B. UNE PRISE EN COMPTE DES SPÉCIFICITÉS DE LA SITUATION DES MILITAIRES

1. Le statut de la mort au combat

Le projet de loi précise tout d'abord le statut de la mort au combat , à l'article 17.

Cette disposition a pour effet de surmonter la tendance rapportée par le ministère de la défense, selon laquelle les officiers de police judiciaire militaires diligenteraient quasi systématiquement une enquête en recherche des causes de la mort.

Actuellement, en cas de constat d'une mort violente, à l'étranger, les officiers de police judiciaires militaires ont pris l'habitude de dresser un procès-verbal de renseignement judiciaire , qui n'est ni une ouverture d'une enquête en recherche des causes de la mort, mais qui est plus qu'une abstention.

L'article 17 crée ainsi une présomption , simple : la mort violente d'un militaire, « au cours d'une action de combat se déroulant dans le cadre d'une opération militaire hors du territoire de la République » est présumée ne pas avoir de cause inconnue ou suspecte.

Dès lors, si l'officier de police judiciaire n'avance pas d'éléments permettant de renverser cette présomption, il ne pourra pas diligenter d'enquête en recherche des causes de la mort.

Toutefois, les éléments actuellement nécessaires à réunir pour que l'officier de police judiciaire diligente une enquête en recherche des causes de la mort - qui est une simple enquête visant à connaitre les circonstances de la mort et qui s'achève dès que celles-ci sont connues - sont justement les mêmes éléments qui permettront de renverser la présomption simple instituée.

Le dispositif proposé n'a donc pas de portée juridique. C'est pourquoi, votre commission a adopté un amendement supprimant l'article 17.

2. Un monopole des poursuites réservé au parquet, dérogatoire du droit commun

En France métropolitaine, pour les militaires comme pour les autres citoyens, les victimes peuvent surmonter le refus du parquet de poursuivre en se constituant partie civile. À l'étranger, en cas de crime ou délits commis par un ressortissant français, ou dont un français est victime, l'article 113-8 du code pénal prévoit de réserver au parquet le monopole en matière de délit, mais pas en matière de crime.

En l'état du droit, les poursuites pour des délits ou des crimes commis par des militaires, à l'extérieur du territoire français, en temps de paix, obéissent à un régime juridique dérogatoire de celui qui s'applique pour tous les autres citoyens à l'extérieur du territoire français : il n'y a aucun monopole du parquet en matière de délit ou de crime.

La possibilité de se constituer partie civile dans les conditions de droit commun de l'article 85 du code de procédure pénale, c'est-à-dire dans les mêmes conditions que celles pouvant intervenir si le délit ou le crime est commis sur le sol national a été introduite par un amendement de l'Assemblée nationale, au texte de la loi n° 99-929 du 10 novembre 1999 portant réforme du code de justice militaire et du code de procédure pénale. En contrepartie de cette possibilité, l'avis préalable à toute poursuite par le parquet, donné par le ministre de la défense, a paru suffisant à l'époque pour prévenir tout risque d'instrumentalisation et le dispositif a été finalement voté.

L'article 18 du présent projet de loi a pour objet de rétablir ce monopole du ministère public , « pour les faits commis dans l'accomplissement de sa mission ».

Cet article va donc au-delà du droit commun de l'article 113-8 du code pénal , puisque ce monopole sera également applicable en cas de crime, ce qui n'est actuellement pas le cas pour les autres citoyens français.

Cette disposition introduit une dérogation encadrée et limitée à l'article 113-8 du code pénal, eu égard au contexte devenu très complexe dans lequel se déroulent les interventions militaires.

Votre commission a donc adopté l'article 18 sans modification.

3. Une définition difficile des notions de « diligences normales » et « d'opérations militaires »

Comme évoqué ci-dessus, les changements intervenus dans le déroulement des conflits et la disparition de la situation de guerre au profit de situations indéfinies pouvant aller de simples opérations de routine à des engagements extrêmement violents a rendu d'autant plus nécessaire de préciser le terme apparemment évident qu'est une « opération militaire ». La polysémie du terme, dont l'objet embrasse des missions de surveillance, d'observation, de police même, ainsi que de véritables missions de combat, a nécessité de mieux définir ce terme, d'autant que la durée et l'ampleur de ces interventions peuvent être très variables.

Si le projet de loi n'a pas défini l'expression « opérations militaires », la commission des affaires étrangères a adopté un amendement précisant cette définition, en introduisant la notion de « capacités militaires » pour caractériser une opération militaire.

Cette définition permet d'avoir une vision extensive de la notion d'opérations militaires, adaptée à la réalité des interventions militaires actuelles.

En ce qui concerne la notion de « diligences normales », appréciées dans le cadre des infractions non intentionnelles, le projet de loi a pour objet de protéger davantage les militaires, qui n'ont aujourd'hui que le niveau de protection accordé aux fonctionnaires. Si ce niveau de protection est plus élevé que pour les autres citoyens, il semble en effet encore trop peu protecteur, eu égard aux missions particulières des militaires.

Aussi, l'article 19 du projet de loi définit-il les « diligences normales » qui devront être appréciées en particulier au regard de l'urgence , des informations disponibles et des circonstances liées à l'action de combat . Votre commission a donc adopté l'article 19 sans modification.

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Sous réserve de l'adoption de ses amendements, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale dont elle s'est saisie pour avis.

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