B. DES PROGRÈS À SOULIGNER DANS LE RECUEIL DES PLAINTES

Pendant trop longtemps, les femmes victimes de violences n'ont pu trouver auprès des forces de police et de gendarmerie, faute d'écoute, l'aide dont elles avaient besoin.

De l'avis de l'ensemble des personnes entendues par votre rapporteur, tel n'est plus le cas aujourd'hui, grâce aux importants progrès réalisés par le ministère de l'intérieur pour mieux prendre en charge les victimes de violences.

1. Une meilleure prise en compte de la victime dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie

Depuis plusieurs années, le ministère de l'intérieur s'est engagé dans une démarche visant à mieux prendre en compte les violences commises à l'encontre des femmes, grâce à un important travail de formation et de spécialisation de certains de ses personnels ainsi que par la formalisation de partenariats avec certaines associations.

Du côté de la police nationale , cet effort se matérialise ainsi par :

- la présence de travailleurs sociaux dans certains commissariats de police (104 intervenants sociaux pour la direction centrale de la sécurité publique dont 27 mutualisés avec la gendarmerie et 42 psychologues au 31 décembre 2012) ;

- le développement de partenariats avec des associations , relevant notamment de l'INAVEM, qui se traduit par la tenue de permanences dans 126 circonscriptions de police au 1 er juillet 2013 13 ( * ) ;

- l'existence, depuis 2009, de brigades de protection de la famille au sein de chaque département (213 brigades pour la DCSP et 84 pour la préfecture de police au 31 décembre 2012). Les petites circonscriptions de sécurité publique disposent quant à elles de référents locaux affectés au sein des brigades de sûreté urbaine. L'ensemble de ce dispositif représente 1 174 fonctionnaires pour la DCSP et 352 pour la préfecture de police.

Du côté de la gendarmerie nationale , des structures et des moyens ont également été spécifiquement dédiés à la problématique des violences faites aux femmes :

- 103 officiers prévention - partenariat , adjoints aux commandants de groupement de gendarmerie départementale, sont en charge des fonctions de correspondants départementaux de « lutte contre les violences intrafamiliales » ;

- dans chaque département, une brigade de protection de la famille a été créée et 1 800 référents « aînés - violences intrafamiliales » y ont été affectés ;

- 82 travailleurs sociaux , installés dans le cadre de partenariats avec des collectivités territoriales et des associations d'aide aux victimes, sont par ailleurs chargés d'accompagner les familles en difficulté signalées par les gendarmes à la suite d'une intervention. Le bilan d'activité de ces intervenants sociaux met en évidence une très forte proportion de femmes parmi les personnes prises en charge ;

- enfin, comme pour la police nationale, certaines associations d'aide aux victimes assurent des permanences en brigade au sein de 33 groupements de gendarmerie départementale.

Ce travail partenarial des forces de police et de gendarmerie avec les travailleurs sociaux et les associations d'aide aux victimes présente un intérêt réel que ces dernières ont souligné.

Dans le cadre du quatrième plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes, le Gouvernement prévoit d'intensifier ce dispositif. Il s'est notamment fixé pour objectif un doublement du nombre d'intervenants sociaux présents dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie d'ici 2017 (soit, à terme, 350 intervenants sociaux ). Ce déploiement sera financé pour partie par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

2. De la main courante au dépôt de plainte plus systématique

Parallèlement à cette amélioration de la prise en compte et de l'accompagnement des femmes victimes de violence dans les locaux de police ou de gendarmerie, et afin d'améliorer le taux de révélations auprès des services d'enquête, un travail interministériel a été entrepris sur la question du traitement des mains courantes et des procès-verbaux de renseignement judiciaire.

Le Guide de l'action publique, publié en novembre 2011 par la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice, a invité les parquets à donner des instructions aux services de police et de gendarmerie afin de proscrire la réalisation de ces mains courantes ou procès-verbaux de renseignement judiciaire en matière de violences conjugales. Ainsi, lorsqu'une personne se déclarant victime de telles violences se présente dans les services d'enquête, elle doit désormais être entendue prioritairement dans le cadre d'une plainte , ouvrant ainsi la voie à d'éventuelles poursuites pénales. Si elle n'y est pas prête, elle doit être informée sur ses droits et, le cas échéant, orientée vers une association ou une structure susceptible de la prendre en charge.

Lors de son audition par votre commission le 12 novembre dernier, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, a confirmé que de nouvelles instructions avaient été données aux parquets afin que chaque plainte fasse l'objet d'une instruction 14 ( * ) .

Un protocole, établi conjointement par les ministères de la justice, de l'intérieur et des droits des femmes, a ainsi été adressé aux préfets et aux parquets afin d'encadrer le dépôt des mains courantes en cas de violences faites aux femmes. Ce document réaffirme le principe de la plainte et limite le recours aux mains courantes aux seuls cas de refus répétés de la victime et en l'absence de gravité des faits. Il vise par ailleurs à rendre systématique une visite différée au domicile de la victime lorsque le dépôt de la main courante est consécutif à une première alerte des forces de l'ordre. Enfin, il prévoit un contrôle régulier de ces mains courantes par les parquets . À cette fin, une circulaire du ministère de la justice doit être prochainement adressée à ces derniers afin d'harmoniser les pratiques en matière de recueil et d'exploitation de ces mains courantes.

Parallèlement, face aux difficultés que soulève trop souvent l'insuffisance de preuves matérielles pour étayer les procédures judiciaires, le Gouvernement a annoncé, dans le cadre du nouveau plan interministériel, le lancement d'une expérimentation destinée à permettre aux victimes de viol d'accéder plus rapidement aux urgences médicales afin de constater les violences subies. Un « kit de constatation en urgence », inspiré de l'expérience américaine, est également en préparation et sera expérimenté dans plusieurs services d'accueil des urgences.


* 13 117 sont affiliées à l'INAVEM, 18 au CNIDFF, 4 à la FNSF. S'y ajoutent 16 autres associations, ce qui porte à 155 le nombre de permanences d'associations au total.

* 14 Le compte-rendu de cette audition peut être consulté à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20131111/lois.html.

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