C. LA NÉCESSITÉ D'UN « PACTE DE COMPÉTITIVITÉ MARITIME »

Un sursaut de compétitivité est nécessaire pour assurer la survie du pavillon français. La France ne peut faire l'économie d'une véritable politique maritime, dans un contexte où la plupart de ses concurrents européens affichent clairement leur volontarisme en la matière. Plusieurs mesures doivent être mises en oeuvre de toute urgence, votre rapporteur soutient sur ce point la nécessité d'un « Pacte de compétitivité maritime » , tel que proposé par le député Arnaud Leroy dans un récent rapport 15 ( * ) , élaboré à l'issue d'une intense concertation avec l'ensemble de la profession.

1. Accorder le bénéficie du CICE aux entreprises maritimes

Bien que directement exposées à la concurrence internationale, les entreprises de transport et de services maritimes ne peuvent bénéficier du crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE) puisqu'elles sont imposées selon un régime forfaitaire, et non dans les conditions du droit commun de l'impôt sur les bénéfices.

En effet, ce crédit d'impôt est assis sur les rémunérations que les entreprises versent à leurs salariés au cours de l'année civile. Pour y être éligibles, les rémunérations versées aux salariés doivent être retenues pour la détermination du résultat imposable à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun et avoir été régulièrement déclarées aux organismes de sécurité sociale.

Par conséquent, les entreprises de transport et de services maritimes ayant opté pour la taxe au tonnage ne peuvent pas en bénéficier pour la partie des emplois concernant leurs marins. Ceci est particulièrement regrettable pour un secteur qui représente 22 000 emplois français directs et plus de 300 000 emplois induits (logistique, assurance, conseils, activités portuaires...).

Le rapport Leroy propose, dans un premier temps, d' appliquer le CICE aux armements maritimes relevant du 1 er registre 16 ( * ) , qui sont les plus représentatifs en termes d'emploi (300 navires employant à leur bord environ 55 % du total des officiers français, soit 4 600 officiers, et plus de 90 % des personnels d'exécution, soit 7 500 personnels d'exécution). L'impact financier de cette mesure n'excèderait pas 10 M€ pour un taux de crédit d'impôt de 6 % en 2014.

Votre rapporteur y est également favorable : à l'heure où le Gouvernement prétend se mobiliser en faveur d'une véritable politique maritime, il est peu audible d'exclure les entreprises maritimes, particulièrement exposées à la concurrence internationale, d'un dispositif visant précisément à améliorer la compétitivité .

2. Étendre l'exonération des charges patronales non ENIM

Aux termes de l'article L. 5553-11 du code des transports, les entreprises maritimes soumises à une concurrence internationale bénéficient, à bord de leurs navires français, de l'exonération des charges patronales maladie et retraite, dites charges ENIM 17 ( * ) . Depuis la loi de finances pour 2007, les entreprises de transport de passagers, bénéficient également de l'exonération des charges patronales relatives à l'assurance chômage et aux allocations familiales, dites charges non-ENIM.

Le rapport Leroy propose d'étendre l'exonération des charges patronales non-ENIM à l'ensemble des entreprises d'armement maritime. Celles-ci doivent, pour en bénéficier, être soumises à une concurrence internationale effective dans l'exécution de leurs mission : sur la base de ce critère, le coût de la généralisation du dispositif est estimé à 17 M€ . Votre rapporteur est également favorable à cette mesure raisonnable.

3. Exonérer d'imposition la plus-value de cession d'un navire lorsqu'elle est réinvestie dans l'achat d'un nouveau navire

Depuis 2002, l'article 209 V du code général des impôts (CGI) prévoit que, pour les entreprises ayant opté pour le régime forfaitaire de la taxe au tonnage 18 ( * ) , le montant des plus ou moins-values provenant de la cession de navires éligibles à ce régime et réalisées pendant ou après la période couverte par l'option est réduit à concurrence du rapport existant entre la période de détention pendant la période couverte par cette option et la durée totale de détention. En d'autres termes, on applique un abattement correspondant au temps de détention pendant la période de taxation au tonnage. Ainsi, les navires acquis puis cédés pendant la période couverte par la taxation au tonnage sont exonérés de la taxation sur les plus-values.

Toutefois, depuis la création de cet article 209 du CGI en 2002, les mécanismes de financement des navires ont changé. Désormais, lorsque l'utilisateur lève son option d'achat auprès de la société bailleresse, il n'acquiert plus directement le navire mais les parts de cette société . Ainsi le droit commun de la fiscalité sur les plus ou moins-values de cessions s'applique, alors même que la situation de fait est demeurée identique, et la revente d'un navire au cours de la période de taxation forfaitaire au tonnage donne lieu à une imposition des plus-values dégagées , ce qui freine les possibilités de réinvestissement.

Le rapport Leroy propose de pérenniser le système mis en place en 2002 en exonérant la plus-value de cession d'impôt sous réserve que l'armateur réinvestisse cette plus-value dans l'achat d'un nouveau navire et ce dans un délai de trois ans.

Votre rapporteur est extrêmement favorable à cette mesure de bon sens et souhaite souligner deux points : d'une part, l'obligation de réinvestissement doit porter sur la plus-value nette du remboursement de la dette contractée , autrement cela risque d'entraîner l'armateur dans une spirale de l'endettement ; d'autre part, le réinvestissement doit exclusivement porter sur l'acquisition d'un nouveau navire , et non, par exemple, sur des travaux de mise aux normes imposés par la réglementation européenne : en effet, l'objectif est d'assurer le renouvellement de la flotte de navires sous pavillon français dans le strict respect des lignes directrices européennes relatives aux aides d'État dans le transport maritime.

4. Mobiliser la BPI pour le financement des navires

Depuis 2008, les armateurs rencontrent de sérieuses difficultés pour accéder aux financements. La longue crise que traverse le transport maritime, qui s'ajoute à la crise financière, a profondément découragé les institutions bancaires : elles ont toutes réduit et parfois supprimé leurs départements « shipping ».

Pour la plupart des entreprises maritimes françaises, qui sont des PME non cotées en bourse, cette situation est devenue dramatique . Seules les plus grandes compagnies peuvent en effet se financer sur les marchés émergents (Chine, Asie du Sud-Est).

Face cette situation, les armateurs français ne sont pas restés inactifs et ont entamé des discussions avec les pouvoirs publics et la Banque publique d'investissement (BPI). Sans le soutien des banques, et dans un contexte où leur trésorerie est extrêmement réduite, ils ont proposé des schémas de financement innovants. Malheureusement, la BPI est elle-même frileuse, sans doute par méconnaissance du secteur, et exige des garanties rédhibitoires .

L'engagement du comité interministériel de la mer (CIMER) de décembre 2013 de faire du financement maritime une priorité est ainsi resté sans suite. Votre rapporteur est favorable à ce qu'un médiateur/facilitateur soit désigné pour favoriser les contacts entre la BPI et les entreprises maritimes , en vue d'élaborer un schéma de financement des navires de commerce.


* 15 Rapport sur la compétitivité des services et transports maritimes français, remis au ministre délégué en charge des transports par Arnaud Leroy, député (octobre 2013).

* 16 100 % des membres de l'équipage des navires doivent être ressortissants d'un État membre de l'Union Européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'espace économique européen.

* 17 Établissement national des invalides de la marine, qui constitue le régime spécial de retraite des marins

* 18 Les armateurs français, en principe soumis à l'impôt sur les sociétés (IS), ont la possibilité d'opter, pour une période de dix ans renouvelable, pour un impôt forfaitaire de taxation calculé en fonction du tonnage des navires qu'ils exploitent. La visibilité sur le montant d'impôt payé est donc accrue, l'assiette ne fluctuant pas au gré des bénéfices et des pertes. Ce dispositif est appliqué par l'ensemble des États européens maritimes et par 80% de la flotte mondiale.

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