III. LA SITUATION DES ADMINISTRATIONS DÉCONCENTRÉES EN CHARGE DE LA CONCURRENCE ET DE LA CONSOMMATION

Dans le prolongement de ses travaux menés l'année dernière, votre rapporteur a poursuivi dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 son évaluation des services déconcentrés de l'État en charge de la protection des consommateurs, tels qu'ils sont issus de la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE), décidée en 2009 et mise en oeuvre en 2010.

Alors qu'il avait principalement orienté ses travaux sur les directions départementales interministérielles en charge des missions de protection des consommateurs, à savoir les directions départementales de la protection des populations (DDPP) et les directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP), votre rapporteur a souhaité cette année les axer davantage sur le « pôle C » des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), en charge des questions de concurrence et de consommation, ainsi que sur son articulation avec les directions départementales.

Pour ce faire, outre de nombreuses auditions, votre rapporteur s'est rendu à Châlons-en-Champagne en vue de rencontrer les responsables de la DIRECCTE de Champagne-Ardenne et des représentants des DDCSPP des quatre départements de la région 51 ( * ) . En 2012, votre rapporteur s'était rendu dans les régions Centre et Picardie, afin de rencontrer les responsables et les personnels des DDPP et DDCSPP de plusieurs départements. Au cours de ses déplacements, il a pu rencontrer des personnels de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) soucieux d'accomplir efficacement leur mission de contrôle, mais souvent inquiets de ne pas pouvoir le faire correctement du fait du manque d'effectifs et de la nouvelle organisation administrative.

Selon votre rapporteur, la situation reste préoccupante en termes de capacité des administrations concernées à assurer correctement leur mission de contrôle. Elle pourrait menacer la sécurité et la santé des consommateurs comme la protection de leurs intérêts économiques, alors que le Parlement est saisi d'un projet de loi relatif à la consommation qui vise notamment à accroître les prérogatives de la DGCCRF.

A. LA SITUATION DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA CONCURRENCE, DE LA CONSOMMATION ET DE LA RÉPRESSION DES FRAUDES

Ainsi que votre rapporteur l'a déjà exposé dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2013 et comme l'illustrent les tableaux ci-après, la situation de la DGCCRF s'est fortement dégradée ces dernières années en termes d'effectifs, mais la réorganisation des services déconcentrés semble avoir pesé sur l'activité de contrôle au-delà de la diminution des effectifs.

Dans ces conditions, votre rapporteur s'interroge sur l'effectivité des contrôles qui pourraient être réalisés sur l'utilisation dans la restauration de la mention « fait maison », comme le prévoit le projet de loi relatif à la consommation actuellement en cours de navette parlementaire.

Évolution du plafond d'emplois de la DGCCRF

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

3873

3562

3475

3358

3149

3053

3001

3016

Source : DGCCRF.

Évolution des autorisations d'engagement de la DGCCRF (hors dépenses de personnel)
(en millions d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

39,2

36,6

42,1

38,2

24,4

20,4

19,6

20,6

Source : DGCCRF. La forte diminution des crédits en 2011 correspond pour partie au transfert vers un autre programme de 16 millions d'euros concernant les services déconcentrés.

Évolution de l'activité de contrôle de la DGCCRF

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Établissements contrôlés

179 608

177 768

164 872

159 906

153 800

142 000

Vérifications

1 023 216

937 888

900 132

869 529

853 000

740 000

Manquements constatés

156 165

149 646

146 400

162 593

156 000

142 000

Source : DGCCRF.

Si le nombre de manquements constatés connaît de fortes variations, le nombre d'établissements contrôlés par les agents de la DGCCRF comme le nombre de vérifications effectuées diminuent de façon continue entre 2007 et 2012, respectivement de 21 % et de 27,7 %. En parallèle, sur la même période, le nombre d'emplois a diminué de 21 %.

Sur la période de 2007 à 2013, la DGCCRF a perdu 872 emplois, pour atteindre un plancher de 3 000 emplois. Il convient de rappeler qu'elle était dotée de 4 500 emplois à la fin des années 1990 52 ( * ) . Si l'on exclut les transferts d'emploi liés à la création de l'Autorité de la concurrence et à la création du service commun des laboratoires 53 ( * ) , la perte d'emplois est ramenée à 578, soit plus de 16 %. En comparaison, la baisse de l'activité de contrôle est beaucoup plus marquée. Votre rapporteur y voit, parmi d'autres facteurs, l'impact de la réorganisation en 2011 des services déconcentrés 54 ( * ) .

Dans ces conditions, votre rapporteur exprime sa satisfaction quant à la stabilisation des effectifs amorcée en 2013 et confirmée pour 2014.

Cependant, cette stabilisation ne saurait annuler les conséquences de plusieurs années de forte réduction des effectifs. Comme votre rapporteur l'a indiqué dans son précédent avis, cette réduction se ressent très directement dans les services déconcentrés, dont les agents sont chargés des actions de contrôle que la loi confie à la DGCCRF : 50 % des directions départementales comptent de six à douze agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, incluant les cadres, et 30 % moins de dix agents. Les effectifs d'enquête sur le terrain sont ainsi très réduits.

À cet égard, lors de son déplacement en Champagne-Ardenne, votre rapporteur a constaté que le département des Ardennes, du fait de départs à la retraite, pourrait ne comporter que trois agents de la DGCCRF en 2014. Il s'interroge sur les conditions dans lesquelles la mission de contrôle peut alors continuer à s'exercer. Il est vraisemblable que, dans un certain nombre de départements peu peuplés, le seuil critique soit en train d'être franchi, s'il ne l'est déjà. En tout état de cause, il est déjà certain que tous les secteurs d'activité relevant des agents de la DGCCRF ne peuvent plus d'ores et déjà être effectivement contrôlés, par manque d'effectifs mais aussi, désormais, de compétences, car la baisse des effectifs est telle qu'elle entraîne de plus en plus la perte de certaines compétences.

Comme l'indique à juste titre la Cour des comptes dans son rapport thématique de juillet 2013 sur l'organisation territoriale de l'État 55 ( * ) , une telle diminution des effectifs pose dès aujourd'hui « le problème de la viabilité de certaines unités des services déconcentrés ». Confirmant le constat établi par votre rapporteur, elle ajoute que, « dans certains départements, la réduction continue des effectifs ne permet plus à certains services d'assurer l'ensemble de leurs missions », notamment en matière de protection des consommateurs, invitant à un nécessaire rééquilibrage des effectifs que la situation actuelle des finances publiques rend toutefois particulièrement incertain.

Une autre conséquence, moins quantifiable, de la baisse d'activité liée à la baisse des effectifs - souvent invoquée devant votre rapporteur par les agents qu'il a rencontrés -, est la diminution de la qualité des enquêtes, conduites plus rapidement et de façon plus superficielle, d'autant qu'il faut remplir des indicateurs d'activité, au risque de ne plus être en mesure de constater des infractions 56 ( * ) .


* 51 Voir annexe 2 du présent rapport.

* 52 Source : rapport public thématique de la Cour des comptes sur l'organisation territoriale de l'État, juillet 2013.

* 53 Service commun avec la direction générale des douanes et des droits indirects.

* 54 Désorganisation temporaire des services, déménagements des locaux, perte du lien hiérarchique sur les agents de la DGCCRF à l'échelon départemental, utilisation de ces agents à des tâches autres que des tâches opérationnelles, par exemple des fonctions support ou des missions de coordination...

* 55 Voir infra.

* 56 L'affaire dite de la viande de cheval est souvent citée en exemple à l'appui de ce constat.

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