AUDITION DE M. LAURENT FABIUS, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Mercredi 16 octobre 2013, la commission auditionne M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2014.

M. Jean-Louis Carrère. - Monsieur le ministre des affaires étrangères, chers collègues, c'est avec un grand plaisir que nous vous retrouvons, cher Laurent Fabius, un mois après une audition à huis clos sur la situation syrienne, qui fut tout à fait passionnante.

Compte tenu de l'état du monde, et je pense notamment à la situation en République centrafricaine, d'où vous revenez, et dont vous nous direz peut être un mot, il nous sera difficile aujourd'hui de cantonner nos questions aux seuls enjeux budgétaires.

C'est pourtant ce que nous tenterons de faire, tant il est vrai que les moyens d'action dévolus au Quai d'Orsay sont la condition nécessaire -mais pas suffisante- pour maintenir le rayonnement de notre diplomatie, sa capacité à orienter le cours des choses, bref la puissance d'influence de notre pays.

Les questions ne manquent pas, qu'il s'agisse du dimensionnement du réseau diplomatique et consulaire, de la sécurité diplomatique ou de l'adaptation de notre outil à l'émergence de nouvelles puissances.

Avant de céder la parole aux rapporteurs budgétaires pour leurs questions, c'est à vous, Monsieur le ministre, pour la présentation de votre budget.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - Monsieur le Président, mesdames et messieurs les sénateurs, le budget de la mission « Action extérieure de l'Etat » s'inscrit dans les orientations que je vous avais présentées l'année passée, dans un contexte où la dépense publique doit être contenue. C'est un budget que j'ai souhaité efficace et économe.

Économe, car le budget de la mission « Action extérieure de l'État » s'élève à 2 952,3M€, y compris la masse salariale, en diminution de 0,7% par rapport à 2013. Il diminue de 2,1% hors masse salariale. Le plafond d'emplois s'élève à 14 505 emplois équivalent temps plein, en diminution de 196 ETP. Ce chiffre inclut la création de 28 ETP dans le secteur des visas. Il prend aussi en compte le redéploiement vers nos géographies prioritaires d'une centaine d'emplois en 2014 et de 300 sur l'ensemble du triennum. J'y reviendrai.

Efficace, car les économies proposées sont cohérentes avec les objectifs que j'ai fixés au ministère des affaires étrangères : diplomatie économique pour participer au redressement économique de la France, un service public efficace, puissance d'influence, nous renforcer dans les pays d'avenir.

Pour mettre en oeuvre ces priorités  nous adaptons le réseau, je devrais dire les réseaux du ministère. Il n'est pas question de revenir sur son universalité, qui est un atout de notre diplomatie.

Le nouveau dispositif permet en revanche d'être davantage présent là où nos intérêts l'exigent, d'assurer nos missions essentielles et de proposer des économies, qui produiront encore leurs effets dans les années à venir.

Le réseau se redéploie vers nos géographies prioritaires, les pays émergents et les pays en sortie de crise, à hauteur de 300 agents sur trois ans, principalement à partir des effectifs d'Europe et d'Amérique du Nord. Il y aura ainsi par exemple des créations d'emplois en Chine, en Inde, en Afrique du Sud, en Indonésie, également au Mali (+4) et en Birmanie.

Le réseau se renforce sur ses missions prioritaires. Un examen a été fait pays par pays et a conduit à établir une liste de treize pays où les postes seront très allégés et travailleront sur deux à trois missions exclusivement. En 2014, cela concernera la Jamaïque, le Népal, la Papouasie Nouvelle guinée, le Libéria, la Kirghizistan, la Guinée Bissao, le Honduras et le Cap Vert. En 2015, s'y ajouteront Brunei, l'Erythrée, le Tadjikistan, Trinité et Tobago et la Zambie, d'autres peut être. Tous ces pays conserveront les missions de représentation politique et diplomatique, de protection consulaire et de suivi et d'accompagnement de l'action économique ou commerciale de nos entreprises.

Autre évolution du dispositif, les missions assurées par quatre antennes diplomatiques seront rapatriées vers les capitales de rattachement : en 2013, nous l'avons fait au Malawi. En 2014, ce seront la Sierra Leone et la Gambie. Et en 2015, Sao Tomé. Il n'y avait pas d'ambassadeur physiquement présent dans ces pays. Nous avions des ambassadeurs accrédités. Nous les gardons.

A côté des évolutions liées à la réorganisation du réseau diplomatique, le réseau consulaire se réoriente pour accompagner les populations expatriées qui en ont le plus besoin. Certains réseaux s'adapteront. C'est le cas au Canada. Des agences consulaires seront ouvertes à Edmonton, capitale de l'Alberta, et à Calgary. C'est également le cas en Europe où nous rationalisons nos implantations sans fermer de consulat général mais en mettant fin au cloisonnement entre les diplomaties (politique, économique, culturelle, scientifique). Des consulats dits « à gestion simplifiée » verront leurs missions recentrées sur la diplomatie d'influence et adossés aux structures publiques ou associatives les plus pertinentes, afin de décloisonner les missions. Notre consulat à Hambourg a déjà adopté ce profil ; Stuttgart, Düsseldorf et Naples devraient suivre.

Il faut également achever la réforme du réseau culturel. La fusion de nos services de coopération et d'action culturelle avec les établissements à autonomie financière (EAF) est arrivée à son terme. Nous devons maintenant envisager l'évolution du dispositif des antennes et instituts, notamment ceux durablement déficitaires. Je compte pour cela suivre la même méthode que pour les réseaux diplomatiques et consulaires : sur la base de propositions des services, engager le dialogue avec les organisations syndicales. Ce dialogue a lieu actuellement.

En ce qui concerne la sécurité de nos implantations et la rationalisation immobilière, ces choix structurels opérés et qu'il faudra poursuivre permettent de redistribuer des moyens aux postes et, également, de mener à bien le plan de sécurisation de nos implantations auquel 20 M€ seront consacrés en 2014, 40 M€ sur trois ans.

Quelques exemples : 3,3 M€ sont programmés à Tripoli pour un budget de construction global de 15 M€ environ ; 3 M€ sont inscrits pour le relogement et la sécurisation des déplacements des agents. Je rappelle qu'en 2007, 6 ambassadeurs bénéficiaient de protection. Ils sont 20 aujourd'hui. Les préoccupations sécuritaires s'accumulent : Sanaa, Le Caire, Tunis et les capitales de la zone sahélienne. La donne évolue, après l'attentat de Nairobi. Il faut sans cesse s'adapter à l'évolution de la menace.

La moitié de ces crédits est gagée par des ventes d'immeubles (22 M€) car la poursuite de la rationalisation de nos implantations immobilières le permet et que la sécurité de nos bâtiments, de nos personnels et de la communauté française est une priorité. La problématique immobilière se posera à terme. Certains d'entre vous le soulignent, il sera difficile de poursuivre indéfiniment le financement des travaux d'entretien lourd de notre parc immobilier par la vente d'immeubles. Mais il reste encore des marges de manoeuvre.

À New York, la vente de la résidence de notre ambassadeur auprès de l'ONU sera lancée dans les prochains mois. En Malaisie, nous cèderons une parcelle de terrain.

Pour ce qui est de l'appui aux Français de l'étranger, l'appui à nos communautés expatriées demeure une priorité de notre action. Nous maintenons l'aide sociale pour les Français défavorisés.

La réforme des bourses a été mise en place à la rentrée. Vous en avez eu les premiers résultats. Ils seront s complétés par les résultats de la prochaine Commission nationale des bourses en décembre. Le nouveau modèle proposé, plus juste et plus équitable, a, je crois, rencontré une large adhésion, même si, comme toujours lorsqu'on change de système, il faut un temps d'adaptation. Il faut souligner le travail effectué par les commissions locales des bourses et je souhaite les en remercier. C'est leur connaissance des populations françaises qui permet d'adapter un mécanisme aux réalités locales. La redistribution a été réelle. 10% des familles bénéficiaires de bourses le sont pour la première fois cette année. Il y aura des adaptations marginales : la prise en compte des familles monoparentales notamment. Nous retravaillerons ensemble à ces améliorations.

La diplomatie culturelle et d'influence n'est pas séparée du reste de notre action. Elle s'y insère et en est complémentaire. Cela vaut notamment pour la diplomatie économique, qui bénéficie de notre rayonnement culturel.

Le réseau culturel est très dynamique. Cela lui permet de s'autofinancer à plus de 60% et de lever plus de 180 M€ de cofinancements. Ce réseau est atout majeur pour l'influence de la France et l'attractivité de notre culture et de notre langue.

Nous consacrons 68 M€ aux boursiers du gouvernement français, quel que soit l'instrument : les BGF, bien sûr, mais aussi les bourses Eiffel, les bourses Major, les bourses cofinancées, la contribution que nous versons à l'Université franco-allemande...

S'y ajoutent 60 M€ de programmes de bourses financés par les Etats tiers, ce qu'on appelle les boursiers des gouvernements étrangers.

Notre action doit être efficace et non ponctuelle voire anecdotique. Pour cela, il faut assurer un suivi de ces étudiants, qui étudient parfois dans le système éducatif français depuis leur plus jeune âge, grâce au réseau de l'AEFE. Je tiens à ce qu'il conserve son ouverture sur les étrangers ; en particulier j'ai demandé à nos ambassadeurs de s'investir pour faire vivre les réseaux d'anciens élèves, en liaison avec l'AEFE. C'est là aussi inscrire notre action dans le long terme.

Voilà, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, comment ce budget accompagne les priorités de notre action extérieure.

Je suis à présent à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. Jean-Claude Peyronnet. - Pouvez-vous nous indiquer, compte tenu de l'actualité, quelles seront les orientations de la France en Afrique dans les années à venir ?

Sur le plan budgétaire, une partie du produit des cessions immobilières ne reviendra pas au Quai d'Orsay mais ira au budget général de l'État ; les ressources disponibles seront diminuées d'autant. Quelles seront en conséquence vos priorités géographiques ?

Plus globalement, nous souhaiterions naturellement vous entendre sur l'Iran, la République Centrafricaine ou le Nord Mali.

M. Christian Cambon. - Le concept d'ambassade « low cost » nous laisse un peu sceptiques ; de même que nous attristent les réceptions du 14 juillet financées par des entreprises privées... Sans doute cela est-il inévitable... Ne pourrait-on pas parallèlement envisager des partages d'ambassades au niveau européen ?

L'accroissement annoncé des crédits pour le développement au Mali nous pousse aussi à relancer aussi la réflexion sur l'évaluation : nous avons par le passé déversé des sommes importantes sur ce pays, sans résultat tangible. Nous aurions besoin en réalité d'une véritable « conférence de méthodologie » pour que l'aide soit dépensée à meilleur escient.

20 000 personnes ont péri en tentant de rejoindre Lampedusa : quelle action concertée, de développement solidaire, allons-nous pouvoir enfin mettre en oeuvre ?

Nous nous entretiendrons la semaine prochaine avec de hauts responsables de l'ONU, quelle explication pourrons-nous donner aux évolutions parfois difficilement compréhensibles de nos contributions, qu'il s'agisse du PNUD ou du fonds SIDA...

M. Robert del Picchia. - La réforme des bourses pour la scolarité des Français de l'étranger a posé des problèmes aux familles monoparentales. Je m'interroge en plus, au vu des premières remontées des consulats, sur la méthode, en deux temps, retenue pour déterminer les enveloppes, avec à mon sens une sous-estimation, dans un premier temps, des montants nécessaires. De nombreuses familles qui se sont vues refuser une bourse vont redéposer une demande pour la deuxième réunion des commissions locales des bourses.

Le consulat de Calgary avait été créé pour des raisons économiques, aujourd'hui l'intérêt n'est plus le même. Quels autres consulats seront concernés, et quels consulats généraux dans les capitales ?

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - Un article du journal « Le Monde » affirme que nous allons abandonner l'Afrique francophone pour nous concentrer sur l'Afrique anglophone. Telle n'est pas notre intention : nous devons être partout en Afrique, qu'elle soit francophone, anglophone ou lusophone - je me rends prochainement en Angola-. La francophonie, qui comptera demain 750 millions de locuteurs, est un point d'entrée irremplaçable, mais la France ne peut se désintéresser de grands pays comme le Nigéria ou l'Afrique du Sud. J'observe d'ailleurs que notre intervention au Mali a été bien perçue par ces pays ; la France est écoutée et son expertise respectée sur les enjeux africains.

En effet, une partie du produit des cessions immobilières du réseau diplomatique à l'étranger sera affectée au désendettement de l'État. Sur les 52 millions d'euros de cessions prévus sur le triennum, 30 seront affectés à l'amélioration de la sécurité diplomatique, soit 10 millions d'euros par an. Notre plan de sécurisation inclut nos postes à : Nouakchott, Dakar, Beyrouth, Ndjamena, Brazzaville, Alger, Téhéran, Djakarta, Bamako, Tallin, Tunis et Bangui. Les 10 millions d'euros iront en priorité à la sécurisation des postes dans la bande sahélienne.

Nous avons des projets d'implantation commune avec l'Allemagne, notamment au Bangladesh, en Corée, au Koweït, où nous avons deux parcelles contiguës, ou encore à Rio où nous partageons les mêmes locaux de la Maison de France. Je pense que notre réflexion devrait aussi englober les représentations du Service européen d'action extérieure.

S'agissant de l'aide au Mali, je souscris pleinement aux propos de M. Cambon et je sais que la traçabilité et l'évaluation des aides sont des préoccupations fortes tant de mon collègue en charge du développement Pascal CANFIN que de l'ambassadeur au Mali Gilles HUBERSON. Nous avons besoin d'une méthode qui rompe avec les pratiques passées.

M. Jean Besson. - La diplomatie économique française obtient des résultats et nous nous en réjouissons. La vente d'Airbus au Japon en est un exemple. Vous avez mis en place une direction au quai d'Orsay dans ce but, mais il existe également dans la sphère du ministre de l'économie et des finances, une ministre du commerce extérieur et des opérateurs centraux et locaux (Ubifrance, AFII...). Comment vous organisez-vous ?

L'Institut français va connaître une nouvelle baisse de son budget
(-6%). Un nouveau contrat d'objectifs et de performances va être préparé. Dans le projet annuel de performances, il est écrit que « les objectifs de l'Institut français vont être recentrés ». Quelles orientations allez-vous donner à cet opérateur de la diplomatie culturelle ?

Je reviens de Mongolie. C'est un pays au potentiel intéressant. Nous avons sur place une équipe resserrée mais qui m'a paru efficace. Je souhaitais vous en faire part.

M. André Trillard. - Dans certains postes diplomatiques, et parfois dans des pays où notre représentation est peu nombreuse - j'ai en tête l'exemple du Kosovo - la résidence de l'ambassadeur est séparée de l'ambassade. Ne serait-il pas utile de les regrouper, éventuellement de mutualiser avec les Allemands ne serait-ce que pour des raisons de sécurité ?

La mutualisation des charges de fonctionnement est souhaitée et vous avez raison. Dans certaines grandes villes européennes, la France dispose de plusieurs établissements. Je ne parle pas que des locaux diplomatiques, mais aussi de ceux dépendant d'autres ministères comme la Villa Médicis à Rome ou la Casa Velázquez à Madrid. A-t-on envisagé une gestion commune de ces différents établissements ? Vous ont-ils spontanément proposé de gérer le fonctionnement en commun ?

Dans certaines de nos représentations anciennes, les immeubles souffrent de problèmes d'accessibilité du public. A-t-on un petit budget dédié à la mise aux normes de ces immeubles, sachant que cela peut représenter des coûts de travaux importants ?

L'immeuble du Consulat à Hong-Kong a-t-il été cédé ?

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - Oui et il a été vendu pour un montant important, 52 millions d'euros.

M. André Trillard. - Je suis parfois surpris de voir que dans des villes où nous avons plusieurs postes diplomatiques - parfois d'ailleurs avec des effectifs peu importants, les gens s'ignorent. Vous avez entrepris des rattachements de postes dans les mêmes villes, lorsqu'il y a plusieurs ambassades. De quelles villes s'agit-il ?

M. Jeanny Lorgeoux. - Vous revenez de République Centrafricaine. La situation est catastrophique. Comment appréhendez-vous la mise en oeuvre d'un processus politique dans un Etat qui n'existe pas ? Comment faire émerger de nouveaux dirigeants fiables et compétents ? Et comment obtenir des instances internationales capacité à intervenir et arrêter cette tragédie ? Je constate que les crédits destinés à la coopération de défense baissent de 4% au moment où nous devons aider se structurer une architecture africaine d'armée.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - La diplomatie économique n'est pas l'apanage du ministère des affaires étrangères. Le ministère du commerce extérieur et celui des finances s'y emploient également. Je n'ai pas voulu me lancer dans un meccano institutionnel. Je suis parti des faits. Juridiquement et pratiquement, l'ambassadeur de France est le représentant de la France à l'étranger et a autorité sur tous les services. C'est lui le patron. C'est à lui d'organiser pour que cela fonctionne dans le même sens et en général cela fonctionne bien. Des difficultés administratives peuvent survenir, mais on arrive à les surmonter. On a créé des mécanismes qui contribuent à la circulation de l'information comme les conseils ou comités économiques qui regroupent les administrations en charge des affaires économiques l'ensemble des acteurs spécialisés, les représentants des entreprises, les conseillers du commerce extérieur. Au niveau ministériel, j'ai créé une direction des entreprises, avec Jacques Maire, un diplomate qui a travaillé pendant de longues années en entreprise, qui dépend de la direction générale de la mondialisation. J'ai nommé des représentants spéciaux pour certains pays, qui sont susceptibles par leur réputation et leur compétence de faciliter les relations économiques dont certains de vos collègues Jean-Pierre Raffarin pour l'Algérie, Jean-Pierre Chevènement pour la Russie. Ce sont de structures légères, on trouvera le mouvement en marchant. Ce concept satisfait les entreprises comme les diplomates. Cette optique plus économique, va sans doute nous amener dans l'avenir à faire évoluer le recrutement du ministère des affaires étrangères. Il faut qu'il y ait un va et vient entre les entreprises et la diplomatie.

L'Institut Français fonctionne bien, il assure des prestations de qualité pour l'ensemble du réseau culturel. S'agissant des résultats de l'expérimentation du rattachement direct des établissements à autonomie financière, nous allons avoir une décision à prendre rapidement. Je constate que la généralisation aura un coût important et qu'il y a nécessité de conforter l'ambassadeur en lui laissant l'autorité sur les services.

La Mongolie est un pays intéressant dans lequel je vais me rendre prochainement. Il a un taux de croissance élevé. C'est une démocratie. La peine de mort y est abolie. Il suscite l'intérêt des entreprises françaises. Nous allons signer un certain nombre de contrats.

S'agissant de l'immobilier, nous regroupons dans les grandes villes où il y a plusieurs postes notamment auprès d'organisations internationales à Vienne, à Bruxelles, à Washington, à Montréal et à Genève. Pour les organismes dépendant de différents ministères, la mutualisation est aussi spontanée que ce que nous constatons dans nos collectivités locales. Pour l'accessibilité, nous essayons de faire du mieux possible, mais cela a effectivement un coût.

Avant d'aborder la situation en République Centrafricaine en réponse à M. Lorgeoux, je dirai quelques mots, comme vous m'y avez invité sur l'Iran, puis sur le Mali.

Vous le savez des négociations sont en cours à Genève entre les partenaires du 5+1 et l'Iran sur la question du nucléaire. L'attitude l'Iran paraît, depuis le changement de gouvernement, plus ouverte, mais à ce stade leurs positions sur le dossier n'ont guère évolué : pas de propositions sur la limitation de l'enrichissement, ni sur le démantèlement des installations d'Arak, ni sur l'arrêt du centre de Fordow, ni sur le transfert des stocks d'uranium enrichi à l'étranger. Cela étant nous sommes au tout début de la négociation. Il va y avoir une session au niveau des ministres. A ce stade, il ne faut ni sur-réagir, ni baisser la garde.

Le Mali est entré dans la période de préparation des élections législatives. Le Président Keita est une personnalité responsable. La question liée au Capitaine Sanogo est désormais derrière nous. Il a repris les contacts avec les populations du Nord en application des accords d'Ouagadougou, mais la période des élections législatives ralentit bien sûr les discussions. Il faut avancer pas à pas et ne pas se précipiter. Il y a eu quelques incidents au Nord qui nous amènent à conserver des effectifs militaires sur place. Nous réduirons la voilure petit à petit. Je n'ai pas d'inquiétude à court terme, mais à plus long terme, il va falloir régler les problèmes de développement économique et de discussions entre les différentes composantes du peuple malien.

En République Centrafricaine, il y a un Etat très affaibli. La pauvreté est effrayante. Dans un pays de 4,8 millions d'habitants, il y a 450 000 personnes déplacées. Le taux de mortalité infantile atteint les 10%. Les salaires ne sont plus versés aux fonctionnaires et aux militaires depuis 4 mois. Pour la première fois dans l'histoire de ce pays des affrontements entre communautés religieuses, chrétiens contre musulmans, se sont produits. L'ancienne Seleka qui avait pris le pouvoir a été dissoute, laissant la place à un assemblage de petits chefs de guerre qui vivent sur la population.

Sur le plan de la sécurité, 4 pays ont envoyé des contingents militaires dans le cadre de la force des Nations-Unies : le Tchad, le Congo, le Gabon et le Cameroun. Ils sont actuellement 2 100 et ce contingent devrait être porté à 3 500. Nous avons sur place 410 militaires français qui sécurisent l'aéroport et effectuent des patrouilles à Bangui. La dernière résolution du Conseil de sécurité des Nations unies a donné mission au Secrétaire général de lui présenter un rapport dans les 30 jours. Une nouvelle résolution en décembre devrait donner mandat aux forces africaines et à la France d'intervenir pour traiter le problème de la Seleka qui représente 5 000 personnes, mais certains sont retournés à la vie civile et d'autres doivent être intégrés dans l'armée ce qui pose problème. Lorsque nous aurons mandat pour intervenir, des risques d'affrontements ne doivent pas être écartés mais les éléments de l'ex-Seleka ne disposent pas d'un armement considérable. Entretemps il peut y avoir une dégradation de la situation et des massacres sous des prétextes religieux.

La restructuration de l'armée centrafricaine pourrait être engagée avec l'appui de l'Union européennes selon le même schéma qui est mis en oeuvre au Mali. La commissaire Gueorguieva m'a accompagné lors de mon dernier déplacement, car il est important d'anticiper.

Sur le plan humanitaire, la situation est abominable. Il faut réunir des fonds pour aider la population. L'Europe s'engage. Nous envisageons une conférence des donateurs.

Sur le plan politique, des élections sont prévues en février 2015, le Président et le Premier ministre se sont engagés à ne pas se présenter. Mais qui sera candidat ? Il est difficile de le dire.

M. Jeanny Lorgeoux. - Nos services ont-ils détecté des terroristes de Boko Aram ?

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères -Nous n'avons pas établi de liens avec Boko Aram.

Dans la perspective des élections législatives de février 2015, il faut au préalable un referendum sur la constitution et reconstituer les listes électorales, une grande partie des registres de l'état-civil ont été détruits. Une mission des Nations unies est attendue en novembre. La France apportera une aide.

Aux Nations unies, une résolution sera présentée en décembre et une autre est envisagée en mars ou avril pour mettre en oeuvre soit une opération de maintien de la paix sous casques bleus, soit une opération associant les forces africaines et la France.

La restauration de la stabilité est importante car si la RCA s'effondre, c'est l'ensemble des pays de la zone qui seront menacé : il y aura risque de développement du terrorisme au Tchad, dans les Soudans, au Congo et au Gabon. L'Union africaine et sa secrétaire générale Mme Zuma, partagent notre analyse. L'Afrique du Sud qui s'est engagée en République centrafricaine, mais a retiré ses troupes après des pertes importantes comprend notre position. M. Bozizé, l'ancien président, a quitté la France pour rejoindre un pays africain de la région.

Les Africains, la communauté internationale avec le soutien de la France doivent s'engager pour reconstruire l'État. Le sujet n'est pas d'intervenir militairement mais de soutenir la population et d'aider les Africains. Il y a des attentes fortes de la population. Et il y a urgence. C'est le message que le Président de la République a porté lors de son intervention devant l'Assemblée générale des Nations-Unies.

Mme Kalliopi Ango Ela. - Comment préparez-vous le sommet de décembre avec les chefs d'État africains consacré à la sécurité ?

M. Jean-Claude Requier. -Le Premier ministre des Vanuatu a attiré notre attention sur la fermeture de la représentation diplomatique de l'Union européenne dans ce pays francophone. J'aimerais vous interroger sur le sort de notre otage au Niger dont la famille est de mon département.

M. Gilbert Roger. - Que répondre lorsque nous sommes interpellés par des concitoyens d'origine ivoirienne -c'est mon cas en Seine-Saint-Denis- sur l'évolution politique de ce pays ?

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - Le Premier ministre s'est entretenu avec le Premier ministre des Vanuatu et nous avons alerté les institutions de l'Union européenne sur ce sujet.

Je ne m'exprimerai pas sur la question des otages, sauf pour dire que le Président de la République et moi-même, qui avons reçu personnellement les familles, comprenons la situation très difficile dans laquelle elles sont placées.

En Côte d'Ivoire, la situation s'améliore sur le plan économique mais il reste des tensions en termes politiques et sociaux.

Le sommet de décembre sera consacré à la sécurité du continent africain. De nombreux chefs d'État devraient y participer, pour aboutir à une méthodologie commune permettant d'envisager la prise en charge de leur sécurité par les Africains directement. Mettre en place des forces d'action rapide sous-régionales (pour la CEDEAO par exemple), voire une force d'action africaine, est une idée intéressante qui pourra être débattue. Nous devons approfondir notre dialogue avec les pays africains, tant sur les questions de sécurité que dans la perspective de la conférence de 2015 sur le climat.

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