B. LA PRIORITÉ ACCORDÉE À LA VALORISATION DU PATRIMOINE ECRIT

La conservation, l'enrichissement et la valorisation du patrimoine écrit sous toutes ses formes (manuscrite, imprimée, graphique et désormais numérique) constituent un objectif clairement identifié comme prioritaire de la politique culturelle de l'État.

1. Le cadre des actions de soutien aux bibliothèques

La politique du ministère de la culture et de la communication en la matière comprend deux volets principaux : d'une part, l'action de la Bibliothèque nationale de France (35 millions de documents conservés), d'autre part, le soutien aux bibliothèques territoriales détenant des fonds patrimoniaux.

Le contrat de performance de la BnF pour la période 2009-2011 s'articule autour de six objectifs stratégiques prioritaires :

- être une bibliothèque numérique de référence ;

- enrichir, signaler et préserver les collections nationales ;

- conduire la rénovation du « quadrilatère Richelieu » et rationaliser le patrimoine immobilier ;

- accroître, diversifier et satisfaire les publics ;

- développer la présence de la Bnf sur la scène nationale, européenne et mondiale ;

- préparer la Bnf aux mutations de son environnement en garantissant les conditions de son développement.

Signalons que le conseil d'administration du 28 juin 2011 a approuvé un avenant qui prolonge notamment les objectifs du contrat sur la période 2011-2013 , par cohérence avec le deuxième mandat de son président - M. Bruno Racine - et avec le cadre budgétaire triennal (2011-2013).

Les collections d'État conservées dans les 500 bibliothèques territoriales - dont 54 bibliothèques municipales classées - comprennent, quant à elles, 30 millions de documents. L'action du ministère de la culture et de la communication à leur égard est conçue, depuis 2004, autour du plan d'action pour le patrimoine écrit (PAPE). Ce dernier propose un cadre stratégique et opérationnel aux collectivités et mobilise environ 5 millions d'euros par an (crédits de coopération BnF compris), ainsi que le réseau des conservateurs d'État (une centaine) mis à disposition des collectivités.

2. Un point sur l'enjeu majeur de la numérisation des oeuvres

La numérisation du patrimoine écrit constitue un enjeu majeur de la politique menée par le ministère de la culture et de la communication (MCC) en matière d'accès à la culture dans le contexte de la société numérique. Les bibliothèques publiques considèrent la numérisation de leurs collections comme un impératif et, partout dans le monde, se créent de vastes bibliothèques numériques. Votre rapporteur se réjouit à cet égard du rôle précurseur joué par la France, dans un double souci de mise à disposition des oeuvres au public ainsi que de respect du patrimoine français et des droits d'auteur.

La Bibliothèque nationale de France est opérateur de l'État et tête de réseau des bibliothèques françaises en la matière. Elle a entrepris depuis plusieurs années la constitution de la bibliothèque numérique Gallica, agrégateur du portail européen Europeana. Celle-ci est aujourd'hui en phase de fort développement et de modernisation à partir de différents financements : depuis 2007, les ressources du Centre national du livre (CNL), à compter de 2012, l'investissement privé et les financements mis en place dans le cadre des investissements d'avenir.

UN RAPPEL DES ÉTAPES ET PERSPECTIVES

La BnF a créé sa bibliothèque numérique dans les années 1990. A vocation sélective et encyclopédique, elle propose environ 80 000 documents en mode image au début des années 2000. A partir de 2005, en contrepoint des projets de numérisation de Google, la BnF se lance dans une politique de numérisation de masse d'ouvrages libres de droits avec le soutien du Centre national du livre. La numérisation en mode texte est adoptée tandis que les différents critères de qualité sont progressivement améliorés.

Fin 2007, la réalisation d'un premier marché de numérisation de masse (2007-2010) est confiée par la BnF à un groupement de compétences (Safig, Banctec, Spigraph, Isako, Diadéis). Afin de mobiliser les ressources nécessaires à cette politique, la taxe parafiscale sur les appareils de reprographie perçue par le CNL a été élargie à de nouveaux matériels (les appareils « multifonctions », notamment les scanners-imprimantes-photocopieurs). Ces ressources nouvelles (de l'ordre de près de 6 M€ par an pour la BnF) ont été gérées par une commission spécifique du Centre national du livre. Début 2011, ce sont 1,3 million de documents, dont environ 300 000 livres, qui sont consultables en ligne.

Les documents numérisés sont par ailleurs signalés sur le portail européen Europeana, dont Gallica est l'un des agrégateurs pour la France. Au même moment, la BnF a lancé un nouveau marché de numérisation de masse (2011-2014) pour un objectif de numérisation de 60 000 documents par an, avec des critères de qualité plus élevés correspondant à l'évolution de la technologie et des besoins. Le CNL poursuivra sa participation au financement de la numérisation à la BnF dans le cadre d'une convention entre les deux établissements publics élaborée au printemps 2011. L'apport du CNL devrait être maintenu à 6 M€ par an sur la période du nouveau marché.

Gallica s'est également ouverte aux ouvrages sous droits qui ont été rapidement perçus comme un enjeu majeur par l'État : fin 2007, de premières discussions avec le Syndicat national de l'édition (SNE) ont permis aux éditeurs français d'être présents sur Gallica à travers le signalement dans ce portail de près de 20 000 livres contemporains numérisés. Les documents sont consultables, sous conditions, sur le site de distributeurs numériques. Le CNL soutient les éditeurs et les distributeurs en ligne participant à la diffusion numérique de documents sous droits, notamment dans le cadre de projets interprofessionnels ou en lien avec l'expérimentation Gallica (ce qui implique de prouver la titularité des droits numériques, et de respecter le cahier des charges techniques défini par le SNE et la BnF).

La question d'un éventuel partenariat avec la société Google, permettant à la BnF d'aller encore plus loin pour la numérisation des collections de livres, s'est également posée fin 2009 : le rapport 1 ( * ) de Marc Tessier , remis le 12 janvier 2010 au ministre de la culture et de la communication, a proposé des éléments de doctrine et plusieurs axes pour la politique de numérisation du livre. Il souligne d'abord qu'une relance de la numérisation de masse à la BnF et le passage à un rythme supérieur de numérisation posent la question des moyens, et plus particulièrement des moyens humains alloués à cette politique dans le cadre du plafond d'emploi de l'établissement. Le rapport préconise également d'ouvrir le pilotage de la plate-forme Gallica aux acteurs de la chaîne du livre. Tirant les conséquences de l'effort national de financement public de la numérisation, sans égal en Europe, il préconise également la mise en place de partenariats équilibrés avec des acteurs privés, une politique nationale de diffusion ne pouvant être portée par la seule bibliothèque nationale mais devant au contraire fédérer les intérêts et les compétences de toutes les parties concernées. Enfin, deux préalables sont posés à ces partenariats avec des acteurs privés : le respect du droit d'auteur et la définition des conditions dans lesquelles les données personnelles des internautes seront conservées, voire utilisées.

A partir de 2010, les financements issus de l'emprunt national pour les investissements d'avenir sont la voie envisagée pour franchir un nouveau palier de développement de la numérisation, développer une offre légale et mieux valoriser les fonds numériques. Les investissements d'avenir ont en effet pour objet de renforcer et de stimuler le potentiel de croissance de la France par une politique volontariste d'investissement dans quelques axes stratégiques. Parmi ces axes stratégiques, le Gouvernement a décidé d'allouer une enveloppe de 4,5 milliards d'euros pour développer une économie numérique. Le programme « Développement de l'économie numérique » comporte ainsi une action n° 2, dotée de 2,25 milliards d'euros, qui a pour objet de favoriser le développement des services, usages et contenus numériques innovants au travers de plusieurs axes dont la numérisation et la valorisation des contenus culturels, scientifiques ou éducatifs,

La Caisse des dépôts et consignations est chargée de la gestion de ces crédits par le biais du Fonds national pour la société numérique (FSN). La Caisse des Dépôts pourra mettre en oeuvre des financements sous forme de subventions ou d'avances remboursables, notamment pour soutenir des projets de « recherche, développement et innovation ». Ce volet « soutien à l'innovation » viserait à soutenir l'effort des acteurs nationaux pour développer les technologies et outils nécessaires à l'économie des contenus numériques, et notamment à l'exploitation des contenus numérisés. Néanmoins, c'est principalement sous la forme de prise de participation ou de prêts (75 %) que la Caisse des dépôts interviendra, selon le principe de l'investisseur avisé. Les projets dont le plan d'affaires présente les perspectives de retour sur investissement à moyen terme les plus favorables seront retenus en priorité.

Ainsi, dans ce cadre, la BnF a réfléchi depuis plus d'un an à des partenariats privés autour de projets de numérisation à grande échelle de documents libres de droit mais aussi à des programmes de valorisation des savoir-faire qu'elle a développés (projet de magasin numérique SPAR). En juillet 2011, l'établissement a lancé un appel à partenariats auprès d'acteurs privés, français ou étrangers, portant notamment sur douze projets de numérisation de différents corpus (livres anciens, livres du XIX e siècle, mais aussi presse ancienne du XIX e siècle, disques 78 tours et microsillons, estampes, cartes et plans, etc.). La numérisation de l'ensemble de ces projets pourrait représenter un montant de l'ordre de 150 M€ . D'ici au 20 octobre 2011, les entreprises intéressées devaient proposer des solutions de cofinancement de la numérisation et de valorisation économique. Après examen des propositions (savoir-faire, expérience et potentiel des entreprises, importance des apports privés, conditions proposées à la BnF, ...) et discussion avec la BnF, les meilleurs dossiers seront présentés en fin d'année devant le comité d'engagement du Commissariat général à l'investissement (CGI) et susceptibles de bénéficier de cofinancements de l'État.

Source : ministère de la culture et de la communication


* 1 M. Marc Tessier : « La numérisation du patrimoine écrit, Bibliothèque des rapports publics » - La documentation Française - 12 janvier 2010.

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