Avis n° 110 (2014-2015) de M. Henri de RAINCOURT et Mme Hélène CONWAY-MOURET , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 18 novembre 2014

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N° 110

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME IV

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

Par M. Henri DE RAINCOURT et Mme Hélène CONWAY-MOURET,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Aymeri de Montesquiou, Mmes Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, M. Gaëtan Gorce, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Didier Guillaume, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Jean-Vincent Placé, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

AVANT-PROPOS

Madame, Monsieur,

Le monde change de manière forte et rapide, son centre de gravité se déplace : l'Asie a connu un développement spectaculaire, l'Afrique décolle. Pourtant, de profondes inégalités persistent et parfois s'amplifient. Si la pauvreté a reculé de manière spectaculaire, le nombre de personnes pauvres reste beaucoup trop élevé.

La politique d'aide au développement demeure donc pleinement d'actualité, même si elle doit s'adapter à ce monde en mutation. Pourtant, avec la crise financière dans les pays développés, la question de savoir si on doit véritablement s'occuper des difficultés des autres quand on est soi-même confronté à d'importants problèmes économiques et sociaux aurait pu surgir. Un récent sondage apporte une réponse, en indiquant que 62 % des Français sont favorables à ce que la France soutienne les pays en développement.

L'année 2015 constitue un important rendez-vous pour la communauté internationale. Quels nouveaux objectifs et moyens d'action se fixer au terme des objectifs du millénaire pour le développement ? Réussirons-nous collectivement, à Paris en décembre prochain, à apporter des réponses décisives au dérèglement climatique ? Comment dessiner ensemble le visage du monde de demain ?

La focalisation sur les questions de développement durable ne doit cependant pas masquer les gigantesques besoins de court terme en matière d'éducation ou de santé. L'aide au développement doit donc aussi continuer de soutenir les services publics offerts aux populations ; c'est l'un des enseignements de la crise sanitaire liée à l'épidémie du virus Ebola.

Si la France peut être fière de la politique qu'elle mène, il n'en est pas moins vrai que la politique de développement subit, comme les autres missions du budget de l'Etat, l'effet des contraintes financières. Ses crédits baissent régulièrement depuis plusieurs années. Cette tendance se poursuit en 2015 et se poursuivra dans la période de la prochaine programmation des finances publiques. Pour autant, le Gouvernement a choisi, dans le projet de loi de finances pour 2015, de préserver au maximum les crédits d'intervention et d'accroître les recettes tirées des financements innovants.

L'aide au développement ne se limite pas aux crédits de la mission qui lui est dédiée. De nombreuses autres politiques publiques, y compris celles menées par d'autres acteurs que l'Etat, comme les collectivités territoriales, contribuent à l'effort de la France. Des acteurs privés y participent également de manière sensible. Mais comme l'ont révélé les crises au Mali ou en République centrafricaine, aucun développement ne peut se concrétiser sans sécurité et, inversement, aucune sécurité ne peut durer sans développement. C'est pourquoi il faut aussi saluer les efforts de la France en matière de sécurité et de protection des populations dans les pays en développement.

On le voit, les déséquilibres et les menaces sont bien présents dans notre voisinage, ce qui renforce encore l'importance d'une politique de développement qui porte des valeurs de solidarité et une vocation humaniste. Le repli sur soi ne pourrait être qu'une mauvaise réponse aux mutations du monde actuel. Dans ces conditions, si l'on peut comprendre que, dans des circonstances exceptionnelles de crise financière, des mesures exceptionnelles soient prises, il ne s'agirait pas de baisser la garde mais, au contraire, de continuer l'effort et d'être prêt à l'amplifier lorsque les conditions redeviendront plus favorables.

I. UN ENVIRONNEMENT JURIDIQUE NOUVEAU DANS UN CONTEXTE INTERNATIONAL EN MUTATION

A. UN MONDE EN MUTATION : 2015, LA FIXATION DE NOUVEAUX OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT

1. Un recul global considérable de la pauvreté mais des inégalités très fortes entre les pays et entre les populations

En 2000, les 189 chefs d'Etat et de Gouvernement des pays membres de l'ONU ont fixé, lors du Sommet du millénaire, huit objectifs pour réduire la pauvreté d'ici 2015 et faire « du droit au développement une réalité pour tous ». Evalués chaque année, ces objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ont connu des résultats encourageants . Ainsi, dans son rapport annuel 2013, l'ONU indiquait que « des progrès significatifs et substantiels ont été accomplis pour un grand nombre de cibles, y compris celles qui prévoient de réduire de moitié le nombre d'individus vivant dans l'extrême pauvreté et la proportion de personnes n'ayant pas un accès durable à une source d'eau potable améliorée ».

La pauvreté a ainsi diminué de manière spectaculaire mais les progrès, certes considérables, ont été inégalement répartis entre les régions du monde ou entre les populations.

Cette situation globale s'explique notamment par l'émergence d'un certain nombre de pays qui, après les « dragons » asiatiques des années 1970-1980, connaissent depuis une vingtaine d'années une croissance particulièrement vigoureuse. De ce fait, ces pays n'ont plus besoin d'une aide au développement, même si la coopération technique ou le montage de projets complexes d'infrastructure peut toujours leur être utile. Les pays occidentaux peuvent également conseiller ces pays sur la voie d'un modèle de croissance « moins carboné » et plus durable, que ce soit en termes de transports, d'habitat, de sécurité sanitaire ou alimentaire, etc... Enfin, on constate que ces pays mettent eux-mêmes en place des politiques qui peuvent s'apparenter à une aide publique au développement, en particulier dans des pays producteurs de matières premières.

Selon le comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE, la Chine serait ainsi devenue le 12 ème contributeur mondial en volume, même si les statistiques doivent être prises avec précaution. Certains pays du Moyen-Orient versent dorénavant des sommes tout à fait conséquentes en faveur du développement : par exemple, l'Arabie saoudite qui a versé 5 milliards de dollars en 2011, ou les Emirats arabes unis qui auraient versé 1 milliard en 2012 et 5 milliards en 2013.

Outre ces nouveaux pays donateurs dont l'intervention ne s'inscrit souvent pas dans le même cadre que celle des pays occidentaux, il faut aussi souligner la montée en puissance des fondations philanthropiques . Par exemple, la seule fondation « Bill et Melinda Gates » a accordé environ 3 milliards de dollars de subventions pour la seule année 2012, dont 900 millions dans le domaine de la santé. L'OCDE estimait ainsi que la fondation se plaçait en 2009 au troisième rang des donateurs mondiaux dans le domaine de la santé, après les Etats-Unis et le fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

La croissance économique de l'Afrique a de son côté atteint 5,5 % en moyenne ces dix dernières années, soit le double de celle enregistrée dans les deux décennies précédentes et un niveau nettement supérieur à celui de la croissance mondiale (3,7 %). Si plusieurs pays asiatiques obtiennent des taux de croissance supérieurs, on peut toutefois noter que six des dix économies les plus dynamiques dans le monde appartenaient à l'Afrique sur la décennie écoulée. Les changements semblent en outre structurels, notamment grâce à l'émergence d'une classe moyenne, de la mise en place d'un environnement macro-économique et politique plus favorable à la croissance ou de l'amélioration de la situation sociale.

Pour autant, cette croissance reste inégalement répartie , tant entre les différents pays qu'au sein de la population. Avec 400 millions de personnes vivant avec moins de 1,25 dollar par jour, l'Afrique est confrontée à un terrible paradoxe : la pauvreté recule globalement mais le nombre de personnes pauvres augmente. Ainsi, des poches de fragilités ou d'instabilité persistent ou apparaissent, comme le montre naturellement la crise du Mali ou celle de la Centrafrique.

2. De nouveaux objectifs pour l'après-2015 : la focalisation sur le climat et le développement durable ne doit pas faire oublier le soutien aux services de base à la population

Les objectifs du millénaire pour le développement arrivent à leur terme en 2015. L'ONU a lancé depuis plusieurs mois les travaux pour préparer un nouveau programme qui ferait converger en un seul agenda les OMD et les objectifs du développement durable . Pour la France, « il s'agit de définir des objectifs communs qui nous permettent de garantir une vie digne à bientôt 9 milliards d'individus sur une planète aux ressources limitées et au changement climatique accéléré » 1 ( * ) .

Il se trouve en outre qu'en 2015 se tiendra à Paris la 21 ème Conférence des parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Lors des réunions de Copenhague, Cancun et Durban, des décisions ont été prises pour mettre en place un Fonds vert pour le climat destiné à aider les pays en développement à réduire leurs émissions de carbone et à s'adapter aux changements climatiques. Jusqu'alors, les pays n'avaient pas réussi à s'entendre sur les modalités de financement de ce fonds. Le Président de la République a annoncé lors du Sommet mondial pour le climat organisé par les Nations unies en septembre dernier que la France contribuerait à hauteur de 1 milliard de dollars, comme l'Allemagne. Par la suite, les Etats-Unis ont annoncé un financement de 3 milliards et le Japon de 1,5 milliard.

L'année 2015 sera donc fortement tournée vers les enjeux du changement climatique. Cette focalisation ne doit pas faire oublier la nécessité de soutenir les services de base aux populations . En effet, la population mondiale va continuer à s'accroître globalement, même si beaucoup de pays ont commencé leur transition démographique. Cette population passera de 7 milliards à 9,2 milliards d'ici 2050 et elle aura tendance à vieillir et à s'urbaniser. Il n'y a plus que six pays à travers le monde - dont cinq en Afrique -- où la population continue à rajeunir. Comme le souligne le dernier rapport annuel du Fonds des Nations unies pour la population, réussir la transition démographique implique d'investir dans l'éducation, en particulier des filles, et dans la santé.

En outre, cet accroissement de population nécessitera d' augmenter la production alimentaire mondiale d'au moins 60 % , alors même qu'il reste encore aujourd'hui un important retard à combler en la matière : plus de 800 millions de personnes continuent de souffrir de faim chronique et plus de deux milliards de personnes souffrent de carences en micronutrition. Les efforts entrepris seraient en effet anéantis avec le retour des émeutes de la faim que le monde a par exemple connu en 2007-2008.

B. UNE LOI-CADRE D'ORIENTATION ET UN NOUVEAU CONTRAT D'OBJECTIFS ET DE MOYENS POUR L'AFD

Face au contexte en évolution et alors que la politique de développement a longtemps constitué un « pré carré » du pouvoir exécutif, le Gouvernement a lancé, à la fin de l'année 2012, un vaste processus de consultation préparatoire à l'élaboration d'un projet de loi-cadre.

Les « Assises du développement » ont ainsi réuni pendant quatre mois, au début de l'année 2013, de nombreux acteurs du développement et de la solidarité internationale : Etat, ONG, syndicats, entreprises privées, fondations, représentants des collectivités territoriales, parlementaires nationaux et européens, organismes de recherche et partenaires du Sud.

Le Gouvernement a ensuite réuni, le 31 juillet 2013, un comité interministériel de la coopération internationale et du développement ( CICID ) a approuvé quatre axes de travail et de rénovation : redéfinir les priorités géographiques et sectorielles ; améliorer la cohérence et renforcer les principes transversaux ; assurer une plus coordination de l'ensemble des acteurs ; améliorer l'efficacité et la transparence.

Un projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale a été présenté en décembre 2013 pour traduire ces orientations dans la loi, ce qui a permis au législateur - pour la première fois - de débattre et fixer le cadre de cette politique publique. Ce projet de loi a été sensiblement modifié lors de son examen par le Parlement, en particulier à l'initiative de votre commission qui a principalement voulu renforcer son caractère législatif. Il reste cependant un document-cadre très général, voire « bavard » comme l'ont décrit certains de nos collègues.

L'article 1 er de cette loi 2 ( * ) prévoit que la politique de développement, qui a comme « objectif général de promouvoir un développement durable dans les pays en développement », « participe activement à l'effort international de lutte contre la pauvreté, la faim et l'insécurité alimentaire et de réduction des inégalités sociales et territoriales ». La loi évoque ensuite les principes de cohérence, de complémentarité entre les acteurs, nationaux ou internationaux, d'efficacité, de transparence, d'évaluation ou encore de responsabilité sociétale. Dans le rapport annexé à la loi, il est clairement indiqué que la politique de développement ne doit pas être confondue avec le seul aspect lié au développement durable : « la politique de développement et de solidarité internationale de la France a pour ambition une mondialisation mieux maîtrisée et porteuse de valeurs humanistes . Sa vocation première, lutter contre la pauvreté et les inégalités pour aider le sixième de l'humanité, dont une majorité de femmes, qui vit encore dans l'extrême pauvreté, à en sortir et éviter que ceux qui en sont sortis y tombent à nouveau, est réaffirmée ».

La loi fixe notamment :

- « quatre grands domaines » : la promotion de la paix, de la stabilité, des droits de l'homme et de l'égalité entre les femmes et les hommes ; l'équité, justice sociale et développement humain ; le développement économique durable et riche en emplois ; la préservation de l'environnement et des biens publics mondiaux.

- deux « priorités transversales » : la promotion de l'autonomisation des femmes et l'intégration systématique des problématiques de genre ; la lutte contre le changement climatique.

- dix « secteurs prioritaires d'intervention » : santé et protection sociale ; agriculture, sécurité alimentaire et nutritionnelle ; éducation et formation ; secteur privé et responsabilité sociétale ; développement des territoires ; environnement et énergie ; eau et assainissement ; gouvernance et lutte contre la corruption ; mobilité, migration et développement ; commerce et intégration régionale.

Elle confirme le principe des « partenariats différenciés », qui consiste à adapter les objectifs et les modalités d'intervention aux enjeux propres à chaque catégorie de pays, et fixe pour ce faire quatre catégories : les pays pauvres prioritaires ; l'Afrique et la Méditerranée ; les pays en crise et en sortie de crise ou en situation de fragilité ; le reste du monde, en distinguant les « très grands émergents ».

Les discussions parlementaires ont permis d'améliorer les dispositions relatives au pilotage de la politique de développement qui reste largement éclaté entre le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'économie et un opérateur autonome important, l'Agence française de développement (AFD). En outre, ces discussions ont aussi permis de renforcer le processus d' évaluation de cette politique en fixant un principe d'indépendance et en en organisant les modalités : la création d'un observatoire dont dépendra un service unique d'évaluation regroupant les trois services existants aujourd'hui et dépendants des donneurs d'ordre (les deux ministères et l'AFD).

Pour mettre en oeuvre les orientations de la loi de juillet 2014, l'Etat et l'AFD ont préparé un contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2014-2016 , dont la commission a été saisie pour avis avant même l'adoption définitive de la loi... L'AFD, devenue un acteur incontournable, constitue l'outil principal de mise en oeuvre de la politique française de développement : ses engagements financiers, qui ont quadruplé en dix ans, ont atteint 7,5 milliards d'euros en 2013, dont 1,5 milliard pour les outre-mer. La proposition de COM pour 2014-2016 fixe un objectif de croissance maîtrisée du chiffre d'affaires qui ne devra pas dépasser 8,5 milliards d'euros au terme du contrat.

Vos rapporteurs ne reviennent pas sur ce COM, qui a été présenté à la commission par Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon 3 ( * ) en juillet 2014, mais ils regrettent le peu d'informations qui ont été transmises sur les suites données à l'avis rendu par la commission à l'unanimité. Qui plus est, la proposition de COM qui a été transmise au Parlement pour avis n'était pas la « bonne » version du document, ce qui est évidemment regrettable.

II. LES CRÉDITS DE LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT » BAISSENT DE 2,9 % EN 2015

La mission « Aide publique au développement », qui est interministérielle, regroupe deux programmes :

- le programme 110 « Aide économique et financière au développement », mis en oeuvre par le ministère des finances et des comptes publics ;

- le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », géré par le ministère des affaires étrangères et du développement international.

Le PLF 2015 prévoit des crédits à hauteur de 2,8 milliards d'euros de crédits de paiement pour la mission, dont 1 milliard pour le programme 110 et 1,8 milliard pour le 209.

Des ressources complémentaires issues des financements innovants (taxe sur les transactions financières et taxe de solidarité sur les billets d'avion) contribuent à l'effort d'APD et sont versées au Fonds de solidarité pour le développement (FSD), géré par l'AFD.

Crédits de paiement,

en millions d'euros

LFI 2014
au format 2015

2015

2016

2017

Plafond de la mission « APD »

2 874

2 791

2 726

2 660

Evolution

-2,9 %

-2,3%

-2,4%

Plafond de la mission + recettes du FSD (financements innovants)

3 184

3 131

3 096

3 060

Evolution

-1,7%

-1,1%

-1,1%

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Grandes masses budgétaires (en CP) de la mission « APD » en 2015 :
2,8 milliards d'euros

Les contributions aux organisations multilatérales , dont l'Union européenne, représentent 58 % des crédits de la mission (1,6 milliard d'euros), en diminution de 0,8 % par rapport à 2014. La coopération et les aides bilatérales atteignent 1 milliard, soit 35 %, en diminution de 5,5 %.

A. LE PROGRAMME 110 GÉRÉ PAR LE MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES : LE POIDS DES ENGAGEMENTS MULTILATÉRAUX ; L'EXTINCTION PROGRESSIVE DES OPÉRATIONS D'ANNULATION DE DETTE DES PAYS PAUVRES

en millions d'euros

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2014

PLF 2015

évolution

LFI 2014

PLF 2015

évolution

Aide multilatérale

1 581

287

-82%

636

635

-0,1%

Aide bilatérale

396

433

+9%

313

316

+1,1%

Traitement de la dette des pays pauvres

383

0

-

161

107

-33%

Total du programme 110

2 630

720

-73%

1 110

1 059

-4,6%

Source : projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2015.

Ce tableau reprend les chiffres du projet annuel de performance (PAP) annexé au projet de loi de finances pour 2015. Depuis la transmission de ce document au Parlement, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements qui modifient ces chiffres :

- à l'initiative de plusieurs députés et contre l'avis du Gouvernement, une réduction de 35 millions d'euros en AE et en CP sur l'action « Aide bilatérale » du programme. Ces 35 millions sont transférés sur les actions bilatérales du programme 209 ( cf. infra ) ;

- à l'initiative du Gouvernement en seconde délibération, les AE et les CP du programme 110 ont été diminués de 11 millions d'euros. Toutes les missions du budget général ont ainsi été mises à contribution pour rétablir, à la suite des amendements adoptés par les députés lors des débats sur le PLF, l'objectif initial de dépenses fixé par le Gouvernement.

Au total, si aucune autre modification n'intervient, les AE du programme 110 s'élèveront donc à 674 millions pour 2015 et les CP à 1 013 millions.

Dans la suite du rapport sont utilisées les informations du PAP sans les amendements précédemment mentionnés.

1. L'aide multilatérale : 635 millions de CP pour 2015

L'aide multilatérale représente 60 % du programme en crédits de paiement en 2015. La partie « autorisations d'engagement » de ce programme fluctue sensiblement d'une année sur l'autre, lorsqu'il est nécessaire d'enregistrer la reconstitution pluriannuelle des ressources d'un organisme important (exemple avec l'inscription en 2014 des 1,2 milliard d'euros que la France s'est engagée à verser à l'AID pour la période 2015-2017).


• L'association internationale de développement (AID) : 323 millions

Au sein du groupe de la Banque mondiale, l'AID qui regroupe 172 pays membres, octroie des dons et des prêts à très faible taux aux pays en développement les plus pauvres. Ces prêts de long terme, entre 25 et 40 ans, représentent environ 80 % des financements et prévoient un différé de remboursement de 5 ou 10 ans. 77 pays 4 ( * ) bénéficient de financements de l'AID, dont 39 en Afrique subsaharienne.

Sur l'exercice 2014 (qui a pris fin au 30 juin 2014), les engagements de l'AID ont totalisé 22,2 milliards de dollars (12 % sous forme de dons) : 3,1 milliards pour l'Inde, 2,1 milliards pour le Pakistan, 1,9 pour le Bangladesh, 1,6 pour le Nigeria, 1,6 pour l'Ethiopie, 1,3 pour le Viêt-Nam, 0,7 pour l'Ouganda, 0,6 pour la Tanzanie, 0,5 pour le Kenya ou encore 0,4 pour le Sri Lanka.

Environ la moitié des financements bénéficie à l'Afrique subsaharienne et un peu plus du tiers à l'Asie du Sud.

Les ressources de l'AID sont fixées par les pays membres pour une période triennale ; ainsi, la 17 ème « reconstitution » des ressources de l'AID porte sur 2015-2017 atteint 52 milliards de dollars.

La France contribuera à cette reconstitution de deux manières :

- 1 milliard d'euros en don. Ce montant a été inscrit en engagement dans la loi de finances pour 2014 et sera décaissé de 2015 (323 millions inscrits en CP) à 2017 ;

- 430 millions d'euros de prêt. Pour tenir compte des contraintes pesant sur les finances publiques des pays développés, l'AID a prévu, pour la première fois, que les pays puissent contribuer également sous forme de prêt très concessionnel. L'AFD, au nom de la France, prêtera à l'AID, à taux zéro sur une période de 25 ans, un total de 430 millions dont 360 millions sont inscrits en CP en 2015 5 ( * ) .

Si l'on peut comprendre que les Etats soumis à des difficultés financières défendent la possibilité du prêt en sus de celle du don, il serait tout de même intéressant de s'interroger sur la logique d'ensemble du système , qui voit un Etat prêter de l'argent à l'AID qui elle-même prête aux pays bénéficiaires.

Qui plus est, la France décide à nouveau, par habitude, de faire transiter ce prêt par l'AFD, qui sera certainement - et logiquement - rémunérée pour cette opération. Ce procédé que le Trésor justifie par l'absence de ressources internes au ministère pour réaliser ce type d'opération ne convainc pas pleinement vos rapporteurs : il serait tout de même étrange, voire inquiétant, que l'Etat n'ait pas la capacité de prêter lui-même 430 millions d'euros à un organisme international, y compris dans un panier de monnaie comme les droits de tirage spéciaux (DTS). Or, l'AFD emprunte naturellement à un taux plus élevé que l'Etat lui-même, ce qui constitue un coût évitable.


• Le fonds africain de développement (FAD) : 152 millions

Guichet concessionnel de la Banque africaine de développement (BAfD) créée en 1964, le FAD fournit des ressources aux pays à faible revenu pour financer des projets et assurer une assistance technique ; 40 pays sont éligibles. La BAfD regroupe 53 pays africains et 25 non africains ; la France, avec 3,75 % du capital, est le quatrième actionnaire non régional derrière les Etats-Unis, le Japon et l'Allemagne, ex-aequo avec le Canada.

En septembre 2013, les 27 pays contributeurs ont fixé une reconstitution des ressources du fonds à hauteur de 7,3 milliards de dollars américains pour la période 2014-2016. La France s'est engagée à hauteur de 381 millions d'euros, un niveau identique en euros courants à celui à la période précédente. L'engagement de cette somme a eu lieu dans la loi de finances pour 2014 ; les crédits de paiement étaient de 101 millions en 2014, ils s'élèvent à 152 millions en 2015.


• Le fonds pour l'environnement mondial (FEM, 51 millions)

Créé en octobre 1991, le fonds pour l'environnement mondial réunit 182 pays et 10 organisations internationales. Organisme financier indépendant mais hébergé par la Banque mondiale, le FEM accorde des financements aux pays en développement et aux pays en transition pour des projets concernant six domaines principaux : la biodiversité, le changement climatique, les eaux internationales, la dégradation des sols, la couche d'ozone et les polluants organiques persistants.

La sixième reconstitution du FEM atteint 2,9 milliards de dollars américains pour la période 2015-2018, la France étant le cinquième contributeur. Le PLF pour 2015 inscrit cet engagement global (201 millions en AE) et prévoit des crédits de paiement à hauteur de 51 millions pour 2015.


• Le fonds multilatéral pour le protocole de Montréal (9 millions)

Entré en vigueur le 1 er janvier 1989, le Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone (SAO) a été conçu pour réduire la production et la consommation des substances nocives à la couche d'ozone en réduisant leur quantité dans l'atmosphère pour protéger la faible couche d'ozone de la Terre. Il met en place un calendrier d'élimination des SAO dans les pays signataires.

On peut s'interroger, en regardant les institutions du protocole de Montréal telles que présentées sur le site internet du « secrétariat de l'ozone du PNUE », sur l'efficacité et le coût d'un tel dispositif... Ce graphique révèle clairement la multiplicité des organes créés pour gérer les organisations multilatérales.

Un Fonds multilatéral a été établi en 1991 avec pour objectif de financer des projets d'élimination des SAO. Il est géré par un comité exécutif composé de représentants de sept pays développés et de sept pays en développement et il est alimenté par 49 pays industrialisés. Sa principale caractéristique est de financer les coûts additionnels liés à la conversion vers une technologie sans SAO. Quatre agences d'exécution sont chargées de la mise en oeuvre : le PNUE, le PNUD, l'ONUDI et la Banque mondiale.

Pour la période 2012-2014, la reconstitution des ressources du fonds multilatéral s'est élevée à 400 millions de dollars américains, la France étant le quatrième contributeur. La prochaine reconstitution pour 2015-2017 n'a pas encore eu lieu et le PLF prévoit une enveloppe de 28 millions d'euros sur la période et 9,3 millions de CP pour 2015.

Alors que le fonds pour l'environnement mondial est compétent pour « la dégradation de la couche d'ozone » et qu'on assiste clairement à une multiplication des organisations internationales en matière d'environnement, on peut s'interroger sur la légitimité de conserver un fonds doté de seulement 133 millions de dollars par an dont les coûts de gestion pourraient aisément être mutualisés avec d'autres organismes . Les coûts de gestion s'élèvent à 108 millions d'euros pour la période 1991-2016, soit 3,3 % des ressources.


• La facilité financière internationale pour la vaccination (IFFIm) : 35 millions

Créée en 2006, la facilité financière internationale pour la vaccination s'appuie sur des engagements à long terme des donateurs pour emprunter elle-même sur les marchés de capitaux et affecter immédiatement des sommes importantes à des programmes de vaccination et de renforcement des capacités sanitaires gérés par le GAVI (Global Alliance for Vaccination and Immunisation). L'IFFIm a déjà levé plus de 4,5 milliards de dollars américains et doit en lever 6 au total. Ainsi, dès 2006, l'IFFIm a levé 1 milliard de dollars pour un montant de dons déjà encaissés faible.

Engagée en 2007, la contribution totale de la France s'élèvera à 1,24 milliards d'euros sur 20 ans, dont une partie (867 millions) est financée par des crédits budgétaires du programme 110 et le solde (373 millions) par des financements dits innovants via le fonds de solidarité pour le développement. La France est le deuxième contributeur derrière le Royaume-Uni (3 milliards de dollars sur 23 ans). Seulement 9 pays participent à l'IFFIm : Italie, Norvège, Australie, Espagne, Pays-Bas, Suède et Afrique du Sud. Le Brésil a également annoncé un financement.

En 2015, les crédits de paiement du programme 110 atteignent 35 millions à ce titre, en légère progression par rapport à 2014 (32,5 millions).


• Le fonds asiatique de développement (FAsD) : 23 millions

Guichet concessionnel de la Banque asiatique de développement créée en 1966 et détenue par 66 Etats membres dont 47 de la zone Asie-Pacifique, le FAsD accorde des dons et des prêts, principalement dans le domaine des infrastructures. Le Japon est le principal actionnaire de la banque (15,6 %), la France en est le 12 ème avec 2,2 % des droits de vote.

Pour la période 2013-2016, la France participe à hauteur de 92,6 millions d'euros, dont 23 millions en 2015.


• Les autres actions multilatérales

De nombreux autres financements multilatéraux sont accordés sur le programme 110 : un fonds fiduciaire dédié à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, plusieurs fonds d'assistance technique Moyen-Orient, Afrique), le fonds du sarcophage de Tchernobyl, un fonds pour l'environnement juridique des entreprises en Afrique, un fonds de lutte contre les juridictions non coopératives, un fonds pour l'intégration des pays les moins avancés dans le commerce mondial, la Banque interaméricaine de développement.

Deux lignes peuvent être mentionnées :

- le fonds international de développement agricole (11,6 millions d'euros de CP en 2015) ;

- la facilité élargie de crédit (FEC) du FMI (15 millions d'euros en 2015) qui pose deux questions particulières.

La FEC permet d'accorder à des pays à faible revenu des prêts bonifiés destinés à réduire la pauvreté. Il semble à vos rapporteurs qu'il s'agit là de la compétence de la Banque mondiale...

Par ailleurs, la France a décidé d'utiliser l'AFD et la Banque de France comme intermédiaires financiers : en 2009, l'AFD a accordé un prêt concessionnel au FMI à hauteur de 1 milliard de dollars et en 2010 la Banque de France a fait de même à hauteur de 1,3 milliard de DTS. Comme vos rapporteurs l'ont indiqué à l'occasion du prêt que l'AFD accordera à l'AID l'an prochain, on peut s'interroger sur le coût global de tels montages . Premièrement, l'Etat emprunterait à un taux moindre que l'AFD. Deuxièmement, il rémunère l'AFD pour cette prestation de service, ce qui est justifié, et il comble, par une bonification, la différence entre le coût de la ressource levée par l'ADF et le coût de la ressource prêtée au FMI. Ces bonifications s'élèvent à 15 millions d'euros en 2015, alors que le prêt de la Banque de France ne fait pas l'objet de bonifications. Vos rapporteurs estiment que, si le ministère de l'économie et des finances procédait elle-même à ces opérations ou recourrait uniquement à la Banque de France, le coût global serait moindre : en l'espèce, 15 millions d'euros auraient peut-être pu alimenter les dons-projets sans dégrader aucunement les finances publiques...

2. L'aide bilatérale : 316 millions de CP pour 20156 ( * )


• La bonification des prêts accordés à l'étranger par l'AFD : 178 millions 1

Comme l'a montré le rapport de nos collègues Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon 7 ( * ) , l'activité de prêts de l'AFD a explosé ces dernières années, principalement au titre des prêts non bonifiés.

Financements octroyés par l'AFD à l'étranger
(en millions d'euros)

Source : chiffres tirés du rapport annuel 2013 de l'AFD

Ainsi, les subventions et autres dons sont restés globalement stables à un peu plus d'un milliard d'euros entre 2007 et 2013, tandis que les prêts passaient de 1,8 à 4,9 milliards, soit +70 %. Plus précisément, les prêts bonifiés ont progressé de 35 % sur cette période et les prêts non bonifiés de ... 577 % ! Les prêts non bonifiés représentaient 15 % des engagements de l'agence en 2007 ; ils en représentent 51 % en 2013 .

L'Etat rembourse à l'AFD par des procédures complexes la différence entre le coût d'emprunt et de prêt. Des AE de 250 millions, en progression de 3,3 %, sont prévues au titre de ces « bonifications » de prêts en 2015 ; les crédits de paiement s'élèvent à 178 millions en hausse de 2,3 %.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement pour réduire de 35 millions d'euros, en AE et en CP, les bonifications de prêts accordées par l'Etat à l'AFD au profit des dons-projets inscrits au programme 209 .

Il existe en effet un débat récurrent sur l'utilité des prêts comme outil d'aide au développement. Vos rapporteurs estiment que les prêts constituent un outil pertinent d'aide, notamment en raison de l'effet de levier important qu'ils entraînent. Pour autant, ils sont principalement destinés à des pays intermédiaires ou émergents. Il peut donc exister un décalage regrettable entre un discours vantant l'augmentation de l'aide au développement et les montants réellement mobilisés en faveur des pays les plus pauvres : le rapport précité de Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon indiquait les engagements de l'AFD à l'étranger ne concernaient en 2012-2013 que pour 12 % les pays pauvres prioritaires.

L'activité de prêts constitue une plus-value pour l'AFD qui peut ainsi atteindre une taille critique et financer un réseau et une expertise incomparable.

En ces temps de difficultés budgétaires, force est de constater que les bonifications de prêts accordées par l'Etat à l'AFD progressent de 3,3 % en AE de 2014 à 2015 tandis que les engagements de dons-projets du programme 209 (hors Afghanistan et Pakistan) progressent de 0,9 % (ils diminuent de 2 % en intégrant ces deux pays).


• Le fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) : 27 millions

Créé en 1994, le FFEM, dispositif bilatéral de la France, « pendant » du fonds pour l'environnement mondial, subventionne des projets de développement durable. Il couvre les secteurs du changement climatique, de la biodiversité, des eaux internationales, de la dégradation des terres (incluant la désertification et la déforestation), des polluants organiques persistants et de la protection de la couche d'ozone.

Les ressources du FFEM s'élevaient à 95 millions pour la période 2011-2014 et le PLF 2015 prévoit un montant de 90 millions pour 2015-2018, dont 27 millions de CP en 2015.


• Les aides budgétaires globales (ABG) : 50 millions

Les ABG visent à apporter un soutien budgétaire aux stratégies nationales de lutte contre la pauvreté, de stabilisation macro-économique et d'amélioration de la gestion des finances publiques des pays partenaires. Elles ne servent pas à financer un projet particulier.

Les AE passent de 123,5 millions en 2014 à 33 millions en 2015 et les CP de 60 millions à 50 millions. Aucune indication n'a été fournie à vos rapporteurs concernant la baisse des engagements.


• Le fonds d'études et d'aide au secteur privé (FASEP) : 28 millions

Le FASEP permet de financer des études de faisabilité en amont des projets d'investissement, des prestations d'assistance technique, de formation ou de coopération institutionnelle, ainsi que des dispositifs de soutien au secteur privé.

Pour 2015, 18,6 millions d'euros sont prévus en AE (-2,1 %) et 20,9 millions en CP (+8,3 %).

Le FASEP constitue certainement l'un des exemples de l'éparpillement des acteurs publics français de l'aide, puisque les projets financés se rapprochent sensiblement de ce que peuvent faire l'AFD, notamment via le fonds de 20 millions en faveur de la coopération technique, et le ministère des affaires étrangères. Or une certaine taille critique permet, toutes choses égales par ailleurs, d'améliorer l'efficacité de l'aide.


• Les autres aides bilatérales

L'action « Aide bilatérale » du programme 110 permet également de rémunérer l'AFD pour les opérations qu'elle réalise pour le compte de l'Etat sur le programme 110. Pour 2015, un montant de 3 millions d'euros est prévu tant en AE qu'en CP, les AE progressant de 7 % et les CP diminuant de 6 %.

Un montant de 480 000 euros est prévu pour les évaluations des actions du programme 110.

Un montant de 3,36 millions vise à rémunérer la banque privée Natixis qui gère pour le ministère la « réserve pays émergents » (RPE) et le FASEP.

La RPE, dont les crédits sont inscrits dans la mission « Prêts à des Etats étrangers », vise à financer des entités publiques dans des pays éligibles à l'aide liée (une vingtaine de pays) pour des projets d'infrastructures qui ne seraient pas viables économiquement s'ils étaient financés aux conditions de marché, ces mêmes projets devant répondre aux besoins de développement économique durable des pays partenaires. En outre, la RPE est conditionnée à une participation minimale d'entreprises françaises, elle doit ainsi contribuer à leur développement international (70 % de la valeur ajoutée d'un contrat financé sur RPE doit être réalisée sur le territoire français).

Les projets concernent principalement les secteurs du transport (ferroviaire, métro aérien), de l'environnement (eau) et de l'énergie. Par exemple, pour 2015, les principaux décaissements prévus sont le projet de ligne à grande vitesse au Maroc, les projets de métro du Caire et de Hanoï, deux projets de tramway en Equateur et à Rabat (Maroc), des projets dans le domaine de l'eau et de l'environnement en Jordanie, en République dominicaine, au Pakistan et en Arménie et des projets dans le secteur des télécommunications en Indonésie.

Pour 2015, 330 millions sont prévus en AE et 440 millions en CP au titre de la réserve pays émergents. Sur la période 1999-2013, la RPE a permis de verser des prêts s'élevant à 2 milliards d'euros au total.

3. Le traitement de la dette des pays pauvres : 107 millions de CP pour 2015

L'initiative « Pays pauvres très endettés » (PPTE), lancée en 1996, vise à réduire à un niveau soutenable le poids de la dette extérieure de 39 pays. Les crédits liés à cette initiative sont inscrits dans la mission « Prêts à des Etats étrangers », dans le programme 852. 652 millions y sont ainsi prévus pour 2015.

Parallèlement, le programme 110 de la mission « Aide publique au développement » compense à d'autres organismes les conséquences des annulations de dette décidées dans le cadre de l'initiative PPTE.

Le PLF pour 2015 prévoit ainsi une indemnisation de l'AFD à hauteur de 48 millions d'euros, de la Banque mondiale à hauteur de 42 millions et du fonds africain de développement à hauteur de 17,5 millions.

De moins en moins de pays ont aujourd'hui besoin d'une annulation de dette, ce qui est particulièrement positif et encourageant. De fait, les crédits de paiement de cette action diminuent fortement (-33 %), ce qui explique la baisse d'ensemble du programme 110 (-4,6 %), alors que les crédits de paiement destinés à l'action multilatérale sont stables et ceux destinés à l'aide bilatérale progressent légèrement (+1,1 %) .

B. LE PROGRAMME 209 : UNE HAUSSE DE LA CONTRIBUTION À L'UNION EUROPÉENNE ET UNE BAISSE SENSIBLE DES AUTRES ACTIONS

en millions d'euros

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2014

PLF 2015

évolution

LFI 2014

PLF 2015

évolution

Aide bilatérale

593

584

-1,4 %

564

557

-1,3 %

Aide multilatérale

324

288

-11 %

329

294

-11 %

Union européenne

681

704

+3,4 %

681

704

+3,4 %,

Dépenses de personnel concourant au programme

206

202

-2,1 %

206

202

-2,1 %

Total du programme 209

1 803

1 778

-1,4 %

1 789

1 757

-1,8 %

Source : projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2015.

Comme pour le programme 110, ce tableau reprend les chiffres du projet annuel de performance (PAP) annexé au projet de loi de finances pour 2015. Depuis la transmission de ce document au Parlement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui modifie ces chiffres. À l'initiative de plusieurs députés et contre l'avis du Gouvernement, les AE et les CP de l'action « Aide bilatérale » ont été accrus de 35 millions, le programme 110 étant diminué du même montant.

Au total, si aucune autre modification n'est décidée, les AE du programme s'élèveront à 1 813 millions en 2015 (+0,6 %) et les CP à 1 792 millions (+0,2 %).

Dans la suite du rapport sont utilisées les informations du PAP sans l'amendement précédemment mentionné.

1. La coopération bilatérale : 557 millions de CP pour 20158 ( * )
a) Les dons-projets constituent le coeur traditionnel de l'aide bilatérale mais ils ont connu une baisse conséquente ces dernières années

Les dons-projets constituent le coeur historique de l'aide au développement ; ils correspondent en pratique à des subventions versées pour financer des projets de développement.

Ils s'élevaient initialement à 333 millions d'euros en autorisations d'engagement dans le PLF pour 2015 et à 306 millions en crédits de paiement. Toutefois, les députés ont adopté un amendement, contre l'avis du Gouvernement, pour diminuer les bonifications de prêts inscrites au programme 110 d'un montant de 35 millions d'euros et augmenter les dons-projets de la même somme. De ce fait, les AE devraient s'élever, sous réserve de la conclusion du débat parlementaire, à 368 millions et les CP à 341 millions.

Alors que les dons-projets ont beaucoup baissé ces dernières années, on peut noter avec intérêt que, pour 2015, le Gouvernement a choisi de préserver cette ligne de crédits : les CP sont globalement stabilisés et les AE progressent même légèrement (+0,9 %). Qui plus est, si l'amendement de l'Assemblée nationale résiste jusqu'à l'adoption de la loi de finances, les dons-projets progresseront sensiblement entre 2014 et 2015 : +11,5 % en AE et en CP .

Selon la loi d'orientation, « au moins la moitié des subventions de l'Etat seront concentrées dans les [seize] pays pauvres prioritaires. De son côté, l'AFD concentrera sur ces pays les deux tiers des subventions qu'elle verse ». Pour autant, la notion de subvention ici utilisée est plus large que celle des dons-projets. On peut d'ailleurs regretter que les acteurs de la politique française de développement n'utilisent pas la même terminologie et n'intègrent pas les mêmes éléments sous le même vocable.

Les dons-projets sont répartis entre quatre canaux :

- l'AFD en attribue la plus grande part : 172 millions d'AE en 2015 ;

- conformément à l'engagement du Président de la République de doubler ce canal d'acheminement de l'aide d'ici la fin du quinquennat, les financements transitant par les ONG passeraient de 63 millions en 2014 à 71 millions en AE ;

- 45 millions alimenteraient le fonds de solidarité prioritaire (FSP) qui constitue l'instrument de l'aide projet du ministère des affaires étrangères. Il faut souligner que les AE du FSP étaient stables en 2012-2014 à 50 millions mais que les CP décroissent continûment depuis 2011. Ils sont ainsi passés de 78 millions en 2011 à 48 millions en 2014 et 35 millions étaient prévus pour 2015 avant l'amendement de l'Assemblée nationale ;

- 45 millions seraient consacrés à des actions d'assistance technique.

Ces chiffres ne tiennent pas compte de l'abondement de 35 millions adopté à l'Assemblée nationale et il est encore trop tôt pour que le Gouvernement ait indiqué les lignes précises qui seraient concernées par cette augmentation.

Le projet annuel de performances indique que, sur l'enveloppe initialement prévue de 333 millions d'AE, 68 millions seraient consacrés aux engagements de Muskoka en faveur de la réduction de la mortalité maternelle et infantile, une partie via l'AFD, une autre via le FSP.

Outre les dons-projets proprement dits, on peut également citer l'enveloppe spécifique mise en place pour financer des projets en Afghanistan et au Pakistan. En raison de l'évolution de la situation en Afghanistan, les crédits de cette ligne diminuent sensiblement : les AE passent de 15 millions en 2014 à 5 millions en 2015, les CP de 10 millions à 5 millions.

b) Les autres aides bilatérales : un patchwork parfois redondant avec les aides gérées par le ministère de l'économie

Parmi les autres aides bilatérales, on peut signaler la rémunération de l'AFD pour les actions qu'elle mène pour le compte de l'Etat. Les modalités de cette rémunération sont fixées dans une convention cadre conclue entre l'Etat et l'agence qui devrait être revue en 2015, selon les informations du PAP. Cette rémunération s'élèvera à 27 millions d'euros en 2015, un niveau stable par rapport à 2014.

Un montant de 86 millions en AE et en CP (90 millions en 2014) est prévu pour les contrats de désendettement et de développement (C2D). Ces C2D s'inscrivent dans l'objectif de rendre la dette soutenable pour les pays en développement : ceux qui ont conclu un tel contrat avec la France remboursent effectivement leurs créances mais les sommes correspondantes lui sont reversées pour financer des projets de développement. Le programme 209 de la mission APD ne comptabilise que la part de l'AFD sur ces contrats, celle de l'Etat est inscrite dans une autre mission du budget général (« Prêts à des Etats étrangers »). Les principaux pays concernés en 2015 sont la Côte d'Ivoire, le Cameroun, la République démocratique du Congo et le Congo.

22 millions d'euros seront consacrés aux aides budgétaires post-conflit et pour des pays en sortie de crise . Ces aides financent par exemple la prise en charge d'arriérés de salaires dans les pays concernés ou des dépenses relevant des ambassades de ces pays en France. Cette ligne budgétaire symbolise, s'il en était besoin, le manque de mutualisation de cette mission « Aide publique au développement » et le risque important de doublon qui ne peut qu'entraîner une perte d'efficacité : le ministère des affaires étrangères gère cette ligne d'aides budgétaires et le ministère de l'économie et des finances gère une lignes d'aides budgétaires globales... Il est certain que ces lignes auraient tout intérêt à être regroupées en une seule pour éviter la déperdition tant d'énergie que d'argent .

Le fonds d'urgence humanitaire est augmenté d'un million d'euros et atteint ainsi 11 millions. Il est utilisé par le centre de crise du Quai d'Orsay pour répondre aux crises à caractère humanitaire.

Les crédits dédiés à l'aide alimentaire sont stabilisés à 37 millions d'euros. Ils sont en priorité destinés aux besoins des populations victimes de crise.

Le soutien à la coopération décentralisée est également stabilisé, à hauteur de 9 millions d'euros.

Enfin, le programme finance la subvention à Canal France International (CFI), filiale à 75 % de France Télévisions et à 25 % d'Arte France. Cette subvention s'élèvera, selon les documents budgétaires, à 11 millions d'euros en 2015, en diminution de 1,7 million.

2. La coopération multilatérale et communautaire : 998 millions de CP pour 2015
a) Le fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme : 187 millions de crédits budgétaires en 2015

Fondé en 2002, le fonds mondial est un partenariat entre des gouvernements, la société civile, le secteur privé et les personnes touchées par les maladies. Principal organisme multilatéral de collecte de fonds pour la santé dans le monde, il investit aujourd'hui près de 4 milliards de dollars américains par an et fournit 82 % du financement international en matière de tuberculose, 50 % en matière de tuberculose et 20 % en matière de sida.

De 2002 à 2013, le fonds a récolté 16 milliards de dollars pour le sida, 8 milliards pour le paludisme, 4,6 milliard pour la tuberculose et 0,8 milliard pour le renforcement des systèmes de santé. Les frais de fonctionnement du fonds sont un peu supérieurs à 300 millions de dollars par an.

Le fonds mondial recevra 360 millions d'euros de la France en 2015, dont 187 millions du programme 209 et 173 millions des financements dits innovants via le fonds de solidarité pour le développement.

Les crédits budgétaires sont en baisse de 14 % entre 2014 et 2015 mais, selon les documents budgétaires, la contribution de la France restera stable . Pour autant, contrairement à 2014, ces documents ne mentionnent pas le détail des autres contributions (taxe de solidarité sur les billets d'avion et taxe sur les transactions financières).

b) La contribution au Fonds européen de développement (FED) : 704 millions

Le FED, créé dès 1957, est un instrument spécifique situé hors du budget de l'Union européenne avec des clés de financement idoines. Ainsi, la France contribuait à hauteur de 24,3 % au 9 ème FED (2002-2007), 19,55 % au 10 ème FED (2008-2013) et de 17,81 % pour le 11 ème FED (2014-2019).

Ce 11 ème FED prévoit un total d'engagements à hauteur de 30,5 milliards d'euros, dont 29 milliards pour les Etats partenaires d'Afrique, de Caraïbes et du Pacifique et 1 milliard en frais de gestion pour la Commission européenne.

Pour 2015, la contribution française au FED, qui comprend encore des financements au titre du 10 ème FED, s'élèvera à 704 millions d'euros, en hausse de 3,4 % par rapport à la LFI pour 2014.

Le ministère des affaires étrangères a commandé une évaluation portant sur la participation de la France au FED, qui devrait être publiée prochainement.

Par ailleurs, vos rapporteurs ont été désignés, par la commission, rapporteurs du projet de loi autorisant la ratification de l'accord relatif au 11 ème FED. Celui-ci fera donc l'objet dans les prochains mois d'un rapport spécifique de votre commission.

c) Les autres aides multilatérales financées par le programme

Les contributions volontaires de la France à des organisations des Nations unies passent de 50 millions en 2014 à 48 millions en 2015 (-4,8 %). Elles seront concentrées sur quatre organismes : le PNUD (programme des Nations unies pour le développement), le HCR (haut-commissariat aux réfugiés), UNICEF (fonds des Nations unies pour l'enfance) et l'UNRWA (réfugiés de Palestine).

Etrangement, la mission « Aide publique au développement » regroupe des crédits à destination de la francophonie : 5,5 millions d'euros en 2015 pour le loyer de la Maison de la francophonie ; 49 millions au titre de la contribution de la France à l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) et à divers opérateurs (Agence universitaire de la francophonie, association internationale des maires francophones...).

Cette action finance également la présence dans des organisations internationales de jeunes experts français. La France finance ainsi 20 « Jeunes experts associés » pour un coût en 2015 de 4 millions d'euros. Si cette politique d'influence est tout à fait importante, on peut tout de même s'interroger sur le coût unitaire de ces experts, légèrement supérieur à 200 000 euros pour l'année 2015.

3. Les dépenses de personnel concourant au programme : 202 millions de CP pour 2015

Les dépenses de personnel concourant au programme 209 baissent de 2,1 % de 2014 à 2015, passant de 206 à 202 millions d'euros. Cette contribution au redressement des comptes publics se traduit par un plafond d'emplois passant de 2 162 équivalents temps plein à 2 063.

Ces personnels relèvent principalement de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM), direction qui est aussi responsable du programme « Diplomatie culturelle et d'influence », et des 112 services de coopération et d'action culturelle (SCAC).

III. DES PERSPECTIVES PEU FAVORABLES POUR LES ANNÉES À VENIR

A. LA PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES : -7,3 % ENTRE 2014 ET 2017

Dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2014 à 2019 déposé à l'Assemblée nationale le 1 er octobre 2014 et transmis au Sénat le 22 octobre 9 ( * ) , les crédits de l'aide publique au développement passeraient de 2,87 milliards d'euros en 2014 à 2,66 milliards en 2017, soit une baisse de 7,3 % .

Parmi les trente missions budgétaires, qui sont d'importance inégale, cette baisse constitue la 9 ème plus importante.

B. LES ENSEIGNEMENTS DU DOCUMENT DE POLITIQUE TRANSVERSALE QUI CONSOLIDE L'EFFORT FRANÇAIS D'APD : UNE ÉROSION DES SUBVENTIONS ; DES PAYS PAUVRES PRIORITAIRES PEU PRIORITAIRES

Chaque année, un document de politique transversale annexé au projet de loi de finances présente, de manière consolidée, l'ensemble de la politique française en faveur du développement. La mission « Aide publique au développement » ne constitue en effet qu'une partie de l'effort global en la matière.

1. Une comparaison internationale délicate pour la France mais qui continue de devoir être relativisée

Si la France reste un acteur important de l'aide au développement, elle est passée en 2013 de la quatrième à la cinquième place des donateurs et se situe dorénavant, en volume d'aide, derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Japon. L'APD nette française est passée de 9,36 milliards d'euros en 2012 à 8,54 milliards en 2013, soit une baisse de 8,8 % sur une année .

Parallèlement, selon les données provisoires publiées par l'OCDE en avril 2014, l'aide publique au développement a progressé au niveau mondial de 6,1 % en termes réels en 2013 pour atteindre 134,8 milliards de dollars américains.

Il faut notamment souligner que le Royaume-Uni, confronté aux mêmes déséquilibres budgétaires que la France, a accru son APD de 27,8 % , ce qui lui a permis d'atteindre pour la première fois l'objectif de 0,7 %.

Seuls cinq pays dépassent cet objectif international de consacrer au moins 0,7 % de son RNB à l'aide au développement : le Danemark, le Luxembourg, la Norvège, la Suède et donc le Royaume-Uni.

La France , après avoir atteint un pic en 2010 avec 0,5 %, voit sa part de l'aide dans le RNB diminuer : 0,46 % en 2011, 0,45 % en 2012, 0,41 % en 2013. Pour 2014 , les perspectives sont encore plus inquiétantes puisque l'aide passerait à 0,37 % du RNB, soit un taux historiquement bas. Selon les documents budgétaires, l'effort d'APD devrait atteindre 0,42 % du RNB en raison du décaissement de prêts en faveur de l'AID et du futur Fonds vert pour le climat. D'ailleurs, cet effort devrait à nouveau chuter en 2016-2017 pour atteindre 0,39 %.

Pour autant, votre commission considère que cet objectif de 0,7 %, pour symbolique qu'il soit, ne doit pas être surexploité.

D'une part, utiliser un indicateur en pourcentage présente des limites évidentes : pour les Etats-Unis, premier donateur mondial en volume, consacrer 31,5 milliards de dollars en 2013 représente « seulement » 0,19 % du RNB.

D'autre part, ce chiffre rassemble des enveloppes et des crédits extrêmement disparates, qui peuvent aisément fluctuer d'une année sur l'autre, comme le montre l'exemple de l'année 2015 où le décaissement de prêts à deux organisations internationales pour un montant comptabilisé de 690 millions d'euros fait transitoirement remonter le taux d'effort de la France. Il ne faudrait donc pas ériger le chiffre de 0,7 % comme un absolu de l'aide au développement, au risque d'altérer la substance de l'aide et la nécessité d'en améliorer constamment la qualité et l'efficacité.

Enfin, les dépenses liées à la sécurité et à la stabilité ne sont pas comptabilisées alors que nul ne peut douter du lien puissant entre sécurité et développement. Or la France consacre un peu plus de un milliard d'euros aux Opex en 2014 et les opérations qu'elle a menées au Mali ou en République centrafricaine constituent un socle pour l'aide au développement de ces pays.

2. Que recouvre l'aide publique au développement au sens de l'OCDE ?

L'effort d'APD française s'élève à 8,5 milliards d'euros au sens du CAD de l'OCDE mais ce montant regroupe des dépenses de nature très variée :

- 20 % est destinée à l'Union européenne , dont 1 milliard représentant la participation de la France à la quote-part du budget européen consacré au développement et 0,6 milliard représentant la contribution de la France au Fonds européen de développement ;

- 27 % de l'effort est inscrit dans la mission « Aide publique au développement » (hors contribution au FED) ;

- 17 % représente la part des prêts que l'AFD octroie et qui peut être comptabilisée comme de l'APD (1,5 milliard) ;

- 12 % représente les dépenses comptabilisées en APD et liées à l'accueil et l'instruction d'étudiants étrangers en France ou dans leur pays (« écolage ») et à l'accueil des réfugiés.

Par ailleurs, en 2013, l'effort en termes d'annulations de dette et de refinancements nets s'élève à 385 millions, le produit des taxes sur les billets d'avion et sur les transactions financières affectées au développement à 245 millions, l'effort des collectivités territoriales à 60 millions et celui des autres organismes publics à 269 millions.

Aide publique au développement en 2013 :
8,5 milliards d'euros

Source : données issues du document de politique transversale.

Alors que, dans la seule mission APD, la majeure partie des crédits est destinée à des actions multilatérales (58 % en 2015), comptabiliser l'écolage et les autres crédits budgétaires des différents ministères inverse la statistique : au total, selon le document de politique transversale, l'aide bilatérale représente, en 2013, 60 % de l'APD française, la contribution à l'Union européenne 20 % et les autres aides multilatérales également 20 %.

3. Un montant de subventions qui s'érode au fil des années

L'aide bilatérale nette de la France s'est élevée à 5,1 milliards d'euros en 2013, dont seulement 535 millions peuvent être considérés comme des subventions de la mission APD. Alors que le montant de l'aide bilatérale peut fluctuer année après année en raison des prêts ou des annulations de dette, il existe une constante : la lente mais réelle dégradation du montant des subventions . Elles s'élevaient encore à 645 millions en 2008 , elles atteignent 508 millions en 2014 et devraient passer sous les 500 millions dès 2015 pour péniblement atteindre 489 millions en 2017, soit une baisse de 24 % en neuf ans .

Aide publique au développement nette totale de la France
au sens de l'OCDE

Source : données issues du document de politique transversale.

Ainsi, les subventions de la mission APD ne représentent qu'une portion congrue de l'effort français, 6,3 % . La présentation faite par les documents budgétaires tend à masquer ce phénomène en agrégeant, conformément aux règles de l'OCDE, des enveloppes considérées comme des « dons » mais qui représentent des réalités très variés : écolage, accueil des réfugiés,...

4. Les conséquences sur la répartition de l'aide : où est la priorité aux pays pauvres dits prioritaires ?

Selon le document de politique transversale, les seize pays pauvres prioritaires ont reçu, en 2013, 692 millions d'euros d'aide bilatérale, ce qui n'en représente que 13,5 % .

Au sein de l'APD bilatérale telle que comptabilisée par l'OCDE, les pays émergents reçoivent globalement le même montant de financements que les pays pauvres prioritaires, ce qui ne peut qu'étonner.

Répartition de l'APD bilatérale française
par zones d'intervention en 2013

Source : données issues du document de politique transversale.

Selon un tableau du document de politique transversale, les PPP ont bien reçu 39 % des subventions en 2013, ce qui est inférieur aux objectifs affichés, mais ils n'ont bénéficié que de 5,9 % des prêts nets. Il est donc bien évident que les prêts ne peuvent bénéficier qu'en petite partie aux pays pauvres.

Le résultat est conforté lorsqu'on analyse les engagements de l'AFD. En 2013, les engagements totaux de l'AFD se sont portés sur les pays pauvres prioritaires à hauteur de seulement 12 % .

Les PPP ont bien bénéficié des prêts, comme l'a indiqué Anne Paugam, directrice générale de l'AFD, lors de son audition devant la commission, mais à hauteur de 8,8 % des montants engagés ! Même en ne regardant que les prêts bonifiés (concessionnels), la part des PPP est très faible : 10 %. Qui plus est, les PPP n'ont représenté que 22 % du coût que représentent les prêts de l'AFD pour l'Etat, alors que les prêts destinés à l'Asie et au Pacifique en ont représenté 23 % .

C. LES FINANCEMENTS DITS INNOVANTS : VERS LA SUBSTITUTION AUX CRÉDITS BUDGÉTAIRES

1. La taxe de solidarité sur les billets d'avion sera écrêtée à compter de 2015

Pour financer des programmes internationaux de santé publique et d'accès aux médicaments pour certaines maladies dans les pays en voie de développement et l'accomplissement des Objectifs du Millénaire pour le Développement, la France a créé, dès 2006, la taxe de solidarité sur les billets d'avion , qui constitue une contribution additionnelle à la taxe sur l'aviation civile.

Le tarif de cette taxe, perçue en fonction de la destination finale du passager, a été revalorisé de 12,7 % le 1 er avril 2014 et est fixé à :

a) 1,13 euro, pour chaque passager embarqué à destination de la France, d'un autre Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

b) 4,51 euros, pour chaque passager embarqué à destination d'un autre Etat.

Ces tarifs sont portés, respectivement, à 11,27 euros et à 45,07 euros lorsque le passager peut bénéficier sans supplément de prix à bord de services auxquels l'ensemble des passagers ne peut accéder gratuitement [i.e. hors classe économique] .

Recettes de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014 (P)

2015 (P)

2016 (P)

2017 (P)

162

163

175

185

185

208

222

225

231

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Très peu de pays ont mis en place une contribution obligatoire de solidarité au profit du développement, et aucun dans lequel la circulation aérienne est importante : Cameroun, Chili, République du Congo, Madagascar, Mali, Maurice, Niger et République de Corée.

Depuis le 1 er janvier 2014, les recettes de la taxe affectées à la politique de développement sont plafonnées à 210 millions d'euros par an 10 ( * ) . Selon les prévisions du Gouvernement, ce plafond s'appliquera effectivement dès 2015, avec une réfaction de 12 millions d'euros en 2015, 15 millions en 2016 et 21 millions en 2017.

De fait, la taxe pénalise la compagnie Air France dans la concurrence internationale car elle renchérit, même à un faible niveau, le prix des billets d'avion. Elle verse entre 70 et 80 millions d'euros chaque année à ce titre, soit environ le tiers des recettes de la taxe. C'est pourquoi Bruno Le Roux, député, a proposé en novembre dernier, dans le cadre d'un rapport préparé à la demande du Gouvernement, de modifier l'assiette de cette taxe , en la faisant reposer sur le secteur de la grande distribution et sur le secteur bancaire.

2. La taxe sur les transactions financières en devenir

Depuis août 2012 11 ( * ) a été mise en place une taxe sur les transactions financières (TTF) succédant à une taxe sur les devises et à l'impôt sur les opérations boursières. Elle s'élève à 0,2 % sur les acquisitions de titres de capital (aucune taxe n'est à ce jour prélevée sur les contrats dérivés non dénoués physiquement). La taxe comprend également deux autres dispositifs : une taxe sur les ordres annulés dans le cadre d'opérations à haute fréquence et une taxe sur les acquisitions de contrats d'échange sur défaut d'un Etat (Credit default swaps).

La TTF a rapporté 766 millions d'euros en 2013 et devrait s'élever à 780 millions en 2014.

Depuis le 1 er janvier 2013 12 ( * ) , une fraction de 10 % de la TTF est affectée à la politique de développement, dans la limite de 60 millions d'euros. Cette fraction a été portée à 15 % depuis le 1 er janvier 2014 avec un plafond de 100 millions. L'article 15 du projet de loi de finances pour 2015 prévoit de porter cette fraction de la TTF affectée au développement à 25 %, dans la limite de 130 millions . À la suite d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale, ce plafond pourrait être de 140 millions mais il est préférable d'attendre la fin de la discussion budgétaire pour connaître le montant exact car le Gouvernement a émis un avis défavorable à cet amendement.

Contrairement à la taxe de solidarité sur les billets d'avion, le plafonnement est déjà effectif : sans lui, la fraction aurait ainsi dû s'élever à 76,6 millions d'euros en 2013 (montant limité à 60 millions) et à 117 millions en 2014 (montant limité à 100 millions). Pour 2015, le relèvement à 25 % de la part de TTF versée pour le développement ne sera pas pleinement effectif puisque le plafond est fixé à 130 millions : en prenant l'hypothèse - prudente - que la TTF produise en 2015 autant de recettes qu'en 2014, l'existence du plafond diminue la portée de la taxe pour le financement de la politique de développement à hauteur de 65 millions d'euros.

Encore plus que la taxe sur les billets d'avion, une taxe sur les transactions financières a une vocation internationale ou, le cas échéant, européenne. En effet, le secteur financier est celui qui a le plus bénéficié des effets de la mondialisation et mobilise chaque jour de tels volumes d'argent sur les marchés qu'une taxe à assiette large et taux très faible aurait un rendement élevé, tout en étant à peu près indolore sur le coût des transactions.

C'est ce que concluait en 2003 le rapport préparé par Jean-Pierre Landau à la demande du Président Jacques Chirac. En 2011, un rapport de Bill Gates commandé par le Président Sarkozy confirmait l'intérêt d'une telle taxe pour le financement d'actions de développement.

Reprenant cette idée, fortement soutenue par la France, la Commission européenne a proposé en septembre 2011 une proposition de directive sur un système commun de taxe sur les transactions financières pour toute l'Union Européenne. Devant l'opposition d'un certain nombre de pays, le Conseil de l'Union a engagé la voie d' une coopération renforcée en la matière entre onze Etats membres 13 ( * ) . La Commission européenne a alors déposé une nouvelle proposition en février 2013. Depuis lors, les négociations se poursuivent mais difficilement. Elles butent notamment sur les questions de l'assiette de la taxe, de son taux mais aussi de la destination des recettes ainsi perçues.

3. Le fonds de solidarité pour le développement (FSD) : réceptacle peu transparent

Un fonds de solidarité pour le développement (FSD) a été créé en 2006 14 ( * ) pour percevoir les recettes de la taxe et les verser aux organismes bénéficiaires. L'Agence française de développement gère le FSD et effectue les versements pour le compte de l'Etat.

Depuis un décret de décembre 2013 15 ( * ) , le FSD peut financer 7 organismes internationaux : la facilité internationale d'achats de médicaments Unitaid, la facilité financière internationale pour l'immunisation (IFFIm), le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le Fonds vert pour le climat, l'Alliance mondiale pour les vaccins et l'immunisation (GAVI), le fonds fiduciaire de l'Initiative pour l'alimentation en eau et l'assainissement en milieu rural (RWSSI) de la Banque africaine de développement et l'Initiative solidarité santé Sahel (I3S) de l'AFD.

Entre 2006 et le 31 juillet 2014, le FSD a reçu 1,47 milliard d'euros de recettes, dont 1,3 milliard au titre de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et 127 millions au titre de la taxe française sur les transactions financières.

Durant cette période, le FSD a reversé 1,3 milliard d'euros, dont 936 millions pour Unitaid , 173 millions pour l'IFFIm, 184 millions pour le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, 20 millions pour le GAVI, 13 millions pour le RWSSI et 6 millions pour l'I3S.

Pour 2015, les crédits du FSD sont connus puisque les deux taxes qui l'alimentent seront écrêtées : il devrait donc recevoir 210 millions de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et 130 ou 140 millions de la TTF, selon le vote final du PLF. Sur ces 340 ou 350 millions, 173 millions sont fléchés vers le fonds mondial ; il ne resterait donc que 167 ou 177 millions pour les autres organismes (Unitaid, IFFIm, GAVI...).

4. Les autres financements et les perspectives

Dans la catégorie des nouveaux financements, on peut également citer d'autres initiatives, notamment celles venant des collectivités territoriales. Alors que la loi Oudin-Santini permettait de financer des actions en matière d'eau et d'assainissement (le « 1 % eau »), la loi d'orientation du 7 juillet 2014 prévoit, à l'initiative de votre commission et du Sénat, que cette possibilité soit élargie au secteur des déchets ménagers (« 1 % déchets »).

On peut aussi signaler, même s'il s'agit de crédits budgétaires, les contrats de désendettement et de développement (C2D) qui permettent de flécher les ressources générées par les annulations de dettes vers les financements d'actions de développement.

Enfin, lors de son audition devant votre commission, la secrétaire d'Etat en charge du développement a précisé que la France continuait de jouer un rôle moteur dans les réflexions pour la mise en place d'autres mécanismes de financement innovant à l'étranger et dans le pays, comme la possibilité de dons par SMS ou la mise en place de loteries solidaires.

Vos rapporteurs seront attentifs à ces initiatives et poursuivront des travaux sur ce sujet.

* *

Lors de sa réunion du mercredi 26 novembre 2014, sous la présidence de Christian Cambon, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement » du projet de loi de finances pour 2015.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 26 novembre 2014, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, vice-président, a procédé à l'examen des crédits de la mission « Aide publique au développement » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2015.

M. Henri de Raincourt, rapporteur . - Avant d'entrer dans la description des crédits eux-mêmes, dans quel contexte l'aide publique au développement s'inscrit-elle en 2014-2015 ?

À la suite des assises du développement, un projet de loi d'orientation et de programmation de la politique du développement et de la solidarité internationale a été présenté. Notre commission a beaucoup contribué à l'amélioration de ce texte, qui reste un document-cadre assez général. Il a le mérite d'exister et de conforter le rôle du Parlement dans la discussion de cette politique, longtemps restée l'apanage du Gouvernement.

Cette loi fixe un certain nombre de principes généraux :

- elle affiche deux priorités transversales : la place des femmes et la lutte contre le changement climatique ;

- elle décline dix secteurs prioritaires d'intervention et confirme le principe des partenariats différenciés, c'est-à-dire la mobilisation d'outils et de financements différents selon l'état de développement du pays partenaire.

Examiner cette loi en 2014 était d'autant plus important que le monde connait des mutations particulièrement fortes et rapides. La pauvreté a diminué de manière spectaculaire et des progrès considérables ont été accomplis dans de nombreux secteurs, mais ces progrès ont été inégaux entre régions du monde, entre pays et entre groupes de populations, les personnes vivant dans des zones rurales restant particulièrement désavantagées.

Le décollage de l'Afrique est indéniable, les changements sont structurels, mais là aussi avec une répartition très inégale et un terrible paradoxe : la pauvreté recule globalement mais le nombre de personnes pauvres augmente.

En Afrique et sur les autres continents, plusieurs pays sont spectaculairement sortis du « tiers-monde » pour devenir des « grands émergents ». Ces pays mettent d'ailleurs eux-mêmes en place des politiques de soutien à certains de leurs partenaires, souvent en lien avec leurs intérêts économiques, ce qui contribue à expliquer que les niveaux d'aide progressent au niveau mondial. De fait, de nouveaux contributeurs apparaissent, que ce soient des pays que nous n'aurions pas imaginé dans ce rôle quelques années en arrière (la Chine, le Brésil, l'Arabie Saoudite ou le Qatar,...), mais aussi des fondations privées. Par exemple, la seule fondation « Bill et Melinda Gates » a accordé environ 3 milliards de dollars de subventions pour la seule année 2012.

Par ailleurs, l'année 2015 marque la dernière année des objectifs du millénaire pour le développement (OMD), fixés en 2000 par les 189 Etats des Nations unies. Un nouveau Sommet devrait avoir lieu en septembre 2015 pour adopter un nouvel ensemble d'objectifs qui devraient, selon les projets du Secrétaire général des Nations unies, faire converger dans un seul agenda les objectifs du développement durable (ODD) et les OMD.

En 2015 aura également lieu la conférence COP 21 ou « Paris Climat 2015 » qui manifeste aussi cette convergence entre développement et développement durable, en l'occurrence le changement climatique. Si cette problématique concerne l'ensemble de la planète, on voit bien qu'elle contient un fort aspect d'aide au développement. C'est par exemple la logique du « Fonds vert pour le climat » qui est destiné à aider les pays en développement à entrer dans une ère moins carbonée, en réduisant leurs émissions de gaz à effet de serre et en s'adaptant aux effets du réchauffement. La France s'est engagée, par la voix du Président de la République, à apporter un milliard de dollars pour ce Fonds, les Etats-Unis viennent d'annoncer 3 milliards et le Japon 1,5 milliard. Pour autant, nul ne sait encore très précisément comment ce milliard sera financé... Il s'agira certainement, c'est ce que pratiquent beaucoup de gouvernements, du « recyclage » d'enveloppes déjà programmées et il s'agira largement de prêts...

Appréhender le développement par le développement durable est évidemment une orientation fondamentale mais il serait très réducteur de se limiter à cette question, pour importante qu'elle soit.

Je vous rappelle que, d'ici à 2050, la population de la planète passera de 7 à 9,2 milliards d'habitants, celle de l'Afrique doublera, mais qu'en même temps, la population vieillira et s'urbanisera. De ce fait, l'aide au développement doit rester focalisée sur les services de base rendus à la population : l'éducation, la santé, les services publics en général. Si l'éducation n'est pas au rendez-vous, un pays ne peut pas réussir sa transition démographique car les jeunes ne peuvent pas accéder au marché du travail.

Par ailleurs, cette croissance démographique nécessitera une augmentation de la production alimentaire mondiale de l'ordre de 60%. Aujourd'hui, il reste déjà un important retard à combler en la matière : seuls des progrès faibles et inégaux ont été réalisés en matière de réduction de la malnutrition et un peu plus de 800 millions de personnes continuent de souffrir de faim chronique, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas régulièrement accès à une nourriture en quantité suffisante pour mener une vie active. En outre, plus de 2 milliards de personnes souffrent de carences en micronutriments.

Cet enjeu alimentaire est d'autant plus important que les pays touchés par la malnutrition sont souvent aussi ceux dont la croissance démographique est la plus forte, singulièrement en Afrique. N'oublions pas les conséquences dramatiques des émeutes de la faim !

Dans ce schéma d'ensemble, comment se présente l'aide française au développement ?

Les crédits de la mission « Aide publique au développement » ne constituent qu'une partie de l'aide telle qu'elle est comptabilisée par l'OCDE. Troisième contributeur mondial en volume en 2010, avec 9,75 milliards d'euros d'APD nette, la France n'est plus que cinquième en 2013 avec 8,54 milliards. Et notre APD ne devrait s'élever qu'à 7,9 milliards d'euros en 2014, ce qui constituerait une quatrième année de baisse consécutive. En quatre ans, elle aura donc baissé globalement d'environ 18%. Elle est censée remonter sensiblement en 2015 en raison des prêts que la France devrait accorder à la Banque mondiale et au futur Fonds vert pour le climat.

Après avoir représenté 0,5% du RNB en 2010, l'APD française a chuté à 0,41% en 2013, loin de l'objectif international des 0,7% que n'atteignent que la Norvège, la Suède, le Luxembourg et le Danemark mais aussi, pour la première fois, le Royaume-Uni qui a fait un effort particulier en 2013 en matière de développement.

Pour autant, si l'objectif des 0,7% reste symboliquement important, notamment pour nos pays partenaires, la statistique en elle-même doit être maniée avec précaution car elle amalgame un certain nombre de dépenses très diverses dont le lien est parfois ténu avec le développement.

Au total, même si la tendance est clairement baissière depuis plusieurs années, nous n'avons pas à rougir de la politique de la France ; la politique du développement est une grande réussite de notre pays et elle contribue grandement à son rayonnement international.

Au sein de l'APD, les seuls crédits budgétaires de la mission ne représentent que 34% de l'effort total : 2,8 milliards d'euros pour 2015. Reflet de ce que je vous disais précédemment sur l'ensemble de l'aide, les crédits de la mission suivent une tendance peu favorable. Dans la loi de programmation des finances publiques 2011-2014, les crédits étaient stables autour de 3,3 milliards ; dans celle pour 2012-2017, ils l'étaient autour de 3,1 milliards mais, dans le projet de loi en cours d'examen au Parlement pour la période 2014-2019, ils démarrent à 2,8 milliards en 2015 pour descendre à moins de 2,7 en 2017. Ainsi, le plafond des crédits pour 2017 est inférieur de 650 millions d'euros à celui de 2011, soit une baisse de 20% en six ans. D'ailleurs, la mission APD sera l'une des plus touchées parmi les missions de l'Etat dans la programmation en cours.

Bien sûr, on peut comprendre que, dans des circonstances exceptionnelles, des mesures exceptionnelles soient prises. Elles doivent toutefois conserver ce caractère exceptionnel et donc rester limitées dans le temps, ce qui risque malheureusement de ne pas être le cas en l'espèce. Le signal politique d'une érosion continue des crédits n'est pas particulièrement pertinent ; nous devons être conscients des difficultés mais regretter tout de même cette situation peu favorable.

Il est vrai que le Gouvernement explique que la baisse n'est pas aussi forte en réalité qu'en apparence, car elle est compensée par l'accroissement de la part des financements innovants affectée au développement.

Or je souhaite rappeler avec force que, lorsque le Président Chirac a lancé le chantier de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, il était convenu de toute part - cela a été formalisé dans une résolution des Nations unies de décembre 2010 sur les mécanismes innovants de financement du développement - que ce type de financements devait venir compléter les financements classiques, non s'y substituer.

Je regrette que le Gouvernement, alors même qu'il fait des efforts sur cette question, entre dans cette logique de la substitution. Annick Girardin disait ainsi devant notre commission : « les crédits baissent ... mais ce mouvement est atténué par le reversement de la quote-part des financements innovants ». Nous ne devons pas nous satisfaire de cette situation qui ne peut qu'être utilisée par Bercy pour rogner de plus en plus les crédits budgétaires. Cela me semble donc être une mauvaise voie et un mauvais signal.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure . - Le Gouvernement a réalisé, depuis 2012, des efforts importants quant aux financements innovants consacrés au développement :

- le 1 er avril dernier, il a ainsi augmenté les tarifs de la taxe de solidarité sur les billets d'avion de 12,7% afin de rattraper l'inflation accumulée, alors que ces tarifs n'avaient pas évolué depuis 2006. De ce fait, alors que les recettes de la taxe étaient stabilisées autour de 180 millions d'euros depuis 2011, elles atteindront 208 millions en 2014 et 222 millions en 2015 selon les prévisions qui nous ont été transmises.

Depuis le 1 er janvier 2014, les recettes de cette taxe affectées au développement sont cependant plafonnées à 210 millions, plafond qui sera appliqué en 2015 : un écrêtement de 12 millions devrait de ce fait être constaté. Je salue l'effort du Gouvernement pour revaloriser les recettes de la taxe ; il me semble cependant que nous aurions pu éviter ce plafond alors que cette taxe a justement été conçue pour contribuer au développement. On ne peut que le regretter.

- le Gouvernement a ensuite concrétisé, dès août 2012, un projet ancien : la taxe sur les transactions financières. Elle devrait rapporter 780 millions d'euros en 2014 dont 15% seront théoriquement affectés au développement mais là aussi un plafond s'applique. En pratique, 100 millions seulement devraient abonder cette année le fonds de solidarité pour le développement.

En 2015, le Gouvernement poursuit l'effort engagé en 2012, en portant la part affectée au développement de 15% à 25%. Mais le message est quelque peu brouillé car le plafond effectif n'est pas relevé dans les mêmes proportions. Il était prévu de le porter de 100 millions à 130 millions ; un amendement adopté à l'Assemblée nationale le porte à 140 à ce stade du débat parlementaire. Le Gouvernement a annoncé une augmentation du plafond qui passera à 160 millions à partir de 2016, ce qui constitue un nouveau signe encourageant.

Pour en venir plus directement aux crédits de la mission APD, ils s'élèveront à 2,8 milliards d'euros en 2015. Ils baissent globalement de 2,9%. Les évolutions sont cependant contrastées selon les lignes.

Il faut savoir que la mission compense à l'AFD et à des organisations internationales le coût pour elles des décisions d'annulations de dette prises par les Etats. Les crédits destinés à cette compensation refluent de 54 millions en 2015, soit une chute de 33%. Cette évolution est cependant positive - ce qui n'est pas le moindre des paradoxes -, puisqu'elle traduit le fait que le nombre de pays surendettés diminue.

Sans cette ligne de crédits tout à fait particulière, la mission Aide publique au développement baisse de 1%.

En outre, les dépenses de personnel du programme 209, celui géré par le Quai d'Orsay, baissent de 2,1%, ce qui symbolise la volonté du Gouvernement de préserver au maximum les crédits d'intervention. Pour autant, la diminution des crédits de personnel ne doit pas se faire indistinctement ; elle doit plutôt passer par des réformes structurelles permettant une mutualisation poussée entre les réseaux français à l'étranger, au premier rang desquels celui de l'AFD et les SCAC. Cette mutualisation ne peut qu'accroitre notre efficacité sur le terrain. Je crois que le ministère aurait tout intérêt à travailler en ce sens.

Les financements multilatéraux, y compris à destination du Fonds européen de développement (FED), baissent légèrement (-0,8%), mais là aussi avec des évolutions contrastées.

Ainsi, la participation de la France au FED devrait progresser de 3,4% pour atteindre 704 millions d'euros ; elle représentera ainsi un quart des crédits de la mission. Nous aurons l'occasion d'examiner plus avant le FED lorsque nous devrons, début décembre, autoriser la ratification du 11 ème FED pour la période 2014-2019 ; je ne m'y étends donc pas davantage aujourd'hui.

La deuxième contribution multilatérale la plus importante est destinée à l'Association internationale de développement (AID), guichet concessionnel de la Banque mondiale. La contribution de la France, qui passe de 1,2 milliard sur 2012-2014 à 1 milliard sur 2015-2017, baissera de 19% pour atteindre 323 millions en 2015. Cette évolution est compensée par le fait que la France accordera un prêt à taux zéro de 430 millions à l'AID. On peut bien sûr s'interroger sur la pertinence de prêter à un organisme qui lui-même prête aux pays en développement. Il est vrai que l'effet de levier est ainsi amplifié. La France soutient cette idée. Nous nous interrogeons tout de même sur l'idée d'utiliser l'AFD comme intermédiaire financier de cette opération : si l'Etat empruntait lui-même, son coût serait certainement moins élevé.

La troisième contribution multilatérale est destinée au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Elle baisse de 14% pour atteindre 187 millions en 2015. Selon le Gouvernement, cette baisse de 30 millions sera là encore compensée par une augmentation des financements innovants à destination du Fonds mondial, ce qui permettra de stabiliser la contribution globale de la France à 360 millions en 2015. L'augmentation des financements innovants devrait apporter au total une quarantaine de millions d'euros supplémentaires en 2015. Il n'est pas certain que cela suffise à couvrir l'ensemble des engagements de la France auprès des organisations internationales qui doivent être financés par les financements innovants.

Du côté des aides bilatérales (hors compensation du traitement de dettes), les crédits sont globalement stables (-0,4%) à 873 millions.

Je désire distinguer deux lignes particulières au sein de cette enveloppe :

- la bonification des prêts de l'AFD tout d'abord, qui progresse de 2,3% et atteint dorénavant 178 millions. Cela représente le coût pour l'Etat de la différence entre le taux auquel l'AFD emprunte sur les marchés et le taux auquel elle prête. L'augmentation de ce « coût-Etat » reflète la forte progression de l'activité prêts de l'AFD : les seuls prêts bonifiés sont passés de 1,4 milliard en 2007 à 1,9 milliard en 2013 ;

- les dons-projets ensuite, qui sont préservés en crédits de paiement (306 millions) et progressent même en autorisations d'engagements (+0,9%). Selon la loi d'orientation, les dons-projets bénéficient principalement aux pays pauvres prioritaires. Nous pouvons donc nous réjouir que l'enveloppe qui leur est dédiée soit préservée en 2015 malgré les contraintes financières que nous connaissons. Cela reflète clairement les priorités budgétaires du Gouvernement.

On peut également saluer la poursuite en 2015 de l'augmentation de la part des dons-projets qui transitent par les ONG, conformément à l'engagement du Président de la République de doubler le montant de ce type de financement de l'APD d'ici la fin du quinquennat.

Les deux lignes budgétaires que je viens d'évoquer (bonifications et dons-projets) représentent environ 55% des aides bilatérales de la mission, ce qui relativise l'idée que nos outils sont dispersés.

Nous avons déjà discuté en commission de l'équilibre entre les prêts et les dons : les prêts apportent une réelle plus-value à l'aide au développement, notamment dans les pays émergents grâce à son effet de levier particulièrement intéressant. Les dons doivent cependant rester à un niveau suffisant pour permettre de financer des projets dans les pays pauvres prioritaires, pays qui peuvent beaucoup moins bénéficier de prêts.

Ce débat agite l'Assemblée nationale, comme notre commission, depuis plusieurs années. Cette année, les députés ont déposé et fait adopter, contre l'avis du Gouvernement, un amendement tendant à diminuer les bonifications de prêts de 35 millions pour abonder les dons-projets de la même somme. Nous ne proposons pas de revenir sur cet amendement. Il ne constitue certes pas une réponse adaptée, d'une part, parce que l'AFD a déjà engagé un certain nombre de ces prêts, d'autre part, parce qu'il nous semble un peu vain - voire contre-productif - d'opposer ces deux outils qui sont complémentaires. Pour autant, notre commission estime que les dons-projets ont trop baissé dans les dernières années et ont atteint un seuil critique. C'est pourquoi ces 35 millions ne seront pas superflus ! Pour les bonifications de prêts, le Gouvernement peut très bien faire porter l'effort sur une autre ligne budgétaire puisque techniquement c'est le programme 110 dans son ensemble qui est affecté.

En tout état de cause, on voit bien avec la crise provoquée par le virus Ebola que les dons-projets sont indispensables. Si la communauté internationale s'est mobilisée en matière de santé depuis une dizaine d'années, en levant des financements nouveaux qui se sont révélés précieux pour l'achat de médicaments, d'équipements ou pour la vaccination, la crise actuelle démontre l'absolue nécessité de ne pas négliger le soutien aux services publics, en l'espèce les systèmes de santé. Pour combattre une telle maladie ou pour lutter efficacement contre la mortalité maternelle et infantile, la population doit avoir confiance dans un système qui l'accueille facilement et efficacement. Ces actions passent par la coopération technique et par des subventions ou des aides budgétaires globales qui pourraient y être affectées.

En ce qui concerne plus précisément Ebola, la France prend toute sa part dans les actions menées par la communauté internationale, ainsi que la ministre de la santé a récemment pu le rappeler en séance devant le Sénat. Elle répond à des besoins d'urgence, par exemple en finançant plusieurs centres de traitement des malades en Guinée, y compris en zone reculée comme en Guinée forestière, et elle agit aussi sur le moyen terme en finançant, à Conakry, un centre d'expertise de l'Institut Pasteur chargé de diagnostic et de formation. Ces projets contribuent aussi au rayonnement de la France. Le Gouvernement a annoncé une première enveloppe de 30 millions sur la gestion 2014 et il a déposé un amendement en seconde délibération à l'Assemblée nationale pour redéployer 40 millions au sein du programme 209 sur 2015.

Par ailleurs, cet amendement diminue le programme 110 d'un montant de 11 millions. L'ensemble des missions du budget de l'Etat sont en effet mises à contribution ; nous l'avons vu ce matin sur la mission « Défense ».

Enfin, je voudrais conclure cette première intervention en tant que co-rapporteur de l'aide au développement en rappelant une position souvent avancée par notre commission. L'aide au développement doit être appréhendée de manière globale. Tout ce que fait la France pour stabiliser certains pays constitue aussi - à n'en pas douter - une contribution au développement. Sans stabilité, sans sécurité, il ne peut y avoir de développement ! Ce n'est pas une condition suffisante mais elle est nécessaire.

Pour toutes les raisons que nous venons d'évoquer, y compris les points auxquels nous serons attentifs, nous vous proposons d'apporter un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement » du projet de loi de finances pour 2015.

M. Christian Cambon, président . - Le chiffre de 0,7% est clairement inatteignable ! Mais sur le fond, nous devons continuer notre plaidoyer pour clarifier la comptabilisation de l'aide publique au développement. Il est nettement préférable de faire toute la lumière sur les chiffres et de dire la vérité, plutôt que de mélanger des dépenses qui n'ont rien à voir entre elles.

Par ailleurs, il faut que nous soyons bien conscients que la taxe de solidarité sur les billets d'avion, du fait que très peu de pays l'ont mise en oeuvre, pèse très fortement sur Air France dans la concurrence qu'elle livre aux autres compagnies internationales. Il s'agit tout de même de 80 millions d'euros pour la compagnie. Il faut donc être vigilant.

Nous devons intensifier les évaluations des programmes financés par l'aide publique au développement, comme nous y invitent les accords internationaux. L'expérience britannique est très instructive à cet égard.

M. Alain Néri . - Comme nos rapporteurs le disaient, nous pouvons être fiers du rayonnement de la France. Or nous sommes parfois trop modestes, alors même que nous menons des politiques volontaristes, en matière de santé ou d'éducation.

M. Daniel Reiner . - Modestes mais surtout déclinistes !

M. Alain Néri . - Je crois que nous devons arriver à un meilleur équilibre en faveur des actions bilatérales car le multilatéral dilue les responsabilités. En outre, certains communiquent mieux que nous, tout en contribuant moins...

Je salue la décision visant à orienter davantage de crédits vers les ONG ; cela me parait positif.

Enfin, nous avons pleinement raison de nous engager dans la lutte contre le virus Ebola. Mais il existe aujourd'hui un autre virus, contre lequel lutte la France, le virus de la barbarie ! Tout ce que nous faisons pour la combattre devrait pouvoir être comptabilisé dans nos efforts en faveur du développement. Et nous serions alors en pointe au regard du 1,1 milliard que coûtent les Opex.

M. Daniel Reiner . - Comment avance le projet européen de taxe sur les transactions financières ? Quel est son calendrier de mise en oeuvre ?

M. André Trillard . - On peut s'étonner que la France prête à un organisme international qui lui-même prête aux pays en développement... J'imagine en outre que le financement français sera dilué, sans pouvoir être identifié, et ne bénéficiera pas à nos entreprises.

En ce qui concerne Ebola, nous devons savoir raison garder. Cette épidémie a entraîné 5 000 morts à l'échelle mondiale ; d'autres maladies sont bien plus mortelles ou dramatiques, ne serait-ce que la tuberculose ou le choléra. Tout le monde court les plateaux de télévision mais on oublie un peu vite les centaines de milliers de morts consécutifs à ces autres maladies.

M. Robert del Picchia . - Il est très important de savoir comment l'argent est utilisé et il est dommage que, dans le domaine du développement, l'opinion publique ne puisse pas mesurer précisément les projets réalisés grâce à l'aide. De leur côté, les ONG devraient aussi fournir des efforts de transparence et d'évaluation, car on ne sait pas toujours très bien comment elles sont contrôlées.

Ne pourrions-nous pas financer les programmes contre Ebola par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, dans lequel nous avons engagé des sommes importantes ?

M. Christian Cambon, président . - Mission impossible ! Ce fonds est quasiment sacré...

M. Robert del Picchia . - C'est regrettable. Enfin, ne pourrions-nous pas utiliser les fonds du développement pour faire pression sur les Etats qui refusent obstinément de payer des retraites aux Français qui ont pourtant travaillé dans le pays une bonne partie de leur vie, parfois toute leur vie ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - La question des ONG est un vrai problème. Lors d'une mission en Afghanistan, j'étais frappée de voir des coopérants dans de grosses voitures rutilantes...

Ebola n'est pas le seul virus qui devrait nous mobiliser ; il en existe d'autres, moins médiatiques mais tout aussi dangereux. La rage pose encore d'importants problèmes dans certains pays et j'ai malheureusement constaté que l'Institut Pasteur au Cambodge n'avait même pas les moyens humains de remplir les dossiers de demandes de fonds, par insuffisance de crédits.

Enfin, je voudrais rappeler que les femmes constituent le premier moteur du développement et il est essentiel de flécher des crédits en ce sens.

M. Henri de Raincourt, rapporteur . - La politique de développement est essentielle pour la paix et la sécurité dans le monde dont, je le rappelle, le centre de gravité se déplace. Si nous ne sommes pas capables d'aider les pays à se développer eux-mêmes, nous serons confrontés à des problèmes insolubles. Nul besoin de rappeler que les côtes africaines sont à quelques kilomètres de l'Europe. Toute loi sur l'immigration sera vide de sens si on n'aide pas les Africains à se nourrir. Toutes les lois du monde ne créeraient alors que des frontières en papier !

Je suis d'accord sur le fait que nous devons faire connaître ce que nous faisons. Nous pouvons par exemple nous appuyer sur la coopération décentralisée : les collectivités locales gèrent des opérations concrètes et efficaces que connaissent souvent les populations.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - J'ajoute que les problèmes de corruption sont également très importants.

M. Henri de Raincourt, rapporteur . - Ne tombons pas dans les clichés et ne généralisons pas ! Des progrès importants ont été réalisés sur ce sujet et nous ne devons pas décrédibiliser l'ensemble de l'aide au développement.

Nous devons montrer que la politique de développement est globale et, quand la France mène des actions en faveur de la paix et de la sécurité, elle contribue aussi au développement.

S'il est vrai que le Fonds sida est telle une vache sacrée, on ne doit pas oublier les résultats extrêmement positifs qu'il a permis en termes de prise en charge des malades partout dans le monde.

Enfin, personne ne peut nier le rôle central joué par les femmes dans le développement. C'est en effet un sujet important.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure . - La transparence et le contrôle des ONG se sont renforcés ces dernières années. L'AFD leur demande des comptes pour les projets financés par elle. J'ajouterai qu'augmenter la part de l'aide transitant par les ONG ne peut que les faire grandir, ce qui entraîne ipso facto professionnalisation et amélioration des procédures.

M. Henri de Raincourt, rapporteur . - Je rappelle en outre que beaucoup d'ONG se sont fédérées dans Coordination Sud, qui assure un travail de représentation et de formation tout à fait important.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure . - En ce qui concerne les questions de retraite soulevées par Robert del Picchia, la solution passe certainement par la conclusion d'un accord bilatéral.

M. Robert del Picchia . - Les choses traînent...

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure . - En matière d'évaluation et de transparence, éléments indispensables à la politique de développement, des progrès ont là aussi été réalisés. Par exemple, le ministère a ouvert un site internet qui vise à présenter tous les projets financés par pays partenaire. Le site concernait d'abord le Mali et il est progressivement étendu à tous les pays pauvres prioritaires.

En ce qui concerne Ebola, le Gouvernement a engagé des actions à la fois de prévention et de prise en charge des malades. Il est clair que l'emballement médiatique peut créer une psychose. Pour la première fois, ce virus a touché des zones urbaines au moment où les migrations sont nettement plus faciles qu'auparavant. Il est le révélateur des défaillances catastrophiques des systèmes de santé dans des économies défaillantes et il a des conséquences plus larges : par exemple, la perte de confiance dans les hôpitaux amène un certain nombre de femmes à accoucher à domicile, ce qui ne peut qu'aggraver la mortalité infantile et maternelle.

La taxe sur les transactions financières a rapporté environ 780 millions d'euros en 2014 à la France. Des discussions sont en cours au niveau européen pour mettre une telle taxe en place à l'horizon 2016 mais uniquement dans le cadre d'une coopération renforcée entre une dizaine de pays. Certains pays refusent en effet son principe ; pour le Royaume-Uni, cette taxe pourrait s'ajouter aux impôts existants sur la City londonienne, ce que le pays ne veut pas accepter. Les négociations portent à la fois sur l'assiette de la taxe et son taux mais aussi sur la répartition des recettes ainsi générées...

Pour reprendre le slogan de Pascal Canfin, pas de sécurité sans développement et pas de développement sans sécurité. Il est certain, comme je l'ai indiqué en conclusion de la présentation du rapport, que ces deux sujets sont indissociables.

Enfin, la coopération en matière de justice est importante dans la lutte contre la corruption et, pour la mettre en place, il est nécessaire d'avoir une politique adaptée de visas, notamment envers les étudiants. Acceptons le fait que ceux-ci ne constituent pas une menace migratoire.

M. Henri de Raincourt, rapporteur . - La taxe sur les transactions financières a été un grand combat, très difficile à mener, car de nombreux pays s'y opposaient et continuent de le faire. La France a voulu montrer l'exemple. Il n'est tout de même pas complètement anormal que les services financiers, qui bénéficient le plus de la mondialisation, contribuent un tout petit peu à l'aide au développement. C'est pour cela que l'assiette de la taxe doit être large et son taux faible.

À l'issue des débats, la commission a donné, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ».


* 1 in Document de position française sur l'agenda Post-2015.

* 2 Loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

* 3 « Agence française de développement : quelles ambitions pour 2014-2016 ? », rapport d'information Sénat n° 766 (2013-2014).

* 4 L'Inde n'est plus éligible à partir de la fin de l'exercice 2014 mais recevra un soutien transitoire exceptionnel pour les exercices 2015 à 2017.

* 5 Cette opération est retracée au programme 853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des Etats étrangers » de la mission « Prêts à des Etats étrangers ».

* 6 Avant amendement de l'Assemblée nationale qui diminue ces crédits de 35 millions (cf. supra).

* 7 Rapport d'information n° 766 (2013-2014), fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 23 juillet 2014 : « Agence française de développement : quelles ambitions pour 2014-2016 ? »

* 8 Avant amendement adopté par l'Assemblée nationale.

* 9 Projet de loi n° 45 (2014-2015).

* 10 Article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

* 11 Loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 12 Article 22 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.

* 13 France, Allemagne, Belgique, Autriche, Slovénie, Portugal, Grèce, Slovaquie, Italie, Espagne et Estonie.

* 14 Même article 22.

* 15 Décret n° 2013-1214 du 23 décembre 2013 portant modification du décret n° 2006-1139 du 12 septembre 2006 sur le fonds de solidarité pour le développement.

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