N° 110
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2011 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2012 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
TOME V
Fascicule 1
MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES
CULTURELLES :
AUDIOVISUEL ET PRESSE
Par M. David ASSOULINE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : Mme Marie-Christine Blandin , présidente ; MM. Jean-Étienne Antoinette, David Assouline, Mme Françoise Cartron, M. Ambroise Dupont, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Catherine Morin-Desailly, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; Mme Maryvonne Blondin, M. Louis Duvernois, Mme Claudine Lepage, M. Pierre Martin, Mme Sophie Primas , secrétaires ; MM. Serge Andreoni, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Pierre Bordier, Jean Boyer, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Jacques Chiron, Mme Cécile Cukierman, M. Claude Domeizel, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Alain Dufaut, Vincent Eblé, Mmes Jacqueline Farreyrol, Françoise Férat, MM. Gaston Flosse, Bernard Fournier, André Gattolin, Jean-Claude Gaudin, Mmes Dominique Gillot, Sylvie Goy-Chavent, MM. François Grosdidier, Jean-François Humbert, Mmes Bariza Khiari, Françoise Laborde, Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Pierre Leleux, Michel Le Scouarnec, Jean-Jacques Lozach, Philippe Madrelle, Jacques-Bernard Magner, Mme Danielle Michel, MM. Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Jean-Jacques Pignard, Marcel Rainaud, François Rebsamen, Michel Savin, Abdourahamane Soilihi, Alex Türk, Hilarion Vendegou, Maurice Vincent. |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 3775, 3805 à 3812 et T.A. 754
Sénat : 106 et 107 (annexe n° 17 ) (2011-2012)
INTRODUCTION
INTRODUCTION
Avertissement Le présent rapport ne prend pas en compte la nouvelle rédaction des articles 32 (état B) et 34 (état D) du projet de loi de finances pour 2012, modifiés en seconde délibération le mercredi 16 novembre 2011, qui tendent respectivement à : - minorer de 19,9 millions d'euros les crédits budgétaires de France Télévisions (amendement n° II-27 à l'article 32) ; - à majorer de 5,1 millions d'euros la dotation de France Télévisions au titre du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » (amendement n° II-8) via la minoration des dotations de Radio France (2 millions d'euros), d'Arte France (1 million d'euros), de la société Audiovisuel extérieur de la France (1 million d'euros) et de l'Institut national de l'audiovisuel (1 million d'euros). Au final, les crédits dédiés à France Télévisions sont donc amputés à hauteur de 14,8 millions d'euros. |
Mesdames, Messieurs,
Lors des débats sur la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, l'opposition parlementaire avait donné l'impression de jouer les Cassandre.
Votre rapporteur souhaite aujourd'hui rappeler ses prédictions qui, comme celles de la prophétesse mythologique, n'avaient pas été prises au sérieux. Elle avait annoncé :
- que la suppression de la publicité sur France Télévisions était irresponsable du point de vue financier et que son budget en serait affecté au premier coup de grisou économique. Le budget 2012 de la mission « Médias » ne constitue pas encore une preuve formelle, mais cette prédiction, qui a commencé à être vérifiée par les discussions à l'Assemblée nationale, sera pleinement confirmée par le projet de loi de finances rectificative qui nous sera prochainement présenté ;
- que cette réforme n'aurait aucun impact sur la qualité des programmes . La loi était, au demeurant, très lacunaire en matière d'ambition éditoriale ;
- que la mise en place brutale et désordonnée de l'entreprise unique aurait un impact néfaste sur le groupe , ne serait-ce que par la désorganisation inévitable qu'elle allait entraîner ;
- et que la création de taxes afin de financer la réforme était juridiquement hasardeuse , l'outil de financement de France Télévisions étant la redevance (devenue contribution à l'audiovisuel public).
Votre rapporteur et les collègues de son groupe affirmaient enfin que le nouveau mode de nomination des présidents de l'audiovisuel public nuirait à leur crédibilité .
Sur l'ensemble de ces points, leurs prévisions se sont avéré exactes , voire parfois trop optimistes, et il apparaît que l'ensemble de l'audiovisuel public a souffert de la réforme.
Les deux taxes proposées par le Gouvernement afin de compenser la suppression de la publicité sur France Télévisions n'ont pas un rendement suffisant, voire sont clairement remises en cause : alors que celle sur le chiffre d'affaires publicitaire des chaînes privées a été raboté et ne rapporte que de faibles sommes, celle sur les opérateurs de télécommunication est considérée comme contraire au droit communautaire par la Commission européenne. Le risque est dès lors majeur pour l'État de devoir rembourser les sommes perçues. La conclusion est que la réforme menée par le Gouvernement en 2009 est financée par le creusement de la dette et pèsera comme une épée de Damoclès sur les épaules du prochain Gouvernement.
Votre rapporteur souhaite, en outre, évoquer la question pendante du financement de la suppression totale de la publicité, heureusement repoussée jusqu'en 2016, par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, dans la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 (LFI 2011). Cette disparition des recettes commerciales « diurnes » serait catastrophique et votre rapporteur plaide donc pour une suppression rapide de la disposition législative menant la réforme à son terme.
Mais a-t-on au moins constaté une amélioration des programmes ? Malgré des efforts fournis par la nouvelle direction, force est de constater que M. Patrick de Carolis avait déjà bien amorcé le virage éditorial du groupe avant la suppression de la publicité. La réforme n'a donc pas eu d'impact nouveau significatif .
En revanche, elle en a eu de profonds et néfastes en opérant la fusion des différentes chaînes en une « entreprise unique ». L'entreprise a connu des bouleversements majeurs, marqués par une centralisation des responsabilités sous l'ère Carolis, puis une nouvelle décentralisation sous l'ère Pflimlin, dont les conséquences sont la mise en place d'une organisation confinant au casse-tête chinois. Cette fusion a finalement abouti à la confusion .
Pendant ce temps, les véritables chantiers d'avenir que sont la mise en place du global média et d'une chaîne jeunesse peinent à émerger.
Votre rapporteur montrera, à cet égard, comment l'apparente augmentation des crédits en 2012, à hauteur de 1,3 %, masque en fait une remise en cause du financement du groupe et nuit à sa capacité d'innovation.
Enfin, le changement du mode de nomination dans l'audiovisuel public (France Télévisions, Radio France et l'Audiovisuel extérieur) a très fortement pesé sur la capacité de ces groupes à s'emparer de la réforme , qui est apparue comme souhaitée par le seul Président de la République s'exprimant à travers les présidents directeurs généraux qu'il avait choisis.
La situation des autres groupes de l'audiovisuel public est cependant moins inquiétante que celle de France Télévisions, en raison principalement du dynamisme de la ressource affectée. Les contrats d'objectifs et de moyens sont respectés pour Arte-France, l'Institut national de l'audiovisuel et Radio France et votre rapporteur salue leurs réalisations en matière d'innovation et de créativité éditoriale. S'agissant du groupe radiophonique, votre rapporteur s'est néanmoins attaché à montrer que la rénovation de la Maison de la radio pesait fortement sur ses capacités d'investissement.
De son analyse, votre rapporteur a conclu que la réforme de 2009 n'avait pas encore pleinement fait sentir ses effets en termes de déstabilisation et que le financement pérenne de l'audiovisuel public n'était pas assuré.
Afin d'adopter une attitude constructive dans un contexte budgétaire difficile, il a donc proposé des amendements, que la commission a adoptés, visant à apporter 200 millions d'euros de recettes complémentaires via un simple élargissement de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public et à abonder le budget de l'État grâce à la mise en place d'une taxe sur la cession de fréquences par des éditeurs de service de communication audiovisuelle. Il a également fait adopter un amendement de suppression de l'article 52 ter du présent projet de loi, protégeant la capacité de la régie de France Télévisions à faire bénéficier le groupe de ressources complémentaires.
En ce qui concerne les crédits consentis à la presse, sans surprise, l'heure est à la diminution : le total des aides directes à la presse s'établit à 543 millions d'euros, soit une baisse de plus de 6 % par rapport à 2011. Certes, la mise en oeuvre du plan exceptionnel de soutien public à la presse promis à la suite des États généraux de la presse écrite est arrivée à son terme. Pour autant, le secteur de la presse demeure aujourd'hui toujours aussi vulnérable, et une baisse des aides conjuguée à l'accentuation de la crise cette année pourrait miner tous les efforts de modernisation conduits par les entreprises de presse au cours des trois dernières années.
Votre rapporteur s'interroge sur l'existence d'une véritable stratégie cohérente qui présiderait à l'évolution de ces aides. Contrairement aux annonces du Gouvernement qui entend réformer la gouvernance de nos dispositifs d'aides publiques à la presse afin d'en renforcer l'efficacité, les coupes budgétaires intervenant dans le projet de loi de finances pour 2012 n'obéissent à aucune vision stratégique d'ensemble et ne tiennent pas compte des attentes du secteur .
Lorsqu'elles ne font pas l'objet d'un saupoudrage qui les rend inopérantes, les aides directes sont alors distribuées de façon plus ou moins automatique aux mêmes titres et dans des conditions obscures et parfois sans réelle analyse prospective préalable. Or, c'est la production d'une information à valeur ajoutée que notre système d'aides publiques doit encourager ; dans cette logique, il ne saurait se limiter à conforter l'existant mais doit favoriser l'émergence de nouveaux acteurs portant des initiatives diversifiées. Votre rapporteur pour avis réclame donc la mise au point, en concertation avec l'ensemble des parties prenantes du secteur, d'une stratégie cohérente et pluriannuelle qui permette au secteur de la presse de se projeter dans une durée raisonnable.
Aujourd'hui, si l'on veut véritablement accompagner la presse dans sa démarche de modernisation, c'est prioritairement sur la fiscalité, d'application neutre, qu'il convient d'agir, en mettant un terme aux inégalités de traitement entre la presse imprimée et la presse numérique . C'est pourquoi votre commission a adopté, sur proposition de son rapporteur pour avis, un amendement visant à étendre à la presse en ligne le bénéfice du taux de TVA réduit de 2,1 %, jusqu'ici réservé à la presse imprimée, comme elle l'avait fait pour le livre numérique au nom du principe de neutralité technologique.