IV. DES DYSFONCTIONNEMENTS GRAVES QUI ONT AFFECTÉ LE VERSEMENT DES SOLDES DANS L'ARMÉE DE TERRE DEPUIS LE DÉPLOIEMENT DE LOUVOIS

Après plus d'un an et demi de fonctionnement du logiciel Louvois, de nombreuses difficultés existent notamment pour le personnel de l'armée de terre. Pour de nombreux militaires et leur famille, la situation est devenue insoutenable et incompréhensible.

Louvois restera dans l'histoire comme un grand ratage de la modernisation de l'État.

D'où le plan d'action annoncé par le ministre, le plan d'action dont la mise en oeuvre fait l'objet d'un suivi très précis par le cabinet du ministre et les état-major et directions concernées.

La mise en place de ce logiciel est un projet ancien. Son origine remonte à une décision ministérielle du 26 octobre 1996 qui indique que "le commissariat de l'armée de terre pilotera l'élaboration d'un logiciel de calcul de la solde commun aux trois armées et à la gendarmerie, avec extension ultérieure à la délégation générale pour l'armement...".

La mise au point de ce projet a nécessité des travaux importants en raison de la complexité de la réglementation et s'est faite parallèlement à la transformation des systèmes d'information ressources humaines (SIRH) des armées. Elle a dû prendre en compte la décision de mettre en place pour l'ensemble de l'Etat l'opérateur national de paie, que la défense doit rejoindre en 2017. Cet opérateur calculera les rémunérations à partir des informations transmises par les SIRH et pour l'ensemble du personnel civil et militaire du ministère par le SIRH unique SOURCE dont le pilotage est assuré par la direction des ressources humaines du ministère (DRH-MD).

Cette réforme a pour effet de rapprocher les fonctions "solde" et "ressources humaines" et donc de modifier l'organisation traditionnelle dans ce domaine. C'est ce qui explique en grande partie la décision prise de fermer les centres territoriaux d'administration et de comptabilité de l'armée de terre (CTAC).

Un plan de bascule des différentes armées dans LOUVOIS a été arrêté en septembre et novembre 2010. Après plusieurs mois de déroulement d'un processus qui comporte trois phases principales :

- Solde sur un échantillon représentatif ;

- solde en double sur la totalité de la population, pendant plusieurs mois ;

- et enfin répétition générale de bascule, la décision de bascule est prise.

Le service de santé a basculé pour la solde d'avril 2011. Des difficultés ont été constatées à ce moment-là, en particulier pour le paiement des gardes dans les hôpitaux. Le service de santé s'est appuyé sur la structure de suivi de la solde qu'il a mise en place pour corriger ces anomalies. Les équipes chargées de la mise au point du logiciel ont étudié ces anomalies et apporté des corrections au système d'information.

La marine a utilisé LOUVOIS à partir de la solde de mai 2012, après avoir franchi les étapes évoquées précédemment et mis en place la structure de suivi adaptée pour vérifier les soldes et corriger les anomalies.

La solde d'octobre 2011 des militaires de l'armée de terre a été la première solde sur LOUVOIS après 9 mois de solde double (de janvier à septembre 2011) et deux répétitions générales en juin et septembre 2011.

Tant que l'armée de terre n'était pas prise en compte dans LOUVOIS, les CTAC ont été maintenus en activités et les dissolutions de ces organismes se sont déroulées à l'été 2011 et à l'été 2012 afin de conserver au sein de l'armée de terre des compétences nécessaires pour traiter les soldes, puis pour armer le centre expert mis en place à Nancy.

Des difficultés sont apparues à différentes périodes depuis octobre 2011, et très nettement à partir de septembre 2012.

Ces difficultés ont pour partie un caractère technique qui affecte par exemple le calcul des indemnités liées à la présence du militaire outre-mer, la prise en compte d'évènements intervenant en cours de mois, ou encore le calcul de masse d'un grand nombre d'évènements passés comme les indemnités de service en campagne (ISC) qui sont versées deux fois par an et nécessitent de nombreuses opérations compte tenu du volume de dossiers à traiter (environ 60 000 dossiers à traiter en mai et novembre de chaque année).

Il y a également depuis juillet des difficultés de reprise des avances de solde.

Ces difficultés peuvent aussi résulter de l'organisation de soutien de la chaîne RH et solde.

L'ensemble de ces difficultés est en cours d'examen dans le cadre de plusieurs audits conduits en interne ou avec l'aide de cabinets extérieurs.

Ces différents audits permettent de mieux connaître les causes de la situation actuelle et aideront à corriger les problèmes rencontrés.

Les principales difficultés sont :

- la simultanéité de plusieurs réformes qui impactent l'organisation

Les difficultés organisationnelles s'expliquent en partie par une succession de décisions malheureuses : le nouveau dispositif a été déployé alors que l'organisation des fonctions de soutien dans les bases de défense n'était pas stabilisée et que dans le même temps, les services de solde (CTAC de l'armée de terre) étaient supprimés pour contribuer aux baisses des effectifs de soutien prévus par la révision générale des politiques publiques (RGPP) avant même que les nouveaux systèmes ou organismes de soutien de la solde soient mis en oeuvre.

- le traitement d'éléments de solde antérieurs à Louvois (armée de terre)

A fin août 2012, 120 208 opérations de régularisation correspondants à des droits ouverts avant 2011 (principalement pour les années 2011 et 2010, mais certaines dataient de 2009 voire marginalement avant) ont été réalisées par l'armée de terre. Par exemple plus de 30 000 dossiers de réservistes ou plus de 23 000 dossiers d'ISC (Indemnité de Service en Campagne) ou d'ISSE (OPEX) qui n'étaient pas soldés depuis début 2011 (voire 2010) ont été traités. Ces opérations des régularisations représentent près de 110 millions d'euros de masse salariale déjà reversés en 2012 au titre des années antérieures. C'était le point le plus prégnant jusqu'à l'été 2012.

- des dysfonctionnements techniques

La chaîne système d'information de la Solde qui interconnecte plusieurs applications informatiques (les SIRH des armées, le calculateur Louvois, les référentiels, et le système comptable de l'état Chorus) est complexe, porte encore des dysfonctionnements ou est incomplète pour prendre en compte toute les spécificités du traitement de la solde de certaines populations. Plusieurs anomalies engendrent aussi des calculs erratiques sur certaines indemnités qui imposent une compensation manuelle par les centres experts RH des armées.

Le ministère est confronté à un problème de communication, d'information et de pédagogie vis-à-vis aussi bien des administrés (ou de leurs ayants droit) que des gestionnaires de proximité. Le manque de connaissance de la réglementation - du fait aussi de sa complexité - un retour au réglementaire avec Louvois, ou le non respect des procédures établies amplifient le phénomène.

Une grande partie de ces difficultés s'explique par une compétence insuffisante sur les nouvelles modalités de traitement de la solde par les Bases de défense et les formations qui ne sont plus en mesure d'assurer un relais de proximité efficace et sécurisant, voire parfois réalise des saisies de données incorrectes. C'est une des conséquences des difficultés organisationnelles rencontrées. En conséquence la durée de résolution d'un problème individuel de solde peut prendre plusieurs mois.

Pour faire face à la situation, un plan en 8 points a été lancé le 25 septembre 2012 à Nancy par le ministre et complété de trois nouvelles mesures le 29 octobre 2012.

1. Mise en place d'un numéro vert (0 800 00 69 50) accessible à tous depuis le 1 er octobre 2012. C'est le principe d'un "Call Center" qui permet de répondre en direct aux préoccupations des administrés ou de leurs proches. Il est armé de 33 personnes. Au 5 novembre, plus de 8 074 appels reçus depuis son ouverture donnant lieu à 4 095 dossiers ouverts. La moyenne est passée de 527 appels/jour à 370 appels/jours. 95 % des dossiers concernent l'armée de terre. Le taux de réponse des organismes experts (CERH des armées) est de 17 % en global, soit 16 % pour l'armée de terre, 59 % pour la marine et 72 % pour le SSA. Mais l'analyse des dossiers complexes exigera des délais supplémentaires. Le CERHS de Nancy (armée de terre) se renforce progressivement depuis la mi-octobre (70 personnes supplémentaires d'ici le 10 novembre, 40 étaient déjà installées fin octobre). Sa capacité de traitement est actuellement de 100 dossiers/jour, elle sera portée à 200 dossiers/jour prochainement pour être en cohérence avec le flux constaté par le "Call Center".

2. Création d'un groupe d'utilisateurs (acteurs du ministère de la fonction Solde, représentants du personnel, conjoints....) dont l'objectif est de confronter les idées pour améliorer le service rendu, dialoguer sur les meilleures mesures pour accompagner les administrés en difficulté et améliorer en continu le système. La première réunion s'est tenue le 23 octobre 2012 en présence de trois épouses.

3. Réalisation d'une liste exhaustive de tous les dossiers en latence datant d'avant la bascule de la solde dans Louvois. Les centres de paie (CTAC) qui existaient avant l'arrivée de LOUVOIS ont été audités. Le ministère a déjà traité plus de 120 000 dossiers pour une masse salariale distribuée de près de 110 millions d'euros. Le « reste à faire » est évalué entre 5 000 à 6 000 dossiers. Une procédure de paiement accéléré est mise en place (cf. mesure §9).

4. Mise en place d'un dispositif de contrôle de la fonction solde afin d'organiser tous les mois une double remontée des incidents par la chaîne de commandement et par la chaîne solde afin de disposer d'un moyen de comparaison dans la remontée des problèmes.

5. Mise en place d'un dispositif spécifique pour les personnels qui rentrent d'opérations extérieures afin de pré-identifier des difficultés éventuelles sur la solde pour les traiter avant qu'elles ne surviennent et surtout de porter toute l'attention sur ce personnel pour lequel il n'est pas acceptable qu'il y ait des difficultés.

6. Amélioration du dispositif d'information et de communication sur la solde pour expliquer la complexité du bulletin de paie, mais aussi la réglementation.

7. Dématérialisation du bulletin de paie pour que les administrés puissent consulter leur bulletin dès son édition sans attendre le courrier papier. Ils pourront ainsi réagir immédiatement s'il y a une erreur ou de se renseigner en cas d'incompréhension.

8. Simplification administrative de la réglementation notamment pour les ISC (Indemnités de Service en Campagne) qui vont être mensualisées début 2013. Le processus de gestion des avances en opération (OPEX) sera clarifié.

9. Mise en place d'une procédure de paiement accéléré via le CIAS (Centre Inter-Armée de la Solde) et les trésoriers militaires pour tous les dossiers où l'Etat est redevable d'une dette vis-à-vis des administrés.

10. Moratoire d'au moins trois mois sur la reprise des avances ou des paiements directs qui arrivent brutalement et sans information préalable en déduction des soldes de base de nombreux administrés.

11. Report de deux mois des raccordements de l'armée de l'air et de la gendarmerie nationale initialement prévus en mars et septembre 2013, tant que le système ne sera pas stabilisé.

12. Mobilisation du réseau de l'action sociale et délivrance en cas de besoin de secours non remboursables aux militaires impactés par les dysfonctionnements du logiciel.

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