II. LA RÉFORME DE L'AFP : UN COMPROMIS SATISFAISANT OU DES PERSPECTIVES INQUIÉTANTES ?

A. UNE RÉFORME DE L'AFP DEVENUE INÉVITABLE

1. L'AFP fragilisée par un contentieux relatif aux aides d'État

La loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'AFP définit depuis l'origine les missions de l'AFP en particulier dans ses articles 1 er et 2 :

L'article 1 er précise que l'AFP a pour objet :

« 1° De rechercher, tant en France et dans l'ensemble de l'Union française qu'à l'étranger, les éléments d'une information complète et objective ;

« 2° De mettre contre payement cette information à la disposition des usagers. »

L'article 2 énumère les obligations fondamentales de l'AFP dont découle sa mission d'intérêt général :

« 1° L'Agence France-Presse ne peut en aucune circonstance tenir compte d'influences ou de considérations de nature à compromettre l'exactitude ou l'objectivité de l'information ; elle ne doit, en aucune circonstance, passer sous le contrôle de droit ou de fait d'un groupement idéologique, politique ou économique ;

« 2° L'Agence France-Presse doit, dans toute la mesure de ses ressources, développer son action et parfaire son organisation en vue de donner aux usagers français et étrangers, de façon régulière et sans interruption, une information exacte, impartiale et digne de confiance ;

« 3° L'Agence France-Presse doit, dans toute la mesure de ses ressources, assurer l'existence d'un réseau d'établissements lui conférant le caractère d'un organisme d'information à rayonnement mondial. »

La modification apportée au statut de l'AFP par l'article 100 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives visait à compléter l'article 13 de la loi précitée du 10 janvier 1957 portant statut de l'AFP, afin de prévoir expressément, parmi les ressources de l'Agence, « la compensation financière par l'État des coûts nets générés par l'accomplissement de ses missions d'intérêt général telles que définies aux articles 1 er et 2 de la présente loi [...] ».

L'inscription dans le statut de l'AFP de la possibilité de recevoir une compensation par l'État du coût des missions d'intérêt général a eu pour principale conséquence de faciliter les discussions avec la Commission européenne sur le sujet contentieux dont elle a saisi les autorités françaises en mars 2010. Cette modification statutaire était indispensable pour mener à bien la réflexion engagée avec la direction générale de la concurrence sur une nouvelle répartition des sommes versées à l'AFP par l'État entre abonnement commercial et compensation des missions d'intérêt général.

En effet, à la suite d'une plainte émanant d'une agence allemande, dès le mois d'août 2011, la Commission européenne a fait connaître certaines conclusions provisoires sur l'analyse des données fournies par la France sur la nature des sommes versées par l'État à l'AFP depuis 1958 dans le cadre des abonnements.

Le 8 mai 2012, la Commission a adressé à la France un courrier sur la base de l'article 17§2 du règlement n° 659/1999/CE dit « règlement de procédure ». Par ce courrier, la Commission a confirmé ses conclusions préliminaires selon lesquelles le financement de l'AFP par l'État est qualifiable d'aide d'État et peut aussi être considéré comme une compensation de service public si des missions d'intérêt général (MIG) peuvent clairement être identifiées dans les statuts de l'AFP .

2. Les modifications statutaires proposées par la Commission européenne

Suite à des échanges avec les autorités françaises, la Commission a adressé à la France, le 27 mars 2014, une recommandation lui proposant l'adoption de mesures utiles avec l'objectif de sécuriser la compatibilité des aides à l'AFP avec le traité. La France a accepté ces mesures utiles qui doivent désormais être mises en oeuvre dans un délai d'un an à compter de la recommandation de la Commission, soit avant le 27 mars 2015.

La Commission européenne reconnaît que les versements publics à l'AFP constituent une « aide existante » au sens du droit de l'Union européenne (c'est-à-dire en place avant l'entrée en vigueur du traité de Rome). Ils sont donc insusceptibles de récupération.

La Commission demande également un ensemble d'actions de la part des autorités françaises. Plusieurs d'entre elles imposent une modification de la loi du 10 janvier 1957 portant statut de l'AFP :

- le calcul de l'abonnement de l'État, aujourd'hui défini par référence aux tarifs de la presse française devra se faire par référence au barème des clients entreprises de l'Agence.

En outre, pour écarter tout risque d'aide d'État indirecte, la Commission européenne demande que la France justifie de façon précise le nombre et la nature des abonnements souscrits par les pouvoirs publics auprès de l'AFP et puisse bénéficier d'un rabais de quantité dans le montant acquitté auprès de l'Agence. Ces principes guident la négociation commerciale que la direction générale des médias et des industries culturelles conduit, pour l'ensemble des services de l'État, avec l'AFP. La nouvelle convention d'abonnements d'État, établie sur ces bases et remplaçant la convention de 1958, entrera en vigueur au 1 er janvier 2015 ;

- une comptabilité séparée pour les activités ne relevant pas des missions d'intérêt général de l'AFP devient obligatoire. En pratique, ces activités sont déjà filialisées à l'heure actuelle ;

- le régime de faillite spécifique de l'AFP doit être précisé afin d'écarter, là encore, toute aide d'État soit si celui-ci venait se substituer à l'AFP défaillante auprès de ses créanciers, soit inversement si ceux-ci étaient spoliés en cas de faillite de l'Agence par rapport aux conditions de droit commun.

Les autres évolutions nécessaires afin de clore la procédure pour aide d'État doivent trouver leur place dans la négociation du futur contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'AFP ;

- la définition du service d'intérêt économique général et du mandat formel confié à l'AFP. En pratique, il est nécessaire de détailler les missions d'intérêt général (MIG) fixées dans la loi. Toutefois, le Gouvernement a prévu de renvoyer au COM le soin d'énumérer, pour chaque élément des MIG, comment l'Agence doit s'en acquitter. Le contrat devra dès lors définir des indicateurs de suivi et associer à chaque mission un ou des objectifs de performance.

- le montant et le calcul de la compensation des MIG : la France s'est engagée à ce que la compensation financière des MIG exclut, dans son calcul et sa procédure, toute surcompensation. Le COM définira les modalités de calcul et de versement de la compensation des MIG, et appliquera pour ce faire la méthode dite de « coût net évité », validée par la Commission. La compensation des MIG ne sera donc plus implicitement incluse, comme actuellement, dans les abonnements de l'État. Le calcul sera placé sous le contrôle de la commission financière.

Enfin, aux termes du droit de l'UE, le mandat confié à l'AFP pour exercer les MIG ne peut excéder dix ans. La France s'est donc engagée à réexaminer la situation au plus tard à cette échéance, à notifier à la Commission ses intentions relatives à la poursuite de ce service d'intérêt général et à la forme d'une telle continuation.

3. Les modifications prévues par la proposition de loi « Françaix » concernant l'AFP

Afin de mieux appréhender les besoins de l'AFP et les modifications à apporter à son statut, le Gouvernement a chargé M. Michel Françaix, par décret du 4 octobre 2013, d'une mission temporaire sur l'avenir de l'AFP. La lettre de mission lui demandait de tracer des perspectives de moyen et de long terme pour l'Agence, dans un triple cadre : le maintien de l'indépendance et de l'impartialité ancrées dans le statut de 1957, le respect des règles européennes de concurrence et le nécessaire redressement des finances publiques nationales.

La mission est intervenue au moment où la France et la Commission européenne ont parachevé leurs échanges sur la régularité du soutien financier public à l'AFP, au regard des règles sur les aides d'État. La Commission a accepté la proposition de mieux dissocier et spécifier la compensation des missions d'intérêt général et les abonnements de l'État à l'AFP.

Les principales recommandations du rapport de M. Michel Françaix, rendu le 15 avril dernier, portaient, d'une part sur la création d'une filiale technique de moyens pour mettre en oeuvre le plan d'investissements de l'Agence, d'autre part sur les évolutions à apporter à sa gouvernance.

Sur ce dernier point, les propositions de la mission portent sur chacune des quatre instances de direction de l'AFP :

- le conseil d'administration serait ouvert à des personnalités qualifiées , nommées intuitu personae , apportant un autre regard que celui des collèges déjà représentés au conseil (clients de la presse écrite et de l'audiovisuel public, État, salariés). Ces personnalités seraient nommées sur proposition du Conseil supérieur de l'AFP ;

- le conseil supérieur de l'Agence, garant de l'impartialité et de l'exactitude des informations fournies par l'AFP, verrait sa composition rénovée à la marge : les membres (issus comme actuellement de la magistrature, de la haute fonction publique...) devraient être en activité, ne seraient pas reconductibles et ne pourraient siéger en même temps au conseil d'administration ou à la commission financière ;

- les membres de la commission financière pourraient assister sans voix délibérative au conseil d'administration ;

- le président-directeur général verrait son mandat porté de 3 à 5 ans.

L'ensemble de ces propositions devrait être discuté à l'Assemblée nationale le 17 décembre prochain dans le cadre de l'examen en première lecture de la proposition de loi déposée par M. Michel Françaix.

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