INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Votre commission s'est saisie pour avis du programme n° 221, « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État », qui s'intègre à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Ce programme a été rapporté pendant trois ans, de 2008 à 2010, par notre collègue Mme Eliane Assassi, à laquelle votre rapporteur tient à rendre hommage.

Le présent avis permet à votre commission d'examiner la conduite de la modernisation de l'État engagée par le Gouvernement. En effet, le programme regroupe, en particulier, les moyens de la Direction générale de la modernisation de l'Etat (DGME), direction d'état-major en charge de la modernisation de la gestion de l'Etat.

I. L'ÉVOLUTION DU PÉRIMÈTRE ET DES CRÉDITS DU PROGRAMME

Le présent programme budgétaire, intitulé « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État », regroupe les moyens des directions d'état-major en charge :

- du pilotage de la politique budgétaire (Direction du budget) ;

- de la modernisation de la gestion de l'État (DGME) ;

- de la politique des ressources humaines des trois fonctions publiques (direction générale de l'administration et de la fonction publique [DGAFP]).

Ce programme retrace également les crédits liés à deux grands projets de modernisation des systèmes d'information en matière budgétaire et comptable (Chorus, développé par l'Agence pour l'informatique financière de l'État [AIFE]) et en matière de gestion de la paye (Opérateur national de paye [ONP]).

En outre, depuis le projet de loi de finances pour 2010, le programme porte également les crédits du Conseil de normalisation des comptes publics (CNoCP) et de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), créée par la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

Le pilotage de l'ensemble du programme est assuré par le directeur général de la modernisation de l'État , actuellement M. François-Daniel Migeon.

Votre rapporteur relève que ce choix pourrait présenter certaines difficultés : il conduit en effet à confier la responsabilité budgétaire à une personne qui n'exerce d'autorité hiérarchique que sur sa propre direction, à savoir la DGME. En revanche, toutes les autres entités du programme (opérateurs ou agences dédiés à une mission spécifique, autres grandes directions d'état-major du ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État) relèvent d'autres autorités hiérarchiques . Autrement dit, le responsable du programme exerce une fonction de direction sur la DGME et n'a qu'une fonction de coordination avec les autres composantes du programme.

Compte tenu de la nature transversale de ce dernier, il eût peut-être été préférable d'en confier la responsabilité au secrétaire général du ministère du budget, responsable du programme, également très composite, n° 218, intitulé « conduite et pilotage des politiques économique et financière » 2 ( * ) .

Cette option pourrait être étudiée lors de l'élaboration du prochain budget triennal (2013-2015) qui ouvre la possibilité de modifier la maquette budgétaire.

Le périmètre du présent programme n'a pas été modifié par rapport à l'année précédente. Il recouvre six actions différentes :

- l'action n° 2, « Politique des finances publiques et analyse de la performance des politiques publiques ». Cette action vise à garantir le financement soutenable des politiques publiques dans le cadre de la politique économique menée par le Gouvernement. Elle porte aussi sur l'amélioration de l'efficacité de la dépense publique et la modernisation de la gestion publique, en particulier à travers l'élaboration, et le suivi de l'exécution du budget de l'État. Elle représente 14,6 % du programme ;

- l'action n° 4, « Modernisation de l'État » qui vise essentiellement le pilotage des actions de modernisation de l'Etat. Elle représente 23,1 % du programme ;

- l'action n° 5, « Information financière de l'État », qui recouvre l'activité de l'AIFE et celle du conseil de normalisation des comptes publics. Elle correspond principalement à la mise en place et au développement du programme Chorus , qui vise à fournir aux administrations de l'État un outil informatique commun et intégré de gestion financière, budgétaire et comptable. Elle représente, en raison des lourds investissements nécessaires, 32,1 % du programme ;

- l'action n° 6 « Système d'information et production de la paye », mise en oeuvre par l'ONP. Elle représente 20,8 % du programme ;

- l'action n° 7, « Politique de la fonction publique et modernisation de la gestion des ressources humaines », qui correspond au budget de fonctionnement de la DGAFP pour l'exercice de ses missions et représente 5,1 % du programme ;

- l'action n° 8, « Régulation des jeux en lignes », qui représente 4,3 % du programme.

À ces différentes actions sont associés sept objectifs avec leurs indicateurs , retracés dans le tableau suivant :

Programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État »

Actions du programme

Objectifs et indicateurs associés

• Action n° 2 : « Politique
des finances publiques et analyse de la performance
des politiques publiques
»

• Action n° 4 : « Modernisation de l'État »

• Action n° 5 : « Information financière de l'État »

• Action n° 6 : « Système d'information et production
de la paye
»

• Action n° 7 : « Politique
de la fonction publique
et modernisation de la gestion des ressources humaines
»

• Action n° 8 : « Régulation
des jeux en ligne
»

Objectif n° 1 : Rendre visible au citoyen la modernisation de l'État

Indicateur associé : Taux de mesures RGPP sur leur trajectoire nominale

• Objectif n° 2 : Fournir aux administrations un appui efficace dans la mise en oeuvre de la modernisation de l'État

Indicateur associé : Pourcentage des personnels d'encadrement de l'État estimant que la DGME apporte un appui efficace à la modernisation de l'État à travers ses actions

• Objectif n° 3 : Améliorer la qualité du volet performance du budget de l'État

Indicateur associé : Qualité des objectifs, des indicateurs et de la justification au premier euro (JPE) des programmes du budget de l'État

• Objectif n° 4: Améliorer la qualité de service aux administrations dans le domaine des systèmes d'information financière de l'État

Indicateur associé : Indice de satisfaction des bénéficiaires des prestations de l'AIFE

• Objectif n° 5 : Améliorer et fiabiliser le processus de paye des agents de l'État

Indicateur associé : Taux d'avancement de la réalisation du pilote du SI paye

• Objectif n° 6 : Maîtriser le coût d'investissement et de gestion des systèmes d'information interministériels

Indicateur associé : Respect des délais et des coûts des grands projets d'investissement

• Objectif n° 7 : Réguler les jeux en ligne

Indicateurs associés :

- délai de délivrance des agréments et de saisine de la Commission des sanctions ;

- délai de traitement des demandes d'avis portant sur les contrats de commercialisation du droit d'organiser des paris sur une compétition ou manifestation sportive.

Votre rapporteur s'interroge sur la lisibilité, la précision et la méthodologie d'élaboration de ces objectifs et indicateurs. Elle considère qu'une réflexion approfondie devrait être menée en vue d'éventuelles améliorations. Elle présente d'ailleurs, dès à présent, une recommandation pour clarifier l'objectif n°1 et propose d'envisager la création d'un nouvel objectif permettant de s'assurer que la modernisation de l'Etat ne conduit pas à une dégradation du climat social au sein de l'administration ( cf. infra ).

Notons que les objectifs et indicateurs de performance du programme ont été complétés pour le PLF 2012 par rapport au PLF 2011.

En effet, la date de création de l'ARJEL (Autorité de régulation des jeux en ligne) à la mi-mai 2010 n'avait pas permis de définir les critères de performance associés à ce nouvel organisme dans le PAP 2011. Autrement dit, aucun objectif ni indicateur de performance n'avait été créé l'an passé pour suivre l'activité de l'action n° 8, « Régulation des jeux en ligne ». Le PAP 2011 justifiait cette absence par « la nécessité de garantir la stabilité du volet performance du programme [qui] doit conduire à s'assurer de l'adéquation, dans la durée, de ses indicateurs avec l'action à laquelle ils se rapportent ». L'engagement était cependant pris de définir, dans le PAP suivant, un objectif et des indicateurs idoines.

C'est ce à quoi procède le PAP 2012 ; il intègre un nouvel objectif (objectif n° 7) : « Réguler les jeux en ligne », auquel sont associés deux nouveaux indicateurs .

Il s'agit des indicateurs « Délai de délivrance des agréments et de saisine de la Commission des sanctions » et « Délai de traitement des demandes d'avis portant sur les contrats de commercialisation du droit d'organiser des paris sur une compétition ou manifestation sportive ».

Les indicateurs retenus cherchent à rendre compte de la qualité et de la rapidité des travaux conduits par l'ARJEL pour rendre ses avis et décisions, et procéder, le cas échéant, à la saisine de la commission des sanctions dans le cadre du contrôle de l'offre de jeux en ligne proposée par les opérateurs agréés. Le respect des délais légaux et le traitement dans des délais optimum des dossiers soumis à l'ARJEL dans le cadre de ces missions représentent un enjeu majeur pour l'autorité nouvellement créée.

Les autres indicateurs du programme n'ont pas connu de changements.

A. UN PÉRIMÈTRE STABILISÉ, DES QUESTIONS EN SUSPENS

Votre rapporteur, comme son prédécesseur, s'interroge sur la compatibilité du périmètre du présent programme avec l'article 7 de la LOLF , aux termes duquel un programme est défini comme un regroupement de « crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général ».

Les actions n°s 7 et 8, respectivement « Politique de la fonction publique et modernisation de la gestion des ressources humaines » et « Régulation des jeux en ligne » ne brouillent-elles pas la lisibilité du programme dont la stratégie s'oriente autour de trois objectifs : la maîtrise des dépenses publiques, l'amélioration de la qualité des services publics et une meilleure valorisation du travail des fonctionnaires ?

1. le rattachement au programme de l'action n° 7 « Politique de la fonction publique et modernisation de la gestion des ressources humaines »

S'agissant de l'action n° 7, elle regroupe les dépenses de personnel de la DGAFP (masse salariale) . En revanche, ses dépenses d'intervention (action sociale interministérielle et formation) sont, eux, inscrits au programme 148 « Fonction publique », que rapporte, pour la commission des lois, notre collègue, Mme Jacqueline Gourault.

Autrement dit, le rattachement budgétaire de la DGAFP est éclaté :

- ses dépenses de personnel sont inscrites au programme 221 « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'Etat » ;

- ses moyens d'intervention sont ceux du programme 148 « Fonction publique ».

Cette situation a fait l'objet de critiques tant du Parlement que de la Cour des comptes.

Votre rapporteur a souhaité examiner de manière approfondie les différentes options qui s'offrent au Gouvernement pour y répondre :


• tout d'abord, il pourrait être envisagé de rattacher l'action n° 7 du présent programme au programme « Fonction publique », d'autant que l'une des finalités de ce dernier est, précisément, la modernisation de la gestion des ressources humaines. Tel qu'il est rédigé, le PAP 2012 apparait en effet manquer de cohérence : l'expression « modernisation de la gestion des ressources humaines » figure à la fois dans l'intitulé de l'action n° 7 du programme 221 et dans les missions officielles du programme 148 : autrement dit, deux programmes distincts relevant de la même mission poursuivent la même finalité , à savoir la modernisation de la gestion des ressources humaines, ce qui n'est guère conforme à la logique de la LOLF.

Le rattachement des crédits de l'action n° 7 du présent programme au programme « Fonction publique » répondrait donc à cette difficulté, source de complexité.

Toutefois, cette solution ne serait pas sans inconvénient car le ministère du budget a distingué dans le RAP 2010 les coûts relevant de l'action de la DGAFP en matière de stratégie ressources humaines (programme 221) et ceux relevant de son action en matière de formation et d'action sociale interministérielle (programme 148).

Il en ressort que les trois quarts des agents de la DGAFP se consacrent à des actions qui relèvent de la modernisation de l'Etat , au sens du programme 221, contre un quart pour des actions en matière de formation et d'action sociale (programme 148). Il serait donc a priori plus logique, au vu de ces données, de faire absorber la totalité du programme « Fonction publique » par le programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'Etat ».


• Cette seconde option présente, elle aussi, des inconvénients . En effet, si on peut considérer que l'action « formation » relève bien d'une logique de modernisation de l'Etat 3 ( * ) , celle portant sur l'action sociale interministérielle y est totalement étrangère. En outre, son importance symbolique mérite une visibilité propre . En effet, l'action sociale regroupe les crédits des politiques sociales menées par le Gouvernement, politiques axées sur le logement, la famille et la restauration (CESU garde d'enfants et crèches, aide à l'installation et prêt mobilité, mise aux normes des restaurants inter-administratifs...).

En conséquence, votre rapporteur insiste sur le fait que si la nomenclature budgétaire actuelle n'est pas parfaite, il n'en demeure pas moins qu'aucune des deux options présentées plus haut n'est pleinement satisfaisante , ce qui explique que le Gouvernement n'ait pas, jusqu'à présent, apporté des modifications sur la présentation des crédits.

Votre rapporteur souligne toutefois, comme elle l'a fait plus haut, que la négociation du budget triennal 2013-2015, négociation qui s'ouvre dès 2012, doit permettre d'aborder ces questions de manière approfondie afin d'aboutir à une solution qui garantisse, autant que faire se peut, la cohérence et la lisibilité des documents budgétaires présentés au Parlement.

2. le rattachement au programme de l'action n° 8 « Régulation des jeux en ligne »

S'agissant de l'action n° 8, elle regroupe les crédits de l'ARJEL.

Ses missions principales sont :

- la délivrance des agréments permettant aux opérateurs de jeux et paris en ligne d'exercer leur activité en France ;

- le contrôle du respect, par les opérateurs agréés, des obligations légales et réglementaires auxquels ils doivent se conformer ;

- la protection de l'intégrité des opérations de jeu et la prévention, notamment, de la fraude sur le déroulement des compétitions sportives.

Le lien de l'ARJEL avec le programme « stratégie des finances publiques et modernisation l'Etat » peut se justifier par le fait que le ministère des finances exerce une tutelle sur « La Française des Jeux », entreprise publique détenue à 72 % par l'Etat qui lui a confié le monopole des jeux de loterie et de paris sportifs sur tout son territoire.

En outre, votre rapporteur insiste sur le fait que la création de cette autorité répondait à un objectif de sécurité économique et de lutte contre la délinquance financière sur Internet , délinquance qui peut prendre la forme d'opérations de blanchiment d'argent . Cet objectif donne du sens au rattachement de l'ARJEL au ministère des finances.

Toutefois, votre rapporteur est également consciente que l'ARJEL, en tant qu' autorité administrative indépendante ( AAI), n'est soumise à aucune tutelle .

Par ailleurs, eu égard à la nature de ses missions, l'ARJEL entre dans la catégorie des AAI exerçant un contrôle sur un secteur économique déterminé .

On rappellera en effet que conformément à la summa divisio généralement admise et confortée, en 2006, par le rapport de l'office parlementaire d'évaluation de la législation 4 ( * ) , les AAI exercent deux types de missions :

- la régulation économique ;

- la protection des droits et libertés.

Le rapport de l'office parlementaire préconisait de créer un programme « Défense et protection des libertés », rassemblant les autorités exerçant en premier lieu une mission de protection des droits et libertés fondamentaux et un programme « Régulation économique », regroupant les AAI chargées d'une mission de régulation (recommandation n° 19).

Votre rapporteur rappelle que la première partie de cette préconisation a été mise en oeuvre à la demande insistante du Sénat qui avait adopté, lors de l'examen des projets de loi de finances pour 2006, 2007 et 2008, un amendement créant un programme spécifique dédié à la protection des libertés, amendement systématiquement écarté par l'Assemblée nationale puis par la commission mixte paritaire. Ce n'est que lors de la présentation du budget pour 2009 que le Gouvernement a accepté d'instituer un programme spécifique « Protection des droits et libertés » et de modifier l'architecture budgétaire en conséquence.

Toutefois, les AAI en charge d'une mission de régulation économique, telles que l'autorité des marchés financiers, l'agence française de lutte contre le dopage, l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes et, précisément, l'ARJEL, demeurent éclatées dans différents programmes relevant de diverses missions budgétaires.

La création d'un programme dédié « Régulation économique » présenterait le double avantage de marquer la spécificité et l'unité des AAI concernées et, en les rendant plus visibles , de permettre au Parlement de mieux exercer son contrôle démocratique à leur égard.

Ce programme pourrait être rattaché, comme celui consacré aux droits et libertés, au Premier ministre et donc à la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Votre rapporteur souligne qu'une telle évolution de l'architecture budgétaire ne relève pas de la seule compétence du ministère du budget et que tant que le Gouvernement n'a pas pris la décision de créer un tel programme spécifique, le rattachement budgétaire de l'ARJEL au programme « Modernisation de l'Etat » est un moindre mal. Tout au plus pourrait-on imaginer une affectation au programme 218 « conduite et pilotage des politiques économique et financière ».


* 2 Ce programme relève, comme le présent programme budgétaire, de la mission : « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

* 3 L'action « formation » du programme « fonction publique » vise à assurer un socle de connaissances communes aux futurs cadres supérieurs de l'Etat formés à l'Ecole nationale d'administration et aux futurs cadres intermédiaires formés dans les Instituts régionaux d'administration.

* 4 Rapport de l'office parlementaire d'évaluation de la législation n° 404 (2005-2006) de M. Patrice GÉLARD, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, déposé le 15 juin 2006 ; http://www.senat.fr/rap/r05-404-1/r05-404-1.html

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