IV. LA DISPARITION PROCHAINE DE L'INGÉNIERIE D'ETAT EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Votre rapporteur pour avis a souhaité attirer l'attention de votre commission sur un sujet majeur pour les collectivités territoriales, en particulier les plus modestes d'entre elles : la disparition prochaine des missions d'assistance technique fournie par l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT).

A. FONDEMENT ET ORGANISATION DES MISSIONS DE L'ATESAT

Comme l'avait constaté notre collègue, M. Yves Daudigny 22 ( * ) , le champ des prestations proposées par les services de l'État aux communes ou à leurs groupements ne disposant pas de la capacité technique, financière et humaine suffisante pour organiser leurs propres outils d'ingénierie, qui reposent sur une longue tradition qui date de la fin du XVIII ème siècle, se sont réduites, au cours des vingt dernières années, sous l'influence de divers facteurs, en particulier le droit européen de la concurrence.

L'article 106 § 2 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose que les entreprises chargées de la gestion de services publics d'intérêt économique général sont soumises aux règles de la concurrence, tant que l'application de ces règles ne fait pas obstacle à l'accomplissement de la mission particulière qui leur a été impartie. A ces dispositions s'ajoutent celles de l'article 2 de la directive n° 2004/18/CE du 31 mars 2004 23 ( * ) qui simplifie les procédures de passation des marchés publics de travaux, de fourniture et de services dont la valeur estimé hors TVA est égale ou supérieure à des seuils préétablis.

Certains marchés ne sont pas soumis aux dispositions de cette directive : les marchés publics qui touchent aux intérêts essentiels d'un État, les marchés publics de services attribués sur la base d'un droit exclusif ou encore les concessions de services publics.

C'est sous l'impulsion du droit européen de la concurrence que la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dite loi « MURCEF » a modifié le champ de l'intervention de l'ingénierie publique ainsi que les modalités d'intervention des services de l'État. Depuis cette date, les prestations d'ingénierie publique dans le secteur concurrentiel sont soumises aux dispositions du code des marchés publics. A titre dérogatoire, a été maintenue une mission de solidarité en dehors du champ concurrentiel, compatibles avec le droit communautaire : l'assistance technique fournie par l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT).

Peuvent en bénéficier, dans les domaines de la voirie, de l'aménagement et de l'habitat, toutes les collectivités qui en font la demande, dès lors qu'elles satisfont à un double critère démographique et financier.

Les communes et leurs groupements qui peuvent être bénéficiaires de l'ATESAT doivent répondre à un double critère financier et démographique :

a. pour les communes, le seuil d'éligibilité est fixé à 10 000 habitants, avec la définition de trois strates :

- les communes dont la population est comprise entre 1 et 1 999 habitants et dont le potentiel fiscal est inférieur à 1,1 million d'euros ;

- les communes dont la population est comprise entre 2 000 et 4 999 habitants et dont le potentiel fiscal est inférieur à 1,6 million d'euros ;

- les communes dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants et dont le potentiel fiscal est inférieur à 2,7 millions d'euros.

b. pour les groupements de communes : le seuil d'éligibilité est fixé à 15 000 habitants pour un potentiel fiscal inférieur à 1 million d'euros.

Les communes ou groupements éligibles à l'ATESAT peuvent prétendre à deux types de prestations :

- les missions de base : pour les communes, elles concernent les domaines de la voirie, de l'aménagement et de l'habitat. Pour les groupements de communes, elles sont complétées par le conseil pour l'établissement de diagnostics sur l'aménagement du territoire du groupement ; l'assistance pour l'élaboration de politiques d'intervention en matière d'habitat ; l'assistance à la mise en place d'un service technique ;

- les missions complémentaires qui concernent : l'assistance à l'établissement d'un diagnostic de sécurité routière ; l'assistance à l'élaboration d'un programme d'investissement en matière de voirie ; la gestion du tableau de classement de la voirie ; l'étude et la direction des travaux de modernisation de la voirie dont le coût unitaire prévisionnel n'excède pas 30 000 euros (hors TVA) et dont le montant cumulé n'excède pas 90 000 euros (hors TVA) sur l'année.

Les missions d'ATESAT sont encadrées par un décret du 27 septembre 2002 24 ( * ) . Les interventions sont définies par convention entre l'État et les collectivités locales bénéficiaires, pour une durée d'un an, renouvelable deux fois par tacite reconduction. Celle-ci précise la nature et le niveau des prestations ainsi que le montant de la rémunération de l'ATESAT.

La rémunération des services de l'État fournie au titre de l'ATESAT est fixée par un arrêté ministériel du 27 décembre 2002 25 ( * ) . La contribution financière demandée aux collectivités traduit le principe de solidarité dans la mesure où elle est fonction du nombre d'habitants : elle repose sur un forfait annuel par habitant différencié selon la taille et le type de collectivité ainsi que le type de mission (missions de base ou missions complémentaires). Depuis 2010, les encaissements s'élèvent en moyenne à 5 millions d'euros par an.


* 22 Rapport d'information n° 557 (2009-2010) de M. Yves Daudigny, « Les collectivités territoriales, moteurs de l'ingénierie publique », fait au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation : http://www.senat.fr/rap/r09-557/r09-5571.pdf .

* 23 Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services.

* 24 Décret n° 2002-1209 du 27 septembre 2002 relatif à l'assistance technique fournie par les services de l'État au bénéfice des communes et de leurs groupements et pris pour l'application du III de l'article 1 er de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier.

* 25 Arrêté du 27 décembre 2002 relatif à la rémunération de l'assistance technique fournie par l'État aux communes et à leurs groupements au titre de la solidarité et de l'aménagement du territoire. NOR : EQUU0201848A.

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