votre commission l'a soutenu à l'occasion de l'examen de la proposition de loi sur le prix du livre numérique, il est essentiel de garantir une rémunération équitable aux auteurs , même s'il est encore difficile d'évaluer l'existence et surtout le niveau des économies que l'édition numérique pourrait permettre de réaliser.

Des discussions interprofessionnelles sont en cours et, ainsi que l'a souligné notre collègue Colette Mélot, rapporteur de ce texte : « notre commission fait confiance aux professionnels pour que les négociations engagées aboutissent à un résultat satisfaisant pour tous. Le rapport annuel d'application de la loi devra aussi permettre un suivi de la situation dans ce domaine. »

C. LES AUTRES INDUSTRIES CULTURELLES

La politique en faveur des industries culturelles couvre notamment, en plus du secteur du livre, ceux de la musique enregistrée, du cinéma et de l'audiovisuel. Ces secteurs sont tous confrontés à la nécessité d'adapter leurs modèles économiques au développement de l'Internet et des technologies numériques. Dans ce contexte, rappelons que le ministre de la culture et de la communication avait confié, le 3 septembre 2009, à MM. Patrick Zelnik, Guillaume Cerutti et Jacques Toubon, la responsabilité d'une mission « Création et Internet » visant à proposer des pistes de développement de l'offre légale de contenus culturels sur Internet et d'amélioration de la rémunération des créateurs et du financement des industries culturelles. Leurs conclusions et propositions ont été présentées le 6 janvier 2010. 9 ( * )

1. Les crédits

L'action 4 « Industries culturelles » du programme 180 comprend trois sous-actions , auxquelles 26 millions d'euros devraient être consacrées en 2011, dont 62,3 % de crédits d'intervention. Ces sous-actions concernent :

- le soutien dans le domaine de la musique enregistrée , avec 681 000 d'euros de dépenses de fonctionnement en AE et CP ;

- le soutien dans le domaine du cinéma et la protection du patrimoine cinématographique , avec 13,3 millions d'euros , dont 73,5 % pour la Cinémathèque, ce qui représente la moitié du soutien à cet opérateur, l'autre moitié provenant désormais du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ; 26,5 % correspondent aux dépenses d'intervention en faveur d'organismes en région et de rencontres et festivals ;

- et le budget de fonctionnement de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet ( Hadopi) , créée par la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, à hauteur de 12 millions d'euros , contre 5,3 millions d'euros prévus à ce titre en 2010, cet abondement se justifiant par la montée en puissance de la Hadopi.

Votre rapporteur, M. Serge Lagauche, se concentrera sur le secteur de la musique dans le présent rapport. En effet, établissant, cette année encore, un rapport consacré à la création et au cinéma, il y consacrera un développement spécifique à la politique conduite en matière de lutte contre le piratage ainsi qu'au cinéma, et donc aux crédits du CNC.

2. La musique : « l'atterrissage » du précurseur de l'ère numérique
a) Une relative stabilisation du marché

Le secteur de la musique est entré le premier, massivement, dans l'ère numérique. Les professionnels considèrent qu'il a parcouru plus de la moitié de sa transition numérique en 10 ans.

En effet, après avoir perdu plus de 60 % de son chiffre d'affaires depuis 2003, le marché de la musique enregistrée semble en voie de stabilisation.

D'après l'Observatoire de la musique, son chiffre d'affaires n'a baissé « que » de 3,9 % au premier semestre 2010, contre - 13 % en 2009. La progression des ventes numériques (+ 8,8 %) vient compenser, mais en volume seulement, la baisse des supports physiques (- 4,9 %).

Le chiffre d'affaires de la musique numérique est en hausse de 26,9 % et représente environ 10 % du chiffre d'affaires global de la musique enregistrée. Mais bien qu'en progression continue, le marché numérique n'est toujours pas assez important pour compenser les pertes enregistrées depuis 2002.

Paradoxalement, alors que la musique n'a jamais été aussi écoutée que ces dernières années, grâce aux facilités d'accès aux outils de production, de diffusion et d'écoute, les professionnels peinent à se rémunérer. En effet, le secteur n'a pas encore trouvé un modèle économique permettant d'investir dans de nouveaux contenus et l'importance du piratage qu'il subit rend difficile la valorisation des contenus musicaux numériques.

Pourtant, de réels efforts sont consentis par la filière pour développer l'offre légale. S'agissant des aides , le secteur bénéficie surtout :

- des quotas de diffusion radiophonique ;

- de la loi de 1985 sur la copie privée, qui permet de compléter la rémunération des acteurs concernés ;

- le crédit d'impôt phonographique ;

- la lutte contre le piratage et la contrefaçon. À cet égard, le récent lancement de la « Carte musique jeunes » va dans le bon sens.

b) Le lancement de la « Carte musique jeunes »

La première des préconisations du rapport « Création et Internet » précité concerne la mise en oeuvre d'une Carte musique pour les jeunes, lancée le 25 octobre 2010 . Une semaine après son lancement, près de 10 000 cartes musique avaient d'ores et déjà été créées.

Le Gouvernement a donc décidé d'encourager l'achat de musique sur Internet et de favoriser ainsi la consommation légale et payante de musique par le biais d'une « carte musique » en faveur des jeunes de 12 à 25 ans , soit une population potentielle de 10,5 millions de personnes.

Cette carte sera subventionnée à 50 %par l'État , pour un budget total de 25 millions d'euros par an, pendant trois ans . Les éditeurs de service de musique en ligne et les ayants droit supportent une partie des coûts de l'opération, à hauteur de 20 %. Leur contribution prend notamment la forme d'offres spéciales et renforce l'attractivité de l'opération.

Afin de permettre l'essai de plusieurs offres, notamment de téléchargement ou de « streaming », un système de tickets d'une valeur de 10, 20 ou 50 euros chacun est mis en place, ces tickets étant payés par le jeune usager respectivement 5, 10 ou 25 euros.

Le montant de l'aide par utilisateur ne peut dépasser 25 euros par an, ce qui représente donc 50 euros maximum en bons d'achat pour le consommateur. vise à en les incitant à consommer des offres de musique légale et payante.

Un éditeur de service ne pourra percevoir plus de 5 millions d'euros d'aide par an, soit 20 % du total. L'aide est par ailleurs accordée dans la limite d'un million d'offres carte musique par an et par éditeur (soit des cartes d'une valeur de 5 euros). Il s'agit ainsi d'éviter qu'une même plate-forme accapare la majeure partie de la subvention.

Par ailleurs, les plates-formes doivent respecter plusieurs règles :

- l'offre commercialisée sous la dénomination de « carte musique » doit être composée « d'oeuvres musicales émanant des catalogues de plus de cinq auteurs, artistes-interprètes ou leurs ayants droit, et de plus de trois producteurs de phonogrammes. » ;

- plus précisément, lorsque l'offre comprend principalement de la musique de variété, les éditeurs réservent, « une proportion substantielle » de la page d'accueil de l'offre à des « oeuvres musicales d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France » ;

- enfin, l'aide est accordée pour les achats sur les sites labélisés par la Hadopi . Toutefois, le décret concerné étant toujours en attente , la Haute autorité n'est pas encore en mesure de délivrer des labels. Votre rapporteur s'interroge donc sur le délai d'application de cette mesure .

Néanmoins, votre commission soutient cette mesure incitative qui vise à modifier les comportements des jeunes sur Internet en rendant l'offre légale plus accessible à leurs budgets contraints.

Elle souhaite qu'une évaluation de cette mesure soit réalisée à la fin de chacune des trois années de son application.

c) Aider la filière à se structurer

Par ailleurs, votre rapporteur relève que les différents acteurs de la filière musicale se sont historiquement moins structurés que d'autres secteurs en vue de solliciter de l'État une régulation.

Il semble qu'il ait fallu attendre la crise liée à la transition numérique pour qu'un dialogue s'engage entre eux.

C'est ainsi, par exemple, que le crédit d'impôt phonographique bénéficie à la production phonographique mais pas aux producteurs de spectacles vivants et de musique de variété. Pourtant, ces derniers assument une part croissante des dépenses de promotion des nouveaux talents musicaux, notamment à l'occasion des tournées musicales. Dès lors, il pourrait être équitable d'étendre en leur faveur ce dispositif. Mais ce dernier étant peu opérant en l'état, son amélioration apparaît également souhaitable. Votre rapporteur appelle de ses voeux des négociations interprofessionnelles, afin que les acteurs puissent présenter un projet cohérent aux pouvoirs publics.

Il rappelle, par ailleurs, que M. Emmanuel Hoog s'est vu confier par le ministre, en mars 2010, une mission de concertation et de médiation en vue de trouver un accord concret permettant la mise en oeuvre de la proposition n° 5 du rapport précité « Création et Internet ». Celle-ci consiste, pour les services de mise à disposition interactive en ligne de musique, notamment de téléchargement de titres et de lecture en continu à la demande, à appeler les professionnels concernés (producteurs et artistes-interprètes) à se réunir et à opter dans les meilleurs délais pour un régime de gestion collective sous une forme volontaire . Si ces professionnels ne sont pas parvenus à un accord d'ici la fin de l'année 2010, le rapport propose que les pouvoirs publics instaurent à cette date un régime de gestion collective obligatoire des droits exclusifs par les sociétés agréées de perception et de répartition des droits des producteurs et des artistes-interprètes.

Enfin, votre rapporteur demandera au Gouvernement de poursuivre une concertation avec les professionnels afin de réfléchir à une meilleure régulation du secteur. Votre commission pourrait aussi participer à cette démarche au travers d'une table ronde au premier semestre 2011.

D. LA NUMÉRISATION DES oeUVRES

1. Dans le cadre du plan « investissements d'avenir »

Auditionné le mardi 9 novembre 2010 par votre commission, le ministre de la culture et de la communication, M. Frédéric Mitterrand, a confirmé sa volonté de faire de la numérisation de l'offre et des contenus culturels une priorité et de créer une véritable filière numérique culturelle.

Rappelons que le volet « numérisation des contenus culturels, scientifiques et éducatifs » de l'emprunt national porte sur 750 millions d'euros .

Dans ce cadre, un appel à projets pour la numérisation des contenus culturels est prévu pour décembre 2010 et un autre sera lancé courant 2011 pour donner une deuxième chance aux projets qui ne seront pas encore prêts fin 2010. Il s'agit ainsi de soutenir des PME innovantes dans ce secteur.

Le ministère de la culture et de la communication, le secrétariat d'État chargé de la prospective et le commissariat général à l'investissement se sont accordé sur trois axes de travail :

- le développement d'une offre légale dans le domaine du numérique ;

- la recherche-développement (R&D) et les services innovants ;

- la promotion de nouveaux modes de valorisation du patrimoine culturel et artistique et des contenus éditoriaux.

S'agissant du volet R&D, il s'agit de soutenir les efforts des industries culturelles dans l'adaptation de leur modèle économique à de nouveaux modes de valorisation sur des supports numériques. Les technologies concernées peuvent être celles de captation de contenus (capteurs intelligents, technologies de scanner, numérisation des contenus 2D et conversion en 3D, outils de restauration numérique, etc.), de formatage et compression de données, d'indexation (reconnaissance de caractère, moteurs de recherche de nouvelle génération, etc.), de stockage, de protection des contenus numériques (marquage et gestion des droits, identification automatique des oeuvres, certificats et signatures numériques, etc.).

Plus précisément, quatre projets devraient prochainement être finalisés dans le cadre de la procédure mise en place par le Commissariat général à l'investissement :

- la création d'une plate-forme de plus de 3 000 longs métrages en format VOD ;

- la numérisation des livres indisponibles du XX e siècle sous droits ;

- la création d'un portail d'offre de vidéos à la demande (VOD) pour l'ensemble des contenus audiovisuels et cinématographiques en partenariat avec l'INA ;

- la création d'un kiosque numérique de la presse.

Une enveloppe d'environ 100 millions d'euros devrait être consacrée à ces quatre premiers projets , dont la répartition précise n'est pas encore connue.

Reste à définir l'affectation du reste de l'enveloppe de 750 millions, sachant que chaque dossier sera examiné par les comités mis à place à cet effet après parution des appels à manifestation d'intérêt ou appels à projets.

Pour le secteur culturel comme pour les autres, le programme d'investissements d'avenir procède selon une logique d'« avances remboursables participatives », l'État pouvant ainsi bénéficier d'un retour sur investissement.

Si la numérisation des contenus peut en effet donner lieu à un service payant lors de leur diffusion, votre commission s'était néanmoins inquiétée 10 ( * ) du strict cadre envisagé par la loi de finances rectificatives de janvier 2010 consistant à fixer à 25 % le niveau de subventions ou d'avances remboursables pour 75 % de financements privés.

Votre rapporteur demandera au ministre des précisions sur l'application de ces règles.

Votre commission se réjouit que sa crainte de voir les projets relatifs aux contenus être en quelque sorte « cannibalisés » par ceux concernant les « tuyaux » ne semble pas avérée, compte tenu des priorités affichées. Elle sera néanmoins vigilante sur ce point.

2. Créer les conditions légales du développement de l'offre numérisée

L'offre légale est déjà très importante, mais son développement se heurte à certaines difficultés.

Ainsi que l'a souligné notre collègue Colette Mélot, rapporteur du projet de loi sur le prix du livre numérique, le législateur devra adopter des dispositions de nature à favoriser la numérisation des oeuvres existantes. Ceci vise à la fois les oeuvres dites orphelines, c'est-à-dire celles dont le ou les ayants droit ne peuvent être retrouvés, et les oeuvres épuisées.

E. UNE URGENCE : APPLIQUER UN TAUX DE TVA À TAUX RÉDUIT SUR LE LIVRE NUMÉRIQUE

Il est impératif que la stratégie européenne s'inscrive dans une politique globale de long terme tenant compte à la fois de la mondialisation et de l'avènement de l'ère numérique. Cette politique doit prendre en compte les problématiques culturelles, économiques et d'aménagement du territoire.

Or le droit de l'Union européenne, dans son état actuel et l'interprétation qui en est faite, ne permet pas d'appliquer un taux de TVA réduit aux livres numériques , le taux d'imposition réduit (inférieur au taux normal, mais supérieur ou égal à 5 %), voire « super réduit » (inférieur à 5 %), étant réservé à certaines catégories de biens et de services limitativement énumérés dans l'annexe III de la directive 2006/112/CE (« système commun de TVA »). La catégorie « fourniture de livres » qui figure dans cette liste limitative se voit ainsi appliquer en France un taux de 5,5 %. En revanche, les services en ligne comme ceux destinés à fournir des livres numériques sont considérés comme entrant dans la catégorie des services fournis par voie électronique et sont, à ce titre, exclus du bénéfice du taux de TVA minoré. Ils se voient donc appliquer le taux normal, qui est en France de 19,6 %.

La France plaide régulièrement auprès de la Commission européenne comme auprès des autres États membres pour une révision de cette situation peu compréhensible. Mais cette action diplomatique peine à produire ses effets.

Or, votre commission soutient fortement la nécessité d'une harmonisation des taux de TVA , afin d'aligner le taux applicable au livre numérique sur le taux réduit du livre « papier ». En effet, il est difficile pour les professionnels de développer un modèle économique attractif pour le livre numérique en cumulant un prix inférieur à celui du livre papier et une TVA à 19,6 %.

Une intervention du législateur apparaît nécessaire pour infléchir l'interprétation des textes et en modifier la portée.

Votre commission a proposé un amendement en ce sens, que le Sénat a adopté le 22 novembre 2010.

Cet amendement vise à établir le taux de TVA applicable au livre numérique dit « homothétique » , tel que défini à l'article premier de la proposition de loi relative au prix du livre numérique adopté par le Sénat le 26 octobre 2010, au même taux réduit de 5,5 % que le livre « papier ».

En effet :

- en premier lieu, cette disposition permettrait de transposer plus complètement la directive 2009/47 du 5 mai 2009 qui accorde la faculté aux États membres de faire bénéficier de la TVA à taux réduit « la fourniture de livres, sur tout type de support physique, y compris en location dans les bibliothèques (y compris les brochures, dépliants et imprimés similaires, les albums, livres de dessin ou de coloriage pour enfants, les partitions imprimées ou en manuscrit, les cartes et les relevés hydrographiques ou autres), les journaux et périodiques, à l'exclusion du matériel consacré entièrement ou d'une manière prédominante à la publicité ». Le rescrit fiscal concerné semble imposer en France des restrictions d'application qui n'existent pas nécessairement dans d'autres États membres. Cette rédaction devrait permettre une interprétation plus souple par le rescrit, à l'instar semble-t-il d'autres États membres, et une modification de la définition fiscale du livre ;

- en second lieu, l'application de ce taux réduit est nécessaire au développement d'une offre légale attractive pour les consommateurs, comme souhaité par le législateur à de multiples reprises (que ce soit dans le cadre des lois dites « Hadopi » ou à l'occasion de l'examen de la proposition de loi précitée) ainsi que par les institutions européennes ;

- enfin et en tout état de cause, il est urgent de poursuivre activement le débat au plan européen afin d'obtenir du Conseil un consensus sur la faculté des États membres d'accorder la TVA à taux réduit non seulement pour tous les livres, y compris ceux accessibles seulement en ligne, mais aussi pour les autres biens culturels en ligne . À cet égard, on peut espérer que la déclaration de Mme Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne, commissaire chargée de la stratégie numérique, à l'occasion d'une table ronde sur le livre numérique au Forum d'Avignon, le 5 novembre 2010, sera suivie d'effet : pour elle, les livres numériques doivent, en effet, bénéficier de la même TVA que les livres physiques.

* *

*

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des actions 3 et 4 du programme 180 « Presse, livre et industries culturelles » pour 2011.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 17 novembre 2010, sous la présidence de M. Jacques Legendre, président, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de MM. Philippe Nachbar et Serge Lagauche sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2011.

M. David Assouline . - La loi dite HADOPI est désormais entrée en vigueur. Les premiers mails d'avertissement ont commencé à être envoyés. Les rapporteurs n'ont sans doute pas encore d'éléments d'appréciation. J'aimerais qu'ils transmettent au ministère notre souhait de disposer de données sur l'application de la loi, par exemple sur le nombre de courriers envoyés. En effet, des prévisions avaient été faites en termes de fonctionnement, de personnels, de mise à disposition d'agents du ministère de la justice. Nous souhaiterions un premier bilan de l'application de la procédure.

M. Serge Lagauche . - La mise en oeuvre de la loi « HADOPI » sera abordée lors de l'examen du rapport pour avis sur le spectacle vivant.

Mme Catherine Morin-Desailly . - Je voudrais soutenir la démarche de notre collègue qui est de proposer pour le livre numérique un taux de TVA identique à celui qui s'applique au livre papier. Dans un marché émergent, il est nécessaire d'avoir un levier assez fort pour accompagner le développement de ce nouveau support et soutenir les libraires et les éditeurs. Par ailleurs, il faut absolument aider les petits libraires pour qu'ils puissent s'inscrire sur le site « 1001libraires.com », sinon leur sort sera vite scellé.

S'agissant de la carte musique, vous avez raison de proposer un bilan. Je suis assez sceptique sur cette manière de lutter contre le piratage. J'aurais préféré qu'on consacre ces crédits à des actions plus structurantes en matière d'éducation artistique et culturelle.

Mme Colette Mélot . - Je m'interroge sur les chances de voir aboutir notre proposition d'harmonisation du taux de TVA pour le livre compte tenu de la fin de non recevoir opposée à l'Assemblée nationale à l'amendement de M. Gouteyron.

M. Jean-Pierre Leleux . - A propos de cet ajustement du taux de TVA du livre numérique sur le livre papier, je voudrais introduire une réflexion supplémentaire. On s'est beaucoup inquiété de la « cannibalisation » du livre papier par le livre numérique dont on dit que le coût sera à terme réduit de 30 à 40 %. Dès que l'offre légale de livres numériques va s'amplifier, une grande partie des consommateurs va s'y diriger compte tenu du niveau de prix inférieur. Je me pose la question de savoir si le fait d'abaisser le taux de TVA ne va pas accélérer cette forme de « cannibalisation ». Quelle pourrait être l'influence de cette évolution ?

M. Jean-Pierre Plancade . - Notre groupe partage l'analyse faite par les deux rapporteurs. J'ai particulièrement apprécié le rapport de M. Serge Lagauche et son compte rendu du déplacement d'une délégation de la commission à Avignon. L'analyse est partagée.

Je suis favorable à l'abaissement du taux de TVA du livre numérique à 5,5 % pour le mettre en harmonie avec celui du livre papier. Il y a un débat. Vous avez à juste titre posé la question. Je n'aime pas beaucoup le mot « cannibalisation », car je pense qu'on n'arrêtera pas le progrès. Il faut plutôt l'accompagner. Certains estiment que l'arrivée du numérique remet les gens à la lecture. C'est un élément important que je n'avais pas mesuré qui existe aussi.

M. David Assouline . - Je veux vraiment soutenir cet amendement sur le taux réduit de TVA. Il n'y a pas de concurrence. Ce sont les mêmes acteurs, à part l'imprimerie et la fabrication du papier. Cela a été abordé lors du débat de la loi relative au prix du livre numérique. Au contraire, le fait d'avoir un autre support pour un même produit va tirer tout vers le haut. En tout cas, là où le livre numérique est un secteur significatif de l'industrie du livre, - ce qui n'est pas encore le cas en France mais cela va évoluer - en Amérique du Nord, en Asie, au Japon, où le niveau des ventes est déjà très élevé, le livre prend de l'ampleur. Ce n'est pas une concurrence. Le produit papier est en déclin.

On peut aussi se dire, sans être trop écologique, que si on règle le problème social de la fin de l'imprimerie ou de son déclin, les avantages pour la société humaine de ne pas être en situation de devoir dévaster des forêts ne sont pas négligeables ; il faut encourager le numérique. Il va falloir mettre en oeuvre des mécanismes de soutien à l'imprimerie et de reconversion professionnelle en amont.

M. Serge Lagauche . - Le Forum d'Avignon était une rencontre internationale. L'Europe était fortement représentée par des hauts responsables. Il est apparu la nécessité de se battre en Europe pour que tous les produits culturels bénéficient d'un taux de TVA réduit. Le fait de déposer cet amendement s'inscrit dans un cadre plus général. La commissaire européenne présente, Mme Nelly Kroes, était convaincue. Nos rapports devraient être envoyés aux responsables du Forum d'Avignon et des institutions européennes. Il faut encourager un comportement convergent au niveau européen.

Examen des amendements

Article additionnel après l'article 11

M. Jacques Legendre , président. - Je suis saisi d'un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 11 présenté par M. Serge Lagauche que je cosignerai pour engager la commission.

M. Serge Lagauche . - Cet amendement propose, au dernier alinéa de l'article 278 bis du code général des impôts, après le mot « Livres », d'insérer les mots : « sur tout type de support physique, y compris ceux fournis par téléchargement ».

Il vise ainsi à établir le taux de TVA applicable au livre numérique au même taux réduit de TVA de 5,5 % que le livre papier.

L'amendement n° 1 est adopté à l'unanimité.

La commission donne un avis favorable aux crédits du programme « livre et industries culturelles » de la mission « Médias », le groupe CRC ne participant pas au vote.

AMENDEMENT PRÉSENTÉ PAR MM. SERGE LAGAUCHE ET JACQUES LEGENDRE AU NOM DE LA COMMISSION DE LA CULTURE, DE L'ÉDUCATION ET DE LA COMMUNICATION

A M E N D E M E N T

présenté par

MM. Serge Lagauche et Jacques Legendre
au nom de la commission de la culture,
de l'éducation et de la communication

_________________

Article additionnel après l'article 11

Après l'article 11, insérer un article ainsi rédigé :

I - Au dernier alinéa de l'article 278 bis du code général des impôts, après le mot : « Livres », sont insérés les mots : « sur tout type de support physique, y compris ceux fournis par téléchargement ».

II - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Objet

Cet amendement vise à établir le taux de TVA applicable au livre numérique dit « homothétique », tel que défini à l'article premier de la proposition de loi relative au prix du livre numérique adopté par le Sénat le 26 octobre 2010, au même taux réduit de 5,5 % que le livre « papier ».

En effet :

- en premier lieu, cet amendement permettrait de transposer plus complètement la directive 2009/47 du 5 mai 2009 qui accorde la faculté aux États membres de faire bénéficier de la TVA réduite « la fourniture de livres, sur tout type de support physique, y compris en location dans les bibliothèques (y compris les brochures, dépliants et imprimés similaires, les albums, livres de dessin ou de coloriage pour enfants, les partitions imprimées ou en manuscrit, les cartes et les relevés hydrographiques ou autres), les journaux et périodiques, à l'exclusion du matériel consacré entièrement ou d'une manière prédominante à la publicité ». Le rescrit fiscal concerné semble imposer en France des restrictions d'application qui n'existent pas nécessairement dans d'autres États membres. Cette rédaction devrait permettre une interprétation plus souple par le rescrit, à l'instar semble-t-il d'autres États membres, et une modification de la définition fiscale du livre ;

- en second lieu, l'application de ce taux réduit est nécessaire au développement d'une offre légale attractive pour les consommateurs, comme souhaité par le législateur à de multiples reprises (que ce soit dans le cadre des lois dites « Hadopi » ou à l'occasion de l'examen de la proposition de loi précitée) ainsi que par les institutions européennes ;

- enfin et en tout état de cause, il est urgent de poursuivre activement le débat au plan européen afin d'obtenir du Conseil un consensus sur la faculté des États membres d'accorder la TVA à taux réduit non seulement pour tous les livres, y compris ceux accessibles seulement en ligne, mais aussi pour les autres biens culturels en ligne. À cet égard, on peut espérer que la déclaration de Mme Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne, commissaire chargée de la stratégie numérique, à l'occasion d'une table ronde sur le livre numérique au Forum d'Avignon, le 5 novembre 2010, sera suivie d'effet : pour elle, les livres numériques doivent, en effet, bénéficier de la même TVA que les livres physiques.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

PAR M. SERGE LAGAUCHE


• Prodiss (Union pour le spectacle musical et de variété)

Mme Nicole TORTELLO DUBAN, déléguée générale

M. Luc GAURICHON, administrateur du Prodiss


• Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI)

M. Stephan BOURDOISEAU, président

M. Jérôme ROGER, directeur général

ANNEXE - SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DU RAPPORT « CRÉATION ET INTERNET » (JANVIER 2010) DE MM. ZELNIK, CERUTTI ET TOUBON

- Proposition n° 1 - Créer une carte « Musique en ligne » pour les internautes de 15 à 24 ans

- Proposition n° 2 - Créer un portail de référencement des oeuvres musicales disponibles en ligne

- Proposition n° 3 - Lancer une campagne de communication visant à promouvoir les services culturels en ligne

- Proposition n° 4 - Étendre le régime de la rémunération équitable à la diffusion en ligne

- Proposition n° 5 - Mettre en place un régime de gestion collective obligatoire des droits liés à la mise à disposition interactive de musique, dans le cas où un accord sur une gestion collective volontaire n'interviendrait pas avant la fin de 2010

- Proposition n° 6 - En contrepartie de la réforme de la gestion des droits musicaux, revaloriser la rémunération équitable, assurer la transparence de la gestion collective et garantir la diversité des contenus et des offres éditoriales

- Proposition n° 7 - Reconduire et améliorer le crédit d'impôt pour la production d'oeuvres phonographiques

- Proposition n° 8 - Renforcer les moyens d'intervention de l'IFCIC au profit des entreprises du secteur de la musique

- Proposition n° 9 - Mobiliser les acteurs publics pour développer les apports en fonds propres aux jeunes entreprises de croissance dans le secteur des services musicaux

- Proposition n° 10 - Étendre le prix unique du livre aux livres numériques dits « homothétiques »

- Proposition n° 11 - Créer une plateforme unique de distribution des livres numériques sous la forme d'un groupement d'intérêt économique

- Proposition n° 12 - Tripler les montants affectés à la numérisation des livres par l'intermédiaire du Centre national du livre

- Proposition n° 13 - Faire évoluer la chronologie de façon à avancer les fenêtres d'exploitation des films en vidéo à la demande par abonnement et vidéo à la demande gratuite

- Proposition n° 14 - Fixer pour les services de vidéo à la demande des principes d'accès non discriminatoire aux réseaux de distribution, sous le contrôle du CSA

- Proposition n° 15 - Instaurer une redevance sur l'exploitation commerciale des films du domaine public

- Proposition n° 16 - Saisir pour avis l'Autorité de la concurrence sur le fonctionnement de la concurrence dans le secteur de la publicité en ligne

- Proposition n° 17 - Examiner la création d'un prélèvement obligatoire sur les revenus publicitaires en ligne

- Proposition n° 18 - Revoir à la baisse la proportion de taux réduit de TVA appliqué aux offres combinées ADSL des opérateurs de télécommunications

- Proposition n° 19 - Agir pour obtenir l'application du taux réduit de TVA à tous les services culturels en ligne, en commençant par soutenir l'initiative espagnole sur le livre numérique

- Proposition n° 20 - Défendre auprès des instances communautaires le caractère propre du droit d'auteur et des droits voisins

- Proposition n° 21 - Définir et mettre en oeuvre avec nos partenaires une stratégie européenne de la numérisation dans ses rapports avec la culture

- Proposition n° 22 - Mettre en place à Bruxelles une plateforme européenne de la création sur internet


* 1 M. Marc Tessier : « La numérisation du patrimoine écrit, Bibliothèque des rapports publics » - La documentation Française - 12 janvier 2010.

* 2 17 novembre 2010.

* 3 Le Journal du Dimanche - vendredi 26 novembre 2010.

* 4 Cf. l'étude « la référence des équipements multimédia ».

* 5 Forum d'Avignon sur le thème suivant : « Nouveaux accès, nouveaux usages à l'ère numérique : la culture pour chacun ? ».

* 6 Terme impropre, la créativité sémantique pouvant trouver matière à s'exercer dans ce domaine...

* 7 Étude de « Bain & company » sur « les écrits à l'heure du numérique ».

* 8 Voir le rapport n° 604 (2009-2010) intitulé « Équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques », présenté par M. Serge Lagauche au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

* 9 Voir la synthèse des propositions en annexe du présent rapport.

* 10 Voir le rapport pour avis n° 284 (2009-2010) de M. Jean-Claude Etienne présenté au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication déposé le 10 février 2010, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2010.

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