C. LA « DIPLOMATIE ÉCONOMIQUE » : UNE IMPULSION BIENVENUE QUI DEVRA ÉVITER LE « SYNDROME DE L'EMPILEMENT »

Au sein du commerce mondial, la part de marché de la France, désormais au cinquième rang, ne cesse de se dégrader. En 15 ans, la France est passée d'une position d'excédent commercial régulier à celle d'importateur net.

En 2010, le déficit commercial a atteint 52 milliards d'euros et la part de marché mondiale de la France est désormais de 4 %, après avoir atteint 6 % au début des années 80.

Des facteurs d'explication traditionnels comme une monnaie surévaluée, une facture énergétique trop lourde ou un marché européen trop ouvert n'expliquent pas tout, en en particulier pas la différence de performance avec le voisin allemand. L'Allemagne, avec un excédent commercial de 130 milliards d'euros (chiffre 2010) parvient à exporter ses biens industriels. La question de la spécialisation géographique et sectorielle, de la taille des entreprises et surtout de la compétitivité des entreprises françaises est d'ailleurs au coeur de la réflexion du Gouvernement pour redresser le pays.

La France ne recense que 85 000 PME exportatrices, soit 3,5 fois moins que l'Allemagne et 2 fois moins que l'Italie. Ce nombre a diminué de 12 % en 10 ans.

Pour développer la présence des PME/ETI françaises à l'international, il est nécessaire d'améliorer leur compétitivité et de leur permettre de bénéficier d'un dispositif d'accompagnement sur les marchés étrangers efficace, lisible et transparent.

C'est dans ce contexte que le ministre des Affaires étrangères a fait de la « diplomatie économique » une priorité de son action. Cette priorité doit toutefois s'incarner dans un paysage institutionnel déjà particulièrement fragmenté.

1. Le plan d'action du ministre des Affaires étrangères

Lors de la Conférence des Ambassadeurs, Laurent Fabius a fait de la diplomatie économique une priorité : «Nous avons besoin d'une diplomatie économique forte, active, réactive, efficace, à l'écoute de tous les acteurs économiques de l'« équipe de France »» , appelant les ambassadeurs à devenir les «chefs de file de notre action économique extérieure» .

D'après les réponses écrites au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs, le plan d'action du ministère des Affaires étrangères se décline dans plusieurs directions :

- la mise en place d'un « Conseil économique » autour de chaque ambassadeur dans les principaux postes ;

- la création d'une direction spécifiquement dédiée aux entreprises (grands groupes, PME, ETI) et aux affaires économiques au ministère des Affaires étrangères ;

- le positionnement de l'ambassadeur qui « sera à la tête de l'équipe France de l'export à l'étranger » ; Votre commission juge que ce rôle d'impulsion est tout à fait primordial et doit être porté au plus niveau, par l'ambassadeur lui-même.

- le « renforcement des liens entre les outils d'influence et la promotion des intérêts économiques » ;

- pour quelques pays ou zones géographiques stratégiques, des personnalités de stature internationale sont désignées, afin d'y accompagner la diplomatie économique et culturelle.

Parmi ces personnalités figurent deux membres de notre commission : nos collègues Jean-Pierre Raffarin (pour l'Algérie) et Jean-Pierre Chevènement (pour la Russie).

2. La nécessité d'une cohérence accrue d'un dispositif de soutien public à l'exportation très éclaté

Votre commission ne peut que souscrire à l'objectif d'un meilleur accompagnement à l'export des entreprises françaises.

Elle s'interroge toutefois sur la méthode retenue dans la mesure où le dispositif public de soutien à l'export, qui vient de faire l'objet d'une ample réforme, avec la clarification des missions entre Ubifrance et les missions économiques, désormais recentrées sur les activités régaliennes, souffre déjà d'un éparpillement préjudiciable.

Les structures d'appui qui forment l'« équipe de France de l'export » rassemblent déjà de nombreux acteurs :

- les différents services de l'État concernés,

- les conseils régionaux,

- les chambres consulaires,

- les chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger,

- les conseillers du commerce extérieur,

- Oseo,

- la Coface,

- les fédérations professionnelles (industries mécaniques, audiovisuel, agro-alimentaire, artisans, éco-entreprises, etc.),

- les pôles de compétitivité,

- les acteurs privés du commerce international rassemblés au sein de l'OSCI.

Dans son rapport public annuel pour 2011, la Cour des comptes pointait déjà l'absence de rationalisation et préconisait, au sein du seul dispositif public d'aide à l'export, de clarifier les rôles respectifs, autour de la direction du Trésor du ministère de l'économie et des finances.

Le dispositif de soutien public à l'export : une réorganisation encore inachevée

Extraits du rapport public 2011de la Cour des comptes

La grande variété des acteurs du commerce extérieur au sein de la sphère publique et, au-delà, la diversité des dispositifs de soutien ont conduit à rechercher une meilleure organisation du soutien aux entreprises exportatrices qui n'a pas encore complètement abouti. (...)

Entre la Coface, Oséo et Ubifrance, la clarification des rôles n'apparaît pas encore suffisante. L'existence d'une gamme diversifiée de produits pour la prospection des entreprises se justifie, mais les exportateurs sont aujourd'hui confrontés à trois guichets. (..)

La même démarche de conventions croisées est adoptée avec les autres partenaires de l'export que sont les chambres de commerce et d'industrie, les chambres de commerce à l'étranger, ou les opérateurs privés spécialisés du commerce international, qui jouent un rôle déterminant dans l'accompagnement des entreprises. L'ensemble des acteurs du commerce extérieur a été réuni dans ce que les pouvoirs publics ont nommé une « équipe de France de l'export » et les événements organisés à l'étranger font l'objet d'une programmation commune dans le cadre d'un « programme France ». (...)

Le rôle confié à chacun des opérateurs en vertu de ses avantages comparatifs dans le processus d'exportation n'est toutefois pas exclusif. En pratique, la coordination des actions d'Ubifrance avec celles des chambres de commerce françaises à l'étranger peut encore être améliorée. (...)

La démarche de partenariat a jusqu'à présent ignoré les régions. Ces dernières, responsables du développement économique dans les territoires, attribuent des aides financières aux petites et moyennes entreprises pour prendre en charge une fraction de leurs dépenses de développement international. Ces aides, d'une grande diversité, subventionnent, pour l'essentiel, des dépenses de prospection (participation à des salons, etc.) et des dépenses liées à la constitution d'une équipe export (cadres export). Certaines régions disposent, de surcroît, d'importantes structures à l'étranger. Elles ont noué des partenariats anciens avec les chambres de commerce et d'industrie. Les dispositifs mis en oeuvre par les régions représentent un budget de l'ordre de 20 millions d'euros annuels et sont donc d'une importance équivalente au budget d'intervention d'Ubifrance.

Interrogé lors de son audition devant votre commission sur l'articulation future des rôles, et en particulier de celui du ministère des affaires étrangères avec celui de la direction du Trésor du ministère de l'économie et des finances et son réseau de conseillers du commerce extérieur , le ministre a répondu en ces termes :

« S'agissant de la diplomatie économique, il est vrai que nous ne nous sommes pas lancés dans un meccano administratif à Paris, pour quel résultat ? Nous travaillions bien ensemble avec le ministère des finances. J'ai créé une direction des entreprises au sein du ministère des affaires étrangères. J'ai recruté comme directeur un ancien diplomate qui vient de passer dix ans chez Axa. Il va disposer de moyens en personnel non négligeables. On va essayer de faire travailler tout le monde ensemble. Je reçois régulièrement des chefs d'entreprise. Sur le terrain, les ambassadeurs ont une mission de coordination des services de tous les ministères et au-delà de certains services para-administratifs. On fera un bilan dans six mois. ».

En substance, le ministère des affaires étrangères estime qu'il exerce une mission complémentaire à celle du ministère du Commerce extérieur. La direction des entreprises au sein du Quai d'Orsay aurait vocation à être le point d'entrée privilégié pour toutes les entreprises désireuses d'obtenir un appui d'ordre diplomatique.

Des discussions seraient en cours entre le Quai d'Orsay et la direction du Trésor, afin de coordonner les deux ministères sur la mise en oeuvre de ce plan d'action, par :

- la définition du contenu de « plans d'action économiques » uniques pour les ambassades ;

- le rôle qui sera joué par l'ambassadeur dans les « postes orphelins » (la soixantaine de postes dans lesquels aucun agent de Bercy n'est affecté) ;

- le détachement d'un agent de Bercy au sein de la future direction des entreprises du Quai d'Orsay.

Votre commission reste préoccupée tant par le niveau que par la pertinence du dispositif public d'aide à l'exportation pour les entreprises françaises. On ne peut qu'être frappé par la différence, en quantité et en qualité, du soutien apporté aux PME allemandes par rapport à leurs homologues françaises, qui se heurtent à une multiplicité de guichets, ce qui renchérit parfois les coûts, comme c'est le cas par exemple pour les garanties financières à l'export. En outre, le « portage » des petites entreprises ou des sous-traitants par les grands groupes est un levier qui n'est pas assez utilisé. Les délégations d'entreprises dans les voyages officiels ont, enfin, longtemps surreprésenté les grandes entreprises, alors que les PME, créatrices d'emploi, ont le plus de difficultés d'accès aux marchés extérieurs.

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