III. UNE DYNAMIQUE DE DESTRUCTURATION DE LA VOIE PROFESSIONNELLE SOUS STATUT SCOLAIRE

A. UN SYSTÈME D'ORIENTATION ENLISÉ

1. La persistance d'une logique de tri social

Il convient de rappeler l'ampleur des inégalités sociales qui travaillent le système scolaire et l'empêchent de remplir sa mission d'émancipation.

Les enfants d'ouvriers, de chômeurs n'ayant jamais travaillé ou de personnes sans activité sont massivement surreprésentés dans le second cycle professionnel. La moitié des élèves en voie professionnelle sont issus d'une famille d'ouvriers ou de personnes sans activité, alors qu'ils ne représentent qu'un tiers de l'effectif global du second degré.

Les enfants d'inactifs sont en outre deux fois plus nombreux à être orientés vers le certificat d'aptitude professionnelle (CAP) que vers le bac professionnel. Leur situation se distingue ainsi de celle des enfants d'ouvriers et d'employés qui sont dirigés à peu près dans les mêmes proportions entre le CAP et le bac professionnel, un peu plus en CAP pour les enfants d'ouvriers et un peu plus en bac professionnel pour les enfants d'employés.

Votre rapporteure pour avis ne peut que faire ce constat inquiétant : la voie professionnelle recrée en son sein des hiérarchies et des stratifications sociales secondaires à partir de la dichotomie entre le CAP et le bac professionnel.

À l'inverse, la part des enfants d'enseignants est proportionnellement plus élevée dans le second cycle général et beaucoup plus faible dans l'enseignement professionnel. Au sein même de la voie professionnelle, ces élèves se dirigent plus vers le bac professionnel que vers le CAP. Ainsi, ils représentent 3,3 % de l'effectif global dans le secondaire mais seulement 0,6 % des CAP. Il en est de même pour les enfants de parents exerçant une profession libérale ou d'encadrement : comptant pour 18,5 % des effectifs du secondaire, ils ne représentent que 7,2 % des baccalauréats professionnels et 3,9 % des CAP, contre plus d'un quart des lycéens de la voie générale et technologique.

ÉLÈVES DU SECOND DEGRÉ SELON LA CATÉGORIE SOCIALE
DE LA PERSONNE RESPONSABLE DE L'ÉLÈVE EN 2012-2013 (EN %)

Agricul-teurs

Artisans, commer-çants

Prof.lib., cadres

Prof. interméd.

Ensei-gnants

Employés

Ouvriers

Sans activité

Premier cycle
(y compris SEGPA)

2,0

10,7

17,6

12,7

3,2

17,0

27,2

8,4

Second cycle GT

2,0

11,1

25,6

14,8

4,7

16,1

18,7

4,7

CAP

1,0

7,0

3,9

7,9

0,6

17,1

38,5

20,6

Bac pro

1,4

9,7

7,2

11,5

1,0

19,2

35,4

11,4

Ensemble

1,9

10,6

18,5

13,0

3,3

16,9

25,9

8 ,0

Source : Ministère de l'éducation nationale -
Repères et références statistiques 2013

Source : MEN-MESR, DEPP

Les mêmes conclusions ressortent de l'étude longitudinale des cohortes d'élèves dans le second degré. D'après une enquête de 2012 du ministère de l'éducation nationale, cinq ans après leur entrée en sixième en 2007, 84 % des élèves sont scolarisés dans le second cycle : 57 % en classe de seconde générale et technologique, et 27 % dans le second cycle professionnel.

De fortes disparités sociales de réussite et d'orientation subsistent. Seulement 20 % des enfants d'inactifs et 41 % des enfants d'ouvriers accèdent à la seconde générale et technologique sans avoir redoublé depuis leur entrée en sixième, contre 85 % des enfants de cadres et d'enseignants. En revanche, 46 % des enfants d'inactifs et 39 % des enfants d'ouvriers se dirigent vers la voie professionnelle, contre 7 % d'enfants de cadres ou d'enseignants.

En douze ans, entre les cohortes entrées en 6 e en 1995 et en 2007, le niveau des inégalités sociales de réussite et d'orientation n'a quasiment pas varié. Ainsi, dans le panel 1995, 46 points séparaient le taux d'accès en seconde générale sans redoublement des enfants de cadres et d'enseignants de celui des enfants d'ouvriers ; cet écart est de 44 points dans le panel 2007. Les élèves issus de milieux défavorisés s'orientent toujours plus souvent vers la voie professionnelle

L'impact du niveau de diplôme de la mère est particulièrement fort. Plus il est élevé, plus les élèves parviennent en seconde générale sans avoir redoublé : 84 % des élèves ayant une mère diplômée de l'enseignement supérieur connaissent un tel parcours, contre un tiers des élèves dont la mère n'a aucun diplôme.

Les filles continuent d'avoir des parcours scolaires plus fluides : 87 % d'entre elles, contre 82 % des garçons, parviennent dans le second cycle sans redoublement. Elles s'orientent également plus fréquemment vers la voie générale. Lorsqu'elles sont orientées vers la voie professionnelle, elles visent beaucoup moins souvent le CAP que les garçons. Ces derniers sont beaucoup plus nombreux parmi les apprentis mais aussi parmi les sortants sans qualification.

Votre rapporteure pour avis souhaite que la plus grande attention soit apportée à résoudre ces biais genrés. Ils sont d'autant plus forts qu'ils s'enracinent dans des représentations sociales des cursus et des métiers. Ils renvoient aussi à des modalités différenciées de construction de l'identité des adolescents, dont les sociologues ont montré qu'elles contribuaient à l'échec scolaire des garçons au collège.

Source : MEN-MESR DPP/Panels 2007 et 1995

La reproduction des inégalités sociales par l'école est désormais amplement documentée. Il n'est plus temps de se contenter de dresser des constats et des diagnostics. Il n'est plus acceptable de traiter la question de l'équité du système scolaire comme un objectif périphérique.

La loi du 8 juillet 2013 de refondation de l'école de la République a réécrit le premier article du code de l'éducation afin d'y inscrire le principe que tous les enfants étaient capables d'apprendre et de progresser. Le législateur a affiché ainsi sa volonté de faire de la lutte contre tous les déterminismes sociaux et géographiques une priorité.

Votre rapporteure pour avis se félicite de ces progrès idéologiques, pour lesquels elle s'est fermement engagée lors des débats au Sénat. Elle souhaite que ces avancées débouchent sur une transformation concrète des mécanismes et des procédures d'orientation, qui conduisent encore massivement un pseudo-choix imposé par défaut et par l'échec aux élèves des milieux populaires. Une obligation de résultat s'impose à nous.

Les modalités de l'expérimentation
donnant le dernier mot en matière d'orientation aux familles

Selon l'article 48 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, la procédure d'orientation prévue à l'article L. 331-8 du code de l'éducation peut être modifiée afin que, après avoir fait l'objet d'une proposition du conseil de classe et au terme d'une concertation approfondie avec l'équipe éducative, la décision d'orientation revienne aux représentants légaux de l'élève ou à celui-ci lorsqu'il est majeur.

Cette possibilité est expérimentée pour une durée maximale de trois ans dans des académies et selon des conditions déterminées par le ministre chargé de l'éducation nationale. Cette expérimentation fera l'objet d'un rapport d'évaluation transmis aux commissions permanentes compétentes en matière d'éducation de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Dès la rentrée 2013, dans les établissements volontaires, les familles des élèves de classe de troisième disposeront du choix de la voie d'orientation en fin d'année scolaire. L'objectif est d'instaurer un dialogue approfondi entre les familles et les équipes éducatives, en lieu et place d'une décision d'orientation imposée, de façon à permettre une orientation positive qui s'appuiera sur un réel projet de parcours. Les établissements s'engageront à accompagner les jeunes et leur famille tout au long du parcours d'information et d'orientation. Cette expérimentation répond à la volonté d'aller vers une orientation qui soit davantage choisie et moins subie par les élèves et leur famille.

Un groupe de travail constitué d'acteurs de terrain (chefs du service académique de l'information et de l'orientation (CSAIO), inspecteurs de l'éducation nationale chargés de l'information et de l'orientation (IEN-IO) et chefs d'établissement) a rédigé un cahier des charges formulant des recommandations sur :

- les prérequis en termes d'analyse du territoire afin d'identifier les établissements qui se prêtent à l'expérimentation ;

- les modalités d'implication de l'ensemble des équipes éducatives ;

- la mobilisation des corps d'inspection pour le suivi et l'évaluation de l'expérimentation ;

- la capitalisation des diverses expérimentations au niveau national et la diffusion des conclusions.

Source : Ministère de l'éducation nationale

2. Les conseillers d'orientation-psychologues : un corps abandonné ?

Malgré les dénégations de rigueur, force est de constater que l'utilitarisme et l'adéquationnisme sont encore prégnants dans notre pays et gouvernent insidieusement la politique d'orientation. Il faut à rebours retrouver le sens initial de l'orientation, qui doit être avant toute chose un instrument de construction de parcours individuels permettant l'épanouissement personnel des élèves.

Votre rapporteure pour avis estime qu'il faut envisager une conception large de l'orientation, qui mette le développement de l'adolescent au centre de ses préoccupations et les reconnaisse comme des êtres autonomes maîtres de leur avenir. Ce renversement de la logique utilitariste actuelle doit s'appuyer sur les conseillers d'orientation-psychologues (COPSY), qui ont été formés pour comprendre les freins et les aspirations des élèves. Les attaques qu'ont subies sous la dernière législature ces professionnels compétents ont miné la capacité du système éducatif à lutter contre la reproduction des inégalités sociales de réussite scolaire.

Les COPSY sont recrutés par la voie d'un concours externe et d'un concours interne conformément aux dispositions du décret n° 91-290 du 20 mars 1991 relatif au statut particulier des directeurs de centre d'information et d'orientation et conseillers d'orientation-psychologues (DCIO-COPSY). Ces concours sont ouverts aux titulaires d'une licence en psychologie, d'un titre ou diplôme équivalent ou d'un diplôme permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue dont la liste est fixée par le décret n° 90-255 du 22 mars 1990. Une concertation est prévue sur le renforcement de la formation et sur le recrutement des COPSY, ainsi que sur le positionnement particulier des DCIO.

Les lauréats des concours suivent une formation de deux ans dans un centre de formation : institut national d'étude du travail et d'orientation professionnelle - INETOP - institut du conservatoire national des arts et métiers - ou centres de formations rattachés à l'université - Aix-Marseille, Lille et Rennes. L'arrêté du 20 mars 1991 pris pour l'application du décret n° 91-291 du 20 mars 1991 portant création du diplôme d'État de COPSY a fixé la durée de cette formation à 1 000 heures d'enseignement auxquelles s'ajoutent 20 semaines de stages.

La formation, à la fois théorique, méthodologique et pratique, est organisée selon trois grands axes : psychologie de l'orientation, approches sociologiques, économiques et institutionnelles de l'orientation et recueil, traitement statistique et analyse des données appliquées à l'orientation. Les stages se déroulent en entreprise pour une durée de 6 à 8 semaines, également en établissement scolaire, en centre d'information et d'orientation et dans divers organismes d'orientation. La formation est sanctionnée par la délivrance du diplôme d'État de COPSY inscrit sur la liste des diplômes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue.

Par ailleurs, d'autres personnels possédant un diplôme permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue peuvent être recrutés par contrats pour faire face à des vacances d'emplois de COPSY. Les contractuels recrutés pour exercer des fonctions de COPSY peuvent également bénéficier des voies de titularisation réservées ouvertes par la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi précaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique.

Le décret du 23 août 2011 a également procédé à des modifications statutaires comparables à celles apportées aux statuts particuliers des personnels enseignants et d'éducation dans le but de mettre le statut des DCIO-COPSY en conformité avec les évolutions de la fonction publique, comme l'ouverture du recrutement aux ressortissants communautaires et les droits en matière de détachement dans le corps en application de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels.

Évolution du concours de recrutement
des conseillers d'orientation psychologue (2008-2013)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Concours externe

50

50

50

50

50

68

Concours interne

-

-

15

15

15

20

Concours réservé

-

-

-

-

-

40

Total

50

50

65

65

65

128

Source : Ministère de l'éducation nationale

La faiblesse du recrutement des COPSY inquiète depuis plusieurs années votre rapporteure pour avis, dans la mesure où leur effectif est déjà trop restreint pour suivre adéquatement l'ensemble des élèves du secondaire.

Après plusieurs années de limitation du nombre de postes mis au concours de recrutement de conseillers d'orientation-psychologues (50 par an de 2007 à 2009, puis 65 de 2010 à 2012), le nombre de postes ouverts aux concours est porté en 2013 à 128 (68 pour le concours externe et 20 pour le concours interne) auxquels s'ajouteront les 40 postes de concours réservés jusqu'en 2016. Votre rapporteure pour avis se félicite de cette évolution qui devra être encore consolidée dans les années à venir pour garantir la pérennité du corps et sa capacité à remplir les missions essentielles qui lui sont confiées.

Plus largement, votre rapporteure pour avis propose de conforter le rôle spécifique des COPSY en créant une direction de la psychologie pour l'éducation et l'orientation des élèves et étudiants couvrant la scolarité des jeunes de la maternelle à l'université.

Les psychologues scolaires du primaire et les COPSY disposeraient ainsi de l'infrastructure administrative nécessaire pour mener à bien la prise en charge des jeunes et le repérage précoce des difficultés cognitives de l'élève. Dotés d'effectifs et de moyens renforcés, ils seraient en mesure d'accompagner l'adolescent dans l'élaboration de son projet d'orientation scolaire et professionnelle en concertation étroite avec les familles, les enseignants et l'ensemble de l'équipe éducative.

3. Des réorganisations à l'efficacité douteuse
a) L'échec des dispositifs issus de la loi du 24 novembre 2009

La loi du 24 novembre 2009 sur l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie affichait l'ambition de tailler dans le maquis touffu des 8 000 sites physiques d'accueil et d'information et des dizaines de portails Internet dépendant de l'État, des collectivités territoriales et des branches professionnelles.

Placé auprès du Premier ministre, le nouveau délégué à l'information et à l'orientation (DIO) devait notamment présenter avant le 1 er juillet 2010 un plan de coordination au niveau national et régional de l'action des opérateurs nationaux sous tutelle de l'État en matière d'information et d'orientation. Il s'agissait d'étudier le rapprochement, sous la tutelle du Premier ministre, de l'Onisep, du Centre pour le développement de l'information sur la formation permanente (Centre Inffo) et du Centre d'information et de documentation jeunesse (CIDJ). Force est de constater qu'aucun plan concret n'a vu le jour.

Même si votre rapporteure pour avis ne partageait pas les attendus utilitaristes auxquels devaient répondre ce plan de coordination, elle ne peut se satisfaire de l'inertie des gouvernements successifs en matière d'orientation. L'impuissance du DIO montre, selon le rapport conjoint des inspections générales, que « cette institution n'est pas parvenue à s'imposer aux différentes administrations traditionnellement compétentes ». 4 ( * ) La perspective interministérielle pourtant indispensable pour progresser sur le dossier est donc restée lettre morte.

En outre, la loi du 24 novembre 2009 devait également jeter les bases d'un service public territorialisé de l'orientation dont les contours n'étaient cependant pas clairement définis. Ce flou global tant sur les objectifs que sur les modalités concrètes de mise en place s'était traduit par un retard considérable dans l'application.

C'est seulement un décret du 4 mai 2011 portant application de l'article L. 6111-5 du code du travail qui a fixé les conditions de mise en oeuvre du service public de l'orientation tout au long de la vie et qui a créé un label national des organismes qui doivent y concourir.

Peuvent être distingués les organismes qui proposent un ensemble de services permettant à chacun :

- de disposer d'une information exhaustive et objective sur les métiers, les compétences et les qualifications nécessaires pour les exercer, les dispositifs de formation et de certification, ainsi que les organismes de formation et les labels de qualité dont ceux-ci bénéficient ;

- de bénéficier de conseils personnalisés afin de pouvoir choisir en connaissance de cause un métier, une formation ou une certification adaptés à ses aspirations, à ses aptitudes et aux perspectives professionnelles liées aux besoins prévisibles de la société, de l'économie et de l'aménagement du territoire et, lorsque le métier, la formation ou la certification envisagé fait l'objet d'un service d'orientation ou d'accompagnement spécifique assuré par un autre organisme, d'être orienté de manière pertinente vers cet organisme.

Un arrêté du 4 mai 2011 a fixé parallèlement le cahier des charges relatif au label national « Orientation pour tous - pôle information et orientation sur les formations et les métiers » . La durée de validité du label attribué est de cinq ans reconductibles. Les CIO et les autres structures chargées de l'orientation et de l'insertion au sein de l'éducation nationale sont censés participer aux procédures de demande de labellisation. La responsabilité ultime de la labellisation incombe au préfet de région.

Si une meilleure coordination des différents réseaux d'information et d'orientation s'adressant aux jeunes est certainement souhaitable, l'intérêt du recours à une labellisation n'est jamais apparu évident à votre rapporteure pour avis. Ne pèse en effet aucune obligation sur les organismes d'orientation de solliciter et d'obtenir le label pour poursuivre leur activité. Rien ne garantit non plus le même niveau d'exigence de qualité partout sur le territoire pour la délivrance du label.

Les inspections générales ont pointé une dérive dans le déploiement du dispositif qui au-delà des limites de la loi, a abouti « à labelliser très largement les opérateurs existants. » Il semble que l'articulation des responsabilités entre les régions et l'État ait été très déficiente, ce qui a considérablement perturbé la montée en charge de la labellisation. Elle ne concernait en décembre 2012 que 124 territoires sur une cible maximale de 400 bassins. L'hétérogénéité demeure extrêmement forte. D'après les inspections générales :

« Selon les territoires, la démarche volontariste de labellisation a tantôt accompagné des partenariats existants ou en développement, tantôt ignoré voire concurrencé des démarches régionales très avancées. Elle a également pâti de l'absence de moyens accordés par l'administration centrale, dans un contexte d'activité tendue dans les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), mobilisées aux côtés des rectorats d'académie. La délégation à l'information et à l'orientation (DIO), chargée en particulier de piloter la labellisation, n'a pas apporté un appui suffisant en termes d'outillage aux services déconcentrés. En définitive, de l'avis général des acteurs de terrain rencontrés, la labellisation n'a pas apporté de valeur ajoutée en termes de services aux usagers. »

Ce constat rigoureusement étayé confirme les craintes initiales de votre rapporteure pour avis. Il a pu malheureusement justifier le mouvement de désengagement de l'État et les tentatives de régionalisation du service public de l'orientation. Cette nouvelle démarche ne paraît pas du tout en mesure de résoudre les inégalités territoriales et sociales qui grève le système éducatif, mais risque au contraire de les amplifier dès lors que toute régulation nationale disparaîtrait.

b) L es risques d'une régionalisation du service public d'orientation

Le Gouvernement a le projet de confier la maîtrise du service public territorialisé d'orientation aux régions, en vertu de leur compétence en matière de formation professionnelle et de développement économique. Un amendement a été déposé en ce sens lors de la discussion au Sénat du projet de loi de refondation de l'école de la République. Votre rapporteure pour avis a argumenté en séance publique contre cette initiative et a convaincu le ministre de l'éducation nationale de retirer cet amendement.

L'esprit d'écoute mutuelle qui a prévalu au printemps 2013 au Sénat ne suffit pas à garantir que tout projet de régionalisation du service public de l'orientation est définitivement enterré. Le projet de loi de décentralisation 5 ( * ) consacré aux compétences régionales contient d'ailleurs toujours une disposition semblable à l'amendement retiré par Vincent Peillon. C'est pourquoi votre rapporteure pour avis demeurera vigilante et poursuivra son travail de conviction.

Lors des débats sur la refondation de l'école, il était envisagé de laisser les conseillers d'orientation-psychologues (COPSY) sous la responsabilité de l'État mais de donner aux régions une autorité fonctionnelle sur les centres d'information et d'orientation (CIO) dans lesquels ils travaillent. Cette nouvelle tutelle se serait traduite par l'élargissement des compétences des COPSY vers la formation continue.

Tout en souhaitant la mobilisation de tous les acteurs locaux et nationaux, votre rapporteure pour avis craignait que l'amendement du Gouvernement ne reposât sur une confusion entre l'orientation d'un jeune en formation initiale et l'orientation d'un salarié en formation continue. Il s'agit pourtant de deux tâches très différentes, qui ne nécessitent ni les mêmes outils, ni les mêmes compétences. Un cadrage national fort et le maintien des compétences d'orientation au sein de l'éducation nationale paraissent au contraire nécessaires pour limiter les disparités régionales.

Votre rapporteure pour avis demeure réservée sur l'idée même d'un service public territorialisé de l'orientation pour les mêmes raisons de principe qui lui font repousser toute régionalisation de l'éducation nationale, dont on peut craindre que la territorialisation de la mission d'orientation ne soit que la première pierre.


* 4 IGAS-IGEN-IGAENR, Le service public de l'orientation : état des lieux et perspectives dans le cadre de la prochaine réforme de décentralisation, n° 2013-008, janvier 2013, Synthèse.

* 5 Projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et de promotion de l'égalité des territoires.

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