B. LES DÉPENSES

1. Le renouvellement de l'outil technique : un impact financier à assumer, une stratégie de diffusion à orchestrer.
a) L'impact financier du renouvellement de l'outil technique

L'année 2013 a été marquée par le renouvellement total de l'outil technique de TV5 Monde.

En application du droit des marchés publics, TV5 Monde a été tenue de procéder à des appels d'offres pour le renouvellement de son dispositif technique de production, post-production et diffusion dont les contrats prenaient fin en cours d'année. Pour sécuriser sa diffusion et sa distribution, en accompagnant l'évolution technologique de ses clients et partenaires, la chaîne doit disposer d'un dispositif technique adapté aux exigences d'une présence et d'un développement de ses programmes sur l'ensemble des supports, en définition standard (SD) comme en haute définition (HD).

Ce contexte a conduit la chaîne à privilégier l'acquisition en propre de ses équipements plutôt que de recourir, comme c'est le cas actuellement, à un prestataire qui demeure propriétaire du matériel et applique ses marges à l'ensemble de la prestation fournie. Compte tenu des résultats des appels d'offres réalisés, la chaîne a procédé à des investissements de 17 millions d'euros. Pour financer ces acquisitions, la chaîne recourt à une opération de cessions-bails auprès d'un organisme financier qui facturera des redevances mensuelles pendant une durée de 5 ans avec rachat des matériels à l'euro symbolique en fin de contrat. Dès lors, redevenue propriétaire de ses équipements, TV5 Monde aura la possibilité de les maintenir ou de les renouveler, indépendamment les uns des autres, en fonction de leur usure ou de leur obsolescence, sans avoir à modifier l'ensemble de son dispositif, comme ce fut le cas jusqu'ici avec les contrats de prestations successifs.

D'autres travaux sur les bâtiments ont été effectués pour la nouvelle configuration de la régie de production, l'équipement du studio, pour héberger la nouvelle salle technique, réaliser tout le câblage nécessaire dans l'immeuble, etc., nécessitant un transfert des activités dans des locaux provisoires, au sein de l'immeuble. L'installation des unités de travail V3 dans les salles V2 a donné lieu à des déménagements en chaîne, qui ont touché l'ensemble des services de l'entreprise.

Les travaux destinés à des installations provisoires constituent une charge exceptionnelle de l'année 2013. En revanche, les travaux liés à des installations pérennes sont immobilisés et amortis ; ils sont, pour une large part, financés par une subvention d'investissement. En effet, grâce à une ressource exceptionnelle intervenue en 2011 (reprise de provision, suite à la conclusion d'un litige sur plusieurs années), TV5 Monde avait demandé qu'une partie de la subvention française (1,44 M€) soit requalifiée en subvention d'investissement affectée au financement de ces travaux d'adaptation du bâtiment pour accueillir le nouveau dispositif technique.

Concernant la partie relative au dispositif de multidiffusion, certains retards occasionnés par l'un des sous-traitants choisis par le principal prestataire ont entraîné des dysfonctionnements qui ont perturbé le travail des équipes et réclamé une vigilance accrue et une disponibilité renforcée de la direction technique de TV5 Monde et des équipes des prestataires. Dans l'attente de la livraison des nécessaires adaptations du logiciel de trafic chaîne, qui a été conservé, des perturbations se font sentir, notamment dans la mise en ligne des émissions sur les plates-formes non-linéaires.

Malgré ces désagréments temporaires, TV5 Monde estime pouvoir respecter le calendrier fixé.

L'ensemble du nouveau dispositif devrait être totalement stabilisé d'ici la fin de l'année 2013, le dernier lot qui sera mis en oeuvre sera celui relatif à la base documentaire au dernier trimestre.

Ce dispositif, une fois déployé, représentera une grande avancée, voire, par certains aspects, une première technologique, du fait, notamment, des fonctions « prédictives » développées dans sa conception, qui n'existent encore dans aucune chaîne de télévision à un niveau aussi intégré.

Du fait de la période de garantie sur les investissements, ce n'est qu'en 2015 que TV5 Monde devra acquitter le coût total annuel du dispositif, une partie non négligeable des coûts de maintenance ne démarrant que courant juin 2014.

Cette bascule a généré un surcoût exceptionnel en 2013 de l'ordre de 2,6 M€, en raison de la concomitance des deux dispositifs pendant une période de l'année, de la double activité et des formations. À la mi année, les coûts de bascule du dispositif technique ont été correctement maîtrisés.

L'ensemble des personnels concernés par le nouveau dispositif a reçu les formations sur les nouveaux outils, le nouvel environnement et les nouvelles procédures (environ 10 000 heures de formation prévues au total). Il a fallu rémunérer les personnels en formation, ainsi que leurs remplaçants pendant cette période. De plus, des référents par métier ou des experts ont été désignés pour accompagner leurs collègues lors de la prise en main des outils et faire remonter tous les incidents et ajustements à réaliser durant la phase de débogage des installations.

Il a également entraîné le report de certains autres projets d'investissement, la direction technique étant totalement mobilisée par la mise en place du nouveau dispositif, les autres investissements prévus en 2013 ont été décalés, ainsi que les coûts de maintenance correspondants.

b) Une stratégie de diffusion complexe à orchestrer dans les années à venir

En septembre 2013, les émissions comme les signaux seront produits en haute définition.

Cependant, les signaux sortant de la régie de diffusion en HD devront être reconvertis, dans un premier temps, en SD pour être acheminés et livrés aux opérateurs de diffusion. En effet, la chaîne n'est pas en mesure, pour le moment, d'acquérir les capacités supplémentaires nécessaires, en termes de liaisons et de flotte satellitaire, pour transporter de la HD, qui nécessite des débits beaucoup plus importants.

De plus, il conviendrait, pour répondre aux attentes et besoins de ses distributeurs, de disposer d'une flotte mixte, susceptible d'acheminer les programmes à la fois en SD et HD, les deux normes pouvant être exigées sur un même signal, voire dans un même pays, selon le degré de maturité des marchés et l'organisation des plans de service de chacun des distributeurs.

TV5 Monde devra donc, dans les années à venir, organiser sa mutation vers la HD, de manière très pragmatique, signal par signal, en fonction de ses capacités budgétaires, et d'une appréciation au cas par cas des risques de pertes de distribution, dans la mesure où la chaîne ne pourra vraisemblablement pas satisfaire simultanément les demandes de tous ses distributeurs.

Cette mutation inévitable aura des conséquences positives à moyen terme et donne la capacité à TV5 Monde de limiter des effets d'éviction liés aux mutations technologiques de ses clients et partenaires. Toutefois, elle trouve des limites dans ses capacités à financer la continuité du dédoublement de standard de diffusion de ces programmes par la réservation des capacités de transports par satellite nécessaires.

Elle pourra donc dans la phase transitoire et en attendant zone par zone la mutation technologique de ses clients et partenaires qui s'effectuera à leur rythme propre et de façon très hétérogène dans l'obligation de renoncer, on peut l'espérer temporairement, à la diffusion de son programme dans tel ou tel pays. Le risque est qu'à défaut de continuité, elle ne puisse pas reprendre sa diffusion ou qu'elle ait des difficultés à retrouver son audience. Mais l'ensemble de ses concurrents sauf à disposer des capacités financières pour assurer une diffusion en double standard sont confrontés à la même difficulté.

En outre, cela pourra induire des pertes de ressources commerciales tant de distribution que publicitaires.

Enfin, la chaîne devra se livrer à des arbitrages permanents qui feront intervenir les coûts techniques, la nécessité de conserver les gros bassins d'audience et de limiter les pertes de recettes commerciales, mais aussi des considérations en lien direct avec sa mission de promotion de la francophonie, sans compter les considérations diplomatiques qui ne manqueront pas d'interférer dans ces choix.

Vos rapporteurs se demandent si un effort temporaire ne pourrait pas être assumé par les partenaires francophones pour permettre à TV5 Monde de sécuriser sa diffusion au cours de cette période.

2. Les dépenses de diffusion et de distribution

Après une baisse en 2010-2011 liée à l'arrêt de la diffusion en analogique en Europe, les coûts de diffusion et de distribution ont repris leur progression (24,16 millions d'euros soit 22% des dépenses). En effet, les opérateurs imposent de plus en plus souvent à la chaîne de prendre une capacité satellitaire autonome pour continuer à être distribuée dans leur bouquet, ou de contribuer au paiement de la capacité utilisée comme le proposent certaines chaînes concurrentes. De plus TV5 Monde a dû prendre de nouvelles capacités en propre 40 ( * ) .

3. Les dépenses de personnel ont été correctement maîtrisées

Incluses dans tous les postes du budget, elles représentent 29,9% des dépenses totales de l'entreprise.

En millions €

2010

(réalisé)

2011

(réalisé)

2012

(réalisé)

2013

(budget)

DEPENSES DE PERSONNEL : toutes catégories : CDI, CDD, pigistes et intermittents (inclus dans le coût des émissions)

28,85

30,09

30,71

31,24

Les recrutements liés au plan stratégique 2009-2012 se sont poursuivis, mais l'effectif cible de 258 ETP n'a pas été atteint. Ces vacances de postes ont donné lieu à un recours accru à des CDD, de même que le remplacement des salariés impliqués, certains à temps complet, dans le processus de négociation de la nouvelle convention d'entreprise.

En 2013, les effectifs permanents prévus au budget (254,1 ETP, compte tenu des temps partiels) sont en réduction de 3 postes par rapport à ceux prévus en 2012 (257,6 ETP). Toutefois, en raison de la mise en oeuvre du dispositif technique de production, post-production et diffusion, qui suppose une double activité pendant plusieurs mois, les effectifs non-permanents devraient connaître un niveau exceptionnel 41 ( * ) .

Les dépenses de personnel ont été correctement maîtrisées. En dépit des coûts exceptionnels induits par les formations au nouveau dispositif et à la double activité, le total des rémunérations, charges sociales et charges fiscales assises sur les salaires ne devrait pas présenter de distorsion importante par rapport au budget.

Cette politique se poursuivra en 2014 avec une perspective de baisse des effectifs.

4. Les autres dépenses : la nécessité de réaliser des économies

Les coûts généraux de fonctionnement, impôts et taxes, frais financiers représentent 5,8% du budget et progressent légèrement pour permettre la mise en place de nouveaux outils de planification et de gestion.

Pour absorber ce surcoût et faire face aux glissements annuels inéluctables (indexations contractuelles, rémunérations, impôts et taxes) dans un contexte de faible croissance des dotations des gouvernements bailleurs de fonds et de diminution des recettes publicitaires, TV5 Monde a dû mettre en place une série de mesures d'économies.

Ces économies engagées dans le budget 2013 ont touché toutes les activités de la société notamment de manière ponctuelle en matière de programmation, de production de programmes propres et de marketing mais aussi de manière plus pérennes sa politique de distribution (l'abandon du sous-titrage en polonais et la réduction de la distribution de la chaîne en Allemagne), et les frais techniques (gains de productivité liés au nouveau dispositif technique, renégociation des loyers.

L'année 2013 a également été l'occasion de rationaliser, avec l'accord des gouvernements bailleurs de fonds, certaines opérations de sous-titrage, jusqu'ici sous-traitées, par décision multilatérale, auprès de TV5 Québec Canada, qui ne pouvait proposer des tarifs approchant ceux du marché. Cette décision entraînera des économies pérennes sur le budget de la chaîne en 2014.

Le retour de France Télévisions, comme actionnaire de référence, facilite les rapprochements au niveau des achats. TV5 Monde a ainsi notamment participé à un appel d'offres concernant l'hébergement et la bande passante sur Internet, qui permettra à la chaîne de réaliser à l'avenir des économies substantielles sur ce poste de dépenses.

5. Les dépenses liées aux programmes

En 2013, le réajustement à la hausse des ressources publicitaires et le décalage de certains investissements ont permis de redonner des marges de manoeuvre en matière de programmes.

Ainsi la chaîne a-t-elle redéployé ces budgets pour ne pas réduire autant que prévu initialement son activité dans les domaines des programmes et de la distribution, réduisant ainsi les risques qui pesaient sur sa capacité à réaliser des ressources propres.

En projection 2013, le coût global des grilles de programmes sera sensiblement identique au réalisé 2012 (-0,38%). Toutefois au sein de cette enveloppe, les coûts techniques de fabrication des signaux, qui incluent les dépenses exceptionnelles liées à la bascule du dispositif, auront progressé de 1,3 M€, au détriment des dépenses de programmes proprement dites
(-1,6 M€). Cette réduction des dépenses de programmes a été possible en 2013, car celle-ci ne présentait pas une concomitance, telle qu'en 2012, d'événements majeurs à couvrir, comme les élections françaises et américaines, le sommet de la Francophonie, les Jeux Olympiques, etc.

Alors que 46% des programmes diffusés dans les grilles proviennent des partenaires et ne sont donc pas valorisés dans le budget, les dépenses liées aux programmes représentent 70,6% des dépenses (76,61 millions d'euros en 2013, 51,9 millions hors coûts techniques de diffusion). 63,51 millions d'euros sont financés par l'ensemble des partenaires et 13,1 millions d'euros sont financés par la France pour les programmes français. Environ 7,5 millions d'euros sont également financés par les partenaires (hors France) pour leurs programmes nationaux, mais hors budget de TV5 Monde.

La stabilité de la dotation française a comme conséquence , pour permettre à la France de respecter les règles de proportionnalité dans le financement des dépenses communes partagées avec les partenaires francophones (6/9 e pour la France), de réaliser l'ajustement par diminution de l'enveloppe de frais spécifiques français destinée aux acquisitions de programmes français qui passent de 14,19 millions d'euros en 2011 à 13,30 millions d'euros en 2012 et 13, 1 million en 2013.

Evolution des frais spécifiques français destinés aux programmes

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2013-2008

2013/2008

Frais spécifiques destinés aux programmes français (en M€)

13,2

12,8

13,4

14,4

13,4

13,1

-0,1

-0,8%

Depuis 2008, la dotation publique allouée au financement de programmes français est relativement stable (-1% entre l'exercice 2008 et la prévision 2013). Il convient toutefois de préciser que la hausse des prix du marché des programmes entraîne mécaniquement une baisse quantitative des acquisitions. Les achats et préachats de programmes représentent cependant toujours environ un tiers des 70 000 heures de programmes diffusées par TV5 Monde chaque année.

En 2013, les ressources destinées au financement des programmes français atteignent 13,1 M€, en légère baisse de 1,5% par rapport à l'exécute 2012.

Ce montant finance :

- les frais de personnels affectés à la gestion de l'approvisionnement des grilles en programmes de France Télévisions ;

- les coûts d'extension à l'international des programmes de flux de France Télévisions mis à disposition de TV5 Monde qui ont progressé de 0,6 M€ en 2007 à 1 M€ en 2013 ;

- les rémunérations des ayants droit français sur les diffusions d'oeuvres de fiction notamment, qui représentaient 1,5 M€ en 2012 ;

- les droits de retransmissions sportives, encore accessibles à la chaîne, et les coûts de production correspondant, qui représentent environ 3 M€.

Le budget annuel disponible pour acquérir sur le marché les droits mondiaux, droits de sous-titrage inclus, de l'ensemble des oeuvres françaises de cinéma, fiction, théâtre, documentaires, programmes jeunesse, divertissement, spectacles, pour alimenter ses 8 signaux régionaux ainsi que TV5 Québec Canada, atteint 7,6 M€ en 2013.

Pour 2014, l'augmentation de la contribution française (1,2 million d'euros), de perspectives de ressources propres plus optimistes qu'il y a un an, et les résultats attendus de cette politique de réduction des coûts devraient avoir pour conséquences de faire progresser le montant affecté au financement de la grille des programmes hors coût technique qui représenterait 53,34% des dépenses de la chaîne (51,9% en 2013), atteignant 58,48 millions d'euros (+ 2,1 millions d'euros, +3,74%).

TV5 Monde devrait ainsi pouvoir aborder l'année 2014 de manière plus sereine que 2013 pour poursuivre son activité et commencer à mettre en oeuvre les principaux objectifs éditoriaux de son plan stratégique : recentrage culturel des productions et nouvelles émissions francophones illustrant la Francophonie vivante et dynamique en coproduction avec les télévisions partenaires, développements numériques et multimédias avec une ouverture au sous-titrage sur le non-linéaire, démarrage de la distribution en HD sur certains signaux

*

* *

Globalement, TV5 Monde devrait en 2014 autofinancer ses glissements de coûts inéluctables et mettre en oeuvre des nouveaux objectifs à hauteur de 1,6 M€, alors que l'augmentation de sa dotation publique s'élève à +1,2 M€.

Ceci devrait lui permettre de maintenir son activité sans altérer sa programmation. Reste à savoir si elle pourra dégager des marges de manoeuvre suffisantes pour financer les nouveaux projets inscrits dans le plan stratégique 20014-2016.


* 40 Sur l'Afrique depuis le maintien du cryptage de CanalSat, pour restaurer la diffusion de la chaîne à la Réunion suite à son éviction des DOM-TOM, la clause de must-carry ne s'appliquant qu'à la métropole, et pour desservir les réseaux câblés au Japon, TV5 Monde étant désormais admise à une distribution grâce au sous-titrage de ces programmes et dont elle escompte des recettes à moyen terme.

* 41 Période de fonctionnement à blanc et de rodage et périodes de formation pendant lesquelles des remplacements sont nécessaires.

Page mise à jour le

Partager cette page