III. VERS UNE RÉFORME D'ENSEMBLE DE LA JUSTICE DES MINEURS ?

L'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante a connu de très nombreuses modifications qui l'ont rendue complexe et difficile à utiliser pour les magistrats, si bien que la question d'une refonte du droit pénal des mineurs fait l'objet de discussions depuis plusieurs années.

A. UNE ACCÉLÉRATION DES MODIFICATIONS APPORTÉES AU DROIT PÉNAL DES MINEURS

1. Des modifications intervenues pour appliquer aux mineurs les réformes du droit pénal des majeurs

Au cours des quinze dernières années, de nombreuses modifications législatives ont accru la complexité de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

Si l'on ne considère que les modifications intervenues depuis 2002, on peut relever les évolutions suivantes :

- la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice a créé les sanctions éducatives, parmi lesquelles la mesure d'aide ou de réparation. Elle a également créé les établissements pour mineurs (EPM), les centres éducatifs fermés ;

- la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a notamment étendu des dispositions nouvelles relatives à la garde à vue aux mineurs de plus de 16 ans lorsqu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'une ou plusieurs personnes majeures ont participé, comme auteur ou complice, à la commission de l'infraction (infractions de criminalité et de délinquance organisée) ;

- la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a notamment étendu aux mineurs la procédure des alternatives aux poursuites, ainsi que celle de composition pénale. Elle a également étendu aux mineurs de moins de 16 ans n'ayant bénéficié d'aucune mesure ou n'ayant pas été sanctionnés au préalable la possibilité de placement sous contrôle judiciaire. Une autre disposition importante de cette loi vise à limiter le nombre d'admonestations ou de remises à parents prononcées à l'encontre de mineurs déjà condamnés ;

- la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs a précisé que la diminution de moitié de la peine encourue prévue par l'article 20-2 s'applique également aux peines minimales dites peines planchers et a également prévu que les mesures ou sanctions éducatives prononcées contre un mineur ne peuvent constituer le premier terme d'une récidive ;

- la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a fixé le principe de l'applicabilité aux mineurs des dispositions relatives à l'assignation à résidence sous surveillance électronique, des aménagements de peine pour les peines d'emprisonnement ferme inférieures ou égales à deux ans et des dispositions relatives au placement sous surveillance électronique en fin de peine ;

- la loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale a prévu le placement des mineurs en détention provisoire en cas de non-respect d'une assignation à résidence avec surveillance électronique et a imposé le recueil de renseignements socio-éducatifs (RRSE) en cas d'assignation à résidence sous surveillance électronique ;

- la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs a créé le tribunal correctionnel pour mineurs, introduit la possibilité pour le parquet de faire convoquer le mineur par officier de police judiciaire devant le tribunal, permis au magistrat ou à la juridiction saisie de la situation d'un mineur de faire comparaître par la force publique les parents qui ne répondent pas aux convocations judiciaires. Elle a également créé le dossier unique de personnalité ;

- la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l'exécution des peines a instauré à compter de 2014 un délai de prise en charge de cinq jours par les services de la protection judiciaire de la jeunesse en cas de prononcé d'une décision exécutoire ordonnant une mesure ou une sanction éducatives, à l'exception des décisions de placement, ou prononçant une peine autre qu'une peine ferme privative de liberté ;

- la loi relative à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines adoptée le 17 juillet 2014 est également applicable aux mineurs, à l'exception de la peine de contrainte pénale.

Les nombreuses évolutions intervenues dans la procédure pénale applicable aux mineurs depuis une douzaine d'années consistent ainsi, pour une grande part, à tenir compte des très fréquentes modifications apportées au droit pénal et à la procédure pénale des majeurs, soit pour en prévoir l'application pure et simple aux mineurs, soit pour les adapter à ceux-ci. Peu de modifications d'importance ont visé les seuls mineurs.

2. Une évolution parfois contradictoire

Par ailleurs, on peut observer une évolution quelque peu contradictoire.

D'une part, en effet, on constate une tendance à rapprocher la justice des mineurs de celle des majeurs en la rendant plus sévère , au motif que la délinquance juvénile serait devenue plus dure, plus précoce et plus semblable à celle des majeurs.

D'autre part, et inversement, l'ordonnance de 1945, du fait de la grande diversité des mesures qu'elle prévoit, constitue une source d'inspiration pour une diversification des peines prévues pour les majeurs afin d'améliorer leur réinsertion . Tout comme au sein de l'ordonnance de 1945, l'accent est mis sur la capacité des délinquants majeurs à s'amender et l'exécution « vise à préparer l'insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin de lui permettre d'agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d'éviter la commission de nouvelles infractions », selon les termes de la loi du 17 juillet 2014 relative à la prévention de la récidive, inspirés de ceux de l'article 1 er de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

En tout état de cause, ces évolutions ont eu pour effet non recherché de complexifier à l'excès l'ordonnance de 1945.

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