II. LES RÉGIMES DE RETRAITE DES TRANSPORTS TERRESTRES

Doté de 4,184 milliards d'euros par le projet de loi de finances pour 2013, le programme 198 de la présente mission est consacré aux régimes sociaux et de retraite des transports terrestres.

Il regroupe ainsi essentiellement les subventions d'équilibre de l'Etat aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP qui demeurent croissantes malgré les réformes intervenues.

Il prévoit en outre la prise en charge par l'Etat des pensions servies par quatre régimes de transport ferroviaire en voie d'extinction.

L'Etat subventionne également deux dispositifs d'aide au départ à la retraite spécifiques au secteur des transports terrestres et plusieurs autres régimes de retraite : le congé de fin d'activité des conducteurs routiers (CFA) et le complément de pension des conducteurs routiers.

A. LES RÉGIMES DE RETRAITE DE LA SNCF ET DE LA RATP

La gestion des pensions de retraite des agents de la RATP relève, depuis le 1 er janvier 2006, de la caisse de retraites du personnel de la RATP (CRPRATP) . Celle du régime spécial de retraite de la SNCF est assurée, depuis le 30 juin 2007, par la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRPSNCF) . Dans les deux cas, ces caisses constituent des organismes de sécurité sociale de droit privé distincts de l'entreprise et dotés de la personnalité morale. Leur création a été rendue nécessaire par la mise en oeuvre des normes comptables internationales (IAS-IFRS) et l'obligation d'isoler les engagements des deux entreprises correspondant aux retraites de leurs agents.

Dans le cadre de la réforme des régimes spéciaux de retraite en 2008, les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP se sont vu appliquer par décret 3 ( * ) les principes de la réforme mise en oeuvre à compter de 2003 dans la fonction publique (hausse de la durée d'assurance requise pour un départ à la retraite au taux plein, instauration de barèmes de décote et de surcote et indexation du montant des pensions sur l'évolution des prix). La réforme des retraites de 2010 leur sera applicable à compter de 2017 pour tenir compte du rythme de la montée en charge de la réforme de 2008.

Le décret du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse, qui prévoit l'ouverture du droit à la retraite anticipée à soixante ans pour les assurés justifiant de la durée d'assurance cotisée requise pour leur génération et ayant commencé à travailler avant vingt ans ne s'applique pas aux assurés relevant de la CPRSNCF. Il ne concerne pas davantage les agents de la RATP qui continueront de voir s'appliquer l'ancien dispositif de carrières longues jusqu'en 2017. Les régimes seront toutefois concernés par le financement de cet élargissement à travers des hausses des taux de cotisations de 0,5 point d'ici 2016.

1. L'évolution des règles applicables
a) Le régime de la SNCF

Les ressources propres de la branche vieillesse du régime spécial de la SNCF sont issues d'une cotisation salariale de 7,85 % et d'une cotisation employeur dont la composition est double :

- le taux T1, fixé de manière provisionnelle à 22,23 % pour l'exercice 2011 4 ( * ) , de façon à couvrir le montant qui serait dû si les salariés relevaient du régime général et des régimes de retraite complémentaires obligatoires, déduction faite du produit des cotisations salariales ;

- le taux T2, fixé à 11,26 % en 2011 5 ( * ) , qui vise à contribuer forfaitairement au financement des droits spécifiques de retraite du régime spécial.

Le taux global de cotisation patronale s'élevait ainsi à 33,49 % en 2011, soit une baisse de plus d'un point et demi par rapport à 2010 (35,17 %).

Selon les estimations fournies à votre rapporteure par la CPRPSNCF, la mise en oeuvre du décret du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse devrait avoir pour conséquence de faire progresser le taux T1 de 0,51 % en 2016 par rapport à la situation actuelle, générant un produit supplémentaire d'environ 24 millions d'euros. Le taux T2 progresserait de 0,22 % à l'horizon 2016 par rapport à la situation actuelle, engendrant un produit supplémentaire d'environ 10 millions d'euros.

Au total, les cotisations (1 881 millions d'euros en 2011) couvrent environ 36 % des charges de pensions (5 152 millions d'euros en 2011), le ratio cotisants/retraités étant devenu inférieur à 56 % en 2010.

La réforme des régimes spéciaux entrée en vigueur le 1 er juillet 2008 prévoit le rapprochement progressif des règles de calcul des pensions des personnels de la SNCF de celles applicables dans la fonction publique d'Etat. A ce titre, la durée d'assurance requise pour la pension à taux plein est passée de 150 trimestres au 1 er juillet 2008 à 166 trimestres au 1 er juillet 2010. Le dispositif de décote est entré en vigueur le 1 er juillet 2008 et le mécanisme de surcote le 1 er juillet 2010.

La mise en oeuvre de cette réforme a eu pour contrepartie des mesures d'accompagnement négociées entre l'Etat, les partenaires sociaux et l'entreprise : création d'un échelon d'ancienneté supplémentaire, majoration des traitements de fin de carrière, élargissement de l'assiette du salaire liquidable par l'intégration de certaines primes ou gratifications, aménagement des modalités de cessation progressive d'activité ou encore mise en place d'un compte épargne-temps.

Les dispositions de la loi portant réforme des retraites du 9 novembre 2010 seront également étendues au régime spécial de la SNCF à partir du 1 er janvier 2017 6 ( * ) . Le régime verra ainsi le recul progressif de deux ans des âges d'ouverture du droit à pension. La pension de retraite, accordée à partir de l'âge de cinquante-cinq ans après vingt-cinq ans de service selon les règles actuelles, le sera à partir de cinquante-sept pour les agents nés à compter du 1 er janvier 1967, la durée de service requise étant portée à vingt-sept ans de service à partir du 1 er janvier 2022.

La loi portant réforme des retraites du 9 novembre 2010 prévoit en outre un alignement progressif des cotisations salariales sur celles applicables dans le secteur privé à compter de 2017. Le taux sera ainsi porté de 8,12 % en 2017 à 10,55 % en 2026. Le taux de cette cotisation n'est pas impacté par le décret du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse.

Selon les informations recueillies par votre rapporteure auprès de la CPRPSNCF, entre 2008 et les huit premiers mois de l'année 2012, l'âge moyen de départ des agents de conduite a progressé de treize mois et celui des autres agents de onze mois. Plus d'un agent de conduite sur deux (54 %) a quitté l'entreprise à plus de cinquante et un ans contre 32 % en 2011 ; 42 % des autres agents ont quitté la SNCF à plus de cinquante-six ans contre 30 % en 2011. Cette évolution s'explique notamment par la suppression de la mise à la retraite d'office, les contreparties sociales issues des négociations et la montée en charge de la décote.

b) Le régime de la RATP

Le financement du régime d'assurance vieillesse de la RATP est assuré par le produit des cotisations salariales (au taux de 12 %) et patronales (au taux de 18 %) et par une subvention de l'Etat destinée à équilibrer les recettes et les charges de la caisse.

En 2011, le produit des cotisations sociales (434 millions d'euros) couvrait environ 46 % des charges de prestations vieillesse (937 millions d'euros), le ratio cotisants/retraités s'établissant à 91 %.

Dans le cadre de la réforme des régimes spéciaux de 2008, les durées d'assurance requises pour l'attribution du taux plein ont été harmonisées avec celles prévues dans la fonction publique et des dispositifs de décote et surcote analogues ont été instaurés. En outre, les bonifications de durée d'assurance prévues ont été supprimées pour certaines catégories d'emplois pour les agents recrutés après le 1 er janvier 2009.

Comme pour le régime de retraite de la SNCF, la réforme de 2010 a conduit pour la RATP au recul progressif de deux ans des âges de départ en retraite et à la majoration de deux ans de la durée minimale d'assurance requise. L'âge légal de départ a été porté à cinquante-deux ans pour les personnels d'exécution nés à compter de 1972, à cinquante-sept ans pour les personnels de maîtrise nés à compter de 1967 et à soixante-deux ans pour les cadres nés à compter de 1962. La durée minimale de service pour l'attribution des pensions des personnels d'exécution et de maîtrise sera progressivement portée de vingt-cinq à vingt-sept ans entre 2017 et 2022.

Selon les informations transmises à votre rapporteure, en 2011, 63,7 % des pensions de droit direct étaient liquidées avant l'âge de cinquante-cinq ans, 8,8 % à l'âge de cinquante-cinq ans, 18,54 % entre l'âge de cinquante-six ans et cinquante-neuf ans et 3 % entre soixante et un ans et soixante-quatre ans.

2. Les perspectives financières

Compte tenu de la dégradation continue de leurs ratios démographiques, les deux régimes ont bénéficié en 2012 d'une subvention d'équilibre de l'Etat en hausse de 5,3 % pour le régime de la SNCF (3,36 milliards d'euros) et de 4,9 % pour le régime de la RATP (552 millions d'euros) par rapport à 2011. En 2013, les subventions d'équilibre seront respectivement de 3,4 milliards d'euros et de 614,6 millions d'euros.

a) Le régime de la SNCF

Selon la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport d'octobre 2012, les charges de la branche vieillesse de la CPRPSNCF ont atteint près de 5,3 milliards d'euros en 2011, en progression de 1,7 % par rapport à 2010. Cette évolution reflète une hausse modérée de la masse des pensions. Malgré une baisse du nombre de bénéficiaires (- 1,7 %), les prestations ont en effet augmenté de 1,7 % en 2011, sous l'effet principalement d'une revalorisation plus élevée des pensions (+ 1,8 % en moyenne annuelle). L'effet prix l'a ainsi emporté sur l'effet volume.

L'exercice 2011 a enregistré une forte baisse des cotisations salariales (- 4,2 %), compte tenu de la baisse du taux T2 et de la baisse des effectifs (- 1,6 %). De plus, en raison de l'extinction progressive de la compensation vieillesse spécifique entre régimes spéciaux (jusqu'à sa disparition en 2012), les transferts de compensation démographique reçus par la branche ont poursuivi en 2011 la forte baisse engagée en 2009. D'un montant de 56 millions d'euros en 2011, les transferts devraient être légèrement négatifs en 2012 (- 1,3 million d'euros). Par ailleurs, la CPRPSNCF est contributrice depuis 2011 au mécanisme de la compensation généralisée vieillesse.

En 2012 et 2013, du fait d'une baisse moins marquée du nombre de cotisants et du relèvement des taux de cotisations, le produit des cotisations sociales devrait augmenter de respectivement 4 % et 1,2 %.

Selon les documents budgétaires annexés au présent projet de loi de finances, les charges de pensions devraient s'élever à 5,358 milliards d'euros en 2013, après 5,335 milliards en 2012. Compte tenu de cette hausse des charges et de la poursuite de la diminution des transferts de compensation généralisée, la subvention d'équilibre de l'Etat à la CPRPSNCF poursuit son augmentation. Après 3,2 milliards d'euros en 2011, elle était de 3,3 milliards d'euros en 2012 et sera de 3,4 milliards d'euros en 2013, en hausse de 1,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2012.

Comptes prévisionnels de la CRPPSNCF

(en millions d'euros)

Charges

Produits

2012 (PLF)

2013

(PLF)

2012 (PLF)

2013 (PLF)

Pensions

5 335,50

5 358,20

Cotisations

2 015,20

1 972,68

Compensations

8,60

0,00

Compensations

0,00

3,00

Autres charges techniques

0,00

0,00

Autres produits techniques

0,50

0,50

Charges financières

9,70

5,30

Produits financiers

0,80

0,60

Charges de gestion

21,80

22,10

Subvention de l'Etat

3 359,10

3 408,82

Total des charges

5 375,60

5 385,60

Total des produits

5 375,60

5 385,60

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013

b) Le régime de la RATP

La subvention d'équilibre de l'Etat au régime spécial de la RATP atteindra 614,57 millions d'euros, en hausse de 11,2 % par rapport à 2012 . Cette croissance importante résulte du creusement rapide entre les charges de prestations et le produit des cotisations.

Selon la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport d'octobre 2012, les charges du régime de retraite de la RATP se sont élevées à 973 millions d'euros en 2011, en progression de 3,3 % par rapport à 2010. La hausse des prestations vieillesse a atteint 4,7 %, tirée par l'accroissement du nombre de bénéficiaires (+ 1,4 %). Outre l'évolution démographique, l'augmentation des charges de pensions du régime s'explique par les revalorisations annuelles ainsi que les mesures salariales qui ont accompagné la réforme des retraites de 2008.

Le régime de retraite de la RATP contribue au financement des mécanismes de compensation interrégime généralisée et spécifique. Du fait de la disparition de la charge de compensation spécifique en 2012, qui constitue un facteur d'allègement de ses charges, les transferts versés par la caisse ont baissé de près de 29 % en 2011 par rapport à 2010.

Le produit des cotisations sociales a affiché une faible hausse en 2011 (+ 1 %) en raison du recul des effectifs cotisants (- 0,5 %). Les effectifs de cotisants devraient légèrement décroître en 2012 et se stabiliser en 2013. Cependant, la hausse du produit des cotisations demeurerait soutenue (+ 2,8 % en 2012 et + 2,7 % en 2013) en raison d'un glissement vieillissement technicité (GVT) dynamique et de la hausse des taux de cotisation résultant de l'application du décret du 2 juillet 2012 relatif aux carrières longues.

En 2012 et 2013, la croissance des prestations vieillesse devrait demeurer particulièrement dynamique (respectivement + 5,9 % et + 5,5 %) du fait d'un effet noria important et malgré l'affaiblissement du rythme de départs en retraite.

Au total, la différence entre les charges de prestations et les recettes de cotisations continuera de se creuser. Le montant de la subvention d'équilibre de l'Etat atteindra 614,57 millions d'euros en 2013, après 552 millions d'euros en 2012 et 532 millions d'euros en 2011.

Comptes prévisionnels de la CRPRATP

(en millions d'euros)

Charges

Produits

2012 (PLF)

2013 (PLF)

2012 (PLF)

2013 (PLF)

Pensions

965,20

1 052,57

Cotisations

434,00

457,90

Compensations

22,80

22,00

Produits techniques

2,30

2,40

Autres charges techniques

0,30

0,30

Produits financiers

0,00

0,00

Charges de gestion

5,90

5,61

Produits de gestion courante

5,90

5,61

Subvention de l'Etat

552,00

614,57

Total des charges

994,20

1 080,48

Total des produits

994,20

1 080,48

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013

c) Le constat sévère de la Cour des comptes sur la réforme des régimes spéciaux

Dans son rapport de septembre 2012 sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes indique que la réforme des régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP n'aura qu'un impact pour le moins limité et en tout cas très progressif sur l'évolution du montant des subventions d'équilibre versées au titre de la présente mission .

Selon la Cour, les gains escomptés des dernières réformes, engendrés par les surcroîts de cotisations et les économies de prestations, s'élèveraient à un total de 10,4 milliards d'euros entre 2011 et 2030 pour la caisse de retraite de la SNCF et à 1,4 milliard d'euros sur la même période pour celle de la RATP. Cependant, l'effet des réformes est en partie absorbé par les mesures d'accompagnement mises en place. Les surcoûts salariaux résultant de ces mesures sont évalués à 8,9 milliards d'euros sur la période 2011-2030 pour la SNCF et à 0,8 milliard d'euros pour la RATP.

Au total, la subvention d'équilibre de l'Etat se maintiendrait aux niveaux toujours élevés de 3,5 milliards d'euros en 2020 et 2,8 milliards à l'horizon 2030 pour la SNCF et la RATP réunies .

La conclusion de la Cour est celle d'un « bilan économique global incertain » à long terme et, en tout état de cause, négatif à hauteur de 600 à 800 millions d'euros entre 2011 et 2020.


* 3 Décrets n os 2008-47 pour la SNCF et 2008-48 pour la RATP du 15 janvier 2008.

* 4 Arrêté du 28 décembre 2011.

* 5 Décret n° 2007-1056 du 28 juin 2007.

* 6 Décrets n os 2011-288 et 2011-291 du 18 mars 2011.

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