INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Comme chaque année, l'examen des crédits alloués par le projet de loi de finances au programme n°182 : « protection judiciaire de la jeunesse » offre à votre commission l'opportunité, non seulement de contrôler l'emploi fait de ces crédits par la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), mais également, de façon plus générale, de dresser un bilan de l'action des pouvoirs publics en matière de justice des mineurs.

Aux termes du décret n°2008-689 du 9 juillet 2008 relatif à l'organisation du ministère de la justice, la DPJJ s'est en effet vue assigner les trois missions suivantes :

- concevoir les normes et les cadres d'organisation de la justice des mineurs ;

- garantir à l'autorité judiciaire une aide à la décision tant en matière civile (protection de l'enfance en danger) qu'en matière pénale (application de l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante) ;

- prendre en charge les mineurs délinquants, en exécutant les mesures éducatives, sanctions éducatives et peines prescrites par les juridictions pour mineurs.

Au cours des trois années passées, la protection judiciaire de la jeunesse a profondément évolué : confrontée à une baisse continue de ses crédits (passés de 809 millions d'euros en 2008 à 758 millions d'euros en 2011 3 ( * ) , soit une diminution de 6,3 %) et de ses effectifs (suppression de 540 emplois), elle a recentré son action sur la prise en charge des mineurs délinquants, se dégageant corrélativement de l'exécution des mesures d'assistance éducative ordonnées par les juges des enfants dans le cadre de la protection de l'enfance en danger - ces mesures relevant désormais de la seule compétence des services d'aide sociale à l'enfance des conseils généraux. Parallèlement, elle s'est engagée dans une démarche de restructuration de ses services déconcentrés, de rationalisation de l'offre de prise en charge sur l'ensemble du territoire et de modernisation de ses pratiques, afin de limiter l'effet des réductions budgétaires sur la qualité des prises en charge.

En 2012, la DPJJ prévoit de marquer une pause afin d'assimiler ces importantes évolutions accomplies dans le cadre de ce second projet stratégique national (2008-2011) : pour la première fois depuis 2008, ses crédits augmenteraient de 4,6 % en autorisations d'engagement, de 2 % en crédits de paiement . Elle disposerait ainsi de 792,65 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 772,65 millions d'euros en crédits de paiement.

Toutefois, cet accroissement global dissimule une évolution contrastée, puisque l'essentiel de ces crédits supplémentaires seraient consacrés à l'ouverture de vingt nouveaux centres éducatifs fermés (CEF) . 30 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 10 millions d'euros de crédits de paiement seraient affectés à ce projet. En 2012, 11,6 % du budget global de la PJJ serait ainsi consacré aux CEF.

Parallèlement, le plafond d'emplois alloués à la PJJ diminuerait globalement de 106 équivalents temps plein (ETP) .

Après avoir retracé les profondes évolutions qui ont marqué la justice pénale des mineurs au cours des années récentes, votre rapporteur pour avis reviendra sur les équilibres - dont certains sont discutables - du budget de la DPJJ en 2012 ainsi que sur les réformes que cette administration a été contrainte de mener à bien pour faire face à l'« effet de ciseaux » entre l'augmentation tendancielle du nombre de mineurs que lui confie l'autorité judiciaire (+44 % entre 2002 et 2010, +6,75 % sur la seule période 2008-2010) et la diminution constante de ses effectifs. Enfin, il évoquera les effets du désengagement de l'Etat en matière d'exécution des décisions judiciaires prises pour la protection de l'enfance en danger.

I. UNE JUSTICE PÉNALE DES MINEURS EN PROFONDE ÉVOLUTION

A. UNE DÉLINQUANCE DES MINEURS HÉTÉROGÈNE, DONT L'AUGMENTATION GLOBALE DOIT ÊTRE RELATIVISÉE

Selon les informations communiquées par le ministère de la Justice, entre 2002 et 2010, le nombre de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie a augmenté de 20 % , passant de 180 382 faits constatés en 2002 à 216 243 en 2010.

Toutefois, cette évolution est moindre que celle constatée chez les majeurs (+26 % de mis en cause sur la période 2002-2010). Aussi la part des mineurs dans la délinquance globale a-t-elle légèrement diminué , passant de 19,9 % en 2002 à 18,8 % en 2010.

En outre, votre rapporteur pour avis attire l'attention sur le fait que ces données peuvent refléter à la fois une augmentation réelle de la délinquance juvénile et/ou une plus grande activité des services de police et de gendarmerie, probablement davantage sollicités que par le passé pour constater des infractions, y compris de faible gravité. Il est donc nécessaire de les interpréter avec précaution.

La délinquance des mineurs présente un certain nombre de spécificités par rapport à celle des majeurs :

- plus de 40 % des mineurs mis en cause le sont pour vol, contre 20 % pour les majeurs ;

- les mineurs sont également plus souvent mis en cause pour destructions et dégradations de biens (13 % des mises en cause, contre 5 % pour les majeurs en 2010) ;

- à l'inverse, les mineurs sont moins concernés que les majeurs par les stupéfiants (11% de leurs mises en cause, contre 17 % pour les majeurs en 2010).

On relève enfin que les faits de violence représentent une part croissante de la délinquance des mineurs, passant de 16 % à 22 % des mises en cause entre 2002 et 2010.

Pour une très grande majorité de ces mineurs, la délinquance constitue un acte isolé : plus de sept mineurs sur dix ne font pas l'objet de nouvelles poursuites ou d'une mesure alternative aux poursuites dans l'année suivant la fin de leur prise en charge par la PJJ .

En revanche, un petit « noyau » de délinquants serait responsable d'environ la moitié des infractions commises par des mineurs.

Plus de trois délinquants mineurs sur quatre sont âgés de seize ans et plus. 20 % ont entre 13 et 16 ans. Les délinquants mineurs de moins de treize ans sont rares : 2 % environ. Enfin, près de neuf délinquants sur dix sont des garçons.

Mis en cause pour tous motifs

Mineurs

Majeurs

Tous

2002

180.382

726.587

906.969

2003

179.762

776.661

956.423

2004

184.696

833.244

1.017.940

2005

193.663

873.239

1.066.902

2006

201.662

898.736

1.100.398

2007

203.699

925.172

1.128.871

2008

207.821

964.572

1.172.393

2009

214.612

960.225

1.174.837

2010

216.243

930.072

1.146.315

Source : ministère de l'Intérieur

Les faits constatés par les services de police ou de gendarmerie ne donnent pas systématiquement lieu à une procédure judiciaire. D'après les informations communiquées par le ministère de la Justice, 173 000 affaires mettant en cause des mineurs ont été traitées par les parquets en 2010, soit 5,2 % de moins qu'en 2009.

Sur ces 173 000 affaires, 29 079 n'étaient pas poursuivables, soit parce que l'infraction était insuffisamment caractérisée, soit parce que le mineur a été mis hors de cause, soit parce qu'un motif juridique s'opposait aux poursuites.

Au total, les parquets ont été saisis en 2010 de 143 921 affaires dites « poursuivables » , en diminution de 4,5 % par rapport à 2009. Ces affaires ont représenté 10,3 % de l'ensemble des affaires poursuivables traitées par les parquets en 2010 - une part assez stable au cours des années récentes.


* 3 Crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale.

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