B. UNE CONSOLIDATION DES BRANCHES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE QUI DEMEURE PARTIELLE ET PRÉCAIRE

1. L'objectif pour 2016 : un déficit de la sécurité sociale sous la barre des 10 milliards d'euros

Les articles 26 à 28 du présent projet de loi de financement fixent un objectif de réduction du déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du FSV de 3,1 milliards d'euros en 2016. Le solde cumulé du régime général et du FSV atteindrait par conséquent - 9,7 milliards d'euros et celui de l'ensemble des régimes obligatoires et du FSV - 9,3 milliards d'euros . Le déficit du seul régime général atteindrait quant à lui 6 milliards d'euros.

Trajectoire de réduction du déficit de la sécurité sociale

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2014 et de l'annexe B au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016)

Lors de la présentation du projet de loi de financement pour 2016, le Gouvernement s'est félicité d'un retour au niveau de déficit préexistant avant la crise de 2008 . Ce dernier prévoyait cependant, au printemps 2014 13 ( * ) , un retour à l'équilibre de l'ensemble des régimes et du FSV dès 2017. En dépit des objectifs de réduction des déficits affichés pour l'année 2016, le Gouvernement , dans un environnement économique et social qui demeure difficile, a reporté son ambition de rétablissement des comptes de la sécurité sociale à 2019 . La Cour des comptes estime quant à elle que ce retour à l'équilibre ne pourrait intervenir, qu'au mieux, en 2021 14 ( * ) .

En outre, une analyse plus détaillée permet de mesurer le caractère très contrasté des évolutions selon les branches . Comme en 2015, la situation de l'assurance maladie et du FSV demeure très préoccupante . Compte tenu de l'évolution tendancielle des dépenses et des recettes, le solde de la branche maladie s'améliorerait seulement de 1,3 milliard d'euros par rapport à 2015, pour atteindre - 6,2 milliards d'euros, et ce malgré les 3,1 milliards d'euros d'économies prévues dans le périmètre de l'ONDAM 15 ( * ) .

Évolution du solde du régime général et des régimes obligatoires de base par branche

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Maladie

-5,9

-6,8

-6,5

-7,5

-6,2

-4,7

AT-MP

-0,2

0,6

0,7

0,6

0,5

0,6

Famille

-2,5

-3,2

-2,7

-1,6

-0,8

-0,3

Vieillesse

-4,8

-3,1

-1,2

-0,6

0,5

1,1

Régime général

-13,3

-12,5

-9,7

-9,0

-6,0

-3,3

FSV

-4,1

-2,9

-3,5

-3,8

-3,7

-3,6

Total régime général et FSV

-17,4

-15,4

-13,2

-12,8

-9,7

-6,9

Total ensemble des régimes obligatoires de base et FSV

-19,2

-16,0

-12,8

-12,4

-9,3

-6,9

Source : annexes B à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 et au projet de loi de financement pour 2016

Le retour à l'équilibre de la branche vieillesse - résultat de + 0,5 milliard d'euros pour le régime général et de + 0,8 milliard d'euros pour l'ensemble des régimes obligatoires de base en 2016 - serait quant à lui temporaire puisqu'un déficit de 1 milliard d'euros, tous régimes de base confondus, réapparaîtrait dès 2019. Cette amélioration s'explique d'ailleurs essentiellement par la montée en charge du relèvement de l'âge légal de départ et de l'âge de départ à taux plein, prévu par la réforme des retraites de 2010 16 ( * ) , tandis que la réforme de janvier 2014 a principalement permis l'apport de recettes nouvelles à court terme. Les hausses de taux de cotisations d'assurance vieillesse adoptées par le Gouvernement depuis 2012 devraient ainsi représenter 6 milliards d'euros de recettes supplémentaires pour le régime général en 2016.

La réduction du déficit de la branche famille de 800 millions d'euros en 2016 se ferait au prix d'une baisse des prestations familiales pour environ 600 000 familles 17 ( * ) , à la suite de la modulation du montant des allocations familiales en fonction des revenus, introduite par la loi de financement pour 2015.

2. Des prévisions de solde reposant sur une hypothèse de croissance des recettes de 1,1 % en 2016

Les prévisions de solde des régimes de base de la sécurité sociale présentées précédemment reposent sur l'hypothèse d'une progression globale de 1,1 % des recettes contre 2 % dans le rapport remis à la Commission des comptes de la sécurité sociale en septembre 2015.

L'annexe C au présent projet de loi de financement, détaillant les recettes par catégorie et par branche, prévoit une progression moins forte des cotisations sociales en 2016 : + 1,8 % contre + 3 % prévu dans le rapport précité. Les recettes de CSG seraient en revanche plus dynamiques et augmenteraient de plus de 3 %.

Recettes par catégorie des régimes obligatoires de base

(en milliards d'euros)

2013

%

2014

%

2015

%

2016

%

Cotisations effectives

245,9

4

252,6

2,7

255,5

1,2

260,2

1,8

Transferts d'équilibre de l'employeur

38,2

1,2

38,9

1,7

39,1

0,6

39,7

1,6

Cotisations prises en charge par l'État

3,2

-1,3

3,2

-4,3

3,5

8,8

3,6

3,7

CSG

73,2

1,0

74,0

1,1

75,8

2,5

78,7

3,8

Autres contributions sociales

8,8

26,3

10,0

13,7

12,0

20,4

56,2

Impôts et taxes

46,1

-1,3

49,2

6,7

46,3

-5,8

Transferts

29,3

4,4

29,9

2,3

30,0

0,4

29,5

-1,7

Autres produits

5,1

8,3

5,3

3,0

5,2

-0,6

4,7

-9,6

Produits financiers

0,2

TOTAL

449,8

3,1

462,9

2,9

467,5

1,0

472,8

1,1

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2015 et de l'annexe C au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016)

Au total, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires s'élèveraient à 472,8 milliards d'euros pour 478,3 milliards de dépenses ; de cet écart résulterait un déficit de 5,6 milliards d'euros hors FSV.

3. Un solde amélioré de 4,5 milliards d'euros par rapport au tendanciel

En l'absence de mesures nouvelles , les estimations de soldes tendanciels indiquent que le déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du FSV atteindrait 13,8 milliards d'euros en 2016 , soit 1,4 milliard d'euros supplémentaire par rapport à l'exécution anticipée pour 2015. Les mesures adoptées les années précédentes, concernant les retraites et les prestations familiales, permettent en effet de ralentir la dynamique d'évolution des dépenses. La plupart des prestations servies par la sécurité sociale étant indexées sur les prix, cette situation s'explique également par la très faible inflation.

Les mesures contenues dans le présent projet de loi de financement devraient permettre d'améliorer ce solde - régimes obligatoires de base et FSV confondus - de 4,5 milliards d'euros . Cet effort est plus faible que l'effort global de 5,6 milliards d'euros porté par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015. Contrairement à 2013 et 2014, la quasi-totalité de cet effort porte néanmoins sur la dépense et non plus sur les recettes.

Comparaison des soldes tendanciels et des soldes prévus par le projet de loi de financement pour 2016

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'annexe 9 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016)

L'analyse de l'impact des mesures nouvelles sur les comptes de la sécurité sociale en 2016, telle que retracée dans l'annexe 9 au présent projet de loi de financement et présentée dans le tableau ci-après sous une forme simplifiée, permet de mesurer que l'essentiel des économies annoncées par le Gouvernement dans le champ de la sécurité sociale provient de mesures déjà engagées ou de mesures de gestion. Les mesures nouvelles d'économies contenues dans le présent projet de loi de financement - à savoir les économies relatives à l'ONDAM et celles provenant de la réforme des modalités de revalorisation des prestations sociales (cf. infra ) - représentent seulement 3,8 milliards d'euros sur les 7,4 milliards d'euros d'économies annoncés dans le champ des ASSO.

Le tableau d'équilibre financier présenté à l'annexe 9 précitée confirme par ailleurs la neutralité financière de la réforme des cotisations des professionnels de santé sur les comptes, tous régimes confondus . La baisse du taux des cotisations prises en charge par l'assurance maladie apparaît à la fois en tant que moindre dépense - et est comptabilisée, à ce titre, dans les économies portant sur l'ONDAM - et en moindre recette. Par ailleurs, si les transferts entre l'État et la sécurité sociale liés à la compensation des mesures du Pacte de responsabilité et de solidarité sont globalement neutres sur 2015 et 2016, la compensation par l'État de la baisse du rendement de la retenue à la source des cotisations des caisses de congés payés se traduit, dans les comptes, par un impact positif de 1 milliard d'euros en 2016.

Impact des mesures nouvelles sur le solde tendanciel en 2016

(en milliards d'euros)

Solde tendanciel (tous régimes + FSV)

-13,8

Effet net des mesures de compensation par l'État*

1,0

Réforme des cotisations des professionnels de santé

-0,3

Économies relatives à l'ONDAM

3,4

Réforme des modalités de revalorisation des prestations sociales

0,4

Solde 2015 après mesures (tous régimes + FSV)

-9,3

* En compensation de l'extinction progressive de la mesure de trésorerie relative aux caisses de congés payés.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'annexe 9 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016)

En définitive, les efforts en dépense présentés par le Gouvernement dans le champ des ASSO (cf. supra ), s'ils sont significatifs, ne traduisent pas l'engagement de nouvelle réforme d'ampleur en 2016 , à même d'infléchir durablement l'évolution tendancielle des dépenses. Sur les 7,4 milliards d'euros d'économies affichés, 1 milliard d'euros reposent ainsi sur des mesures adoptées les années passées, 800 millions d'euros relèvent directement de la gestion propre des caisses de sécurité sociale (baisse des frais de fonctionnement grâce au non remplacement des effectifs ou à un meilleur pilotage de la masse salariale, sous-exécution des fonds d'action sanitaire et sociale et lutte contre la fraude) et près de 800 millions d'euros proviennent de mesures d'opportunité, telles que la baisse des taux de cotisations des professionnels de santé ou encore le changement des modalités de revalorisation des prestations sociales.

Économies dans le champ des ASSO en 2016

(en milliards d'euros)

Mesures nouvelles PLFSS 2016

Économies relatives à l'ONDAM

3,4

Réforme des modalités de revalorisation des prestations sociales

0,4

Réformes déjà engagées (modulation des allocations familiales, réforme du cumul emploi-retraite et décalage de la date de revalorisation des pensions)

1,0

Dépenses de gestion des organismes de sécurité sociale

0,5

Lutte contre la fraude et ralentissement des dépenses d'action sanitaire et sociale

0,3

Accord Agirc-Arrco

1,0

Accord Unédic

0,8

TOTAL

7,4

Source : commission des finances du Sénat (à partir des propos du secrétaire d'État chargé au budget, Christian Eckert, devant l'Assemblée nationale le 20 octobre 2015)

*

En conclusion, compte tenu de l'incapacité du Gouvernement à infléchir de façon durable l'évolution des dépenses sociales et de la révision à la baisse de ses objectifs de consolidation des comptes, votre commission des finances a adopté, sur proposition de votre rapporteur pour avis, treize amendements de suppression des articles relatifs à l'exécution pour 2014, à l'exécution prévisionnelle pour 2015, aux prévisions de recettes et aux objectifs de dépenses pour 2016 et prévoyant l'adoption de l'annexe B, présentant la trajectoire pluriannuelle des organismes relevant du périmètre des lois de financement de la sécurité sociale de 2016 à 2019 . Cette position est cohérente avec celle adoptée par votre commission des finances sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2014 et sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2014 à 2019.


* 13 Dans le cadre de la loi n° 2014-892 du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

* 14 Cour des comptes, Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2016, p. 55 et suivantes.

* 15 3,4 milliards d'euros en comptabilisant les effets de la baisse du taux de cotisation d'assurance maladie, maternité et décès des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés (PAMC).

* 16 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

* 17 Ce qui correspond à 12 % des foyers allocataires.

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