C. L'ARTICLE 7 DU PROJET DE LOI : DES DISPOSITIONS PROTECTRICES MALGRÉ DES CRITIQUES ENCORE NOMBREUSES

1. Une « majoration de prix » plutôt qu'une répercussion

Comme évoqué précédemment, en matière de répercussion, le dispositif le plus satisfaisant économiquement - et intellectuellement - est également celui qui se révèle le plus complexe. Le législateur et le pouvoir exécutif doivent par conséquent réaliser un arbitrage entre simplicité du dispositif et une répercussion qui s'approche au plus près des coûts réellement supportés par les transporteurs.

Le projet de loi prend acte du fait que « le prix d'une opération de transport n'est qu'indirectement et partiellement relié à l'itinéraire suivi. [...] Dans la majorité des cas, le prix ne repose pas sur les mêmes paramètres que ceux servant au calcul de la taxe » (extrait de l'étude d'impact annexée).

D'un point de vue juridique, le Gouvernement opère un changement de paradigme, ce que traduit une évolution sémantique : le texte législatif n'organise plus la « répercussion », il établit une « majoration de prix » obligatoire de la prestation de transport.

Concrètement, le « prix de la prestation de transport » (hors taxes) est majoré « de plein droit » 23 ( * ) par application d'un taux « qui est fonction des régions de chargement et de déchargement des marchandises transportées ».

L'article 7 du projet de loi dispose clairement que cette majoration est imputée « pour la partie du transport effectué sur le territoire métropolitain, quel que soit l'itinéraire emprunté ». Un transport de marchandises qui ne viendrait pas à emprunter un itinéraire taxé verrait tout de même sa facture majorée.

La déconnexion entre l'éco-taxe réellement acquittée et la majoration de prix n'est cependant pas totale , puisque les taux de majoration « correspondent à l'évaluation de l'incidence moyenne [de la TPLN et de la TPLA] sur les coûts de transport compte tenu de la consistance du réseau soumis à ces taxes, des trafics et des itinéraires observés ainsi que du barème de ces taxes. Ils tiennent compte également des frais de gestion afférents à ces taxes et supportés par les transporteurs. Ils sont fixés par un arrêté du ministre chargé des transports » .

Pour des raisons d'équité, le texte législatif distingue deux situations selon que le transport s'effectue à l'intérieur de la même région ou au-delà du périmètre régional. En effet, le réseau taxable est plus ou moins étendu selon les régions, sans compter la réduction de 40 % de l'éco-taxe en Bretagne et de 25 % en Aquitaine et en Midi-Pyrénées.

Il ne serait donc pas juste qu'une prestation de transport, par exemple à l'intérieur de l'Aquitaine, soit majorée du même taux qu'une prestation de transport en Île-de-France où le réseau taxable est le plus dense.

En revanche, il n'existe qu'un seul taux national , qui, d'après l'étude d'impact, pourrait être fixé à 4,4 % . Les taux intra-régionaux prévisibles sont retracés dans le tableau ci-dessous.

La facture fait apparaître la majoration de prix.

Taux intra-régionaux

REGION

TAUX

REGION

TAUX

Île-de-France

6,10 %

Pays-de-la-Loire

2,60 %

Champagne-Ardenne

3,70 %

Bretagne

3,30 %

Picardie

3,10 %

Poitou-Charentes

3,10 %

Haute-Normandie

3,50 %

Aquitaine

1,80 %

Centre

2,60 %

Midi-Pyrénées

1,90 %

Basse-Normandie

3,20 %

Limousin

3,90 %

Bourgogne

2,90 %

Rhône-Alpes

2,50 %

Nord-Pas-de-Calais

5,00 %

Auvergne

2,80 %

Lorraine

5,30 %

Languedoc-Roussillon

1,90 %

Alsace

6,30 %

Provence-Alpes-Côte d'Azur

2,20 %

Franche-Comté

2,50 %

Corse

0,00 %

Source : étude d'impact annexé au projet de loi

Comment le principe de la majoration de prix peut-il être mis en oeuvre
par des transporteurs étrangers ?

« Au regard de la réglementation européenne, la législation nationale s'applique aux transporteurs étrangers qui effectuent des transports en France.

« L'article 9§1 du Règlement (CE) n° 1072/2009 du 21 octobre 2009 précise que " l'exécution des transports de cabotage est soumise, sauf si la législation communautaire en dispose autrement, aux dispositions législatives, réglementaires et administratives en vigueur dans l'Etat membre d'accueil ". L'article 9§2 du règlement précité ajoute que " les dispositions législatives, réglementaires et administratives visées au paragraphe 1 sont appliquées aux transporteurs non résidents dans les mêmes conditions que celles qui sont imposées aux transporteurs établis dans l'État membre d'accueil, afin d'empêcher toute discrimination fondée sur la nationalité ou le lieu d'établissement ".

« Pour les transports internationaux, la majoration s'appliquera sur le prorata du prix de la prestation de transport correspondant à la partie française du trajet. Il sera appliqué un taux régional si ce trajet est situé à l'intérieur d'une même région ou le taux interrégional si ce trajet concerne plusieurs régions.

« En conclusion, les prestations de transport réalisées sur le territoire métropolitain par des transporteurs étrangers seront soumises au même dispositif de majoration des prix que celles réalisées par les entreprises françaises et selon les mêmes modalités. Cette majoration devra être mentionnée sur la facture.

« La méconnaissance de ce dispositif par le donneur d'ordre est passible d'une sanction pénale (amende de 15 000 euros) prévue à l'article L. 3242-2 du code des transports ».

Source : réponse du ministère de l'écologie au questionnaire de votre rapporteur


* 23 Le non-respect, par le co-contractant du transporteur routier, de cette obligation est puni d'une amende de 15 000 euros.

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