Avis n° 110 (2011-2012) de Mme Claudine LEPAGE , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 17 novembre 2011

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N° 110

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2011

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2012 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME V

Fascicule 2

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES :
LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

Par M. Jacques LEGENDRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Marie-Christine Blandin , présidente ; MM. Jean-Étienne Antoinette, David Assouline, Mme Françoise Cartron, M. Ambroise Dupont, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Catherine Morin-Desailly, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; Mme Maryvonne Blondin, M. Louis Duvernois, Mme Claudine Lepage, M. Pierre Martin, Mme Sophie Primas , secrétaires ; MM. Serge Andreoni, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Pierre Bordier, Jean Boyer, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Jacques Chiron, Mme Cécile Cukierman, M. Claude Domeizel, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Alain Dufaut, Vincent Eblé, Mmes Jacqueline Farreyrol, Françoise Férat, MM. Gaston Flosse, Bernard Fournier, André Gattolin, Jean-Claude Gaudin, Mmes Dominique Gillot, Sylvie Goy-Chavent, MM. François Grosdidier, Jean-François Humbert, Mmes Bariza Khiari, Françoise Laborde, Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Pierre Leleux, Michel Le Scouarnec, Jean-Jacques Lozach, Philippe Madrelle, Jacques-Bernard Magner, Mme Danielle Michel, MM. Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Jean-Jacques Pignard, Marcel Rainaud, François Rebsamen, Michel Savin, Abdourahamane Soilihi, Alex Türk, Hilarion Vendegou, Maurice Vincent.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 3775, 3805 à 3812 et T.A. 754

Sénat : 106 et 107 (annexe n° 17 ) (2011-2012)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Ainsi que l'avait souhaité le Parlement l'an dernier, la mission « Médias, livre et industries culturelles » distingue bien le programme 180 relatif à la presse, et le programme 334 qui retrace depuis 2011 l'ensemble des crédits consentis à la politique de l'État dans les domaines du livre et des industries culturelles, jusqu'alors dispersés sur plusieurs programmes de la mission « Culture ».

Le présent rapport est donc consacré à cette politique auxquels seront consacrés, en 2012, 259,3 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 275 millions d'euros en crédits de paiement (CP), dont 95,50 % au livre et à la lecture, 4,5 % étant dédiés aux industries culturelles.

Mais au-delà des crédits, votre rapporteur souhaite évoquer les défis et les actions engagées en faveur des secteurs concernés, notamment :

- la valorisation du patrimoine écrit ;

- le développement du livre numérique et le soutien à l'ensemble de la filière du livre ;

- l'encouragement à la lecture pour lequel, outre les actions de l'État, celles des collectivités territoriales mériteraient d'être mieux reconnues ;

- la politique en matière de musique enregistrée ;

- le soutien au secteur du jeu vidéo.

Tous ces secteurs sont caractérisés par un environnement à la fois mondialisé et fortement bouleversé par les technologies numériques. Les politiques publiques aident les professionnels à s'y adapter et le Parlement joue pleinement son rôle pour que les défis soient relevés dans un esprit offensif, au bénéfice de la diversité culturelle à laquelle nous sommes si attachés.

I. UNE POLITIQUE ACTIVE EN FAVEUR DU LIVRE ET DE LA LECTURE

Les politiques publiques conduites visent à la fois la valorisation du patrimoine et l'encouragement à la lecture. Il s'agit aussi de favoriser le développement et la diffusion de la création littéraire à travers l'action des différents acteurs de la chaîne du livre (auteurs, éditeurs, libraires, bibliothèques).

Comme l'indique le projet annuel de performances pour 2012, le soutien de l'État concerne les professionnels « qu'ils relèvent du secteur public ou privé, qu'ils concourent à la préservation, à la conservation, à la diffusion et à la valorisation du patrimoine écrit, ou bien à la création du patrimoine littéraire de demain, dans un souci de pluralité et de qualité et en garantissant le plus large accès possible de chacun, dans le respect des ayants droit et des principes de la propriété littéraire. Cette action s'exerce aussi à travers une mission de régulation des activités culturelles, notamment marchandes, et des professions (auteurs, traducteurs, éditeurs, diffuseurs, libraires) ».

Outre l'administration centrale et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), la mise en oeuvre de ces politiques s'appuie sur trois établissements publics à caractère administratif : la Bibliothèque nationale de France (BnF), la Bibliothèque publique d'information (BPI) et le Centre national du livre (CNL).

A. DES CRÉDITS GLOBALEMENT STABLES, SI CE N'EST LA HAUSSE LIÉE À LA RÉNOVATION DU SITE RICHELIEU DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE

Ces politiques sont conduites dans le cadre de l'action n° 1 : « Livre et lecture » du programme 334 « Livre et industries culturelles ».

Pour 2012, les crédits consacrés à cette action concentrent 95,50 % du budget du programme (contre environ 90,5 % l'an dernier), soit 247,7 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 263,3 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

Votre rapporteur pour avis relève la hausse des crédits enregistrée pour 2012 : si les AE stagnent, les crédits de paiement augmentent en revanche de 10,5 millions d'euros, soit + 4,1 %, afin d'assurer le financement de la rénovation du « Quadrilatère Richelieu ».

Cette action est décomposée en quatre sous-actions :

- sous-action 1 « Bibliothèque nationale de France » ;

- sous-action 2 « Quadrilatère Richelieu » ;

- sous-action 3 « Développement de la lecture et des collections » ;

- sous-action 4 « Édition, librairie et professions du livre ».

PLFI 2011

PLF 2012

Variation 2012/2011 en %

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Sous-action 1 « Bibliothèque nationale de France »

206 217 648

206 217 648

205 741 380

205 741 380

- 0,23

- 0,23

Sous-action 2 « Quadrilatère Richelieu »

5 000 000

15 616 000

+ 121

Sous-action 3 « Développement de la lecture et des collections »

19 271 322

19 271 322

19 593 470

19 593 470

+ 1,67

+ 1,67

Dont BPI

7 015 812

7 015 812

7 055 812

7 055 812

+ 0,57

+ 0,57

Sous-action 4 « Édition, librairie et professions du livre »

22 330 000

22 330 000

22 330 000

22 330 000

-

-

Dont CNL

2 825 000

2 825 000

2 825 000

2 825 000

-

-

Total action « Livre et lecture »

247 818 970

252 818 970

247 664 850

263 280 850

- 0,062

+ 4,13


• Les crédits accordés à la Bibliothèque nationale de France (BnF) (sous-action 1)
s'élèvent à 205 741 380 millions d'euros en CP=AE, dont 189,9 millions au titre du fonctionnement (soit 95 % de son budget, les 5 % restant reposant sur ses ressources propres) et 15,3 millions au titre de l'investissement. Cette évolution recouvre une légère diminution (- 0,23 %) de la subvention attribuée à la BnF, consécutive à une réduction de ses effectifs  (- 1,6 %). Le projet annuel de performances indique que le budget 2011 « est excédentaire de 4,26 millions d'euros, de manière à dégager une capacité d'autofinancement suffisante pour prendre en charge ses investissements, et notamment ses acquisitions ».


Les crédits de la sous-action 2 « Quadrilatère Richelieu » , destinés au financement de la rénovation et de l'aménagement de ce site de la Bibliothèque nationale de France, s'élèvent à 15,6 millions d'euros en crédits de paiement (contre 5 millions l'an dernier), tandis qu'un apport complémentaire de la BnF à hauteur de 12 millions d'euros est prévu pour la période 2010-2013, dont 2 millions pour 2011 et 10 millions pour 2012.

Rappelons que ce site doit être totalement rénové, notamment pour assurer la sécurité des personnes et des biens ainsi que la sûreté des collections patrimoniales. Il s'agit également de renouveler et de moderniser les services offerts aux publics. En effet, partagés entre la BnF, l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) et l'École nationale des Chartes (ENC), ce lieu doit contribuer à renforcer le pôle scientifique et culturel en matière d'histoire de l'art.

Le coût total du projet est évalué à 211 millions d'euros ; il fait l'objet d'un financement interministériel, la participation du ministère de la culture s'élevant à 81 % du total, soit 171 millions d'euros, dont 137,5 millions sur le présent programme « Livre et industries culturelles ». Il s'agit là d'une des priorités des grands projets immobiliers du ministère, dont la phase des travaux est prévue de 2011 à 2017.


Les crédits de la sous-action 3 « Développement de la lecture et des collections » s'établissent à 19,6 millions d'euros en CP=AE, dont 7,1 millions destinés à la Bibliothèque publique d'information (BPI), soit une hausse de 1,55 % par rapport au projet de loi de finances initial pour 2011.

Les dépenses d'intervention s'établissent à 12,3 millions d'euros en AE=CP, dont 2,1 millions en crédits centraux et 10,2 millions en crédits déconcentrés .

B. LA PRIORITÉ ACCORDÉE À LA VALORISATION DU PATRIMOINE ECRIT

La conservation, l'enrichissement et la valorisation du patrimoine écrit sous toutes ses formes (manuscrite, imprimée, graphique et désormais numérique) constituent un objectif clairement identifié comme prioritaire de la politique culturelle de l'État.

1. Le cadre des actions de soutien aux bibliothèques

La politique du ministère de la culture et de la communication en la matière comprend deux volets principaux : d'une part, l'action de la Bibliothèque nationale de France (35 millions de documents conservés), d'autre part, le soutien aux bibliothèques territoriales détenant des fonds patrimoniaux.

Le contrat de performance de la BnF pour la période 2009-2011 s'articule autour de six objectifs stratégiques prioritaires :

- être une bibliothèque numérique de référence ;

- enrichir, signaler et préserver les collections nationales ;

- conduire la rénovation du « quadrilatère Richelieu » et rationaliser le patrimoine immobilier ;

- accroître, diversifier et satisfaire les publics ;

- développer la présence de la Bnf sur la scène nationale, européenne et mondiale ;

- préparer la Bnf aux mutations de son environnement en garantissant les conditions de son développement.

Signalons que le conseil d'administration du 28 juin 2011 a approuvé un avenant qui prolonge notamment les objectifs du contrat sur la période 2011-2013 , par cohérence avec le deuxième mandat de son président - M. Bruno Racine - et avec le cadre budgétaire triennal (2011-2013).

Les collections d'État conservées dans les 500 bibliothèques territoriales - dont 54 bibliothèques municipales classées - comprennent, quant à elles, 30 millions de documents. L'action du ministère de la culture et de la communication à leur égard est conçue, depuis 2004, autour du plan d'action pour le patrimoine écrit (PAPE). Ce dernier propose un cadre stratégique et opérationnel aux collectivités et mobilise environ 5 millions d'euros par an (crédits de coopération BnF compris), ainsi que le réseau des conservateurs d'État (une centaine) mis à disposition des collectivités.

2. Un point sur l'enjeu majeur de la numérisation des oeuvres

La numérisation du patrimoine écrit constitue un enjeu majeur de la politique menée par le ministère de la culture et de la communication (MCC) en matière d'accès à la culture dans le contexte de la société numérique. Les bibliothèques publiques considèrent la numérisation de leurs collections comme un impératif et, partout dans le monde, se créent de vastes bibliothèques numériques. Votre rapporteur se réjouit à cet égard du rôle précurseur joué par la France, dans un double souci de mise à disposition des oeuvres au public ainsi que de respect du patrimoine français et des droits d'auteur.

La Bibliothèque nationale de France est opérateur de l'État et tête de réseau des bibliothèques françaises en la matière. Elle a entrepris depuis plusieurs années la constitution de la bibliothèque numérique Gallica, agrégateur du portail européen Europeana. Celle-ci est aujourd'hui en phase de fort développement et de modernisation à partir de différents financements : depuis 2007, les ressources du Centre national du livre (CNL), à compter de 2012, l'investissement privé et les financements mis en place dans le cadre des investissements d'avenir.

UN RAPPEL DES ÉTAPES ET PERSPECTIVES

La BnF a créé sa bibliothèque numérique dans les années 1990. A vocation sélective et encyclopédique, elle propose environ 80 000 documents en mode image au début des années 2000. A partir de 2005, en contrepoint des projets de numérisation de Google, la BnF se lance dans une politique de numérisation de masse d'ouvrages libres de droits avec le soutien du Centre national du livre. La numérisation en mode texte est adoptée tandis que les différents critères de qualité sont progressivement améliorés.

Fin 2007, la réalisation d'un premier marché de numérisation de masse (2007-2010) est confiée par la BnF à un groupement de compétences (Safig, Banctec, Spigraph, Isako, Diadéis). Afin de mobiliser les ressources nécessaires à cette politique, la taxe parafiscale sur les appareils de reprographie perçue par le CNL a été élargie à de nouveaux matériels (les appareils « multifonctions », notamment les scanners-imprimantes-photocopieurs). Ces ressources nouvelles (de l'ordre de près de 6 M€ par an pour la BnF) ont été gérées par une commission spécifique du Centre national du livre. Début 2011, ce sont 1,3 million de documents, dont environ 300 000 livres, qui sont consultables en ligne.

Les documents numérisés sont par ailleurs signalés sur le portail européen Europeana, dont Gallica est l'un des agrégateurs pour la France. Au même moment, la BnF a lancé un nouveau marché de numérisation de masse (2011-2014) pour un objectif de numérisation de 60 000 documents par an, avec des critères de qualité plus élevés correspondant à l'évolution de la technologie et des besoins. Le CNL poursuivra sa participation au financement de la numérisation à la BnF dans le cadre d'une convention entre les deux établissements publics élaborée au printemps 2011. L'apport du CNL devrait être maintenu à 6 M€ par an sur la période du nouveau marché.

Gallica s'est également ouverte aux ouvrages sous droits qui ont été rapidement perçus comme un enjeu majeur par l'État : fin 2007, de premières discussions avec le Syndicat national de l'édition (SNE) ont permis aux éditeurs français d'être présents sur Gallica à travers le signalement dans ce portail de près de 20 000 livres contemporains numérisés. Les documents sont consultables, sous conditions, sur le site de distributeurs numériques. Le CNL soutient les éditeurs et les distributeurs en ligne participant à la diffusion numérique de documents sous droits, notamment dans le cadre de projets interprofessionnels ou en lien avec l'expérimentation Gallica (ce qui implique de prouver la titularité des droits numériques, et de respecter le cahier des charges techniques défini par le SNE et la BnF).

La question d'un éventuel partenariat avec la société Google, permettant à la BnF d'aller encore plus loin pour la numérisation des collections de livres, s'est également posée fin 2009 : le rapport 1 ( * ) de Marc Tessier , remis le 12 janvier 2010 au ministre de la culture et de la communication, a proposé des éléments de doctrine et plusieurs axes pour la politique de numérisation du livre. Il souligne d'abord qu'une relance de la numérisation de masse à la BnF et le passage à un rythme supérieur de numérisation posent la question des moyens, et plus particulièrement des moyens humains alloués à cette politique dans le cadre du plafond d'emploi de l'établissement. Le rapport préconise également d'ouvrir le pilotage de la plate-forme Gallica aux acteurs de la chaîne du livre. Tirant les conséquences de l'effort national de financement public de la numérisation, sans égal en Europe, il préconise également la mise en place de partenariats équilibrés avec des acteurs privés, une politique nationale de diffusion ne pouvant être portée par la seule bibliothèque nationale mais devant au contraire fédérer les intérêts et les compétences de toutes les parties concernées. Enfin, deux préalables sont posés à ces partenariats avec des acteurs privés : le respect du droit d'auteur et la définition des conditions dans lesquelles les données personnelles des internautes seront conservées, voire utilisées.

A partir de 2010, les financements issus de l'emprunt national pour les investissements d'avenir sont la voie envisagée pour franchir un nouveau palier de développement de la numérisation, développer une offre légale et mieux valoriser les fonds numériques. Les investissements d'avenir ont en effet pour objet de renforcer et de stimuler le potentiel de croissance de la France par une politique volontariste d'investissement dans quelques axes stratégiques. Parmi ces axes stratégiques, le Gouvernement a décidé d'allouer une enveloppe de 4,5 milliards d'euros pour développer une économie numérique. Le programme « Développement de l'économie numérique » comporte ainsi une action n° 2, dotée de 2,25 milliards d'euros, qui a pour objet de favoriser le développement des services, usages et contenus numériques innovants au travers de plusieurs axes dont la numérisation et la valorisation des contenus culturels, scientifiques ou éducatifs,

La Caisse des dépôts et consignations est chargée de la gestion de ces crédits par le biais du Fonds national pour la société numérique (FSN). La Caisse des Dépôts pourra mettre en oeuvre des financements sous forme de subventions ou d'avances remboursables, notamment pour soutenir des projets de « recherche, développement et innovation ». Ce volet « soutien à l'innovation » viserait à soutenir l'effort des acteurs nationaux pour développer les technologies et outils nécessaires à l'économie des contenus numériques, et notamment à l'exploitation des contenus numérisés. Néanmoins, c'est principalement sous la forme de prise de participation ou de prêts (75 %) que la Caisse des dépôts interviendra, selon le principe de l'investisseur avisé. Les projets dont le plan d'affaires présente les perspectives de retour sur investissement à moyen terme les plus favorables seront retenus en priorité.

Ainsi, dans ce cadre, la BnF a réfléchi depuis plus d'un an à des partenariats privés autour de projets de numérisation à grande échelle de documents libres de droit mais aussi à des programmes de valorisation des savoir-faire qu'elle a développés (projet de magasin numérique SPAR). En juillet 2011, l'établissement a lancé un appel à partenariats auprès d'acteurs privés, français ou étrangers, portant notamment sur douze projets de numérisation de différents corpus (livres anciens, livres du XIX e siècle, mais aussi presse ancienne du XIX e siècle, disques 78 tours et microsillons, estampes, cartes et plans, etc.). La numérisation de l'ensemble de ces projets pourrait représenter un montant de l'ordre de 150 M€ . D'ici au 20 octobre 2011, les entreprises intéressées devaient proposer des solutions de cofinancement de la numérisation et de valorisation économique. Après examen des propositions (savoir-faire, expérience et potentiel des entreprises, importance des apports privés, conditions proposées à la BnF, ...) et discussion avec la BnF, les meilleurs dossiers seront présentés en fin d'année devant le comité d'engagement du Commissariat général à l'investissement (CGI) et susceptibles de bénéficier de cofinancements de l'État.

Source : ministère de la culture et de la communication

3. La nécessité de légiférer pour rendre disponibles les oeuvres du XXe siècle

Cependant, les ressources des bibliothèques numériques étant limitées aux titres du domaine public (XV e -XIX e siècles), la production éditoriale du XX e siècle, toujours protégée par le droit d'auteur, reste difficilement accessible au public.

En effet, pour des raisons de faible rentabilité économique, une grande partie des titres publiés au XX e siècle n'a pas été rééditée. Les titres sont épuisés sous forme imprimée, indisponibles dans le commerce et ne sont plus accessibles que dans les bibliothèques. Dans ce contexte, la numérisation est le seul horizon envisageable pour faire renaître cet important corpus 2 ( * ) , mais elle n'est juridiquement pas possible, car la titularité des droits numériques est incertaine.

La raison en est que les éditeurs n'ont fait figurer des dispositions relatives à l'exploitation numérique dans les contrats qu'à partir de la fin du XX e siècle. Les droits numériques sur ces oeuvres relativement anciennes sont revendiqués tant par les auteurs que par les éditeurs. Une campagne systématique d'adaptation de centaines de milliers de contrats anciens à la réalité digitale constituerait, pour eux, un travail difficile, disproportionné et peu rationnel du point de vue économique. Hors quelques titres au potentiel commercial réel, les modèles d'affaires sous-jacents à la réexploitation numérique de ces oeuvres sont peu compatibles avec les coûts de transaction qu'entrainerait la mise à jour des contrats. Par conséquent, à l'heure actuelle, les éditeurs ne peuvent pas envisager d'exploitation numérique marchande dans un environnement juridique sécurisé.

Quant aux bibliothèques, elles ne sont pas davantage titulaires des droits numériques sur ces oeuvres indisponibles et, en l'état du droit, la reproduction numérique par les bibliothèques d'oeuvres protégées, sans qu'elles y soient autorisées, constitue une contrefaçon, quand bien même lesdites oeuvres ne seraient plus exploitées par les ayants droit.

La situation est incompréhensible pour le lecteur, puisqu'elle crée une discontinuité d'un siècle dans le corpus des livres disponibles au format numérique. C'est pourquoi elle a facilité les attaques contre le droit d'auteur, perçu comme une entrave au développement de la société de l'information.

Il importe donc de trouver des solutions juridiques et économiques innovantes au problème des oeuvres indisponibles, qui réconcilient les objectifs de la société de l'information et le droit d'auteur, et montrent que ce dernier est suffisamment flexible pour être adapté, sans pour autant que ses fondements ne soient remis en cause.

Cette question a fait l'objet d'un accord-cadre signé, le 1er février 2011, avec le Commissariat général aux investissements (CGI) et les représentants des pouvoirs publics, ceux des auteurs et ceux des éditeurs.

Les principes partagés par l'ensemble des parties sont les suivants :

- toute mesure législative nécessaire pour permettre la numérisation de ce corpus, cette mesure devrait rester strictement circonscrite à son objet, qui consiste à adapter les principes actuels du droit d'auteur à l'ère numérique ;

- l'exploitation des livres numérisés doit revenir prioritairement aux éditeurs et aux ayants droit, des tiers ne devant pouvoir y prétendre qu'à titre subsidiaire ;

- la gestion collective semble la voie la plus adaptée pour une nouvelle exploitation de ces livres.

Cette question semble faire l'objet d'un consensus entre auteurs et éditeurs : la question de la titularité des droits serait donc réglée par l'instauration d'une gestion collective des droits numériques sur les oeuvres indisponibles par une société de perception et de répartition des droits (SPRD).

Le code de la propriété littéraire et artistique devant être modifié à cette fin, votre rapporteur a déposé, le 21 octobre 2011, une proposition de loi « relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XX e siècle ».

Cette dernière poursuit deux objectifs principaux :

- en premier lieu, il s'agit tout d'abord d'éviter le trou noir que représente le XX e siècle pour la diffusion numérique des livres français en permettant à des oeuvres devenues indisponibles, dont certaines très récentes, de trouver une nouvelle vie au bénéfice des lecteurs . Par là, la proposition vise à offrir les conditions du développement d'une offre légale abondante de livres numériques pour faire démarrer ce marché naissant ;

- en second lieu, la proposition vise à permettre aux auteurs et aux éditeurs de se réapproprier leurs droits, afin de les exploiter selon de nouveaux modèles pouvant trouver leur pertinence et leur équilibre.

Au moment où Google renonce, aux États-Unis, à son accord transactionnel (dit « Settlement ») qu'il espérait conclure avec les ayants droit du monde entier pour faire valider la copie, sans autorisation, des oeuvres protégées conservées par les bibliothèques, l'adoption et la mise en oeuvre de ce texte ferait de la France le premier pays au monde à disposer d'un mécanisme moderne et efficace pour régler la question des oeuvres indisponibles , qui constitue aujourd'hui un obstacle majeur à la numérisation de notre patrimoine éditorial. C'est pourquoi votre rapporteur forme le voeu d'une adoption rapide de cette proposition de loi par le Parlement.

Quand cette étape sera franchie, un projet de numérisation des livres concernés pourra être soumis au Commissariat général aux investissements. Le coût total de ce projet est estimé à 50 millions d'euros.

C. LE SOUTIEN AUX PROFESSIONS DU LIVRE

1. Des crédits stables en euros courants

Au sein de l'action 3 « Livre et lecture » du programme 180, la sous-action 4 concerne l'édition, la librairie et les professions du livre.

Les crédits inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2012 s'établissent à un montant identique à celui du projet de loi de finances initial pour 2011, donc en euros courants, soit :

- 22,3 millions d'euros de fonctionnement , dont 2,8 millions pour le Centre national du Livre (CNL), en autorisations de programme (AE) et en crédits de paiement (CP) ;

- et à 19,5 millions d'euros de dépenses d'intervention en AE et en CP, dont 84,6 % de crédits centraux.

Ces derniers seront donc de 16,5 millions d'euros, dont 11,4 correspondent au droit de prêt en bibliothèque, afin de rémunérer les auteurs et les éditeurs au titre du prêt de leurs livres en bibliothèque, et 5,1 millions d'euros sont destinés au soutien à divers organismes du secteur de l'édition et des librairies.

Quant aux crédits déconcentrés, de 3 millions d'euros, gérés par les directions régionales d'action culturelle, ils se répartissent ainsi :

- 28,3 % au titre des aides aux maisons d'édition ;

- 36,7 % pour les aides aux librairies, en vue notamment de préserver le maillage du territoire en librairies indépendantes ;

- 35 % d'aides aux salons.

2. La nécessaire sécurisation du financement du Centre national du livre (CNL)
a) Vers une réforme de la taxe reprographie/impression ?

L'opérateur de l'État dans ce secteur est le Centre national du livre (CNL). Il porte l'essentiel des interventions économiques en direction du secteur du livre et ses missions couvrent l'ensemble de la filière, de la création à la diffusion des oeuvres, en passant par leur édition et promotion.

Il redistribue ainsi chaque année aux acteurs près de 30 millions d'euros sous forme de prêts ou de subventions dans le cadre de ses missions statutaires, dont les objectifs sont à la fois culturels et économiques. Il s'agit d'encourager la création, l'édition, la promotion et la diffusion d'oeuvres littéraires ou scientifiques de qualité, grâce à des actions de soutien aux divers acteurs de la chaîne du livre.

Le décret n° 2010-430 du 27 avril 2010 a harmonisé le statut du CNL avec celui des autres établissements publics. Sous la tutelle du service du livre et de la lecture (SLL) de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère, la gouvernance du CNL est désormais assurée par un président exécutif. Ce dernier est nommé par le Président de la République sur proposition du ministre de tutelle et chargé de mener le conseil d'administration et d'assurer la direction de l'établissement.

En 2010, les recettes de l'établissement se sont élevées à 43 millions d'euros, provenant pour l'essentiel (78 %) du produit des deux taxes qui lui sont affectées :

- la taxe sur l'édition des ouvrages de librairie, de nature redistributrice, est due par les éditeurs à raison des ventes d'ouvrages de librairie. Elle est perçue au taux de 0,2 % sur la même assiette et dans les mêmes conditions que la TVA. Les éditeurs dont le chiffre d'affaires de l'année précédente n'excède pas 76 000 euros en sont exonérés. Son produit représente environ 14 % des ressources du Centre, soit 5 millions d'euros attendus pour 2011 ;

- la taxe relative aux appareils de reprographie et, depuis 2007, de reproduction ou d'impression, de nature compensatrice, concerne les ventes de ces appareils. Elle a pour objet d'apporter une réparation partielle au préjudice subi par les éditeurs et auteurs du fait du développement de l'usage de la reprographie. Elle est perçue au taux de 3,25 % (2,25 % jusqu'à fin 2009). Toutefois, cet ajustement n'a pas suffit à enrayer la baisse du produit de cette taxe entre 2007 et 2009.

Depuis cette date, son produit est redevenu dynamique : il est passé de 21,2 millions d'euros en 2009 à 28,1 en 2010 et devrait atteindre 30,2 millions en 2011.

Néanmoins, comme elle l'a fait depuis deux ans, votre commission demandera au ministre de préciser les intentions du Gouvernement en vue de modifier une nouvelle fois l'assiette de la taxe. On pourrait, en effet, envisager d'y inclure les consommables de ce type de matériels et de ramener parallèlement le taux de la taxe à 1,35 %.

Cette réforme semble nécessaire compte tenu du renforcement des missions du CNL et du caractère prioritaire des actions à engager, notamment en faveur des librairies et du livre numérique.

Elle figure également parmi les propositions avancées par le récent rapport d'information de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de l'Assemblée nationale sur le « Financement de la culture : budget de l'État ou taxes affectées ? » 3 ( * ) . La MEC reconnaît néanmoins la rebudgétisation des taxes affectées au CNL et de son financement.

LES SOLUTIONS ENVISAGÉES PAR LE RAPPORT D'INFORMATION
DE LA MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE (MEC)
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

« Une augmentation de la taxe sur le chiffre d'affaires de l'édition ne semble pas opportune afin de ne pas faire peser un coût supplémentaire sur une économie déjà fragilisée par les mutations liées à la révolution numérique.

Quant à la taxe reprographie/impression, les récentes augmentations ont rendu les fabricants d'appareils plus attentifs à toute nouvelle évolution. Les risques économiques et juridiques liés à toute nouvelle augmentation devraient être attentivement étudiés ex ante. Toutefois, la taxation des consommables, dont les ventes représentent une part croissante, pourrait constituer une mesure intermédiaire.

Des pistes de réforme du mode de financement sont actuellement à l'étude :

- créer une taxe globale sur le chiffre d'affaires des industries et services d'impression et de gestion de documents, sous forme de taxe compensatoire ;

- intégrer le domaine du livre dans tous les éventuels mécanismes à venir impliquant les fournisseurs d'accès Internet (FAI) ;

- intégrer les excédents du Centre français de la copie (CFC) et de la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit (SOFIA), et taxer les différents supports et appareils numériques contenant des écrits (ordinateurs portables, smartphones et liseuses).

Pour sa part, conformément aux principes qu'elle a dégagés et eu égard au produit relativement modeste des taxes affectées au CNL, la MEC recommande d'envisager la rebudgétisation de son financement. »

Enfin, le rapport recommande un resserrement du dispositif de soutien, qui comporte aujourd'hui une trentaine de dispositifs.

b) L'impact pour le CNL du « coup de rabot » sur le produit des taxes affectées aux opérateurs de l'État

L'Assemblée nationale a adopté des amendements du Gouvernement tendant à plafonner le produit des taxes affectées aux opérateurs de l'État à partir de 2012.

Cette démarche a certes pour objectif de les soumettre à l'effort de modération de la dépense publique et de réintégrer dans le champ de l'autorisation parlementaire annuelle le niveau des taxes qui leur sont affectées, ainsi que l'a recommandé le rapport précité de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de l'Assemblée nationale.

Il ne faudrait pas cependant qu'elle fragilise un opérateur qui, tel le CNL, voit ses missions renforcées en raison des difficultés rencontrées par les acteurs qu'elle a vocation à soutenir. A cet égard, la situation des libraires est emblématique .

D'après les informations fournies à votre rapporteur, l'impact de cette mesure devrait être néanmoins relativement limité pour le CNL, en tout cas pour l'an prochain :

- la taxe sur l'édition serait plafonnée à 5,1 millions d'euros, mais cela devrait être neutre pour les éditeurs car le rendement de cette taxe baisse d'année en année (5,04 millions d'euros en 2010), compte tenu de l'évolution du marché ;

- la taxe reprographie/impression serait plafonnée à 28,2 millions d'euros. Les recettes attendues pour 2011 se situant entre 30,2 et 30,4 millions, le manque à gagner est évalué entre 2 et 2,2 millions.

Relevons que le rapport de la MEC suggère même, eu égard au produit relativement modeste des taxes affectées et aux risques pesant sur leur rendement, que soit étudiée la « rebudgétisation » du financement du CNL.

Votre rapporteur demandera au ministre les suites que le Gouvernement envisage de donner à l'ensemble des propositions de la MEC relatives au CNL et des garanties quant à la nécessaire sécurisation des moyens du CNL.

3. Un soutien vital aux librairies

Leur rôle culturel de proximité, leurs actions en faveur de la diffusion du livre dans toute sa diversité et leur fragilité économique réelle justifient des dispositifs de soutien spécifiques en faveur des librairies.

La librairie figurait parmi les trois priorités inscrites dans le Plan livre , présenté en conseil des ministres le 14 novembre 2007, dont les principales mesures ont depuis été mises en oeuvre. D'autres mesures complémentaires en faveur de la librairie ont été annoncées par le ministre de la culture et de la communication à l'occasion des Rencontres nationales de la librairie organisées en mai 2011 :

- les aides du Centre national du livre (CNL) ont été revalorisées pour représenter 2,5 millions d'euros en 2010, dont 842 000 euros consommés à travers le dispositif « VAL », créé pour soutenir la mise en valeur des fonds en librairies (192 aides accordées en 2010) ;

- au titre des crédits d'intervention des DRAC, 1,1 million d'euros a été consacré en 2010 pour soutenir des travaux d'aménagement, des projets d'équipement mobilier ou d'informatisation, ou encore la mise en place de programmes d'animations culturelles ;

- le fonds de soutien à la transmission de l'Association pour le développement de la librairie de création (ADELC), créé en 2008 et doté par l'État de 3 millions d'euros, permet aux repreneurs de librairies d'étaler leurs remboursements sur plusieurs années. Depuis 2008, 22 librairies ont bénéficié de ce fonds pour un montant total de 1,7 million d'euros ;

- le label de Librairie indépendante de référence (LiR) mis en place par un décret du 8 avril 2009 est destiné à soutenir et valoriser le travail de sélection, de conseil et d'animation culturelle réalisé par des librairies indépendantes, qui jouent un rôle déterminant pour la promotion de la diversité éditoriale et participent à l'aménagement du territoire. Valable pour une durée de trois ans, il est accordé par le ministre de la culture et de la communication, sur le rapport du président du CNL, après délibération d'une commission, composée de professionnels du livre et de représentants de l'État et des collectivités territoriales, chargée d'examiner et d'émettre un avis sur chacune des demandes de label.

Ce label ouvre la possibilité de bénéficier, après délibération des collectivités territoriales compétentes d'une exonération des cotisations qui composent la contribution économique territoriale.

À l'issue de la troisième campagne de labellisation qui s'est tenue en juin 2011 et a permis d'accorder le label à 46 nouveaux établissements, on dénombre désormais 510 librairies labellisées réparties sur l'ensemble du territoire, dans des grandes villes comme dans des petites ou moyennes communes, qui témoignent de la forte homogénéité du maillage territorial de la librairie indépendante dans notre pays.

En 2011, le dispositif a été élargi, et l'on peut s'en réjouir, afin de pouvoir distinguer :

- dans un souci d'aménagement culturel du territoire, des librairies implantées dans des villes moyennes et petites dont l'engagement en faveur de la diffusion du livre est indéniable mais qui ne peuvent satisfaire aux critères stricts du décret de 2009 ;

- des librairies sans indépendance capitalistique, mais bénéficiant d'une réelle autonomie de choix et de gestion, permettant un travail de qualité (par exemple, certaines librairies d'éditeurs) ;

- par ailleurs, d'après une étude de 2010 du ministère portant sur l'accès des librairies aux marchés d'achats de livres des bibliothèques , la librairie se trouve aujourd'hui dans une position nettement plus favorable sur ces marchés qu'elle ne l'était avant la loi du 18 juin 2003. Cependant, les réformes successives du code des marchés publics ont conduit certaines collectivités à recourir plus systématiquement aux librairies importantes, plutôt qu'aux librairies de proximité, qui se trouvent ainsi fragilisées. En effet, ces marchés publics représentent souvent 15 à 20 % de leur chiffre d'affaire et, compte tenu de la très faible rentabilité de nombre d'entre elles (moins de 1 % de bénéfice par rapport au chiffre d'affaires net pour 15 % d'entre elles, d'après les informations fournies à votre rapporteur), toute perte de marché peut leur être fatale et peser par conséquent aussi sur l'emploi . En effet, le poids de la masse salariale dans le chiffre d'affaires des librairies de référence est très supérieur à celui des chaînes de diffusion ou de la grande distribution.

A l'été 2011, a été publié, un vade-mecum de l'achat public de livres, destiné à aider les acteurs publics dans la préparation de leurs marchés de bibliothèques ; il est notamment important d'appréhender la spécificité de ces marchés, pour lesquels la différence tient aux services rendus et non aux prix, qui sont plafonnés. Cette action pédagogique était nécessaire. Votre rapporteur insiste pour qu'elle soit renforcée par d'autres mesures de sensibilisation des élus aux enjeux pour l'avenir de l'animation culturelle de nos villes.

L'effritement du marché en 2011 requiert un volontarisme politique des élus pour soutenir ces acteurs majeurs de la filière. Ces derniers s'organisent pour valoriser leurs atouts qui sont réels.

Ils ont conclu avec leurs salariés une nouvelle convention collective en 2011, comportant une nouvelle grille des qualifications qui permet une meilleure reconnaissance de leurs grandes compétences. Par ailleurs, ils mettent en place une nouvelle version de leur portail numérique, afin de permettre la géolocalisation des stocks des libraires de proximité. Cette initiative ne suffira cependant pas à renforcer leur attractivité face aux multinationales qui ont investi le marché. C'est pourquoi, votre rapporteur est convaincu que si les librairies doivent trouver leur place dans la sphère numérique, il leur faut surtout conserver leur rôle de conseil et de proximité grâce à une présence physique sur les territoires.

A cette fin, la solidarité des différents acteurs de la filière doit également impérativement jouer.

D. UN ENJEU MAJEUR : DONNER OU REDONNER LE GOÛT DE LA LECTURE

1. Les actions de soutien à la lecture publique

L'État joue un rôle moteur en matière d'expérimentation et d'innovation dans le secteur de la lecture. En effet, la lecture publique est une compétence décentralisée et les collectivités territoriales lui consacrent beaucoup de moyens et d'initiatives - qu'il serait utile d'évaluer - par le biais des bibliothèques, médiathèques, bibliobus, etc. Ceci étant, le rôle de l'État reste capital dans l'impulsion de politiques nationales destinées à favoriser le développement de la lecture sur l'ensemble du territoire.

A cet égard, rappelons que, le 30 mars 2010, le ministre de la culture avait annoncé 14 propositions pour le développement de la lecture , afin notamment de promouvoir le rôle des bibliothèques en tant que médiateurs culturels, dans l'univers digital aussi bien que matériel.

Elles s'articulant autour de 3 axes :

- l'adaptation des structures aux nouveaux usages ;

- l'accompagnement des projets innovants ;

- la conception d'outils d'aide à la décision.

Ce plan d'action, dont l'objectif est de replacer la lecture au centre de la culture, est mis en oeuvre dans le cadre de la directive nationale d'orientation (DNO) 2011-2013, grâce à des partenariats originaux noués entre l'État, les collectivités territoriales et les associations de développement de la lecture des jeunes et des populations éloignées de la lecture.

Un premier bilan d'application du plan est annexé au présent rapport.

Plus généralement, le ministère soutient l'action :

- des collectivités territoriales à travers les bibliothèques municipales (environ 4 000 établissements) et les bibliothèques départementales de prêt (97 établissements) ;

S'agissant des pratiques de lecture, le relais principal de l'action publique est la Bibliothèque publique d'information, établissement public de référence pour l'ensemble des bibliothèques territoriales. Un travail est en cours entre le ministère de la culture et de la communication et l'établissement, afin de rendre à la Bpi son rôle de laboratoire en matière de pratiques de lecture au service de toutes les bibliothèques, d'une part au niveau local en élargissant considérablement les publics qui la fréquentent et, d'autre part, en refondant la politique de coopération de l'établissement en région. Le contrat de performance qui doit être finalisé en 2011 traduira ces nouvelles orientations ;

- d'organismes associatifs oeuvrant dans le domaine de la lecture, en intervenant de façon directe ou bien à travers ses établissements publics, comme la Bibliothèque publique d'information (Bpi).

RAPPEL DES MISSIONS DE
LA BIBLIOTHÈQUE PUBLIQUE D'INFORMATION (Bpi)

La Bpi est une bibliothèque de référence insérée au sein du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou ; ses missions statutaires sont :

- d'offrir à tous, et dans toute la mesure du possible en libre accès, un choix constamment tenu à jour de collections françaises et étrangères de documents d'information générale et d'actualité ;

- de constituer un centre de recherche documentaire en liaison avec les autres centres, bibliothèques et établissements culturels.

Cependant, pour l'essentiel, le soutien de l'État à la lecture publique et à son développement passe par le concours particulier « bibliothèques » de la dotation générale de décentralisation ( DGD ), imputée sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du ministère de l'intérieur. L'instruction des dossiers est cependant conduite, en partenariat, par les services du ministère de la culture.

Ces crédits devraient s'établir à 80,4 millions en 2012 et permettre de soutenir plus de 600 opérations d'équipement en région par an.

Il s'agit de renforcer le soutien aux investissements en faveur de l'accessibilité des équipements et aux services aux personnes en situation de handicap ainsi que de développer le numérique dans les bibliothèques, en particulier dans le cadre de « contrats numériques », conclus avec les collectivités territoriales et fondés sur les services aux usagers utilisant le numérique et sur des collections numérisées.

2. Une nécessité compte tenu de l'évolution des pratiques culturelles des Français
a) S'adapter au jeune lecteur

La dernière enquête sur les pratiques culturelles des Français, publiée à l'automne 2009 par le Département Études Prospectives et Statistiques (DEPS) du ministère de la culture, a confirmé la lente érosion de la lecture dans son mode traditionnel.

Ainsi, hors lectures professionnelles et livres lus aux enfants, mais y compris les bandes dessinées, 70 % des Français de 15 ans et plus ont lu en 2008 au moins 1 livre, 39 % ont lu de 1 à 9 livres, 14 % ont lu de 10 à 19 livres et 17 % ont lu 20 livres et plus.

On constate une érosion de la lecture et une baisse de fréquentation des bibliothèques ; mais ce phénomène, ancien et non spécifique à la France ne doit pas être considéré comme irréversible.

En effet, cette enquête confirme une montée de nouveaux usages de l'écrit. Les 14-25 ans forment une « génération des écrans » qui pourrait retrouver le chemin de la lecture par l'intermédiaire des technologies numériques.

Les jeunes constituant les lecteurs de demain, ils doivent bien entendu faire l'objet d'une attention toute particulière. A cet égard, votre rapporteur souligne tout l'intérêt de l'axe II du plan présenté ci-dessus, qui concerne l'accompagnement des projets innovants, plus particulièrement à destination des jeunes.

b) Renouveler les approches : l'exemple des « Villages du livre »

Par ailleurs, votre rapporteur se réjouit des initiatives portées par des acteurs à la fois publics et privés, qui permettent de renforcer la vitalité culturelle d'un territoire. Tel est, notamment, le cas des salons et festivals du livre, ou des « villages du livre » , villages ou petites villes rurales dans lesquels se sont installés des commerces de vente de livres (neufs ou d'occasion) et d'artisanat relatif au livre.

LES HUIT VILLAGES DU LIVRE EN FRANCE

Ambierle (Rhône-Alpes) Bécherel (Bretagne)

Cuisery (Bourgogne du sud) Esquelbecq (Flandres françaises)

Fontenoy-la-Joûte (Meurthe-et-Moselle) La Charité sur-Loire (Bourgogne)

Montmorillon (Poitou-Charentes) Montolieu (Languedoc-Roussillon)

Votre rapporteur, élu du Nord, s'est bien entendu intéressé tout particulièrement à celui d'Esquelbecq, créé en 2007 au coeur de la Flandre. Grâce à l'énergie et à la passion des professionnels concernés, au soutien actif de la population et à celui, essentiel et nécessaire, des collectivités territoriales, au premier rang desquelles la commune, cette ville de 2 200 habitants vit ainsi une belle aventure littéraire. L'organisation d'animations littéraires (bals et cafés littéraires, nuit du livre), d'un marché aux livres mensuel et l'installation de libraires et bouquinistes, permet de rayonner bien au-delà de la commune concernée.

Ce type d'approche est complémentaire de celles conduites par les médiathèques ou via les technologies numériques. Il permet de développer du lien social et aussi de créer chez les jeunes - ou d'entretenir - le lien presque charnel au livre physique.

II. LE SOUTIEN AUX INDUSTRIES CULTURELLES EN MUTATION

A. DES CRÉDITS EN LÉGÈRE BAISSE

L'action « Industries culturelles » vise à rendre compte d'un ensemble de politiques transversales en faveur du développement des industries culturelles et du renouvellement de la création. Elle regroupe également des mesures de soutien plus spécifiquement tournées vers les secteurs des industries musicales et du cinéma.

Cette action n° 2 du programme 180 comprend deux sous-actions , contre trois l'an dernier, auxquelles 11,7 millions d'euros devraient être consacrées en 2012 :

- le soutien dans le domaine de la musique enregistrée (sous-action 01) est maintenu en euros courants à 681 000 euros de dépenses de fonctionnement en AE et CP. Le financement de la Carte musique n'appelle pas d'inscription budgétaire nouvelle en 2012 mais devrait être assuré grâce au report des crédits non consommés en 2011, compte tenu du peu de succès rencontré jusqu'ici par la carte ;

- le budget de fonctionnement de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet ( Hadopi) , créée par la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet (sous-action 02), qui était passé de 5,3 à 11,4 millions d'euros entre 2010 et 2011, afin de tenir compte de la montée en puissance de la Hadopi, est fixé à 11 millions pour 2012, soit une baisse de 3,6 % ;

D'après les informations fournies à votre rapporteur, la Haute autorité avait demandé à disposer de 12 millions d'euros pour 2012. Compte tenu d'un budget prévisionnel évalué à environ 13,5 millions, elle devra sans doute opérer un prélèvement sur son fonds de roulement , comme elle y a d'ailleurs déjà procédé en 2011 (pour 2,39 millions). Compte tenu notamment de la hausse prévue des effectifs de cette autorité, votre rapporteur relève que les crédits alloués en 2013 devront être augmentés, son fonds de roulement ne pouvant supporter de nouveaux prélèvements ;

- la « débudgétisation » du soutien dans le domaine du cinéma et de la protection du patrimoine cinématographique , au titre duquel étaient inscrits 13,3 millions d'euros en 2011, dont 73,5 % pour la Cinémathèque française.

La traçabilité des crédits consacrés par l'État à la Cinémathèque française, opérateur de l'État chargé de favoriser la connaissance de l'art cinématographique, s'avère difficile : après avoir été rattachés au programme « Patrimoines » de la mission « Culture » en 2010, ils l'ont été répartis entre l'action 2 « Industries culturelles » du programme « Livres et industries culturelles » et le CNC en 2011 (à hauteur de 9,3 millions d'euros), ce dernier devant les prendre en charge dans leur intégralité à compter de 2012 , à hauteur de 19,8 millions d'euros.

Précisons que le budget de la Cinémathèque est de 24,1 millions d'euros prévus pour 2011, dont 22,5 % de ressources propres ; il a augmenté de 4,5 % en un an. L'opérateur ne dispose pas de contrat de performance.

B. (R)ÉVOLUTION DES MODÈLES ÉCONOMIQUES ET RÉGULATION RENFORCÉE DES SECTEURS

Les industries culturelles européennes doivent s'adapter aux mutations qu'entraîne l'essor des technologies de l'information et de la communication et, notamment, la forte progression de l'accès à internet à haut débit.

Les bouleversements résultant de l'avènement de cette « ère numérique » obligent à penser de nouveaux modèles économiques et de nouvelles manières de rémunérer les différents acteurs des filières culturelles, toutes étant progressivement concernées, de la musique au film, en passant par le jeu vidéo et, dans une moindre mesure pour l'instant, le livre.

1. Le secteur du livre : une nécessaire anticipation des mutations

La filière du livre est la dernière à être touchée par les mutations technologiques.

Ainsi que le relevait l'étude confiée par le CNL en 2010 à Ipsos MediaCT : « la transformation des habitudes de lecture sera profonde et irréversible, mais le choc moins brutal que pour d'autres industries culturelles. Si la numérisation du livre parait irréversible, ce mouvement sera probablement moins rapide que dans d'autres industries, pour au moins deux raisons. Écouter de la musique ou voir un film s'effectue sans contact avec le support physique, au contraire de la lecture, encore intimement liée à l'objet livre. L'attachement au contenant est fort, l'affranchissement du contenu prendra donc plus de temps. Par ailleurs, le public captif de la musique et du cinéma recouvre celui de l'Internet. En revanche, le grand lecteur de livre est sensiblement moins jeune et moins technophile. Il n'est pas - encore - digital native. »

Cette situation ainsi que les spécificités du secteur permettent aux pouvoirs publics de l'accompagner sans doute plus facilement que le secteur de la musique. Il s'agit d'anticiper des évolutions que l'arrivée sur le marché de diverses liseuses et tablettes amplifiera.

a) Un Parlement mobilisé

Le secteur du livre - domaine culturel le moins subventionné - représente la première industrie culturelle en France, et une politique ambitieuse a été conduite ces dernières années en faveur de la filière. Le Sénat y a d'ailleurs beaucoup contribué.

Rappelons que votre commission avait organisé, le 28 avril 2010, une table ronde sur la question du prix du livre numérique et sur la politique de numérisation du patrimoine écrit. Après ce temps d'échanges et de débat, le Sénat a voté :

- l'alignement du taux de TVA du livre numérique sur celui du livre imprimé, soit 5,5 %, à partir du 1 er janvier 2012, afin que le prix soit suffisamment attractif pour le lecteur, tout en permettant la rémunération des professionnels ;

- une proposition de loi, dont votre rapporteur et notre ancienne collègue Catherine Dumas étaient les auteurs, sur le prix du livre numérique, afin de traduire dans ce nouvel univers l'esprit de la loi de 1981 (la loi dite « Lang ») sur le prix du livre « papier » ;

- une proposition de résolution européenne déposée le 31 mai 2011 par votre rapporteur et tendant à garantir la diversité culturelle à l'ère numérique.

(1) Un taux réduit de TVA sur le livre numérique au 1er janvier 2012

A l'occasion de la loi de finances pour 2011 4 ( * ) , le Parlement a prévu qu'un taux de TVA réduit serait appliqué aux ventes de livres numériques à compter du 1 er janvier 2012.

Certes, le droit communautaire ne permet pas aujourd'hui d'appliquer un tel taux réduit dans la mesure où il n'autorise les États membres à n'en appliquer qu'à certaines catégories de biens et de services limitativement énumérés dans l'annexe III de la directive 2006/112/CE (« système commun de TVA »). La catégorie « fourniture de livres » qui figure dans cette liste limitative se voit ainsi appliquer en France un taux de 5,5 %. En revanche, les services en ligne comme ceux destinés à fournir des livres numériques entrent dans la catégorie des services fournis par voie électronique, exclus du bénéfice d'un taux de TVA minoré. En outre, lors des dernières discussions multilatérales en la matière (2008), il avait été convenu que toute nouvelle évolution fiscale devrait attendre 2015 et le changement de règle en matière de commerce transfrontalier en Europe : en effet, jusqu'au 1er janvier 2015, la perception de la TVA s'exerce dans le lieu d'établissement du prestataire du service et non dans le lieu de consommation de ce service.

Une modification des directives communautaires étant donc nécessaire, la disposition pourrait donc faire l'objet, à partir de sa date d'application, d'une procédure contentieuse. Une modification des directives communautaires est donc nécessaire.

L'évolution de la réglementation européenne en matière de fiscalité supposant l'unanimité au Conseil, les perspectives d'obtenir à court terme un tel consensus pourraient donc paraître minces.

Cependant, les raisons politiques plaidant pour l'application d'un taux de TVA réduit au livre numérique étant impérieuses (problème de distorsions de concurrence, lutte contre le piratage, développement de l'offre légale, etc.), plusieurs éléments pourraient concourir à l'avancement de ce dossier auprès des instances communautaires :

- la nomination par le Président de la République, le 9 décembre 2010, de M. Toubon comme « ambassadeur itinérant » pour mener des concertations au niveau européen sur la fiscalité des biens et des services culturels fournis par voie électronique ;

- la publication, par la Commission européenne, en décembre 2010, du Livre vert sur l'avenir de la TVA au sein de l'Union européenne ;

- la mise en place d'une mission par le ministère de l'économie et le ministère de la culture et de la communication sur l'enjeu de l'application du taux réduit de TVA aux services culturels en ligne.

La situation budgétaire incite certes à la réflexion sur cette question, un manque à gagner pour l'État pouvant résulter de l'application d'un taux réduit. Cependant, pour votre commission, cet élément doit être considérablement relativisé car :

- le marché du livre électronique étant encore embryonnaire, d'une part, le manque à gagner est faible, et d'autre part, le niveau de la taxe constitue le paramètre sur lequel il est possible d'agir pour diminuer le prix de vente des livres électroniques afin de rencontrer les attentes des lecteurs ;

- le développement de ce marché est lié à celui des liseuses et tablettes numériques. Or, la TVA qui leur est applicable étant à 19,6 %, les recettes ainsi perçues par l'État devraient rapidement plus que compenser ledit manque à gagner.

(2) La loi du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique

Le législateur est souvent « à la traîne » des évolutions technologiques et peine à les anticiper. Et lorsqu'il décide de légiférer, les données du marché et les usages sont parfois déjà tellement installés, que son souhait de régulation intervient bien tardivement. S'agissant du livre numérique, nous avons proposé de légiférer à l'occasion de l'émergence d'un nouveau marché.

Déposée le 8 septembre 2010, la proposition de loi relative au prix du livre numérique, devenue la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011, tendait à transposer au livre numérique dit « homothétique 5 ( * ) » les principes de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre (prix unique fixé par l'éditeur, obligation pour les distributeurs de vendre le livre à ce prix).

Certes le « terrain » est évolutif, mais il est aussi partiellement balisé, dans la mesure où nous disposons du bilan très positif de la loi de 1981 précitée 6 ( * ) , les objectifs de respect de la propriété intellectuelle, de diversité de la production et de la diffusion de livres, et de densité du tissu culturel, demeurant les mêmes à l'ère du numérique.

Les acquis de la France sont cités en exemple et sont enviés par nombre de ses partenaires étrangers :

- notre réseau de librairies s'est maintenu tout en se modernisant. On compte 25 000 points de vente, dont 2 000 à 2 500 exercent la vente de livres à titre principal ou significatif, et rendent des services de qualité à la fois aux lecteurs et aux éditeurs dont ils assurent l'exposition de la production ;

- en effet, l'offre éditoriale est très riche. Environ 600 000 titres sont disponibles et près de 60 000 nouveaux titres paraissent chaque année ;

- la loi de 1981 n'a pas eu d'effet inflationniste sur le prix du livre : celui-ci suit depuis de nombreuses années l'évolution de l'indice général des prix à la consommation ou lui est inférieur ;

- la concentration de l'édition et des circuits de diffusion du livre n'empêche pas la très grande vitalité du secteur.

La loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique a pour vocation d'accompagner les mutations en cours de ce marché, non pas pour les freiner mais pour les réguler 7 ( * ) .

Elle est guidée par les principes suivants :

- la propriété intellectuelle doit demeurer la clé de voûte de l'édition, et les éditeurs doivent conserver un rôle central dans la détermination des prix ;

- le maillage culturel de notre territoire, auquel contribuent la diversité de l'édition française et la multiplicité des librairies , doit être préservé, même s'il leur faut, eux aussi, s'adapter à l'ère numérique. D'après les informations recueillies par votre rapporteur, un projet soutenu dans le cadre des investissements d'avenir devrait leur permettre de proposer l'accès à des bibliothèques numériques ouvertes. En tout état de cause, il nous faut aussi continuer à soutenir la présence physique des libraires, dont le rôle de prescripteur de livres reste à la fois irremplaçable et leur plus fort atout dans un contexte concurrentiel difficile.

Le marché émergent du livre numérique doit bénéficier à tous. A cet égard, rappelons que le Sénat a souhaité que cette loi bénéficie aussi aux auteurs, dont la rémunération doit être juste et équitable en cas d'exploitation numérique de leur oeuvre. Ceci est d'autant plus indispensable que cette profession tend malheureusement à se paupériser.

Le Sénat a également souhaité que ces règles s'appliquent à tous les professionnels, qu'ils soient ou non implantés en France. Car pourquoi les grandes plates-formes établies dans d'autres pays européens, le plus souvent pour des raisons fiscales - Google en Irlande, Amazon, Apple au Luxembourg... - ne devraient-elles pas les respecter ? Ces multinationales sont déjà en position dominante sur bien des marchés. Le Sénat a donc voté le texte dans le respect de conditions de concurrence équitables, c'est-à-dire égales pour tous, compte tenu des spécificités du secteur culturel et de celui du livre en particulier. La commission mixte paritaire a retenu ces dispositions.

(3) La résolution européenne n° 565 du Sénat

A la suite de l'adoption de cette loi, et pour appuyer le combat politique que notre pays doit conduire dans ces domaines, votre rapporteur a déposé une proposition de résolution européenne, adoptée par la commission des affaires européennes 8 ( * ) et devenue résolution du Sénat.

Il s'agit en effet de convaincre la Commission européenne et les États membres de l'Union de la nécessité garantir concrètement la diversité culturelle à l'ère numérique.

Rappelons que, sous l'impulsion de la France, le concept d'exception culturelle figure dans la convention de l'Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de 2005, entrée en vigueur le 18 décembre 2006. Il est temps que ce principe soit réellement pris en compte dans les réglementations européennes en matière de concurrence, de marché intérieur, de fiscalité ou de commerce international.

Cette résolution du Sénat entendait ainsi être une déclaration politique au moment où la France devait défendre, auprès de la Commission européenne, à la fois le bien fondé de la loi sur le prix du livre numérique et de l'application du taux réduit de TVA, et défendre ses positions face aux initiatives communautaires dans ce domaine, conformément à la communication de la Commission européenne intitulée une « Stratégie numérique pour l'Europe », adoptée le 26 août 2010.

L'objet de la résolution est de convaincre les institutions européennes et nos partenaires que les activités économiques sur l'Internet doivent être régulées et encadrées , de la même manière que dans le monde physique, dès lors que le jeu libre du marché risque de nuire à la promotion et à la préservation de la diversité culturelle . Surtout lorsque le jeu libre du marché est en réalité faussé par la concurrence fiscale déloyale de certains États membres, en particulier le Luxembourg et l'Irlande. Il est nécessaire d'accompagner la transition du monde physique vers monde numérique.

A travers cette résolution, il s'agit de défendre avec passion et conviction les principes auxquels notre commission adhère :

- la protection de la propriété intellectuelle et la rémunération juste et équitable des auteurs ;

- le refus d'assimiler les biens culturels diffusés par voie électronique à des prestations de services ;

- la crainte d'un transfert de la valeur-ajoutée vers l'aval de la filière et la condamnation de la tendance à la constitution d'un oligopole de distributeurs, au détriment de la rémunération nécessaire des éditeurs et des auteurs ;

- la mise en place d'un cadre de régulation favorable au maintien de la diversité de la création.

Ce texte tend en conséquence à demander une modification de la législation communautaire, en particulier de la législation relative à la TVA et de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 sur les services dans le marché intérieur.

b) Des motifs d'optimisme

La proposition de loi sur le prix du livre numérique avait fait l'objet de deux avis circonstanciés adressés à la France par la Commission européenne, au titre de sa compatibilité avec le droit communautaire, en particulier ses principes de liberté d'établissement et de liberté de prestation de services.

Depuis l'adoption de la loi, fin mai 2011, la France a répondu à la Commission européenne , en mettant l'accent sur l'objectif de protection de la diversité culturelle et sur les caractéristiques de la loi au regard des exigences communautaires. Celle-ci est en effet :

- non discriminatoire, dès lors qu'elle s'applique dans les mêmes conditions à tous les opérateurs commercialisant des livres à destination des acheteurs situés sur le seul territoire national ;

- justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général : la protection de la diversité culturelle ;

- adéquate, puisqu'elle permet d'atteindre l'objectif de diversité culturelle par le soutien de la création ;

- proportionnée, en ce que l'objectif de diversité culturelle ne pourrait être atteint dans les mêmes conditions par d'autres moyens. En outre la loi ne s'applique qu'au livre « homothétique » et non au livre « multimédia » ou « augmenté. »

Notre pays peut aussi faire valoir la transparence du dispositif adopté, sachant que d'autres pays - notamment l'Espagne et l'Allemagne - appliquent des règles similaires, en considérant que leur législation actuelle le leur permet.

La France n'est donc plus isolée sur ce sujet.

En outre, elle joue son rôle habituel d'aiguillon de l'Europe dans le domaine culturel en incitant les institutions et pays européens à approfondir les réflexions sur l'économie du livre numérique et, au-delà, sur l'ensemble des secteurs et industries culturels concernés par les technologies numériques. Notre pays a d'ailleurs invité la présidence polonaise et le Parlement européen à inscrire cette question à leur ordre du jour.

On peut donc raisonnablement penser que la Commission européenne validera la loi ; son décret d'application devant paraître incessamment, les professionnels pourront donc voir leurs contrats prochainement sécurisés.

2. La lutte contre le téléchargement illégal et l'encouragement au développement de l'offre légale

Les principales industries culturelles (musique, cinéma, audiovisuel livre, presse) sont toutes confrontées aux défis de la numérisation et de l'Internet, qui représentent à la fois une grande opportunité de diffusion et de rayonnement pour les artistes et les créations culturelles et, à l'inverse, du fait du piratage de masse des contenus culturels, une menace pour la rémunération des créateurs et de l'ensemble de la chaîne de valeur et, partant, pour le renouvellement de la création et la diversité culturelle.

Si les effets du piratage sont particulièrement sensibles pour le secteur de la musique, ils n'en sont pas moins réels et tendanciellement orientés à la hausse pour les autres secteurs.

La lutte contre le piratage des oeuvres culturelles en ligne, qui repose sur une approche en premier lieu pédagogique, est confiée à la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet ( HADOPI ), créée par la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.

Les missions de cette autorité indépendante consistent à :

- promouvoir le développement de l'offre légale et observer l'utilisation licite et illicite des oeuvres sur Internet ;

- protéger les oeuvres à l'égard des atteintes aux droits qui leur sont attachés ;

- réguler l'usage des mesures techniques de protection.

Votre commission organisera prochainement une table ronde afin d'entendre à la fois la présidente de l'Hadopi, ses défenseurs et détracteurs, afin de faire le point sur ce dossier complexe et de comparer les points de vue.

3. La nécessité d'un soutien renforcé au secteur musical
a) Les récentes évolutions du secteur de la musique enregistrée
(1) Une nouvelle baisse du marché

Après avoir été divisées par deux entre 2002 et 2010, les ventes de musique enregistrée en France ont baissé de 6 % en 2010 et de 5,7 % au premier semestre 2011 par rapport au premier semestre 2010 9 ( * ) , à 225,9 millions d'euros.

Au premier semestre 2011, les ventes physiques ont chuté de 12 % et les ventes numériques progressé de 22, 8 %, dont :

- téléchargement Internet : +13,2 % (+3,17 millions),

- téléphonie mobile : +20,2 % (+1,7 million),

- streaming financé par la publicité : +44,7 % (+2,1 millions),

- revenus des abonnements : +103 % (+6,26 millions).

(2) Mais un marché numérique désormais relais de croissance

Depuis 2010, le marché numérique de la musique constitue un véritable relais de croissance, les ventes digitales représentant environ 16 % du chiffre d'affaires des éditeurs phonographiques, pour une part de marché en volume de 23,5 %.

Deux phénomènes marquants ont été constatés : une explosion des abonnements « premium » (+60 %) et une forte progression du téléchargement à l'unité (+29 %).

En 2010, pour la première fois, l'équilibre entre les actes d'achat physique et numérique a été quasiment atteint (avec 54 millions de CD vendus et 52 millions d'actes d'achat dématérialisés).

Cependant, la progression des ventes numériques ne compense que moins de la moitié (42 %) de la perte du marché physique.

b) Vers une amélioration du crédit d'impôt en faveur de la production phonographique ?

Outre l'accélération de la réponse graduée par Hadopi et l'instauration d'un taux de TVA réduit pour les services de musique en ligne, souhaités par les professionnels et évoqués précédemment, diverses mesures - déjà prises ou envisagées - participent du soutien au secteur de la musique enregistrée.

L'article 36-I de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (DADVSI) 10 ( * ) a instauré un crédit d'impôt au titre des dépenses de production et de développement d'oeuvres phonographiques (dit crédit d'impôt phonographique), applicable du 1 er janvier 2006 au 31 décembre 2012.

Pour la période couvrant les quatre premières années (2006-2010), 22,77 millions d'euros ont été consommés, dont 6,1 millions d'euros au titre de 2010. Ce chiffre, en nette progression chaque année, est cependant inférieur aux prévisions annoncées (de l'ordre de 10 à 12 millions d'euros par an).

La mesure suscite un intérêt réel puisque, sur la période, le nombre de nouvelles entreprises sollicitant des agréments provisoires afin de bénéficier du crédit d'impôt a progressé (40 en 2006, 150 en 2010). Cette augmentation se fait essentiellement au profit des très petites, petites et moyennes entreprises du secteur, et concerne tous les répertoires.

A cet égard, l'une des préconisations du rapport précité de la mission « Création et internet », réalisé par MM. Zelnik, Toubon et Cerutti du 6 janvier 2010, suggérait le renforcement de ce crédit d'impôt considéré « prometteur et même indispensable au développement des labels indépendants, les plus touchés par la crise du secteur ».

La réflexion du Gouvernement se poursuit et des améliorations du dispositif sont à l'étude, notamment à la suite de la mission sur le financement de la diversité musicale à l'ère numérique, confiée, en avril dernier, par le ministre de la culture et de la communication, à MM. Franck Riester, député-maire de Coulommiers, Daniel Colling, directeur du Zénith de Paris et du festival « le Printemps de Bourges », Alain Chamfort, auteur-compositeur-interprète, Marc Thonon, directeur du label Atmosphériques, président de la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF), et Didier Selles, conseiller-maître à la Cour des comptes.

Votre rapporteur interrogera le ministre sur les intentions du Gouvernement à ce sujet.

c) La « Carte musique » : une seconde chance pour un dispositif jusqu'ici peu efficient

Afin de permettre aux industries culturelles de trouver de nouveaux équilibres économiques dans l'environnement numérique, un ensemble de pistes de développement de l'offre légale culturelle en ligne et d'amélioration de la rémunération des créateurs et du financement des industries culturelles ont été formulées par la mission « Création et Internet », conduite par MM. Patrick Zelnik, Jacques Toubon et Guillaume Cerutti, qui a remis ses conclusions et propositions le 6 janvier 2010.

Plusieurs de ces dernières ont été mises en oeuvre, notamment la « Carte musique », qui vise à favoriser l'accès des jeunes de moins de 25 ans à l'offre en ligne légale et payante de musique, soit une population potentielle de 11,3 millions d'individus. L'objectif est de modifier durablement les comportements des internautes en les incitant à consommer des offres de musique légale et payante, en leur faisant découvrir l'offre légale de musique en ligne.

Instituée par le décret n° 2010-1267 du 25 octobre 2010, qui fixe à deux ans la durée de l'opération, la carte a été lancée officiellement le 27 octobre 2010. L'enveloppe de l'aide attribuée pour l'opération, sur le budget du ministère de la culture et de la communication, s'est établie à 25 millions d'euros pour 2011.

Compte tenu du peu de succès de cette opération à ce jour, le ministère prépare le développement d'une version physique de la « Carte musique » qui sera distribuée dans les grandes surfaces, ainsi que d'un nouveau site internet fonctionnant sur les terminaux mobiles dits « intelligents », (les smartphones) . Par ailleurs, une campagne de communication sera organisée dans les prochains mois afin de mieux faire connaitre le dispositif aux jeunes et à leurs parents, ce qui s'avère en effet nécessaire.

Votre commission émet cependant quelques doutes sur le succès de cette opération. Le dispositif ayant été créé pour deux ans, il conviendra d'en établir un bilan afin d'évaluer si ces mesures annoncées pour 2012 permettront ou non d'en renforcer l'efficience.

d) Les propositions du rapport « création musicale et diversité à l'ère numérique » : vers la création d'un Centre national de la musique

Comme indiqué précédemment, à la demande du ministre de la culture et de la communication MM. Franck Riester, Alain Chamfort, Daniel Colling, Marc Thonon et Didier Selles se sont vu confier une mission afin notamment d'évaluer l'utilité d'une structure de soutien dédiée à ce secteur, après avoir évalué et caractérisé les besoins des acteurs de la filière musicale. La mission a remis son rapport en septembre 2011 .

Sa proposition phare consiste à rassembler le soutien à la musique enregistrée et au spectacle vivant dans un établissement public couvrant l'ensemble de la filière, le Centre national de la musique (CNM) , la plupart des acteurs de la filière reconnaissant l'absence d'étanchéité entre ces deux économies.

L'objectif serait de « soutenir, par des aides plus importantes et mieux ciblées, la diversité de la création musicale, d'améliorer la diffusion de ces contenus auprès des publics, notamment à travers les services numériques, et si possible de favoriser le développement et l'émergence de structures françaises. Les aides doivent être ciblées prioritairement sur ceux qui supportent le risque financier et allouées selon une double logique économique (soutien à une industrie culturelle qui investit dans la création et la diffusion) et culturelle (incitation à la diversité et à l'émergence de nouveaux talents).

Le CNM, agissant au nom de l'intérêt général, doit rechercher un équilibre dans ses interventions, assurer la défense des acteurs les plus faibles, maintenir la diversité et favoriser l'accès de nouveaux entrants. Il disposera d'une vision transverse à la filière qui permettra de renforcer l'efficacité de son action au service de celle-ci. »

Il s'agirait aussi de rationaliser les guichets d'aide en vue de simplifier l'environnement administratif des acteurs, d'améliorer la cohérence et l'efficacité dans l'instruction des dossiers et l'attribution des aides, ainsi que de renforcer la visibilité de la politique de l'État.

Cet établissement public soutiendrait les acteurs du secteur de la musique enregistrée par le biais d'aides automatiques et d'aides sélectives.

La relance de la production de musique enregistrée s'accompagnerait d'une amélioration de l'accès des consommateurs aux contenus musicaux. Cela implique un soutien aux différents modes de distribution, de diffusion et d'exploitation de la musique, de nature à permettre l'émergence de nouveaux débouchés commerciaux et à favoriser le développement de nouveaux usages. Ces actions nécessitent une enveloppe financière totale d'environ 24 millions d'euros (dont 20 millions de ressources nouvelles).

Les auteurs du rapport évaluent le besoin total de la filière en ressources supplémentaires à 95 millions d'euros , en sus de l'ensemble des aides allouées à la filière, qui atteint, en 2010, moins de 80 M€ 11 ( * ) , dont 90 % par des mécanismes de redistribution interne à la filière. La quasi-totalité de ce montant (91 M€) servirait à financer des aides qui pourraient être réparties comme suit : 7 M€ pour les créateurs et l'édition, 40 M€ pour la production de musique enregistrée , 23 M€ pour le spectacle vivant, 20 M€ pour la diffusion de la musique sous toutes ses formes, en particulier à travers des services numériques innovants, et 4 M€ pour renforcer la fonction ressources et expertise du CNM.

Pour les auteurs du rapport, une partie significative de l'effort public pourrait être compensée, du point de vue de l'équilibre global des finances publiques, par les recettes fiscales et sociales que génèreront les mesures proposées. Des engagements précis devront été pris par les professions concernées, en termes de productions nouvelles et d'emplois, et leur mise en oeuvre devra être vérifiée après deux ou trois années de fonctionnement du dispositif.

Les ressources existantes dont la gestion pourrait être confiée au CNM s'élèveraient, au minimum, à environ 50 M€, provenant principalement de la taxe sur la billetterie du CNV, des budgets d'action artistique et culturelle des SPRD et des subventions que l'État verse aujourd'hui aux différents organismes de mutualisation. Il s'agirait de la contribution de la filière musicale au financement du nouvel instrument ainsi constitué.

Il est proposé que les 95 millions d'euros de ressources nouvelles soient prélevées sur les acteurs extérieurs à la filière qui bénéficient d'une partie de la valeur liée aux contenus musicaux sans contribuer suffisamment au financement de la création. Le rapport juge ainsi « légitime que les opérateurs de télécommunications contribuent au financement de la création et de la diversité musicales. Pour atteindre cet objectif, le prélèvement d'une partie du produit de la taxe sur les services de télévision (TST), volet « distributeurs », aujourd'hui versée par les opérateurs de télécommunication au Centre national du cinéma (CNC). »

Votre rapporteur se propose d'interroger le ministre sur les modalités et le calendrier de mise en oeuvre de ces recommandations .

e) Un projet de loi relatif à la rémunération pour copie privée

Le Conseil des ministres a adopté, le 26 octobre 2011 , un projet de loi relatif à la rémunération pour copie privée.

Ce texte vise à modifier le code de la propriété intellectuelle afin de prendre en compte les récentes évolutions jurisprudentielles relatives au champ d'application de ce type de rémunération.

Il tend également à remédier au risque d'une interruption ou d'une remise en cause des versements effectivement dus au titre de la copie privée d'oeuvres. Il vise ainsi à garantir la rémunération des auteurs et des titulaires de droits voisins, ainsi que la pérennité des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation des artistes financées par l'intermédiaire de la rémunération pour copie privée.

Votre commission l'examinera au mois de décembre 2011.

4. Le secteur du jeu vidéo
a) Une industrie créative en forte croissance

Si en seulement 40 ans, le jeu vidéo est devenu le divertissement préféré des Français, au-delà de cela, il peut permettre également de se cultiver, se former ou communiquer. Cette industrie créative en forte croissance crée dans notre pays de nombreux emplois qualifiés et exporte largement sa production.

Ce secteur se présente aujourd'hui comme un véritable atout industriel et culturel pour la France au niveau mondial. Il comprend 120 studios de développement et emploie 2 800 salariés. Il réalise aujourd'hui 52 milliards d'euros de chiffre d'affaires dans le monde, 2,7 milliards d'euros en France 12 ( * ) . Surtout, la production française de jeux vidéo représente plus de 400 millions d'euros.

b) Les aides à la création

Ce secteur bénéficie de deux types d'aides à la création : un accompagnement en amont de la production, au travers du fonds d'aide au jeu vidéo, et un soutien à la production, via le crédit d'impôt pour les dépenses de création de jeux vidéo.

(1) Le Fonds d'aide au jeu vidéo

Le Fonds d'aide au jeu vidéo (FAJV) est un soutien sélectif à la création innovante dans le secteur du jeu vidéo. Le dispositif est cofinancé par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services). Il est doté annuellement d'une enveloppe d'environ 3 millions d'euros. Le fonds de soutien aux industries cinématographiques et audiovisuelles a été aménagé en 2010 afin de l'adapter à l'évolution des modèles économiques du jeu vidéo, notamment le développement de jeux en ligne et/ou distribués sous forme dématérialisée. L'aide à la création de droits de propriété intellectuelle, attribuée sous forme de subvention, encourage les entreprises à conserver la titularité des droits de propriété intellectuelle des jeux qu'elles développent, afin de renforcer leur valeur patrimoniale. Elle vient compléter l'aide à la pré-production , plus adaptée au modèle traditionnel de distribution physique des jeux vidéo, et attribuée, pour moitié, sous forme de subvention et, pour moitié, d'avance remboursable.

Par ailleurs, une ligne « jeu vidéo » a été créée en 2011 au sein du fonds de garantie CNC, géré par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), à hauteur de 5 millions d'euros.

(2) Le crédit d'impôt pour les dépenses de création de jeux vidéo

Un crédit d'impôt vise les jeux vidéo contribuant à la diversité de la création par la qualité et l'originalité de leur concept et l'innovation qu'ils véhiculent. Sont exclus les jeux à caractère pornographique ou de très grande violence.

Il correspond à 20 % des dépenses de création du jeu. Ces dépenses comprennent la rémunération des auteurs et les dépenses de personnels, les dotations aux amortissements des immobilisations, les dépenses de fonctionnement directement affectées à la création de jeu vidéo, ainsi que les dépenses de sous-traitance européenne (plafonnées à 1 million d'euros). Le montant du crédit d'impôt est plafonné par entreprise à 3 millions d'euros par exercice fiscal. Pour en bénéficier, les jeux doivent être agréés par le CNC.

Pour 2012, la reconduction de l'autorisation communautaire de ces mécanismes de soutien en direction de la création et la production de jeux vidéo en France est nécessaire si l'on veut renforcer la position de notre pays comme territoire majeur de création dans ce secteur.

Votre rapporteur souhaite que les pouvoirs publics renforcent leurs soutiens à ce secteur. Les formations françaises dans ce domaine sont réputées et il est paradoxal que les jeunes diplômés ne puissent exprimer leur créativité dans notre pays. Ceci permettrait, en outre, de populariser un univers virtuel plus européen et moins anglo-saxon. Le rapport 13 ( * ) de votre commission suite à sa mission au Canada en 2010 avait d'ailleurs fait état de cette moindre attractivité de la France face aux aides mises en place dans ce pays. Comme nous l'avions déjà défendu, l' amélioration du statut des jeunes entreprises innovantes (JEI) répondrait à cet objectif.

5. L'actualité européenne
a) La révision des programmes européens « Média » et « Culture »

Le Gouvernement est intervenu dans la définition des programmes « Culture » et « Média », et surtout dans celle de la structure du futur programme « New Creative Europe » . Il s'est agit notamment de soutenir la consolidation de ces deux programmes ainsi que la mise en place de nouveaux outils européens de financement en faveur des industries culturelles non audiovisuelles.

Ces nouveaux outils s'ancreront dans ce futur programme « New Creative Europe », lequel comportera un troisième volet consistant en un fonds de garantie aux industries culturelles et créatives non audiovisuelles.

Mis en place en janvier 2011 par la Commission européenne, ce fonds de garantie pourra être ouvert aux secteurs de la musique et du livre à compter de 2014 . Une enveloppe de 8 millions d'euros, sur la période 2011-2013, est allouée à ce fonds, administré, entre autres, par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) en France.

b) Les réflexions sur l'évolution des modèles économiques et sur la rémunération des différents types d'acteurs des filières culturelles à l'ère numérique

Une étude menée par TERA Consultant, en mars 2010, pour la Chambre de commerce internationale, montre que les principales industries créatives au sein de l'Europe des Vingt-sept ont généré presque 560 milliards d'euros en 2008, ce qui représente une contribution de 4,5 % au PIB de l'Union européenne. Les principales industries créatives représentaient 8,5 millions d'emplois en 2008, soit 3,8 % de la population active. L'enjeu de l'adaptation des industries créatives est donc primordial pour l'Europe.

c) La stratégie de la Commission européenne en matière de propriété intellectuelle

Pilotée par le commissaire Michel Barnier, attaché à la protection du droit d'auteur, la stratégie européenne pour la propriété intellectuelle a été adoptée, le 24 mai 2011 , dans le cadre d'une communication de la Commission, intitulée « Une stratégie tendant à la création d'un marché unique des droits de propriété intellectuelle, en vue de favoriser la création et l'innovation ».

Cette communication entend notamment concourir à la rédaction des textes suivants :

- une proposition de directive sur les oeuvres orphelines , permettant la numérisation et la mise en ligne par les bibliothèques numériques, en particulier Europeana, des oeuvres dont les titulaires de droit sont encore inconnus ou ne peuvent être retrouvés. Précisons que cette directive s'appliquerait dans les pays n'envisageant pas, à l'inverse du nôtre 14 ( * ) , d'adopter une législation spécifique en la matière ;

- une proposition de directive , prévue pour le second semestre 2011, sur la gestion collective des droits de la musique en ligne , posant des obligations minimales de gouvernance et de transparence des sociétés de gestion collective, et définissant les principes applicables en matière de licences multi territoriales pour l'exploitation de la musique en ligne ;

- un Livre vert sur la distribution en ligne des contenus audiovisuels , publié le 13 juillet 2011 ;

- une communication sur la lutte contre le piratage et la contrefaçon , avec une proposition de révision de la directive 2004/48/CE, relative au respect des droits de propriété intellectuelle.

Dans cette perspective, d'après les informations communiquées à votre rapporteur, la France défendra la mise en oeuvre de deux priorités indissociables :

- le respect des droits de propriété intellectuelle ;

- l'engagement des chantiers nécessaires pour faire vivre les principes du droit d'auteur dans le monde numérique.

Dans le cadre de la présidence française du G8 et du G20, le ministre de la culture et de la communication organise, parallèlement au Forum d'Avignon, un Sommet culturel sur la propriété intellectuelle auquel une délégation de votre commission est conviée.

Les échanges ont éclairé l'apport du droit d'auteur à l'économie de la création. Outre la lutte contre le piratage, ces discussions ont porté également sur l'identification des modèles économiques innovants de financement de la culture.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 9 novembre 2011, sous la présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente, la commission examine le rapport pour avis de M. Jacques Legendre sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles - Programme Livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2012.

Un débat s'engage après l'exposé du rapporteur pour avis.

Mme Marie-Christine Blandin , présidente . - Lorsque nous avons des auditions de ministres ou des présentations de rapport, je vous propose de donner la parole d'abord aux rapporteurs sur la thématique concernée, puis une parole par groupe ; ensuite, si nous avons le temps, nous ouvrirons plus largement un débat. Si cette méthode vous convient, nous pourrons entendre un maximum de personnes et aussi tenir le temps.

M. Claude Domeizel . - J'ai écouté avec beaucoup d'attention le rapport de notre collègue. Il est vrai qu'il s'agit d'un rapport concernant la loi de finances pour 2012. Je pense que votre rapport devrait mentionner l'effort considérable réalisé par les collectivités territoriales en matière d'accès à la lecture. Je découvre que des sommes importantes y sont consacrées dans le budget de l'État et qu'elles n'arrivent pas dans nos communes. Il serait intéressant de faire le point sur les sommes consacrées par nos collectivités aux médiathèques, bibliothèques, bibliobus... Elles doivent être considérables.

Mme Colette Mélot . - Je voudrais m'associer au satisfecit évoqué concernant le cheminement de la proposition de loi relative au prix du livre numérique, notamment à propos de la clause d'extraterritorialité. En fait, nous avons eu raison de batailler. Cette clause est importante pour nos éditeurs et nos libraires.

Vous avez évoqué le label « libraire de référence ». Disposez-vous d'information sur le portail 1001 libraires.com ? Y-a-t-il beaucoup de libraires qui y adhéré ? Est-ce que ce site a pu avoir le succès qu'il méritait ?

M. André Gattolin . - Vous avez évoqué la question des jeux vidéo. Ils sont considérés comme un produit culturel nouveau émergeant. Je me dois de vous faire remarquer que lorsqu'on regarde les budgets engagés par les industries du jeu vidéo on se situe dans des niveaux comparables aux plus grands films américains. La France a eu depuis les années 1980, tant en termes de fabrication de supports que de contenus, une industrie extrêmement riche, mais on a toujours négligé cette industrie. On s'intéresse beaucoup au cinéma, à la lecture, mais très peu, en termes d'aide, à l'industrie du jeu vidéo. Il existe en France plusieurs écoles privées ou aidées publiquement par les chambres de commerce qui sont considérées d'excellence dans le monde. Un tiers à la moitié des étudiants qui en sortent partent travailler à l'étranger, notamment aux États-Unis et au Canada. Les grandes industries françaises ont l'essentiel de leurs activités à New York ou à Montréal. Notre pays n'a pas en matière d'investissement industriel une politique forte, ce qui se traduit par des contenus assez critiquables alors que cette industrie se diversifie dans ces apports. Elle est essentielle aujourd'hui en termes de diffusion auprès de la jeunesse. On reste dans les meilleures ventes avec des jeux de guerre, dans des univers totalement américains.

Il est regrettable qu'il n'y ait pas de véritable levier au niveau de la puissance publique pour orienter cette industrie qui a mon sens en est au passage de l'équivalent de ce qui s'est produit entre le cinéma muet et le cinéma parlant. En termes de chiffre d'affaires, d'investissement dans les produits, c'est colossal. J'ai l'impression que les pouvoirs publics français sont encore très en deçà de cette nouvelle réalité. Malheureusement, nos génies nationaux en la matière tant entrepreneuriale que créative partent à l'étranger.

Mme Françoise Cartron . - Je voudrais inscrire ce rapport dans une vision globale et cohérente d'une politique.

Redonner le goût de la lecture est une très belle ambition que nous partageons. Il faut cependant élargir le champ de notre regard. Cela passera par une politique éducative très ambitieuse. Ce goût de la lecture se donne très jeune.

Il est également soutenu très fortement par les communes, par les bibliothèques et les médiathèques, par les départements avec les opérations des bibliothèques départementales de prêt. Je voudrais connaître le niveau d'implication de l'État par rapport à celui des collectivités territoriales. La région Aquitaine a été aussi précurseur auprès de la librairie indépendante. Les régions ont choisi de la soutenir très fortement pour la sauver. Il ne faudrait pas que cette ligne budgétaire ne soit qu'une ligne d'affectation sans véritable mobilisation.

Je m'interroge aussi sur les pistes évoquées de nouveaux crédits d'impôt à l'heure où on nous demande de supprimer les niches fiscales et de muscler le budget de l'État. Cela me paraît antinomique.

Mme Maryvonne Blondin . - Redonner le goût de la lecture est essentiel. Le rôle des collectivités territoriales est important par la mise en place de schémas départementaux de la lecture publique, en créant des structures d'équipement de proximité, des médiathèques, en mettant en place les bibliobus qui circulent dans les départements, en aidant à la professionnalisation souvent de petites structures bénévoles, en affectant des catégories A spécialisées dans les équipements, ce qui impacte le fonctionnement.

L'État avait mis en place en place un Observatoire national de la lecture publique qui comprenait une dizaine de collectivités dont le département du Finistère. Avez-vous eu des résultats ? Nous n'en disposons pas en tant que collectivité.

Existe-il des échanges approfondis entre les éditeurs et les imprimeurs pour une aide à la reconversion professionnelle ?

M. Jean-Pierre Leleux . - Dans la loi que nous avons votée sur le livre numérique, nous nous sommes cantonnés au livre homothétique. Bien entendu, ces livres ne sont pas destinés à être imprimés et lus sur papier. Donc ils vont très vite évoluer. Ne faudrait-il pas anticiper sur l'évolution législative qu'il va falloir vraisemblablement engagée ?

Je suis intéressé par une étude sur l'évolution de nos bibliothèques, notamment dans les communes qui travaillent sur la création d'une nouvelle médiathèque. La rédaction du cahier des charges devient complexe voire risquée. L'évolution des modes d'accès à la lecture est telle que les structures de lecture publique vont nécessairement évoluer. Il y a vraisemblablement des études prospectives à réaliser sur ce que seront les lieux physiques de bibliothèques-médiathèques dans les années à venir. Je m'interrogerai sur l'opportunité de créer une réflexion sur le devenir des bibliothèques et des médiathèques.

M. Jacques Legendre , rapporteur pour avis - Le nombre des questions montre bien que l'on se situe pleinement dans l'actualité et que tout change très vite.

Je me suis limité à analyser le budget que nous avons à voter. Le département, voire la région, concourent fortement à la lecture publique. C'est intéressant de faire le point de l'action menée par les collectivités territoriales. Elles y jouent un rôle important.

Le portail 1001 libraires.com constituait une réponse à l'invasion de Google. Or cette réponse est ratée. Ce portail a été mal réalisé par la société prestataire. Il était trop ambitieux. Les libraires et le ministère de la culture sont convaincus qu'il faut se recentrer. Les acteurs de la librairie ciblent sur la géolocalisation des ouvrages. Je ne leur ai pas caché un certain scepticisme. Leur produit n'est pas vraiment un concurrent à Amazon dont les moyens engagés sont considérables. Je crois qu'il est difficile pour un ensemble de libraires de se rassembler. La question n'est pas réglée. J'avoue une inquiétude. L'action doit continuer à être réfléchie sur ce point. L'important est la capacité à maintenir un réseau de libraires sur notre territoire. Saluons cet effort. Le label est certes un élément important. Mais la qualité des personnels présents dans les librairies est une réponse plus déterminante. La médiation culturelle me semble être plus efficace dans ce domaine.

S'agissant des jeux vidéo, vous avez raison de regretter que la France ait fourni les créateurs et que l'accueil soit fait dans d'autres pays. Notre commission s'est ainsi rendue au Canada pour étudier ce secteur. Nous avons constaté qu'il regroupe de nombreux emplois dont plusieurs centaines occupés par des Français. J'ai constaté un intérêt nouveau du ministre de la culture sur ce point. Il s'est rendu dans le département du Nord pour visiter l'école SupInfogame à Valenciennes et un centre de formation situé à Roubaix. Nous devons souhaiter que la France mobilise davantage ses talents dans ce secteur. Le Canada réalise un effort massif pour devenir une grande puissance : dans ce domaine, par exemple 45 % des salaires sont pris en charge par la ville de Montréal. Il faut insister auprès du ministère. C'est une forme moderne de l'expression artistique. L'univers virtuel qui est popularisé est très anglo-saxon. Il serait bien de populariser un univers plus européen avec autant d'attractivité.

Nous partageons un même souci de redonner le goût de la lecture. Vous avez raison de dire que cela ne concerne pas seulement les bibliothèques et l'action du ministère de la culture. Cela passe aussi par l'école. C'est une action d'un ensemble d'acteurs, de l'État, des collectivités territoriales.

Les maires sont souvent passionnés en France par la réalisation d'une médiathèque. Notre grande interrogation est le cahier des charges compte tenu des évolutions. Par les nouvelles technologies, les jeunes sont amenés à revenir au livre papier. L'engagement des bibliothécaires est essentiel. Les différentes actions menées en ce sens nécessitent beaucoup d'imagination des acteurs locaux. Il serait intéressant de pouvoir faire le point sur ces initiatives passionnantes, comme les villages du livre qui attirent eux un public plus classique. Tout est important dans ce domaine. Notre action doit porter en parallèle sur le livre numérique et le livre papier ; le public arbitrera.

La mise en oeuvre du site de l'Observatoire de la lecture publique est prévue pour la fin 2011. Il est donc difficile de vous dresser un bilan pour l'instant.

Je n'ai pas d'informations concernant les imprimeurs. Une association s'est créée pour soutenir le livre papier, Culturepapier. Nous les avons entendus.

Nous avons légiférer sur le livre numérique homothétique car c'était le seul qui existait à ce moment-là. Cette loi sera de ce point de vue assez vite dépassée. Nous aurons à légiférer sur le livre non homothétique. S'il le faut, il est normal qu'une nouvelle loi soit envisagée deux à trois ans après pour tenir compte des évolutions constatées. Nous ne devons pas nous laisser dépasser. Si on laisse des pratiques importées par de puissantes sociétés étrangères s'implantaient sur le marché, des mauvaises habitudes auront été éventuellement mises en place. Acceptons dans ce domaine de nous dire que nos lois ne sont pas gravées dans le marbre. C'est d'abord un appel à la vigilance qu'il faut y avoir sur ce point.

Une réflexion sur l'action des collectivités et sur ce que peut être la médiathèque du XXI e siècle pourrait être utile aux élus.

Mme Marie-Christine Blandin , présidente . - Je voudrais apporter une précision. Culturepapier est une formation de type lobbying ayant un débouché sur un groupe d'études à l'Assemblée nationale, mais rattachée à la commission des affaires économiques.

S'agissant du soutien à une véritable filière du jeu vidéo, notre commission avait soutenu et fait adopter, l'an dernier, un amendement pour maintenir le statut des jeunes entreprises innovantes, mais la commission mixte paritaire ne nous avait pas suivis.

Je souhaite insister sur la mention dans votre rapport de l'effort des collectivités territoriales dans le domaine de la lecture publique et la nécessité de muscler l'appel à une vraie politique industrielle pour les jeux vidéo. Je connais beaucoup d'étudiants qui sont devenus mondialement reconnus pour leurs talents. Ils sont partis en Australie, à Londres, ils ont des propositions pour travailler au Québec, ils ont envie de revenir ici mais ils ne trouvent pas de terrain pour exprimer leurs talents et avoir des emplois à leur hauteur.

A l'issue de cet échange de vues, le rapporteur pour avis propose, à titre personnel, de donner un avis favorable aux crédits du programme « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2012.

Cependant, le vote sur l'ensemble des crédits de la mission est réservé jusqu'au mercredi 16 novembre, date de l'examen des crédits des autres programmes de la mission.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Société des gens de lettres (SGDL) : MM. Jean-Claude BOLOGNE, président, et Geoffroy PELLETIER, directeur général

Syndicat de la librairie française (SLF) : MM. Matthieu de MONTCHALIN, président, Guillaume HUSSON, délégué général

Syndical national de l'édition (SNE) : Mme Christine de MAZIÈRES, déléguée générale, Mme Sylvie MARCÉ, vice-présidente du SNE et président-directeur général des éditions Belin, M. Vincent MONTAGNE, vice-président du SNE et président-directeur général de Média Participations

Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) : Mme Laurence FRANCESCHINI, directrice générale

ANNEXE - PREMIER BILAN D'APPLICATION DU PLAN POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA LECTURE

? Axe I : Adapter les établissements de lecture publique aux nouvelles pratiques et aux nouveaux usages des lecteurs

I-1 Rendre à la Bibliothèque publique d'information (BPI) son rôle d'établissement pilote en matière d'usages et rénover le projet du haut de jardin de la BnF de France

Proposition 1 : Nomination de Patrick Bazin comme directeur de la Bpi chargé de l'élaboration d'un nouveau projet d'établissement.

Le projet a été élaboré courant 2011 ; sa mise en oeuvre débutera à partir de 2012 grâce à un budget de 1,5 million d'euros destiné aux études architecturales de réaménagement des espaces, qui permettront d'accueillir les nouvelles activités de médiation culturelles.

Proposition 2 : Nouveau projet pour le haut de jardin de la BnF, site François Mitterrand.

Après un pré-projet rédigé en 2009 pour la redéfinition des espaces et services du Haut-de-Jardin, un projet définitif doit être présenté fin 2011. L'impact attendu à partir de 2014 est le retour à la fréquentation maximale du début des années 2000.

I-2 L'accès aux bibliothèques : accompagner les bibliothèques municipales et intercommunales dans l'extension de l'horaire d'ouverture à 50 heures par semaine

Proposition 3 : Accompagner les collectivités dans l'extension des horaires d'ouverture de leur bibliothèque à 50 heures par semaine.

L'expérimentation avec 4 collectivités s'est achevée en 2011 (Meudon, Montreuil, communauté d'agglomération de Troyes - pour un total de 91 294 euros et 2012 (Bordeaux) En 2010, 4 collectivités ont répondu à l'appel à projet, 2 ont été retenues pour un montant de 37 760 euros (Cergy et de Viroflay). Pour l'appel à projet 2011, 4 dossiers ont été déposés (sélection en cours). 300 000 euros sont programmés pour 2012.

I-3 Favoriser l'accès aux services dématérialisés, informatiques et numériques : la proposition de  « contrat numérique »

Proposition 4 : D'ici à 2015, l'ensemble des bibliothèques et médiathèques des communes de plus de 20 000 habitants seront informatisées, disposeront d'un site internet et offriront des ressources électroniques à leurs lecteurs ainsi qu'un accès à Internet, de préférence de manière gratuite pour l'usager.

Le recueil des données d'activités des bibliothèques est en cours.

Proposition 5 : Engager un partenariat avec au moins 5 grandes collectivités pour la création de 5 bibliothèques numériques de référence en région.

En 2010, il a été possible de soutenir les projets des bibliothèques numériques de référence d'Orléans et de la communauté d'agglomération de Moulins; en 2011, les programmations de crédits font ressortir les dossiers des bibliothèques de Compiègne, de Nîmes et Montpellier

Proposition 6 : Moderniser le concours particulier des bibliothèques de la dotation générale de décentralisation en l'adaptant aux nouveaux usages numériques en matière de lecture.

Publication du décret de modernisation du dispositif en juillet 2010 et de la circulaire d'application en février 2011. Entre 2009 et 2010, le nombre d'opérations concernant le numérique est passé de 32 à 33 % du nombre total d'opérations soutenues.

Proposition 7 : Moderniser la mise à disposition gratuite des conservateurs d'État dans les bibliothèques municipales classées par le moyen de conventions tournées, notamment, vers l'expertise numérique. Les effets seront particulièrement sensibles au moment des actualisations de convention en 2012.

? Axe II : Accompagner les projets innovants, plus particulièrement à destination des jeunes, dans les milieux ruraux, périurbains et ultramarins

II-1 La nécessité de la médiation : faire émerger des projets de partenariats locaux, tournés vers les actions de développement de la lecture en zone rurale, périurbaine ou ultramarine et matérialisés par des « contrats-territoires-lecture »

Proposition 8 : Mobiliser des crédits en faveur de projets de territoire innovants en matière de lecture publique.

En 2011, près d'une soixantaine de « contrats-territoires-lecture » sont prévus par les DRAC, signés avec des communes, des intercommunalités, des communautés d'agglomération et des départements sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. Le volume global de crédits engagés par l'État devrait être de 850 000 euros en 2011 et de 1 million d'euros en 2012.

II-2 Soutenir et accompagner les associations nationales qui travaillent au développement de la lecture auprès des jeunes

Proposition 9 : Augmenter les aides allouées aux associations nationales de développement de la lecture et réfléchir au cadre de leurs interventions.

Les crédits aux associations nationales de développement de la lecture des jeunes (associations tête de réseau implantées sur l'ensemble du territoire telles que Lire et faire lire ou ATD Quart Monde, et associations ressource telles que Accès ou Lecture Jeunesse) sont passés de 300 000 euros en 2010 à 400 000 euros en 2011. En outre, le rapprochement s'initie entre les services du MCC et ceux du ministère de l'Éducation nationale et du secrétariat d'État à la jeunesse, afin de définir les attentes communes en termes d'actions et d'évaluation des associations concernées.

II-3 Répondre à l'intérêt pour les pratiques amateurs : une manifestation nationale, où chacun s'approprie la lecture, « À vous de lire ! »

Proposition 10 : « Lire en fête » devient « A vous de lire », manifestation plus participative et populaire, davantage centrée sur les petites et moyennes collectivités locales, sur le partenariat avec l'Éducation nationale et sur la participation du secteur marchand. La manifestation se tient au mois de mai et promeut le plaisir de la lecture, des professionnels et des amateurs.

II-4 Dépasser la tendance à l'individualisation des loisirs pour retrouver le plaisir d'un moment partagé de lecture : « Premières pages », un programme national mené en partenariat avec la Cnaf pour l'accès au livre et à la lecture des tout-petits et de leur entourage

Proposition 11 : Étendre l'opération « Premières pages » (remise aux familles, à chaque naissance, d'un album original et d'un guide de lecture) à la moitié des départements français d'ici 5 ans. En 2010, l'opération a été étendue à 4 nouveaux départements, soit au total 7 départements et environ 55.000 naissances par an (l'Ain, le Lot, le Puy-de-Dôme, les Pyrénées-Orientales, la Réunion, la Savoie et la Seine-et-Marne). En 2011, l'opération est stabilisée au même périmètre.

? Axe III : Créer et mettre à disposition des outils d'analyse sur l'activité des établissements de lecture publique

III-1 Coordonner l'action de l'État et des collectivités territoriales en matière de lecture

Proposition 12 : Pérenniser le dialogue issu du schéma numérique des bibliothèques, rendu à Frédéric Mitterrand par Bruno racine en mars 2010, en créant un comité léger et lui confiant la mise en oeuvre du rapport.

Une commission interministérielle « Bibliothèques numériques », présidée par Pierre Carbone (Inspection générale des bibliothèques) a été chargée par les deux ministères (culture et communication et enseignement supérieur et recherche) d'explorer les possibilités de collaboration et de développement numérique partagé entre les bibliothèques territoriales et les autres grandes bibliothèques.

III-2 Le site et les données fournies par l'Observatoire de la lecture publique

Proposition 13 : Moderniser le système national d'information de l'Observatoire de la lecture publique par l'élargissement du champ d'observation de 4 000 à 16 000 lieux de lecture publique avec adaptation aux échanges internationaux de données et restitution dynamique des résultats sur Internet.

La mise en oeuvre du site de l'Observatoire est prévue pour fin 2011.

III-3 La constitution d'un outil d'observation partagée

Proposition 14 : Mise en oeuvre des propositions du rapport remis au ministère de la culture par le CREDOC sur ce sujet en créant un système d'information partagé État/collectivités pour une meilleure connaissance des politiques du livre.

Dans son étude visant à définir la pertinence et la faisabilité d'un outil d'observation partagée des politiques en faveur du livre et de la lecture et rendue en 2009, le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC) a mis en évidence la difficulté de constituer un outil d'observation partagé unique au niveau national notamment du fait des modes d'intervention publique hétérogènes et des réticences de la part des représentants des collectivités territoriales. Ce constat a ouvert la voie à une expérimentation lancée en janvier 2011, copilotée par le SLL et la Fédération interrégionale pour le livre et la lecture (FILL) et portée par les structures régionales du livre dans les 4 régions candidates : PACA, Aquitaine, Limousin et Bretagne.

Source : ministère de la culture et de la communication


* 1 M. Marc Tessier : « La numérisation du patrimoine écrit, Bibliothèque des rapports publics » - La documentation Française - 12 janvier 2010.

* 2 Environ 500 000 titres, soit un corpus comparable à celui des livres aujourd'hui disponibles aux catalogues des éditeurs.

* 3 Rapport n° 3798 du 12 octobre 2011, présenté par MM. Richard Dell'Agnola, Nicolas Perruchot et Marcel Rogemont.

* 4 Article 25 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

* 5 Soit les livres publiés sous format numérique présentant un contenu intellectuel - une « oeuvre de l'esprit » - et répondent au principe de réversibilité, c'est-à-dire qui sont soit déjà imprimés soit imprimables sans perte significative d'information.

* 6 Voir le rapport à la ministre de la culture et de la communication de notre collègue député Hervé Gaymard sur la situation du livre - mars 2009.

* 7 Voir les rapports n° s 50 (2010-2011) de première lecture, 339 (2010-2011) de deuxième lecture et 484 (2010-2011) de commission mixte paritaire de Mme Colette Mélot, présenté au nom de la commission de la culture.

* 8 Voir le rapport n° 604 fait par Mme Colette Mélot au nom de la commission des affaires européennes du Sénat.

* 9 Chiffres du SNEP (Syndicat national de l'édition phonographique).

* 10 codifié aux articles 220 octies, 220Q et 223O du CGI.

* 11 dont 73 M€ d'aides directes (41 M€ pour le spectacle vivant, 27 M€ pour la musique enregistrée, 5 M€ pour l'export et la formation) et 6 M€ de soutien indirect.

* 12 Source idate.

* 13 Rapport d'information n° 183 (2010-2011) du 15  décembre 2010 « De l'éducation au jeu vidéo, pourquoi le Canada est-il parmi les premiers de la classe ? »

* 14 Cf. le I du présent rapport.

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