D. LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER DANS LEUR ENVIRONNEMENT RÉGIONAL ET DANS L'UNION EUROPÉENNE

1. La nécessaire amélioration de l'insertion dans l'environnement régional

Organisés en 2009, les états généraux de l'outre-mer (EGOM) ont fait ressortir la nécessité pour les départements d'outre-mer de mieux s'insérer dans leur espace régional, pour renforcer leurs capacités de développement économique comme pour valoriser leur identité culturelle, tout en permettant à la France, par leur intermédiaire, de rayonner davantage dans la partie du monde dans laquelle ils se trouvent. Ce constat rejoint celui déjà réalisé par la mission commune d'information du Sénat sur les départements d'outre-mer ainsi que les recommandations déjà anciennes de votre rapporteur.

a) La faiblesse des fonds de coopération régionale

Votre rapporteur déplore à nouveau la faiblesse des crédits affectés aux fonds de coopération régionale, créés en 2000 dans chacun des quatre départements d'outre-mer 22 ( * ) , ce qui limite leur capacité à soutenir des projets concrets de coopération. Sous l'égide des préfets, les comités de gestion de ces quatre fonds peuvent contribuer au financement de projets de coopération régionale jusqu'à hauteur de 35 %.

Depuis 2008, ces fonds participent aux programmes de coopération territoriale européenne et complètent ainsi les subventions du fonds européen de développement régional (FEDER). Depuis 2008, les fonds doivent donc procéder par la voie de l'appel à projets. Pour autant, compte tenu du montant limité des crédits à attribuer, la politique d'attribution des fonds mériterait d'être ciblée sur un nombre plus restreint de projets, correspondant à quelques priorités, en particulier le développement économique des États environnants.

Selon le Gouvernement, ces quatre fonds ont permis, jusqu'en 2007, de soutenir 452 projets de coopération, pour un montant de près de 12 millions d'euros de subventions.

Le projet de loi de finances pour 2011 comprend 2,7 millions d'euros au titre des fonds de coopération régionale 23 ( * ) , en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, sans changement par rapport à 2010, après un montant de 2,8 millions en 2009.

b) L'approfondissement de la coopération régionale

Le Gouvernement poursuit, depuis 2005, une volonté d'accroître sa coopération avec les États voisins des départements d'outre-mer, dans l'espace caraïbe, en Amazonie ainsi que dans l'océan Indien. Les autorités locales des départements et régions d'outre-mer ont leur rôle à jouer dans cette politique.

La France a ainsi poursuivi son action au sein des organisations de coopération régionale dont elle est membre du fait de sa présence outre-mer, notamment grâce aux deux ambassadeurs délégués à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane et dans la zone de l'océan Indien. Elle a occupé en 2010 la présidence de la Commission de l'océan Indien.

Par ailleurs, l'insertion des départements et collectivités d'outre-mer dans leur environnement régional était l'un des huit axes du conseil interministériel de l'outre-mer réuni le 6 novembre 2009. Il a ainsi proposé de donner aux départements et régions d'outre-mer la faculté d'ouvrir des délégations à caractère non diplomatique dans leur zone géographique, mais aussi de systématiser les commissions de coopération transfrontalière et d'autoriser plus largement la participation des autorités locales, sous mandat, à la négociation d'accords internationaux ayant un impact régional. Ces mesures ne semblent pas encore pleinement mises en oeuvre.

Le CIOM a également proposé de promouvoir l'harmonisation du droit des affaires dans la Caraïbe en vue de conforter l'insertion économique régionale des départements antillais. Cette mesure reprend en réalité le projet d'organisation pour l'harmonisation du droit des affaires dans la Caraïbe (OHADAC), engagé lors d'une première conférence à Pointe-à-Pitre en 2007. Une seconde conférence s'est tenue à Port-au-Prince en 2008. Un premier projet concret est en cours d'élaboration, à la suite de la conférence de La Havane de juin 2010 : la mise en place d'une cour caribéenne d'arbitrage. Une base de données de droit comparé est également envisagée.

Conformément à une décision du CIOM, le Gouvernement a édicté, en décembre 2009, 130 mesures de simplification des régimes de circulation des étrangers, concernant les visas de court séjour, pour les citoyens des États voisins des collectivités d'outre-mer, en vue de faciliter le tourisme et les voyages d'affaires à l'échelle régionale, en particulier dans la zone caraïbe.

Parallèlement, au sein de la nouvelle Union régionale des Antilles et de la Guyane (URAG), créée en juin 2010, les régions de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique ont affirmé souhaiter s'ouvrir davantage à leur environnement tant amazonien que caribéen, en participant aux organisations de coopération régionale et en développant leurs relations économiques et commerciales avec leurs voisins.

2. La place et les intérêts des départements d'outre-mer mieux défendus au sein de l'Union européenne
a) Une meilleure visibilité des départements d'outre-mer auprès des instances européennes

Encore insuffisamment insérés dans leur environnement régional, les départements d'outre-mer, régions ultrapériphériques de l'Union européenne (RUP), sont de mieux en mieux intégrés dans l'espace communautaire. A cet égard, il convient de saluer l'action renforcée de la conférence des présidents des RUP 24 ( * ) , relayée par les trois États-membres concernés, la France, l'Espagne et le Portugal. Votre rapporteur salue l'adoption, le 7 mai 2010 à Las Palmas, aux Canaries, par ces trois États-membres et leurs RUP, d'un mémorandum proposant une « vision rénovée de la stratégie européenne à l'égard de l'ultrapériphérie », en réponse à la communication du 17 octobre 2008 de la Commission européenne « les RUP : un atout pour l'Europe ». La stratégie rénovée définie par les présidents des RUP se fonde sur un triple équilibre : équilibre entre atouts et contraintes, c'est-à-dire la valorisation des atouts et la poursuite de la compensation de leurs contraintes structurelles, notamment le déficit d'accessibilité au marché intérieur, équilibre entre appartenance au marché intérieur et intégration dans leur environnement régional, et équilibre entre adaptation des politiques générales de l'Union et adoption d'instruments spécifiques au bénéfice de l'ultrapériphérie, tels que le programme POSEI 25 ( * ) et bien sûr l'éligibilité aux fonds structurels. Ce mémorandum insiste entre autres sur les conséquences particulières pour les RUP des accords commerciaux négociés par l'Union, qui doivent faire l'objet de mesures appropriées de compensation et de clauses de sauvegarde, citant notamment le secteur de la banane, « exemple évident de la réduction de la protection douanière progressive d'une production emblématique des RUP, engendrée par le processus de libéralisation du commerce international ». La communication de la Commission européenne doit donner lieu, avant 2012, à la présentation d'une nouvelle stratégie européenne vis-à-vis des RUP 26 ( * ) . Les présidents des RUP demandent que cette nouvelle stratégie soit pleinement intégrée dans la rénovation des politiques européennes prévues après 2013.

La seizième conférence des présidents des RUP, réunie à Santa Cruz de Tenerife, aux Canaries, en octobre 2010, a rappelé son attachement au respect effectif du principe du traitement différencié des RUP, du fait de la singularité de leur situation géographique et économique, principe reconnu par les traités 27 ( * ) . Elle a souligné que la vulnérabilité des RUP, dans le contexte de la crise, montrait « la pertinence d'une stratégie différenciée et adaptée à leur réalité ». Elle a aussi affirmé la nécessité d'évaluer de façon systématique les effets des politiques de l'Union sur les RUP.

Pour la première fois en 2010, un forum de l'Europe ultrapériphérique a été organisé, à Bruxelles, les 27 et 28 mai, par la Commission européenne, donnant une visibilité nouvelle à la dimension ultrapériphérique et ultramarine de l'Union européenne. Il est prévu que ce forum se tienne tous les deux ans.

A la suite du CIOM, la représentation permanente de la France à Bruxelles, auprès des institutions communautaires, a été dotée d'un pôle en charge de l'outre-mer, tandis que les régions de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique, au sein de l'URAG, se sont engagées à étudier la possibilité de créer, pour défendre leurs intérêts, une représentation permanente auprès des institutions communautaires. Enfin, la mise en place de représentations de la Commission européenne au sein des régions d'outre-mer, l'une pour le secteur Antilles-Guyane et l'autre pour l'océan Indien, a été demandée par la France.

Votre rapporteur se réjouit fortement de cette présence croissante des départements et régions d'outre-mer auprès des institutions européennes, gages d'une meilleure prise en compte de leur situation et de leurs intérêts.

b) Une utilisation encore perfectible des fonds européens

Les départements d'outre-mer bénéficient de la politique européenne de cohésion économique et sociale, au titre des deux objectifs « convergence » et « coopération territoriale », dans le cadre de la programmation 2007-2013. Les crédits sont alloués par le fonds européen de développement régional (FEDER) et le fonds social européen (FSE), à un taux d'intervention maximal qui est passé de 75 % à 85 % du coût total des projets cofinancés.

Au titre de l'objectif « convergence », qui concerne les régions dont le produit intérieur brut par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne 28 ( * ) , les départements d'outre-mer doivent percevoir 3,18 milliards d'euros sur toute la période 2007-2013, qui se décomposent en 1,8 milliards provenant du FEDER, 482 millions provenant du FEDER au titre de l'allocation de compensation des contraintes des RUP (35 euros par an par habitant) et 900 millions provenant du FSE. Ces crédits sont attribués pour 23 % à la Guadeloupe (728 millions), 13 % à la Guyane (405 millions), 16 % à la Martinique (515 millions) et 48 % à la Réunion (1,53 milliards).

Au titre de l'objectif « coopération territoriale », les départements d'outre-mer doivent percevoir 96 millions d'euros sur la période 2007-2013, provenant du FEDER. Ces crédits se répartissent en 68 millions pour des actions de coopération transfrontalière et 28 pour des actions de coopération transnationale, dans les espaces Caraïbes, Amazonie et océan Indien. Il faut observer que l'enveloppe de la période 2000-2006 n'était que de 17 millions.

Outre les fonds structurels, les départements d'outre-mer sont aussi éligibles sur la période 2007-2013 à la politique de développement rural, via le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), pour un montant de 631 millions d'euros, et à la politique de la pêche, via le fonds européen pour la pêche (FEP), pour un montant de 34,25 millions. Il faut enfin mentionner les programmes POSEI agricole et POSEI pêche, dont la gestion est décentralisée au niveau des Etats-membres.

Cependant, malgré ces montants particulièrement élevés, les crédits européens destinés aux départements d'outre-mer demeurent sous-consommés. Les raisons en sont multiples selon le Gouvernement : les programmes 2007-2013 présentés par les régions ont été adoptés tardivement par la Commission européenne et leur mise en oeuvre par les collectivités a été lente, en particulier dans les Antilles, du fait du chevauchement avec la gestion de la fin de la période 2000-2006, jusqu'en 2008, et de la crise sociale de début 2009.

Or, on pouvait craindre une perte de crédits, en application de la règle communautaire dite du dégagement d'office 29 ( * ) , selon laquelle les crédits, qui sont attribués par tranches annuelles, sont perdus au bout de deux ans s'ils ne sont pas consommés. Ainsi, il fallait justifier avant le 31 décembre 2009 de l'utilisation des crédits de la tranche annuelle 2007 et il faudra justifier avant le 31 décembre 2010 de l'utilisation de la tranche annuelle 2008. Fin 2009, le risque de dégagement d'office était réel, notamment pour les départements des Antilles, selon le Gouvernement, mais il ne se réalisa pas. En 2010, dans le cadre du plan de relance européen, l'application de la règle du dégagement d'office a été assouplie pour la tranche 2007, les crédits correspondants devant être justifiés sur l'intégralité de la période 2008-2013.

État au 1 er août 2010 de la consommation par les régions d'outre-mer des crédits des fonds structurels européens pour la période 2007-2013

Crédits européens

Programmation des crédits européens

Réalisation des crédits européens

Montants à justifier au 31 décembre 2010

Guadeloupe

FEDER

542 701 534

166 534 899

30,69 %

47 325 941

8,72 %

45 923 868

FSE

185 176 373

63 810 704

34,46 %

25 781 619

13,92 %

15 669 783

Guyane

FEDER

305 158 669

132 625 794

43,46 %

25 114 221

8,23 %

25 822 787

FSE

100 059 222

37 297 692

37,28 %

10 193 596

10,19 %

8 467 097

Martinique

FEDER

417 155 833

80 803 438

19,37 %

21 956 788

5,26 %

35 300 083

FSE

97 859 231

22 435 419

22,93 %

13 192 628

13,48 %

8 280 932

Réunion

FEDER

1 014 291 774

340 601 220

33,58 %

144 401 428

14,24 %

85 830 237

FSE

516 889 189

126 715 540

24,52 %

34 510 468

6,68 %

43 739 604

Source : ministère chargé de l'outre-mer.

Selon le Gouvernement, le montant des crédits à justifier avant le 31 décembre 2010 pourra être atteint par l'ensemble des régions d'outre-mer. Il souligne toutefois que l'effort de programmation et de réalisation des projets devra être soutenu dans les prochaines années, en raison des montants plus importants à justifier du fait du report de la tranche 2007. Ceci suppose un effort important de la part des collectivités. Pour faciliter la consommation des crédits, diverses mesures de simplification de gestion ont été prises tant au niveau français qu'au niveau européen.

La sous-consommation des crédits est particulièrement préoccupante en Martinique. Celle-ci s'est engagée dans une révision de ses programmes en 2010, avec une proposition d'augmentation du taux d'intervention du FEDER. Ceci permettrait effectivement de consommer plus rapidement les crédits et de ne pas en perdre. Des quatre régions d'outre-mer, la Guyane présente le taux de consommation des crédits le plus satisfaisant.


* 22 Depuis 2001, Mayotte est également doté d'un fonds de coopération régionale.

* 23 Incluant le fonds de Mayotte.

* 24 La conférence des présidents des RUP regroupe toutes les RUP, à savoir, outre les quatre départements d'outre-mer français, les Açores, les Canaries et Madère. La collectivité de Saint-Martin a adhéré à la conférence en 2010. La collectivité de Saint-Barthélemy souhaite, quant à elle, obtenir le statut de pays et territoire d'outre-mer (PTOM) et de ce fait ne plus faire partie du territoire de l'Union européenne et être soumise à ses obligations juridiques et douanières.

* 25 Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité, adaptation aux RUP de la politique agricole commune.

* 26 La stratégie européenne actuelle envers les RUP a été définie en 2004, en retenant les principes de compétitivité, d'accessibilité et d'insertion régionale.

* 27 Articles 349 et 355 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

* 28 Les régions d'outre-mer sont les seules régions françaises à être éligibles à cet objectif. Au titre de la période 2000-2006, la Corse et le Nord-Pas-de-Calais étaient également éligibles.

* 29 Instaurée pour la première fois en 1999 dans le règlement général des fonds structurels pour la période 2000-2006 et maintenue dans le règlement général de 2006 pour la période 2007-2013, la règle du dégagement d'office avait pour finalité de remédier aux problèmes récurrents de sous-consommation des crédits européens, en obligeant chaque année à justifier de l'engagement des crédits, au plus tard avant la fin de la deuxième année de l'engagement.

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