III. EXAMEN DE L'ARTICLE

Article 18 bis (art. L. 253-2 du code de l'action sociale et des familles) - Tarifs de facturation des dépenses de l'aide médicale d'Etat

Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, vise à ce que les dépenses de l'aide médicale d'Etat (AME) soient prises en charges sur la base de la tarification à l'activité usuellement utilisée par les hôpitaux pour les autres patients.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article L. 253-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que les dépenses d'aide médicale sont prises en charge par l'Etat.

A l'initiative de plusieurs députés et contre l'avis du Gouvernement, cet article précise que les dépenses de l'AME sont prises en charge sur la base des tarifs des groupes homogènes de séjour (GHS) pratiqués dans le cadre de la tarification à l'activité (T2A).

II - La position de la commission

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, votre commission avait mis en avant le problème que soulève aujourd'hui cet article. Elle avait alors adopté un amendement d'Alain Vasselle, rapporteur général, visant à supprimer la tarification dérogatoire utilisée par les établissements de santé pour facturer à l'assurance maladie des remboursements au titre des personnes qui ne sont couvertes par aucun régime de protection sociale.

En effet, les hôpitaux facturent les assurés qui ne sont pas couverts par un régime d'assurance maladie, notamment les bénéficiaires de l'AME, au tarif journalier de prestation (TJP). Cette disposition était prévue à titre transitoire dans le cadre de la mise en place progressive de la T2A, qui est désormais totalement applicable depuis plusieurs années.

Or, il apparaît que les établissements ont beaucoup augmenté le TJP, sans lien particulier avec les modalités de prise en charge des patients et il ne semble pas justifié que l'établissement facture de manière différente les patients, selon qu'ils sont assurés sociaux ou non . Ceci aboutit d'ailleurs à ce que les tarifs de prise en charge soient très hétérogènes selon les établissements, ce qui va à l'encontre du mouvement général de la tarification à l'activité.

Qui plus est, l'accueil des publics précaires est justement couvert depuis plus de deux ans par une dotation spécifique au sein des Migac.

A la demande du Gouvernement, qui mettait en avant les difficultés financières qu'un changement brutal de tarification entraînerait immanquablement pour les hôpitaux, Alain Vasselle avait accepté de retirer l'amendement, dans l'attente de la publication annoncée d'un rapport de l'Igas.

Ce rapport 13 ( * ) a été rendu public à la fin de l'année 2010 ; il confirme que, « dans la pratique, le TJP apparaît comme une variable d'ajustement des recettes de l'hôpital dans des conditions manquant toutefois de transparence ». Ainsi, une séance de dialyse est facturée 989,97 euros par l'AP-HP et 1 815 euros par l'AP-HM lorsqu'il s'agit d'un patient AME, alors que le GHS correspondant s'élève à 349,12 euros.

Un changement de tarification aurait certes un impact bénéfique direct sur le budget de l'Etat mais un coût immédiat pour les hôpitaux, sans que leurs charges ne soient par ailleurs réduites : selon les estimations de la Cnam, recoupées par des chiffres de l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih), ce montant serait au total d'environ 130 millions d'euros par an . En outre, les dépenses liées à l'AME sont naturellement concentrées sur quelques établissements de région parisienne ou de zones urbaines denses.

Dans ces conditions, il ne saurait être question de ne pas accompagner les hôpitaux dans cet exercice de transparence qui, sans cela, augmenterait mécaniquement leur déficit ; le coût serait de 46 millions pour la seule AP-HP 14 ( * ) , 5,5 millions pour l'AP-HM, 2 millions pour les hospices civils de Lyon, 1,6 million pour le centre hospitalier d'Annecy ou celui de Cayenne, 1,8  million pour le CHI de Montreuil ou encore 3 millions pour l'hôpital Delafontaine de Saint-Denis, ce qui représente une part importante de son budget.

Reprenant la conclusion de votre commission, le rapport remis au Gouvernement a conclu à la nécessité de modifier l'article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004.

L'Assemblée nationale n'a pas suivi cette voie et a souhaité poser, dans le code de l'action sociale et des familles, le principe de la prise en charge des dépenses d'AME au tarif des GHS. La formulation juridique choisie n'est pas complètement satisfaisante car elle renvoie à un article général du code de la sécurité sociale. Surtout, aucune période transitoire ou aucun mécanisme d'accompagnement n'est prévu , ce qui pourrait mener plusieurs établissements de santé dans une situation financière dramatique.

Dans ces conditions, la commission a adopté un amendement tendant à différer au 1 er mars 2012 l'entrée en vigueur de la mesure, afin que le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale mette en place un mécanisme pérenne et équilibré.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.


* 13 « Analyse de l'évolution des dépenses au titre de l'aide médicale d'Etat », rapport établi par Alain Cordier, inspecteur général des finances, et Frédéric Salas, inspecteur des affaires sociales, novembre 2010.

* 14 Estimations réalisées par l'Atih sur dix mois de l'année 2009.

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