INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le budget des juridictions financières contenu dans le programme 164 de la mission « Conseil et contrôle de l'État » fait l'objet pour la première fois cette année d'un rapport pour avis de la commission des lois. La place centrale qu'occupent ces juridictions dans le contrôle de la gestion publique et les évolutions qu'elles connaissent actuellement justifient l'intérêt que votre commission porte au budget alloué à la Cour des comptes et aux autres juridictions.

Ce budget 2012 de la Cour des comptes et des autres juridictions financières est marqué par une continuité et une stabilité au regard du budget 2011. Il s'inscrit en effet dans le cadre de la programmation triennale 2011-2013 qui impose aux juridictions financières d'assumer leurs missions avec une enveloppe budgétaire globale constante.

Votre rapporteur a pu constater que l'exercice des missions des juridictions financières dans le cadre de l'enveloppe budgétaire définie par le programme 164 semble à ce jour satisfaisant, tout en relevant les spécificités de ce programme tant au regard de la nature des dépenses (essentiellement des dépenses de personnel) qu'au regard de la délicate mesure de la performance de l'activité de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.

Au-delà de ce constat de continuité et d'absence de difficultés majeures, il apparaît que le budget des juridictions financières pour l'exercice 2012 est marqué par son caractère transitoire.

En effet, la réforme des juridictions financières, souhaitée par tous depuis plusieurs années, pourrait connaître après de nombreuses péripéties une étape décisive avec l'adoption mercredi 16 novembre 2011 du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles après une lecture définitive à l'Assemblée nationale.

La possibilité de regroupement de certaines chambres régionales des comptes contenue dans ce texte annonce en particulier des perspectives budgétaires nouvelles mais incertaines pour le programme 164. Ce sont ces perspectives que votre rapporteur esquissera dans le présent rapport, après avoir présenté les spécificités du budget des juridictions financières.

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I. UN BUDGET RÉVÉLATEUR DE LA SPÉCIFICITÉ DES MISSIONS DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES

Le montant des crédits prévus par le projet de loi de finances pour la Cour des comptes et les autres juridictions financières s'élèvera en 2012, selon le projet annuel de performance, à 214 165 909 euros en autorisations d'engagement et 214 576 468 euros en crédits de paiement. Cette enveloppe est globalement stable par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale en 2011 (+ 0,18 % en crédits de paiement).

Un amendement du Gouvernement voté en seconde délibération à l'Assemblée nationale a modifié le niveau des crédits de l'ensemble des missions du budget de l'État, « au titre des mesures d'économies supplémentaires annoncées par le Premier ministre le 7 novembre 2011 dans le cadre du plan de retour à l'équilibre des finances publiques » . Le montant des crédits du programme 164 voté par l'Assemblée nationale en première lecture s'élève donc à 213 415 909 euros en autorisations d'engagement (dont 185 201 628 euros pour le titre II) et 213 826 468 euros en crédits de paiement (dont 185 201 628 euros pour le titre II).

Votre rapporteur a pu constater en rencontrant les représentants de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes lors de ses auditions que le montant de ces crédits permet aux juridictions financières d'assumer leurs missions dans des conditions globalement satisfaisantes. Cette adéquation entre les contours de l'enveloppe budgétaire et les missions des juridictions financières s'explique notamment par la maîtrise de celles-ci sur une partie de leur programme de travail, en particulier en matière de contrôle des comptes et de la gestion publique.

Les crédits du programme sont répartis en quatre actions, qui couvrent l'ensemble des missions assumées par les juridictions financières :

- l'action n° 1, contrôle externe et indépendant des comptes publics, rassemble les crédits destinés à la mission juridictionnelle de contrôle des comptes ainsi qu'à la certification des comptes prévue par l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001. Cette action représente 21,3 % des crédits du programme ;

- l'action n° 2, contrôle externe et indépendant de la régularité et de l'efficacité de la gestion publique, est, en termes de crédits, l'action la plus importante du programme 164, puisqu'elle réunit près de la moitié des crédits du programme (49,8 %). Elle recouvre l'activité de contrôle de la qualité de la gestion et du bon emploi des fonds publics, ainsi que l'évaluation des politiques publiques, missions à caractère non juridictionnel ;

- l'action n° 3, conseil et expertise, ne représente que 4,9 % des crédits du programme mais concerne des missions importantes puisqu'il s'agit de l'assistance apportée au Parlement et au Gouvernement, par la transmission de communications. Des activités ponctuelles de participation à des missions institutionnelles ou d'expertise au niveau international sont également prévues dans le cadre de cette action ;

- l'action n° 4, soutien aux activités des juridictions financières, regroupe les crédits (24,1 % des crédits du programme) destinés aux activités de direction du Premier président de la Cour des comptes assisté du secrétariat général de la Cour, ainsi que pour les chambres régionales des comptes les activités du secrétariat général et des services de gestion intérieure.

Source : projet annuel de performance.

Les missions des juridictions financières

La diversité des missions assumées par les juridictions financières leur confère une place déterminante dans le contrôle financier public. Initialement centrée sur le contrôle des comptes publics, l'activité de la Cour des comptes puis des autres juridictions financières s'est progressivement enrichie de missions non juridictionnelles, dont la mission constitutionnelle d'assistance aux pouvoirs publics constitue depuis 2008 le dernier développement.

1) La mission de contrôle des comptes

Historiquement, la mission principale de la Cour des comptes était, en vertu de l'article 11 de la loi du 16 septembre 1807, le jugement des comptes. La Cour des comptes assurera seule cette mission jusqu'à la création des chambres régionales des comptes en 1983 ( cf. infra ).

À ce jour, les chambres régionales des comptes sont chargées du contrôle des comptes des comptables publics ou des comptables de fait des collectivités locales et de leurs établissements publics en premier ressort. La mission de la Cour des comptes consiste donc d'une part à juger les comptes des comptables publics de l'État et des établissements publics nationaux, et d'autre part à connaître en appel des jugements des chambres régionales des comptes.

2) Le contrôle de la gestion des organismes publics et parapublics, mission extra-juridictionnelle

Le contrôle de la gestion des ordonnateurs soumis aux règles de la comptabilité publique ainsi que le contrôle de la gestion des organismes privés bénéficiant de fonds publics constituent une activité non juridictionnelle des juridictions financières, dont l'importance s'est progressivement développée jusqu'à devenir essentielle (le contrôle externe et indépendant de la régularité et de l'efficacité de la gestion publique représente dans le budget 2012 près de la moitié des crédits du programme). Ce contrôle est cependant complémentaire du contrôle juridictionnel opéré sur les comptes publics. Il s'effectue d'ailleurs généralement en même temps, lors de la vérification des comptes et des pièces justificatives.

Le contrôle de la gestion publique peut aboutir à une saisine de la Cour de discipline budgétaire et financière lorsque les infractions identifiées et leurs auteurs relèvent de cette Cour (cf. infra).

3) L'assistance de la Cour des comptes au Parlement et au Gouvernement, mission constitutionnelle renforcée depuis la révision de 2008

La mission constitutionnelle de la Cour des comptes, initialement limitée en vertu de l'article 47 de la Constitution à l'assistance au Parlement et au Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances, s'est progressivement enrichie. En effet, de 1996 à 2008, l'ancien article 47-1 prévoyait également que la Cour assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a conforté et élargi cette mission. En effet, le nouvel article 47-2 de la Constitution reprend l'ensemble des missions constitutionnelles déjà existantes et dispose désormais que la Cour assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du gouvernement et qu'elle est compétente pour assister le Parlement et le Gouvernement dans l'évaluation des politiques publiques.

Le texte constitutionnel révisé rend également destinataires des travaux de la Cour l'ensemble des citoyens. Il confirme enfin implicitement la mission de certification des comptes que la loi organique du 1 er août 2001 a confiée à la Cour.

La nature spécifique de ces missions explique donc que le budget des juridictions financières soit essentiellement constitué de dépenses de personnel (A) et que la mesure de la performance de ces crédits soit particulièrement délicate (B).

A. UN BUDGET ESSENTIELLEMENT CONSTITUÉ DE DÉPENSES DE PERSONNEL

Compte tenu de la nature spécifique des missions des juridictions financières présentées ci-dessus, la ventilation par titre des crédits du programme 164 présente la particularité d'une forte concentration des crédits en dépenses de personnel. Ainsi, 87 % des dépenses du programme sont consacrées au titre II.

Dépenses de personnel du programme 164

Emplois (ETPT)

Crédits

Catégorie d'emploi

Plafond autorisé
pour 2011

Demandés
pour 2012

Variation 2012/2011

Demandés
pour 2012
(y.c. charges sociales)

Catégorie A +

726

730

+ 4

111 032 031

Catégorie A

357

357

0

30 071 653

Catégorie B

345

379

+ 34

25 826 166

Catégorie C

412

374

- 38

19 271 868

TOTAL

1 840

1 840

0

186 201 628

Source : projet annuel de performance.

Il convient également de souligner qu'une majorité de ces dépenses de personnel (60 % environ) est constituée par les dépenses de personnel de catégorie A+ (magistrats, rapporteurs ainsi que certains agents administratifs et certains contractuels). Ceux-ci représentent 730 ETPT sur les 1840 prévus par le programme, c'est-à-dire environ 40 % des emplois.

Cette population de personnels de catégorie A+ est marquée par son caractère vieillissant 2 ( * ) , qui impose, pour maintenir le niveau d'emplois sans augmenter l'enveloppe budgétaire globale du programme, d'augmenter la part des dépenses de personnel d'un exercice à l'autre en raison de l'augmentation mécanique des traitements de ces personnels.

Les personnels des juridictions financières sont également caractérisés par une forte rotation, puisqu'environ un tiers des magistrats exercent actuellement leur activité hors juridiction.

Enfin, conformément à l'article 65 de la loi de finances rectificative pour 2011 du 29 juillet 2011, un concours sera organisé en 2012 pour recruter 8 conseillers de chambres régionales et territoriales des comptes. Cette solution présente l'avantage de limiter le nombre de détachements dans les CRTC et de rajeunir le corps des magistrats.


* 2 La moyenne d'âge des magistrats de la Cour des comptes est de 54 ans et celle des magistrats des CRC est de 51,2 ans selon le projet annuel de performance.

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