6. Des évolutions plus profondes sans doute souhaitables

En premier lieu, s'il est louable de vouloir renforcer la sécurité juridique des procédures et d'assurer une meilleure représentation de l'Etat devant les juridictions administratives et judiciaires, il convient aussi de s'interroger, en amont, sur la manière dont sont prises les décisions relatives au séjour et à l'éloignement, et notamment sur la prise en compte de la jurisprudence administrative.

En matière d'éloignement en particulier, l'insuffisante détermination des procédures laisse le champ libre au contentieux . En effet, la nouvelle architecture définie par la directive dite « retour » du 16 décembre 2008, qui prévoit une gradation des mesures applicables aux étrangers en situation irrégulière, la rétention n'étant que le stade ultime, n'a été transposée que de manière très imparfaite par la loi du 16 juin 2011.

Cette loi laisse ainsi au préfet un vaste panel de mesures d'éloignement, avec chacune des exigences juridiques et des modalités de saisine du juge différentes, ce qui multiplie les sources de contentieux et les possibilités d'annulation :

-OQTF sans refus de titre préalable avec délai de départ volontaire ;

-OQTF suivant un refus de titre et avec ou sans délai de départ volontaire ;

-OQTF sans délai de départ volontaire ;

-OQTF sans délai de départ volontaire avec placement en rétention ;

-OQTF sans délai de départ volontaire avec assignation à résidence ;

-OQTF sans délai de départ volontaire avec placement en rétention et interdiction de retour sur le territoire ;

-etc.

Il semble donc nécessaire de réexaminer l'ensemble des dispositions législatives relatives à l'éloignement introduites par la loi du 16 juin 2011.

Par ailleurs, on ne peut que regretter que les tribunaux administratifs usent rarement du pouvoir d'injonction qui leur est conféré par la loi du 8 février 1995. Lorsqu'une telle injonction est prononcée, il arrive fréquemment que le justiciable doive à nouveau saisir le juge administratif pour que celui-ci assortisse l'injonction d'une astreinte.

A cet égard, le vice-président du Conseil d'Etat a indiqué, lors de son audition par votre commission, que la juridiction administrative ne pourrait plus longtemps faire l'économie d'une réflexion sur le passage, dans certains domaines et en particulier en matière de recours des étrangers, d'un contentieux de la légalité à un plein contentieux. Saisi de la contestation d'un rejet de titre de séjour, le juge pourrait ainsi statuer lui-même sur la possibilité que l'étranger puisse obtenir un tel titre , sa situation étant examinée à la date de la décision juridictionnelle et non à la date d'une décision administrative prie un, voir deux ans auparavant. Ceci permettrait également de purger des erreurs non substantielles commises par l'administration. Une telle évolution impliquerait aussi que les préfectures instruisent les dossiers à la lumière de l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et pas seulement au regard d'un seul article. Votre rapporteuse approuverait pleinement un tel changement, qui serait susceptible de diminuer le nombre de décisions administratives à prendre ainsi que le nombre de recours contentieux.

En attendant de telles évolutions, il serait souhaitable, dans les circulaires en préparation, que le ministère demande aux préfectures de mettre l'accent sur l'exécution des décisions de justice dans les délais impartis par le juge. Par ailleurs, la formation juridique, tant initiale que continue, des fonctionnaires affectés au service des étrangers, devrait constituer une priorité, afin de garantie la meilleure sécurité juridique possible pour les décisions relatives au droit au séjour.

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