D. IL FAUT RESTITUER L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT DANS UN CADRE PLUS GLOBAL DES POLITIQUES ET INITIATIVES QUI ONT UN IMPACT SUR LE DÉVELOPPEMENT

Le document-cadre de coopération développement souligne qu'il « importe de restituer l'aide publique au développement dans un cadre plus global des politiques et initiatives qui ont un impact sur le développement : négociations commerciales, politiques agricoles, flux de migrants, flux de capitaux, évolution des prix sur les marchés internationaux, etc ».

Les traités européens définissent la cohérence comme une obligation de garantir que les politiques domestiques et extérieures de l'Union européenne et des Etats membres ne nuisent pas à l'objectif d'éradication de la pauvreté dans les pays en développement.

Une communication de la Commission européenne publiée en 2005 identifie douze politiques devant répondre à cette obligation. Il s'agit notamment de la coordination des politiques économiques, monétaires et budgétaires, des règles et régulations commerciales, des normes sociales et environnementales, des politiques sectorielles (énergétiques, agricoles,...) et des questions de migration, de sécurité, et de lutte contre les trafics, autant de sujets sur lesquels une approche non coopérative entraîne davantage de précarité et de vulnérabilité au Nord comme au Sud.

On ne peut que souscrire à cette volonté tant ces autres politiques ont un impact parfois beaucoup plus important sur le développement des pays du Sud que l'aide elle-même. Il est paradoxal de financer des millions d'euros de projets agricoles en Afrique et de contribuer à fermer les frontières commerciales aux produits issus de ces projets.

Or, la France ne dispose pas d'un cadre général donnant une assise politique à un travail interministériel structuré sur ces dossiers, de cohérence des politiques publiques comme l'a souligné l'examen de la politique Française de développement par l'OCDE en 2008.

Contrairement au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, au Danemark à la Suède ou encore à la Norvège, la France n'a pas encore ouvert le vaste chantier de la « cohérence de ses politiques publiques ».

Comme le soulignent chaque année les O.N.G. et notamment Coordination sud : à quoi sert, par exemple, d'aider les pays pauvres à améliorer leurs capacités d'exportations si, dans le même temps, les pays développés maintiennent leurs barrières commerciales ou subventionnent leurs exportations sur des produits sensibles ? Ou de financer hôpitaux ou médicaments si l'on dépeuple dans le même temps ces pays de leur personnel médical, déjà trop rare, pour répondre aux besoins des populations vieillissantes du Nord ?

Les politiques concernées sont nombreuses, elles relèvent, pour une part, de l'Union européenne, mais certaines relèvent d'une responsabilité nationale.

Le fait que les deux francs CFA, le franc comorien ou encore l'escudo capverdien soient garantis par l'ancienne puissance coloniale et arrimés à l'euro, plus de 50 ans après les indépendances, constitue un exemple parmi d'autres. Indépendamment du symbole, l'ancrage de la monnaie de 16 pays en développement sur l'euro peut poser un problème de cohérence des politiques : le niveau élevé de l'euro par rapport aux monnaies des pays émergents (Chine, Inde, Brésil) peut constituer un frein économique pour les pays dont la monnaie est ancrée sur la devise européenne. L'Europe finance donc le développement économique des pays africains, soutient les entreprises africaines afin de les aider à devenir compétitives et à gagner des parts de marché au niveau mondial, tout en soutenant une politique monétaire qui peut produire des effets inverses. On observe d'ailleurs que les pays d'Afrique qui disposent de leur propre monnaie (Ghana, Kenya, Afrique du Sud par exemple) et bénéficient d'un système de change flexible ne semblent pas particulièrement pénalisés pour exporter ou accueillir des investissements, bien au contraire. Aux côtés de ses partenaires africains, la France devrait ouvrir la réflexion sur les évolutions possibles du régime de change du Franc CFA.

L'échec des négociations des « Accords de partenariat économique » (APE) entre l'Union européenne et 79 pays dits « ACP » (Afrique-Caraïbes, Pacifique) est un autre exemple d'incohérence des politiques publiques, cette fois-ci en matière commerciale et à l'échelon européen. Ces négociations visent à instaurer des accords de libre-échange réciproques pour remplacer les accords préférentiels de Lomé et de Cotonou, devenus incompatibles avec les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce. L'objectif affiché par l'Union européenne était de faire pleinement profiter les pays concernés des retombées d'une ouverture du marché, et de créer une dynamique porteuse de développement en favorisant l'intégration régionale. Menées par la division « commerce » de la Commission européenne, les négociations ont pourtant démenti l'esprit et la lettre du nouveau « partenariat » euro-africain, suscitant tensions et acrimonie.

Conscients des enjeux, les rédacteurs du document-cadre ont répondu à cette préoccupation en proposant de mettre en place un dispositif institutionnel structuré pour la mise en oeuvre et le suivi de la cohérence de ses politiques nationales et des politiques européennes avec les objectifs de développement.

Depuis personne n'a évoqué la mise en place de ce dispositif.

Votre commission souhaiterait l'élaboration d'un document évaluant la cohérence des politiques publiques françaises avec les objectifs de développement.

La France doit se distinguer tant au niveau national qu'au niveau européen par la volonté d'assurer une cohérence globale de ses politiques, en particulier lors de la reprise des négociations dans le cadre du cycle de Doha. Les pays en voie de développement souhaitent une conclusion rapide de ce cycle qui permettra à leurs produits d'accéder plus facilement aux marchés des pays de l'OCDE.

La révision prochaine du système de préférences généralisées (SPG) doit, de ce point de vue, conduire à mieux cibler l'objectif de développement économique, en réservant le bénéfice des préférences commerciales aux pays qui en ont le plus besoin.

Premier bailleur et première puissance commerciale mondiale, l'Union européenne occupe une place privilégiée pour prôner une meilleure différenciation des PED à l'OMC. Dans le cadre du cycle de Doha pour le développement, les performances économiques des pays émergents sont aujourd'hui incomparables avec celles enregistrées au moment du lancement du cycle de Doha, alors même que la situation des PMA et d'autres pays pauvres n'a guère évolué.

Votre commission souhaite, en particulier, suivre avec attention les discussions autour des nouvelles orientations de la politique de développement de l'Union proposées par la Commission en octobre dernier.

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