II. LA SUPPRESSION DE « NICHES SOCIALES »

A. LA RATIONALISATION DU DISPOSITIF D'EXONÉRATIONS SPÉCIFIQUE À L'OUTRE-MER (ARTICLE 9)

Conformément aux conclusions de la revue de dépenses menée en 2015 par les inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (IGAS) sur les dispositifs sectoriels d'exonération de cotisations sociales 45 ( * ) , l' article 9 du présent projet de loi de financement vise à recentrer le dispositif d'exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale spécifique à l'outre-mer, dit « LODEOM », sur les plus bas salaires . Ce dispositif s'applique en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

Selon le droit en vigueur ( article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale ), le niveau d'exonération diffère selon la taille et le secteur d'activité de l'entreprise mais s'applique généralement jusqu'à un niveau de rémunération élevé - situé entre 2,6 et 4,5 SMIC (soit 6 560 euros bruts) selon les exonérations. Ce dispositif représente les trois-quarts des dépenses fiscales spécifiquement en faveur de l'outre-mer, soit 975 millions d'euros en 2014 entièrement compensés par des crédits budgétaires de l'État , pour un peu moins de 170 000 salariés concernés. Le coût moyen par salarié est ainsi 2,9 fois plus élevé que pour les allègements généraux de cotisations patronales.

Malgré le recentrage progressif sur les petites entreprises et sur certains secteurs et les évolutions introduites en 2014 46 ( * ) , le comité d'évaluation des dépenses fiscales de 2011 l'avait jugé peu efficient (score de « 1 »). La récente mission de l'IGF et de l'IGAS a considéré que « les conclusions du comité de 2011 restent d'actualité (score de 1) et que la démonstration de l'efficacité et de l'efficience de ces dispositions n'est pas faite » 47 ( * ) . Elle a ainsi préconisé de « poursuivre le recalibrage du dispositif, notamment pour réduire les « points de sortie » vers des niveaux moins dérogatoires » et de « conduire une étude économétrique comparant l'impact sur l'emploi des deux dispositifs, rapporté à leurs coûts respectifs » 48 ( * ) .

Suivant cette recommandation, l'article 9 prévoit de réduire les différents seuils d'exonération et leurs points de sortie - selon leur taille et leur éligibilité ou non au CICE - tout en conservant un « dispositif renforcé » pour certains secteurs 49 ( * ) . Par exemple, l'exonération pour les entreprises de moins de onze salariés continuerait d'être totale jusqu'à 1,4 SMIC, en revanche son plafond - c'est-à-dire le niveau de revenu à partir duquel elle cesse de produire ses effets - serait réduit de 3,8 à 3 SMIC. Pour les entreprises bénéficiant du « dispositif renforcé », le plafond de l'exonération demeurerait fixé à 4,5 SMIC. Par ailleurs, le dispositif de franchise de cotisation, qui s'applique entre le palier et le plafond, est conservé afin de ne pas pénaliser les entreprises de moins de onze salariés.

Selon l'évaluation préalable annexée au présent projet de loi de financement, cette réforme permettra de réaliser 75 millions d'euros d'économies en 2016 pour le budget de l'État , dans la mesure où les pertes de recettes découlant de ce dispositif sont actuellement compensées par des crédits budgétaires de la mission « Outre-mer ». 6,7 % des salariés des entreprises ultra-marines (soit environ 10 000) sortiraient du champ d'application du dispositif et, pour 27 % d'entre eux, le montant de l'exonération serait réduit.

L'Assemblée nationale a adopté cet article en y apportant des améliorations rédactionnelles.

Favorable à la rationalisation des « niches sociales », votre rapporteur pour avis recommande l'adoption de cet article tel que résultant du vote de l'Assemblée nationale .

Comparaison des seuils, paliers et plafonds d'exonération avant et après réforme

(en nombre de SMIC)

Droit en vigueur

Droit proposé

Entreprises de moins de 11 salariés

Seuil

1,4

1,4

Palier

2,2

2

Plafond

3,8

3

Entreprises de moins de 11 salariés éligibles au CICE

Seuil

1,4

1,4

Palier

1,8

1,6

Plafond

2,8

2,3

Entreprises bénéficiant du régime de droit commun

Seuil

1,4

1,4

Palier

1,4

1,4

Plafond

3,8

3

Entreprises bénéficiant du régime de droit commun éligibles au CICE

Seuil

1,4

1,3

Palier

1,4

1,3

Plafond

2,6

2

Entreprises bénéficiant du dispositif renforcé

Seuil

1,6

1,7

Palier

2,5

2,5

Plafond

4,5

4,5

Entreprises bénéficiant du dispositif renforcé éligibles au CICE

Seuil

1,6

1,7

Palier

2

2,5

Plafond

3

3,5

Source : évaluation préalable annexée au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016


* 45 Inspection générale des finances (IGF) et inspection générale des affaires sociales (IGAS), Revue de dépenses sur les exonérations et exemptions de charges sociales spécifiques, juin 2015.

* 46 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 47 IGF et IGAS, op. cit ., page 71.

* 48 Ibid .

* 49 Tourisme, agroalimentaire, énergies renouvelables, recherche et développement, technologies de l'information et de la communication.

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